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dimanche 24 février 2013

Le vrai visage


La liturgie de ce jour nous convie à lire le récit de la Transfiguration (Lc, 9, 28-36).

Reprenons la chronologie. Il y a eu le baptême de Jésus par Jean (Lc, 3, 21-22) : Jésus découvrait QUI il était "Tu es mon fils. Moi aujourd'hui je t'ai engendré". Il y a eu le moment du questionnement, du choix : comment incarner cette découverte ? C'était le récit des trois tentations au désert (Lc, 4, 1-13), lu la semaine dernière. Nous nous situons après. Jésus, le modeste charpentier de Nazareth, parle et guérit. D'une part, il commente les écritures d'une manière nouvelle, moins formaliste, et, d'autre part, par des mots, des gestes ou sa seule présence, il libère et remet debout des gens fragilisés ou malades. Le résultat est le suivant : le peuple des gens simples fait de lui un thaumaturge ; le peuple des gardiens du Temple, de la foi et de la tradition voit en cet électron libre un danger. Jésus aurait-il fait le mauvais choix ? Jésus doute.

"Environ huit jours après ces paroles" ( Lc, 9, 28), dit le texte, ce que la  liturgie omet de dire en ce jour. L'épisode intervient en effet après un autre tout proche. Jésus posait à ses disciples les plus proches (Pierre, Jacques et Jean) la question suivante : " Qui suis-je au dire des foules ? " (Lc, 9, 18) ; " Et vous, qui dites-vous que je suis ? " (Lc, 9, 20). La réponse de Pierre sera: " Tu es le Christ de Dieu" (Lc, 9, 20). Jésus lui répond alors avec sévérité : " N'en dites rien ", puis il a annoncé pour la première fois sa passion, autrement dit, que tout va mal tourner (Lc, 9, 22), à moins que ... Jésus a beaucoup douté. Il attendait que d'autres le confirment dans sa mission. Son doute rejoint peut-être notre doute.

Après la solitude du désert, Jésus se retire sur une montagne pour y prier. Prier sur la montagne est un symbole dans la Bible. La montagne est le lieu de la rencontre avec Dieu depuis l'expérience de Moïse au mont Sinaï (Ex, 19, 16). Il y a la prière au désert et la prière au sommet de la montagne.

Cette fois, Jésus n'est pas seul. Il convie trois disciples : Pierre, Jacques et Jean, les mêmes que lors de l'entretien précédent.

Il s'est alors passé quelque chose d'extraordinaire pour ces trois disciples : ils ont découvert, en un moment fugace, le vrai visage de Jésus. Pas celui de la foule, pas celui des gardiens du Temple, même pas celui qu'ils s'étaient forgé eux-mêmes, mais son vrai visage. C'est rarissime de pouvoir découvrir ainsi un de ses proches. Nous sommes tellement encombrés de préjugés, d'attentes particulières, de réticences, d'idéaux ...

Observons que c'est en priant que Jésus révèle son vrai visage à ses intimes.

L'évangéliste Luc associe à cet événement Elie et Moïse, comme figures tutélaires : Moïse, le libérateur ; Elie, la grande voix du peuple.

Comment enfin ne pas faire un lien entre le Jésus transfiguré d'aujourd'hui et le Jésus défiguré de la passion ? 


mercredi 20 février 2013

Justice distributive

La justice redistributive, en matière fiscale, consiste à  ce que chacun paie selon ses moyens, sa capacité contributive, dit-on : celui qui a plus doit payer plus (voire même proportionnellement plus) que celui qui a moins.

En dehors des pays, qui ont adopté une flat tax,  soit un impôt à taux unique sur les revenus, quel que soit leur montant, la plupart des pays connaissent un système d'impôt sur les revenus progressif par tranches. Dans ces systèmes, les tranches les plus élevées du revenu subissent un taux supérieur à celui applicable aux tranches les moins élevées. Dans les deux cas, l'impôt peut être de 0 % pour les revenus les moins élevés, comme s'il était indécent de réclamer des impôts à ceux qui ont à peine de quoi vivre. Il y a une certaine logique à cela : les précarisés de nos sociétés occidentales vivent souvent d'allocations sociales versées par l'Etat (chômage, assurance maladie invalidité, CPAS ...). Décider de taxer ce qu'on verse soi-même ne peut relever que d'un esprit un peu tordu. La progressivité participe d'un souci de redistribution animé par une certaine conception de la justice sociale. Il est amusant, à cet égard, de faire le relevé des pays qui appliquent une flat tax. En Europe, il s'agit de presque tous les pays de l'Est qui ont peu ou prou eu à voir avec le communisme ! Comme si l'idée qu'une justice distributive par l'impôt ne les avait pas encore atteint, alors que des énormes fortunes se créent à côté d'un large peuple vivant à la limite du seuil de pauvreté.

