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jeudi 25 février 2010

25 février 2010

J'ai acheté ce livre sans trop savoir ce que j'allais y trouver. Le titre m'avait intrigué: "Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates", roman de Mary Ann Shaffer & Annie Barrows (traduction française, Nil éditions, 2009).


C'est un livre attachant, parfois cocasse, avec une incroyable galerie de personnages. L'action se déroule juste après la fin de la seconde guerre mondiale et évoque la période d'occupation par les allemands des îles anglo-normandes, Guernesey, en particulier, où antérieurement Victor Hugo avait achevé  l'écriture des Misérables.  Le procédé littéraire retenu est original: le livre est constitué d'une collection de lettres ou de télégrammes entre les protagonistes de l'histoire. On découvre ainsi peu à peu qui est qui dans ce petit monde insulaire. Quant au titre de l'ouvrage, je n'en dirai rien. Il faut le lire pour en savoir un peu plus.

mardi 23 février 2010

23 février 2010 - Paroles sages

La Libre Belgique de ce jour publie une interview de Philippe de Woot à l'origine d'un prix couronnant des travaux d'étudiants portant sur la responsabilité sociétale des entreprises (LLB, 23/2/2010, p. 24-25). Il y livre des réflexions d'une telle sagesse que je les reproduis ici:

"Il faut élargir la finalité de l'entreprise et arrêter de la ratatiner au seul bénéfice à court terme pour l'actionnaire. La perfromance mesurée trimestriellement est une aberration. L'entreprise fait beaucoup plus que  de générer du profit. Elle crée du progrès humain, matériel et technique. Depuis que le monde est monde, cela a toujours été une fonction noble. Il faut donc remettre le progrès économique et technique au centre du débat. Sans parler du progrès social qui en dépend, du progrès politique, spirituel, culturel, etc. Abandonner ce concept de progrès, c'est réduire l'entreprise à ce qu'elle a de plus froid, de plus sec et de moins humain. C'est une déperdition intellectuelle et spirituelle. La tentation des écoles de gestion, aujourd'hui, est de former des super-financiers qui maîtrisent les ressources ...
Il faut remettre l'éthique au coeur des comportments et des stratégies. L'éthique commence au premier cri de la souffrance humaine. Prenons, par exemple, les licenciements, de pus en plus nombreux à ce jour. je ne dis pas que le système ne doit pas supprimer des emplois. Le licenciement ne doit pas être réglé comme un problème technique et financier mais comme un problème humain. Il faut les éviter au maximum par une formation permanente et s'occuper des gens qu'on licencie. Les changements peuvent être très rapides. Le vrai leader est celui qui parvient à donner un sens à l'action et à conduire les hommes. Il faut réveiller dans chaque individu ce qu'il a de convaincant. C'est toute la différence entre le savoir-faire et le savoir être."

J.P. Delevoye, médiateur de la République française, dans son rapport annuel pour l'année 2009, fait le constat "d'une société émiettée et en tension". Il perçoit, avec inquiétude, "une société qui se fragmente, où le chacun pour soi remplace l'envie de vivre ensemble, où l'on devient de plus en plus consommateur de république plutôt que citoyen". Une société en outre "en grande tension nerveuse, comme si elle était fatiguée psychiquement". Cri d'alarme et appel à réagir (Le Monde, 20 février 2010).

Ces deux déclarations se rejoignent. A méditer.
 

lundi 22 février 2010

22 février 2010

A l'occasion de quelques rangements, j'ai retrouvé un ancien portefeuille qui contenait encore quelques documents. Notamment, une feuille pliée en quatre, déjà un peu usée, où figure le texte suivant:

point
je n'en ai qu'un
c'est ce qui m'inquiète 

car il me met bien mal en point
et il me tient fort 

comme un point faible sait faire à ce point
c'est un point pas acquis
un point noir dans ma vie
jamais un point d'appui
 

point
pour faire le point
j'essaie de l'interroger plus ou moins
c'est en vain
de point en point,  je tourne en rond
point d'interrogation
point sensible qui fait mal
et pourtant point vital
et peut-être point final


Certains ont peut-être reconnu les paroles d'une chanson de Françoise Hardy.
Le texte était suivi manu scripto  des mots suivants: " ... peut-être... P. 1986".
Quatre années de ma vie me sont revenues en mémoire.

