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jeudi 1 novembre 2012

Les saints et les morts

Je suis né le jour de la Toussaint, un premier novembre, en 1955 (un 1 du 11 à 11 heures). Mes parents auraient pu, compte tenu de cette conjonction, m'appeler Toussaint. Ils m'ont appelé Xavier, cela était plus chic. Le deux novembre, étant le jour des morts, je n'ose imaginer le prénom dont j'aurais pu être affublé, si j'étais né un jour en retard.

Chez les braves gens, la Toussaint représente une visite au cimetière avec des chrysanthèmes (le modèle "pomponnette" ayant la cote aujourd'hui) ou des bruyères. Les cimetières sont très beaux et colorés, à cette époque de l'année. Quand le ciel est bleu - c'était le cas hier - une promenade au cimetière n'est point sans charme. On y repère des noms de famille et on se prend tout à coup à faire des rapprochements et des généalogies. La présence de ma mère, dans ces cas-là, est fort utile.

Le cimetière où gisent mes ancêtres est un cimetière fort accidenté, sis à Grivegnée, mais offrant une très belle vue sur la vallée dans un bel écrin de verdure. Mes vieux parents n'y ont plus accès. Nous les représentons Benjamin et moi. Ma mère s'arrête au sommet du cimetière à la tombe de mon frère aîné, mort à l'âge de 7 mois. Benjamin et moi allons alors sur les tombes des grands-parents et arrière grands-parents. Benjamin, l'enfant adopté, dépose toujours des fleurs sur la tombe de sa grand-mère d'ici. Cela me touche beaucoup. C'est un cimetière modeste. Rien à voir avec le cimetière de Robermont, ses monuments et ses mausolées.

Quelques images du cimetière de Robermont.












La tradition, depuis toujours, associe la fête de la Toussaint au souvenir des morts. C'est dire à quel point le discours de l'Eglise a de la peine à pénétrer le coeur du peuple. Car, dans la liturgie, le 1er novembre est réservé aux saints, le 2 novembre aux défunts.

Si l'on connaît généralement bien les défunts de sa famille, on connaît souvent moins les saints de son entourage.

Les évangiles, au lieu de parler de saints, parlent plutôt de bonheur. Ils parlent de gens heureux. La Toussaint est ainsi la fête des gens heureux, heureux parce qu'ils sont parvenus à rejoindre l'esprit des béatitudes :

" Heureux les pauvres de coeur ...
Heureux les doux ...
Heureux ceux qui pleurent ...
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ...
Heureux les miséricordieux ...
Heureux les coeurs purs ...
Heureux les artisans de paix ...
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice ... "

Mt, 5, 1-12

Les saints proclamés par le Vatican, à l'aune de ce critère, manquent parfois de sainteté. Le Vatican est-il le meilleur juge de la sainteté ? J'en doute.

Cela ne doit pas nous empêcher d'être attentif aux signes de sainteté autour de nous.

La Toussaint n'est donc pas le jour des morts, elle est le jour des heureux.

Le lendemain, le 2 novembre, on peut par contre faire mémoire des défunts.






Quelques pépites bien actuelles

Livre du Deutéronome : Recommandation aux juges (les juges ne sont rien d'autres à l'époque que ceux qui détiennent une quelconque parcelle de pouvoir, on ne parle pas ici du pouvoir judiciaire) : "Vous entendrez les causes de vos frères et vous trancherez avec justice les affaires de chacun avec son frère, ou avec l'émigré qu'il a chez lui. Vous n'aurez pas de partialité dans le jugement ; entendez donc le petit comme le grand " (Dt, 1, 16-17).

Conseil de Paul de Tarse aux parents : "ne poussez pas à bout vos enfants " ("ne révoltez pas vos enfants", selon la TOB) (Eph, 6, 4).

Et c'est Grégoire de Nazianze (mort en 390) qui écrit : " La loi des hommes est injuste et inégale. Pourquoi donc ont-ils châtié la femme et laissé l'homme impuni ? L'épouse qui a déshonoré le lit de son mari est adultère et la conséquence en est pour elle les dures sanctions des lois ; au contraire, l'homme qui est infidèle à sa femme n'encourt aucune peine. Je n'accepte pas cette législation ;  je n'approuve pas cette coutume. Ce sont des hommes qui ont légiféré de la sorte ; voilà pourquoi cette législation est dirigée contre la femme ; ils ont placé aussi les enfants sous l'autorité des pères et ils ont négligé les intérêts du sexe faible. Dieu n'agit pas ainsi ".

Je laisse à chacun le soin de donner corps et image à ce passage de Grégoire de Nazianze. J'insiste : il a été écrit au 4ème siècle de l'ère chrétienne !