Un taux de 0 % ou presque rien pour les plus pauvres ... à peu près le même taux auquel sont effectivement soumises certaines grandes sociétés nationales ou multinationales, et certains rentiers qui vivent de plus-values boursières et ne connaissent aucun impôt sur la fortune (c'est le cas en Belgique). Etrange paradoxe que de traiter les plus pauvres et les plus riches de la même façon, à l'exception des autres.

En Amérique du Nord, le privilège des plus riches se traduirait par un sentiment philanthropique plus élevé. Aux Etats-Unis, quand on est très riche, on paie peu d'impôts, mais on subsidie davantage d'oeuvres philanthropiques. Tout au privé, le moins possible par l'Etat. Un choix évidemment discutable.

Etrange paradoxe aussi que cette TVA, dont le poids varie selon les pays, mais qui, sous réserve de taux différents pour les biens de première nécessité et les produits de luxe, met tout le monde sur le même pied. L'impôt le plus injuste qui soit. Le pain du pauvre et le pain du riche soumis au même taux.

Mettre tout le monde sur le même pied. Est-ce juste ? Est-ce équitable ? La justice distributive serait-elle uniquement une question fiscale ?

Deux sujets d'actualité témoignent du contraire. Ils suscitent l'un et l'autre la polémique.

Le ministre Nollet a suscité un beau tollé en proposant une nouvelle tarification pour les besoins en électricité. Le système actuel repose en effet sur deux piliers : des frais fixes identiques pour tous, imposés par les distributeurs et un tarif dégressif : plus on consomme, moins on paie. Le résultat est limpide : l'énergie coûte proportionnellement plus cher à ceux qui ont de faibles revenus et se voient contraints de limiter leur consommation qu'à ceux qui consomment sans regarder, que l'on peut supposer plus fortunés. N'est-ce pas un cas flagrant d'injustice, en même temps qu'une incitation à la consommation d'énergie chez ceux qui peuvent se le permettre ? La question mérite au moins d'être posée. En  proposant 500 kw/h gratuits pour tous et une tarification progressive au-delà, le ministre a suscité une levée de boucliers. Il n'est décidément pas simple de prôner la justice distributive !

Deuxième exemple, en France, cette fois, un vieux sujet rabâché : pourquoi ne pas taxer les allocations familiales ? L'Etat taxerait donc des sommes qu'il verse lui-même, donnant d'une main et reprenant de l'autre. La question qui se pose n'est-elle pas plutôt celle-ci ? Est-il juste, équitable, que les allocations familiales soient les mêmes pour un gosse de riche et pour un gosse de pauvre ? Ne devraient-elles pas dépendre des ressources dont disposent les parents ? Comme il existe un taux zéro pour la taxation des bas revenus, il devrait exister des allocations familiales dégressives et à taux zéro pour les plus fortunés. La Belgique cumule deux systèmes peu transparents : des allocations familiales (subside direct) et des réductions d'impôt pour enfants (subside indirect). Il serait temps de fusionner les deux systèmes. A une époque, aujourd'hui heureusement révolue, les réductions d'impôt, en Belgique, conduisaient en outre à accorder une subvention plus importante aux enfants de riches qu'aux enfants de pauvres.

Ces questions sont délicates à traiter.

Bien des choses devraient être mises à plat pour assurer une juste redistribution. Encore faut-il le vouloir.



mardi 19 février 2013

Marie et le musulman


J'en avais parlé, lorsque j'avais évoqué quelques souvenirs du dernier 15 août en Outremeuse. Un jeune musulman avait pris la parole, à la fin de la messe en wallon, pour rendre à sa manière un hommage à Marie, la patronne du quartier où il vit lui aussi.

Il vient, après bien des péripéties, de m'envoyer son texte. Je vous le livre tel quel.

Merci Jamal !