Il y a longtemps que je n'avais plus écouté Georges Shearing ... j'aime vraiment beaucoup.
J'écoute en ce moment:

samedi 20 février 2010

18 au 20 février 2010

Beaucoup de musique au long de cette journée, un peu administrative dans les tâches accomplies: Chopin (Les nocturnes en trois versions: Arthur Rubinstein, Samson François et Maria João Pires) et Haydn (Les symphonies londoniennes) suivant en cela les excellents conseils de mon ami, JPR.

Et puis
Léonard Cohen, que je peux écouter des heures entières.



J'aime la vie de quartier - surtout le mien - parce qu'il est multiculturel et mélangé socialement. On s'y parle. On se salue.

Et puis,  on fait de sérieuses économies en fréquentan les petits commerces maghrébins. Deux exemples: la coupe des cheveux + le shampoing + la barbe me coûte 12 euros! 4 euros, rien que pour le barbe. Longtemps, parce que c'était le plus proche, j'achetais mon petit déjeuner, à manger à la terrasse du café Randaxhe, au Point chaud qui est juste en face. Les croissants n'y sont pas terribles ... et leur prix vient d'augmenter: 1 euro pour un croissant nature. Un peu plus loin, à la boulangerie marocaine, les croissants natures sont à 0,50 cents et bien meilleurs. Je ne vois qu'une explication à cela: les petits artisans sont bien moins gourmands financièrement que les sociétés de boulangerie industrielles et surtout génèrent beaucoup moins de coûts de fonctionnement (il suffit de penser aux coûts de transport ...). Il est vraiment temps de repenser tous les circuits économiques.

Xavier s'écrit en arabe comme ci-dessus, c'est plus compliqué mais beaucoup plus joli.

jeudi 18 février 2010

17 février 2010

Je tiens bon. Et, tout bien réfléchi, on peut vivre sans alcool, en ne buvant que de l'eau, du thé vert ou des tisanes et du jus de fruits. C'est difficile à expliquer, mais le changement dans mon état physique, dans mes émotions, dans une certaine énergie retrouvée est tellement soudain et radical. Je me sens aujourd'hui plus vivant, plus confiant, plus audacieux qu'il y a quelques semaines. Comment expliquer cela? Et pourtant, voilà un thème qui habite toute la bible ... on oublie trop souvent qu'elle est un long discours avant toute chose sur l'homme: traversée du désert, exil, passage de la Mer rouge, des hommes remis debout, des hommes à qui sont rendus la parole ou la vue ou la liberté, mort/résurrection ....


Vérité, mensonge, certitude, incertitude ...
Cet aveugle là-bas sur la route connaît aussi ces paroles.
Je suis assis sur une haute marche et je serre les mains
sur le plus haut de mes genoux croisés.
Eh bien, vérité, mensonge, certitude, incertitude,
qu'est-ce que tout cela?
L'aveugle s'arrête sur la route,
sur mon genou j'ai décroisé les mains.
Vérité, mensonge, certitude, incertitude, tout revient-il au même?
Quelque chose a changé dans une partie de la réalité -
mes mains et mes genoux.
Quelle est la science qui explique ce phénomène?
L'aveugle poursuit son chemin et je ne fais plus de gestes,
ce n'est déjà plus la même heure, ni les mêmes  gens, ni rien de pareil.
C'est cela être réel. 

Fernando Pessoa - Alberto Caeiro
Hétéronymes


Très chaleureuse et intéressante conversation avec un couple de jeunes retraités, à la terrasse du Randaxhe, que je croise depuis fort longtemps. Il a beaucoup été question de voyages et de livres. Serai-je un jour un "jeune" retraité ou bien devrai-je travailler jusqu'à l'âge de 67 ou 68 ans?

Un ami de lycée que je croise de temps à autre (à vrai dire, le seul avec qui j'ai encore des contacts) m'avait invité pour un repas simple chez lui, hier soir. Victoire! Je n'ai pas décommandé à la dernière minute. Ce fut un moment très agréable. Constat: l'éducation que nous avons reçue l'un comme l'autre des jésuites ne manquait pas de qualités dans la formation intellectuelle, mais que de déficits et quel gâchis chez certains d'entre nous sur le plan de l'humanité et des émotions. Mens sana in corpore sano. Et le coeur dans tout cela?

dimanche 14 février 2010

Dimanche 14 février 2010

Profitant de mon marché dominical sur la Batte, je suis allé voir l'exposition temporaire qui a  lieu actuellement au Grand  Curtius "Miao de la tête aux pieds" depuis le 7 novembre 2009; c'était aujourd'hui le dernier jour.

L'ethnie Miao, qui vit en Chine dans la province de Ghizou, en est restée à la tradition orale: il n'y a pas d'écriture pour leur langue. Ils ont trouvé un autre langage: le textile. Il n'y a pas d'artisan en ce domaine chez les Miao. Chaque famille a son métier à tisser et fabrique les vêtements qui seront portés. Cette exposition est admirable, d'une beauté à couper le souffle, d'un extrême raffinement et en même temps d'une grande modernité.

Samedi 13 février 2010 - Les intérêts notionnels ... encore

S'il est une mesure fiscale qui a vraiment fait couler beaucoup d'encre depuis sa création (loi de juin 2005), en Belgique, c'est bien la "déduction pour capital à risque", mieux connue sous le nom d' "intérêts notionnels". A l'époque, très peu de publications se sont montrées critiques à l'encontre de ce système, présenté comme "unique au monde". Le ministre des finances, comme à son habitude, jouait son rôle de camelot et éludait toutes les questions embarrassantes. J'ai dû être à peu près le seul à souligner le manque de transparence de la mesure, sa complexité, certaines incohérences, l'impossibilité d'évaluer son coût budgétaire, l'impossibilité de garantir qu'elle aura un impact sur l'investissement et l'emploi ("La déduction pour capital à risque - Les intérêts notionnels", Rev. Dr. ULg., 2006, n° 1 et 2, numéro spécial du 50ème anniversaire). Mes remarques n'ont guère eu d'écho. C'est donc avec amusement, et ravissement, que, depuis quelques jours, des plumes autorisées ne font que reprendre ce que j'ai dit, sans doute trop tôt:
- Marco Van Hees, "Il faut supprimer les intérêts notionnels", Carte blanche, Le Soir, 10 février 2010;
- Thierry Afschrift, "Des intérêts notionnels", La Libre Entreprise, 13 février 2010.

Mon collègue Afschrift, donne un exemple qui illustre à quel point cette mesure peut être vide de sens et parfaitement inutile du point de vue des finances publiques et de l'économie belge. L'exemple mérite d'être rapporté pour que mes lecteurs comprennent bien. Supposons une société étrangère, qui réalise des bénéfices; elle crée une filiale en Belgique, ce qui suppose un apport d'argent à cette société (ceci peut se réaliser sans avoir d'impôt à payer en Belgique); cet apport donne droit à des intérêts notionnels à concurrence de 3,8 % des fonds propres apportés; à peine apportés, les fonds sont prêtés par la filiale belge à sa société mère étrangère assortis d'un taux d'intérêt de ... 3,8 %. Ces intérêts pourront être déduits comme charges financières par la société mère étrangère et ils ne seront pas soumis à l'impôt des sociétés dans le chef de la société belge. Selon mon collègue Afschrift, l'Etat belge ne perd rien, car, si le mécanisme des intérêts notionnels n'avait pas existé, ce montage n'aurait pas été mis en place. Il convient de dire qu'il ne gagne rien non plus: ce montage ne crée aucun emploi en Belgique (on voit même des sociétés étrangères, qui ont bénéficié du procédé, licencier à tour de bras); l'argent apporté ne donne pas lieu à des investissements en Belgique; et cela ne rapporte rien au budget de l'Etat. On ne ne peut évidemment qu'être abasourdi de voir un ministre des Finances se soucier comme d'une guigne de l'économie nationale et permettre à des sociétés étrangères d'échapper à l'impôt dans leur propre pays!

Si contrairement à ce qu'on a dit, la mesure ne vise qu'à renforcer les fonds propres des P.M.E. ... vu que les banques concèdent de moins en moins aisément du crédit, alors il fallait que la mesure soit ciblée en ce sens. Des mesures ont déjà poursuivi cet objectif avec succès par le passé. Pourquoi avoir fait autre chose moins bien?

S'il s'agissait de jouer le jeu condamnable de la concurrence fiscale entre Etats européens, pourquoi n'a-t-on pas simplement réduit le taux de l'impôt des sociétés en supprimant des déductions parfois inefficaces ou des régimes d'exceptions injustifiables?

Tant qu'à faire preuve d'imagination ..., n'y a-t-il pas lieu de l'exercer plus utilement?

Mercredi 3 au vendredi 12 février 2010 - L'hôpital

De ces huit jours en milieu hospitalier, je vous épargnerai les aspects médicaux et les récriminations sur la médiocrité de la nourriture.  Je n'évoquerai pas non plus les trésors d'imagination déployés pour m'aider à tromper l'ennui de journées toujours trop longues. Je vais plutôt  livrer une galerie de portraits.