Islam, ce message divin de paix, de justice et de vérité

Dieu des cieux et de la terre,
A Toi la grâce en ces terres,
Où tant d’hommes, de femmes soufrèrent,
Qui, malgré les tricheurs austères,
Sous la croix ou la bannière,
Vécurent leur foi toute entière,
              *****
Tu as chargé de missions des hommes communs,
Et fait de Marie une femme  hors du commun,
Révélé aux humains la valeur de cette vie transitoire,
Qui en dehors de son sens sublime, reste illusoire,
Or ne subsiste que les cœurs préservés dans la trajectoire,
             *****
La calomnie s’est pourtant bien généralisée,
Tant de ruses et de perfidies pour diaboliser,
Des gens communs et généreux, prompts à pacifier,
Et comme pour leurs cousins dans un proche passé,
Sont à leur tour montrés du doigt et harcelés,
Par  quelques gens qui n’ont de cesse à persécuter,
                     *****
Mais foi et raison doivent toujours se maintenir,
Si l’un manque, plus rien ne peut tenir,
Parce que tous deux se complètent sans s’abolir,
Raison et sagesse ne peuvent qu’embellir,
Là où ignorance et haine ne font qu’enlaidir,
                  *****
C’est cela le message de l’Islam qui appelle toutes les âmes,
À se retrouver dans leurs différences et sans blâme,
Pour construire ensemble un monde plus humain dans l’âme !
Inspiré de Marie comme modèle universel pour les femmes,
De Jésus et les autres prophètes pour les hommes.

dimanche 17 février 2013

Les trois tentations


En ce premier dimanche du carême, la liturgie nous invite à réentendre l'épisode du séjour de Jésus, au désert, pendant quarante jours, moment où il sera soumis à trois tentations. Cet épisode est relaté dans les trois évangiles synoptiques et lu cette année dans la version de Luc (Lc, 4, 1-13).

D'abord, le contexte : l'épisode se situe juste après le baptême de Jésus par Jean dans le Jourdain.  Ce jour-là, Jésus a fait une expérience intérieure déterminante. Il a découvert QUI il était : "Tu es mon fils ; moi aujourd'hui je t'ai engendré" (Lc, 3, 22). Observons que cette expérience lui révèle qui il est, mais ne lui dit pas ce qu'il doit faire. Jésus se trouve ainsi amené à exercer sa liberté, à faire des choix. Comment faire pour incarner cette découverte intime ? L'heure des choix est aussi celle des tentations.

Jésus prend un temps de désert pour peser le pour et le contre. 40 jours, terme symbolique, qui correspondent aux 40 années passées dans le désert par les Hébreux, à la suite de Moïse, lorsqu'ils ont quitté l'Egypte, terre d'esclavage, pour la Terre promise.

Jésus subira trois tentations, nous dit Luc.

Tu jeûnes, tu as faim, lui dit le démon, si tu es le fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. Jésus répond : ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre.

Cette première tentation nous renvoie à nos besoins et à nos manques. Le démon est habile et le message très actuel. Tu manques de ceci, pourquoi t'en priver, alors qu'il te suffit d'un rien pour combler ce manque ? N'est-ce pas le discours de la société consumériste qui, à la fois, se vante de satisfaire tous les besoins, tout en en créant sans cesse de nouveaux. La réponse de Jésus comporte deux aspects : d'abord, le manque, la privation, peuvent avoir un sens : ils permettent de créer un espace d'ouverture ; ensuite, la vie de l'homme ne peut pas être faite que de satisfactions, de désirs matériels comblés, de réussites professionnelles ... Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre. Paul Ricoeur relève que notre société actuelle donne les moyens de vivre, mais bien peu de raisons de vivre. C'est assez exact.

La deuxième tentation est liée à l'exercice du pouvoir. Je te donne le pouvoir et la gloire sur tous ces royaumes, à une condition, dit le démon, c'est que tu te prosternes devant moi. Jésus répond : je ne me prosternerai que devant Dieu, c'est lui seul que j'adorerai.

Les choix de Jésus sont radicaux. Il n'est guère prêt aux compromis avec le démon. Le message une fois de plus est d'une actualité étonnante : pour le pouvoir ou la gloire, combien sont ceux qui sont prêts à se prosterner devant des idoles ?