S'il y a bien un endroit où on est amené à cohabiter, dans des circonstances parfois intimes, avec des gens différents, d'autres milieux sociaux, des gens qu'on n'a pas choisis, c'est bien à l'hôpital. Cela change de ces cercles où ne se croisent que des gens de qualité, ou du même bord, de la même éducation, du même niveau culturel. En une semaine, j'ai fait des rencontres pour le moins contrastées.

Lorsqu'on m'a expliqué au service des admissions qu'il n'y avait pas de chambre individuelle et que je serai dans une chambre à deux, je n'ai pas fait un bond de joie.

Une bénévole de la croix-rouge me conduit jusqu'à ma chambre. S'y trouve un très vieux monsieur avec de grandes lunettes. Je me présente:
- Xavier Parent,
- Léon Lacroix,
- Excusez-moi, monsieur, mais j'ai l'impression de vous connaître. N'étiez-vous pas professeur à la faculté de philosophie et lettres de l'Université de Liège?
- Oui, en effet, j'étais helléniste, mais j'ai fini ma carrière, en histoire de l'art, comme spécialiste des monnaies anciennes.
- Je suis professeur à la faculté de droit!
- Bienvenue, cher collègue. Vous devez avoir devant vous le plus vieux professeur encore en vie de l'Université.
- Permettez-moi de vous demander votre âge.
- 101 ans!
Il s'en suivit une petite conversation sur l'Université d'hier et celle d'aujourd'hui, rendue compliquée par la mauvaise ouïe de mon compagnon. En moi-même, je me suis dit que j'aurais pu tomber plus mal.
Ce vénérable vieillard a lu de 13 heures à 23 heures, sans bouger, assis sur une chaise, d'abord les premières comédies de Molière, ensuite, un ouvrage qui avait l'air très ancien sur la vie à Athènes dans l'Antiquité.

Le lendemain, le voilà remplacé par un jeune homme d'une vingtaine d'années, un peu clodo, un peu simple d'esprit, flanqué de sa copine du même acabit ("sa femme", comme il disait). Il lui était interdit de manger, ce qui le mettait dans une rage folle. Il avait une telle peur des piqûres qu'il fallait trois personnes pour le maîtriser. Tout qui portait une blouse peu ou prou liée à l'hôpital était interpelé par lui pour se faire injurier, parce qu'il avait faim. Il est d'ailleurs sorti de l'hôpital avec baxter et perfusions pour aller s'acheter une pita interdite de l'autre côté de la rue. C'est comme cela que je me suis retrouvé à fréquenter la chapelle, juste pour avoir un peu de calme. La présence de Sainte Rita, de Sainte Thérèse et de Saint Charles Borromée était plus silencieuse. Car, ce n'est pas tout: la copine débarquait dans la chambre à 7h15 du matin et ils avaient demandé la connexion de la télé dont il ne pouvait apparemment pas plus se passer que de manger. J'avais ainsi le grand bonheur de sortir d'un sommeil déjà difficile au son des Simpsons ... et de la voix de Marge! Moi, d'habitude si courtois, j'ai quand même réagi un peu vertement. C'est pourquoi j'ai fait une fugue moi aussi ... pour trouver dans le quartier une pharmacie et y acheter des boules Quiès! Comme en outre, il ne se lavait pas, j'ai supplié les infirmières pour qu'on lui donne une douche forcée ... mais il voulait la prendre avec "sa femme". Trois jours pour le moins difficiles. Mais quelle jeunesse ce garçon a-t-il connu? Par quelles épreuves est-il passé?

Lui a succédé un digne monsieur de 82 ans, qui venait de perdre sa femme. Il était issu du monde rural. J'aurais voulu lire un peu, mais lui aimait parler ... non pas de sa femme, mais de son jardin de 400 m2. Je sais maintenant tout sur les variétés de pommes de terre, les meilleures salades, le rendement des fraisiers ... et sur toutes les crasses qu'on nous vend dans la grande distribution.

Enfin, le jour de mon départ, arrivait un homme de mon âge complètement à bout. Il avait partagé sa chambre avec un compagnon d'origine méditerranéenne entouré quasi en permanence d'une quinzaine de personnes au verbe haut. Or, assez mal en point, il avait vraiment besoin de repos. Partager ma chambre était pour lui une libération ....