La troisième tentation est la pire. Si tu es le fils de Dieu, jette-toi du haut du temple, n'est-il pas écrit que des anges te porteront, dit le démon. On peut y voir un appel à ce que Jésus démontre ses pouvoirs miraculeux, surhumains. Jésus ne succombera pas à cette troisième tentation. Je vois, pour ma part, deux aspects dans cette troisième tentation. Si Jésus a fait des "miracles", ils ont toujours été liés à une rencontre humaine, un mot, un geste, non à un prodige. Le plus important, dans cette troisième tentation, est qu'elle portait sur la foi même de Jésus. Le démon éprouvait la foi de Jésus. Et Jésus répond au démon : tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur, ton Dieu.

Il y aura bien entendu la dernière tentation, sur la croix : aller jusqu'au bout, la mort acceptée, condition pour que naisse la vie. Si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi même (Lc, 23, 37). Si Jésus s'était sauvé lui-même, sa vie, sa mort, n'auraient plus eu aucun sens.

Ne nous avait-il pas expliqué que "le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle " (Jn, 12, 24-25)




mercredi 13 février 2013

Pape ?


A la surprise de tous, Benoît XVI a présenté sa démission à la date du 28 février prochain. Il avait dit, dans un livre d'entretiens, qu'un pape pouvait donner sa démission et qu'à ses yeux, il le devait même, si ses capacités intellectuelles, physiques et spirituelles ne le portaient plus.

Le communiqué de l'AFP ne précise pas si la démission du Pape est liée à des problèmes - ou une fatigue - intellectuels, physiques ou spirituels.

Alors que beaucoup se déchaînent dans l'irrévérence, je veux reconnaître à ce pape, avec qui je ne me suis guère senti d'atomes crochus, un certain courage, de la lucidité et de l'humilité. Au moins, nous épargnera-t-il l'image que Jean-Paul II, par orgueil, je crois (certains parleront d'esprit de sacrifice, ce qui revient au même) a imposée à tous d'un pape totalement impotent et incohérent qui refuse de décrocher, parce qu'on ne descend pas de la croix. Benoît XVI met à sa juste place le sens du devoir. Il a admis que tout humain avait le droit de refuser la croix. Ce n'est pas rien. C'est même, dans une certaine vision de la religion catholique, assez révolutionnaire.

On s'est empressé de vouloir béatifier Jean-Paul II, pour son héroïsme, en fera-t-on de même pour Benoît XVI, pour son humilité ?

Benoît XVI, le pape dit conservateur, voire restaurateur, n'est-il pas en train d'ouvrir, par sa décision, une formidable fenêtre pour l'Eglise catholique ?

Il affirme, par sa décision, que l'Eglise a besoin d'autre chose que d'un vieillard à sa tête.

Il questionne par la même toute la conception hiérarchique de l'Eglise catholique romaine.

Alors, osons rêver à l'Eglise que cette fenêtre entrouverte laisse apercevoir.

Ce rêve ne sera pas si simple. Déjà, les positions exprimées adoptent toutes les nuances de l'arc-en-ciel entre ceux pour qui l'Eglise est immuable, élément d'un ordre établi, et ceux qui pensent qu'elle doit être vivante et un ferment, à sa juste place, au coeur du monde moderne.

Ah, si j'étais pape...

D'abord, je modifierais de fond en comble la garde-robe de tout le personnel ecclésiastique du Vatican. Finis les dentelles, les pourpres, les ors, les cols romains, les soutanes, les mitres, les crosses, les mocassins rouges ou violets, les hermines, les calots, les larges ceintures sur  ventre bedonnant et les voiles pour bonnes soeurs polonaises. De cela, on fait un musée de la mode ecclésiastique. Ce decorum vatican ressemble tellement à celui du temple de Jérusalem dénoncé par Jésus. Jésus ne s'habillait-il pas comme les gens simples de son temps ? Pourquoi celui qui est censé le représenter ne ferait-il pas de même en toute sobriété ? Saint Benoît dit des moines qu'ils doivent porter l'habit usuel des gens auprès desquels ils vivent. Sur cette base, de nombreux monastères ont abjuré la bure et décidé que les moines s'habilleraient comme tous, sauf au choeur, pour la prière. La coule blanche ou noire n'a pas pour but de marquer une différence avec les autres ; elle vise simplement à distinguer le temps de la prière du temps commun. A ce titre, tout croyant, tout priant, devrait être revêtu de la coule blanche, quand il vient pour célébrer la liturgie et prier.





Ensuite, je désacraliserais la Basilique Saint-Pierre pour en faire un monument historique : n'est-elle pas cela ? Constitue-t-elle vraiment un lieu adéquat pour célébrer le message évangélique ? Les béatitudes ? Les deux commandements : aimer Dieu d'abord, et ensuite, comme par voie de conséquence, surtout tout homme ? Est-ce le lieu où la priorité est donnée aux pauvres et aux marginaux ? Est-ce le lieu, où, à la suite de Jésus, il est permis de contester le pouvoir du Temple et les marchands du Temple ?

Par ailleurs, si j'étais pape, je ferais, par priorité, la toilette des dogmes. Et je commencerais - sans hésiter - par abroger le dogme de l'infaillibilité pontificale. Ma parole de pape en vaut bien une autre. Quelle aberration de conférer à un seul homme le soin de dire à tous ce qu'il faut croire, penser (l'Esprit Saint n'inspire pas toujours les uns et les autres de la même manière). J'expliquerais que, dans la quête de la "vérité", il s'agit toujours d'essais, d'approximations, ce qui suppose bien des chemins et bien des issues et qu'il ne peut exister un seul chemin, une seule issue, juste des tentatives et que plus il y en a, plus on approche du but. Ce faisant, j'appellerais à l'humilité, à l'ouverture et au débat. Le temps n'est plus où il faut être le "gardien du dogme" - ce  temps n'aurait jamais dû exister - par contre, le temps est venu où il faut être assez sûr de soi pour prendre part au débat et y faire entendre peut-être une autre voix. Dans la foulée, j'abolirais  le dogme de l"immaculée conception" ; une "conception" intellectuelle, aberrante et inadéquate. A quoi sert-il d'affirmer que Marie,  était sans tache, donc sans péché (déjà qu'elle était une mère vierge), à la conception  de Jésus ? Un délire de la pensée.

Si j'étais pape, je ne passerais pas mon temps à  essayer de réintégrer les traditionalistes, je ferais plutôt le ménage dans l'Opus Dei et ses tentacules et je dialoguerais franchement avec les théologiens de la libération qui ont vraiment beaucoup à nous apprendre (et ne sont pas d'horribles marxistes).

J'abolirais l'Etat du Vatican. Les chrétiens n'ont pas à avoir un Etat et à disposer d'un chef d'Etat.

Si j'étais pape, il n'y aurait plus de pape. Je réorganiserais l'Eglise autrement, sous la forme d'une communauté d'Eglises autocéphales, comme à l'origine, comme encore aujourd'hui dans l'orthodoxie, des Eglises ayant chacune leurs particularités et des représentants élus ouverts au dialogue avec les autres.

Je ne cesserais d'affirmer la priorité pour les pauvres et de dénoncer les dérives des riches et des puissants, sans compromission aucune. A cette fin, il est évident que les chrétiens n'ont plus à être représentés par un chef d'Etat.

J'ouvrirais le dialogue oecuménique le plus large possible et mettrais tout en oeuvre pour favoriser le dialogue interreligieux et combattre tous les intégrismes. Ce dialogue serait également ouvert, sans frilosité, avec le monde laïc. Par cette politique d'ouverture, je ferais en sorte que la foi, le sentiment religieux, ne soient pas une étiquette qui conduise au rejet ou à une mise à l'écart, mais un éclairage, une dimension sur bien des sujets.

Puis, plus anedoctiquement, je remercierais et licencierais tous les parasites qui vivent du Vatican. Ils sont nombreux. On devrait bien trouver quelque argent pour les indemniser. Chauffeurs, majordomes, couturiers, marchands du Temple, traiteurs, vendeurs de souvenirs ... comme il s'agit surtout d'italiens, je demanderais, si j'étais pape, au gouvernement italien d'assumer ses responsabilités face à ces licenciements massifs.

Si j'étais pape, j'inviterais à moins lire Saint Paul que les paraboles et les évangiles. J'inviterais les chrétiens à une meilleure connaissance de l'Ancien Testament dont la lecture symbolique dit tout de l'homme.

Je susciterais une liturgie simple autour des mots, de la poésie et de la tradition bibliques, de la musique, des symboles que sont le feu, l'eau, la vie, la mort, la fragilité, le chaos, l'amour, l'esclavage, le passage, le pain partagé, la différence (le différent), l'innocence immolée ...