Je n'oublierai jamais non plus une petite dame, hospitalisée, venant d'un milieu populaire qui, me voyant dans le couloir avec les larmes aux yeux  (quelle idée aussi d'écouter du fado en pareille circonstance!) me dit: "Courage, monsieur. Donnez-moi la main". Le lendemain, je la croise à nouveau et je la remercie pour son geste de la veille. Et elle me dit: "Vous savez, je n'aime pas de voir les gens tristes. C'était normal".

Pour clore ma galerie de portraits, il faut évoquer l'exposition de photos que l'on peut suivre dans les différents couloirs de l'hôpital. Certaines religieuses, à qui l'hôpital fut confié à l'origine, les soeurs de Saint Charles Borromée, sont tout bonnement effrayantes dans leur costumes d'époque!


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Parmi les nombreuses lectures, rendues possibles par ma mise à l'écart, je voudrais évoquer un petit livre, que je relirai sans doute. C'est un livre très connu de la littérature nordique (en particulier, finlandaise): Le lièvre de Vatanen, Arto Paasilinna,  Folio, Gallimard, 1993. Une autre édition existe dans la collection La bibliothèque, toujours chez Gallimard, 2004, assortie d'un dossier et d'exercices pour des lecteurs lycéens.


C'est un livre assez inclassable, qui peut plaire en effet à la jeunesse, mais interpeler tout autant les adultes. Un peu road movie, un peu récit initiatique, un peu conte philosophique, un peu manifeste écologique. Plus proche du recueil de nouvelles, malgré deux personnages récurrents: un homme et un lièvre.


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J'aime bien cette phrase: "Je suis dans un temps où je dois risquer. Si on n'emploie pas de nouvelles possibilités, on devient un fonctionnaire de soi-même", Alberto Reguera, peintre, Segovia, 1961-?

mardi 2 février 2010

2 février 2010

Il y a trois jours, Sibylle m'expliquait que, si elle avait choisi de faire des études de droit, c'était, comme chez nombre de jeunes étudiants (mais pas toujours ...) dans une perspective sociale. Devenir juriste (avocat d'abord, magistrat peut-être un jour) pas pour faire carrière, pas pour gagner beaucoup d'argent, mais pour aider.

Alors que je ne regarde jamais la télévision, je suis tombé hier sur un documentaire finalement assez exceptionnel: "Couples en crise: face au tribunal" d'Amal Moghaizel (FR3, 20 h 35). L'intitulé du documentaire est réducteur. Il ne s'agit pas toujours de couples. Mais il s'agit toujours de situations où l'émotion est palpable, exacerbée même. Interviennent alors les "professionnels du droit".

Un juge traverse tout ce reportage (lui et son équipe). Il a suscité en moi le plus profond respect. Il faut, pour être juge, des capacités exceptionnelles. Notamment d'humanité. J'ai le regret de le dire, mais les avocats représentés dans ce documentaire étaient rarement au même niveau que ce juge; ils étaient même parfois déplorables. Je pense particulièrement à une avocate qui avait trop bien compris tout le profit qu'elle pouvait tirer d'une haine entre deux conjoints. Respect pour le juge. Mépris total pour l'avocate.

Que dire alors des cabinets d'affaires? La Libre Belgique du week-end dernier (30 janvier 2010) comportait un encart gratuit réalisé par la Régie générale de publicité et intitulé "Fiscalité". On y trouve des informations. Mais surtout on découvre qu'un certain nombre de spécialistes de la fiscalité belge s'y exposent (eux et pas d'autres). Je trouve la démarche ambigüe. S'agit-il d'informer? De faire de la publicité pour l'un ou l'autre cabinet? De débat contradictoire, je n'en ai pas trouvé en tout cas. Qui a décidé du panel? Qui finance l'initiative? Il y a des avocats en droit de la famille qui suscitent mon mépris le plus total. Je ne trouve plus les mots adéquats, quand il s'agit de certains cabinets d'affaires.

J'espère que mes collègues actifs auront recommandé à tous leurs étudiants de voir
ce reportage et auront suscité le débat à son propos. Mais l'ont-ils regardé? Sont-ils prêts à considérer qu'on y apprend peut-être plus que dans les pages de leur syllabus, leur manuel ou leur traité? J'oubliais ... maintenant, il y a des stages. Mais des stages dans quel but?

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Ma mère a une spécialité: transformer les jours de joie en enfer.

Jour de joie, bien sûr. Ce matin, Sam et Ben sont partis ensemble avec un travail dans les mains. Pour un temps peut-être, mais un travail. A quelle heure vont-ils rentrer? Impossible à dire. Où Sam logera-t-il? Impossible à dire. Où mangeront-ils? Là, où ils pourront. L'essentiel est d'avoir la porte ouverte.

Pour ma mère, il n'en va pas ainsi. Elle doit savoir s'ils vont manger chaud à midi ou le soir et à quelle heure. "Ah, en plus, il ne viendra pas ce soir! Alors que j'avais tout prévu".

Maman,
- tes deux petits fils travaillent. Pour un des deux, c'est le premier jour;
- demain, j'entre à l'hôpital;
- j'ai proposé de faire vos courses aujourd'hui et tu as décliné. Les choux de la batte sont trop gros. Au GB, on ne peut pas acheter les carottes à la pièce. En face de chez toi, on ne vend pas de persil.  Tout cela est faux en plus;
- alors que papa s'intéressait normalement aux dernières nouvelles, tu as recommencé: "c'est l'enfer ici, il recommence avec mes anciennes amies, les soupçons ...". Du délire. Mais je vais finir par me demander qui délire.

Pourquoi transformes-tu immédiatement toute joie en enfer pour les autres?
Pourquoi faut-il que tu exerces toujours cette pression négative?
Comme il est impossible de te le dire à toi,
j'essaye de le dire à des lecteurs qui comprendront peut-être.


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Je ne sais pas combien de temps je vais rester à l'hôpital, mais j'ai prévu de la lecture pour deux semaines (sans compter les journaux et magazines). De tout ce que j'aurai lu, je vous parlerai plus en détail. A mon retour.

Si je puis lire et écouter de la musique, mon hospitalisation ne sera pas si pénible que cela.
Les démons n'auront pas gain de cause.


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lundi 1 février 2010

1er février 2010

Jordi Savall et Montserrat Figueras constituent un couple mythique de la musique. En leur compagnie, j'ai connu,
connais, et connaîtrai encore de grandes émotions. Un aspect de l'oeuvre de Jordi Savall porte sur le rapprochement, l'abolition des frontières musicales. Rappeler que quelques thèmes ont voyagé dans le monde entier, qu'il n'y a guère de différence entre le chant du muezzin et certaines mélodies grégoriennes (surtout dans le chant mozarabe), elles-mêmes nourries par la tradition juive, que telle berçeuse chantée par une juive askhenaze ressemble comme deux gouttes d'eau à une autre chantée en Perse.



La rayonnante Christina Pluhar suit la même démarche.




Ce très beau couple a ouvert à la musique deux enfants: Ariana et Ferran. Ils ont ensemble réalisé un album familial.

 


Fils et fille s'essayent à une carrière solo. Avec un tel héritage, cela ne doit pas être facile d'exister soi-même.

Ariana a réalisé, en 2003, un album "Bella terra" (Aliavox). Je ne suis jamais parvenu à être ému par cet enregistrement. Il est fade, long et ennuyeux.



Je me suis dit, dès lors, que le petit frère (30 ans quand même) allait m'avoir au tournant "Mireu el nostre mar" (tel est le titre de l'album) (2009). Il réussit beaucoup mieux. Mais je me dis qu'on ne doit pas rire souvent chez les Savall! Ce n'est pas grave. Je ne ris pas souvent non plus. Ou je n'en ai plus l'occasion.



Une des chansons, sur un thème traditionnel, fait partie de l'office des moines de Wavreumont (office du matin).  Quand je parlais de frontières abolies ...

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Il neige, de la neige froide et mouillée.
Je n'aime pas cela.
Pas à cause de moi.
Simplement parce que cela suscite en moi un souci pour des très proches qui y sont confrontés (en voiture ou à vélo).

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Jusqu'où peut-on aller dans les confidences avec un étudiant?
Tout à l'heure - mais je pense qu'il comprenait - je suis peut-être allé un peu trop loin.


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Et toujours, ce même cri, cette même souffrance ...
Dormir seul.
Ai-je besoin d'une présence pour me rassurer pendant ces heures où nous nous perdons vers d'autres rivages, remplis de dangers?
Peut-être.
Trouver un peu d'apaisement dans le corps à corps, la chaleur des corps, l'abandon et la confiance.
Simplement.
Sans que cela implique une relation sexuelle.

Je sais que je suis encore en train de rêver.