Je dirais que tout amour est d'essence divine et qu'il n'y a pas lieu de créer de distinctions parmi ceux qui s'aiment, quels que soient leur parcours ou leur orientation sexuelle.

Mais je ne serai jamais pape ...







samedi 9 février 2013

Des cousins qui me contrarient

A l'occasion du décès de mon père, des cousins se sont manifestés.

Des gens que je découvrais pour la première fois de ma vie, ma mère aussi d'ailleurs. Mais comme ils étaient des cousins, il semblait entendu qu'ils méritaient des égards (deux sandwiches et un morceau de tarte). Etaient-ils là pour cela, vu qu'on ne les connaissait pas, qu'ils n'avaient rien à nous dire, sauf des banalités, et nous pareils ?

La présence des amis, des voisins, ceux-là qui ont vécu des choses avec nous aujourd'hui surtout, mais aussi hier, était bien plus signifiante. Eux méritaient notre attention, pas ceux qu'un lointain lien du sang amenait à se présenter, voire à s'imposer.

Les enterrements sont, pour moi, le moment où la famille prend ses aspects les plus horrifiants. Des gens parfaitement étrangers les uns aux autres débarquent et se revendiquent d'être de la famille. Ils se vexent en plus si on ne les reconnaît pas, ou ne les situe pas bien dans l'arbre généalogique. De ma part, c'était inévitable ; de la part de ma mère, c'était plus surprenant.

Je ne dis pas que les gens ne sont pas gentils. Je dis qu'ils sont souvent fort égocentriques. Est-ce si difficile de s'intéresser à l'autre, à ce qu'il est en train de vivre ? Plutôt que de ne pas parler que de soi.

Deux instantanés :
- "Sincères condoléances, madame. Où était à votre mari ? A Saint Joseph ? C'est comme ma soeur. J'en vois avec ma soeur, savez-vous, etc. et puis on ne parle plus que de la soeur ;
- "Nous pensons bien à vous. Punt. J. n'aime plus conduire la voiture. Ici, il y a du soleil. Hier, nous avons eu de la tempête. Les petits-enfants font de belles études ... S. est partie en vacances en Guadeloupe ...

Puis, il y a les cousins d'une autre planète. Mon seul cousin germain. Il a pris des nouvelles au téléphone auprès de ma mère. Cela donne ceci : "Allo ?" ... silence ... "Qui est à l'appareil ?" ... silence ... "C'est Christian" ... silence .... "Tu sais que Jules est décédé ?"... silence ... "Oui, condoléances" ... silence ... "Je suis à Liège avec L., après on part en Inde" .... silence ... "On va venir te voir" ... silence ... "Quand ?" ... "Ca dépend" ... silence ... ma mère s'énerve ... "J'aimerais savoir quand" ... "Jeudi, à 16 heures, dis à Xavier d'être là".

Le jeudi en question, j'affronte les éléments, alors que j'ai la crève, pour être là. Ma pauvre mère a été acheter un cake pour avoir quelques chose à offrir et du jus d'orange. Je suis là à l'heure. L'attente commence. Ils arriveront avec une heure et demi de retard. "On vous attendait à 16 heures, il est 17 heures 30" ... silence ... "on a beaucoup de choses à faire" ... "les autres ont peut-être aussi des choses à faire, en tout cas, autre chose que de vous attendre" ... zut quand même ... "on devait aller sur toutes les tombes" ... "ce ne serait pas plus mal, si vous vous préoccupiez un peu plus des vivants, et un peu moins des morts ". A partir de là, je décide de ne plus ouvrir la bouche.

Eux, silence. Pas une seule question concernant les derniers jours de mon père ou l'avenir de ma mère. Ma mère déploie des efforts pour qu'il y ait une conversation.

"Puis-je vous offrir une tranche de cake ?" ... "Non, on ne peut pas, on mange sans gluten" ... "Un jus d'orange ?" ... "Non, on n'est pas sûr qu'il soit sans sucre ajouté; le sucre nous est interdit" ... "Un verre d'eau gazeuse ?" ... "Tu n'as pas de l'eau plate, parce qu'on n'aime pas les bulles". "Un café ?" ... "on ne peut pas boire de caféine" ... "un verre de lait" ... "non, nous sommes allergiques au lactose ". Je bouillonnais, mais restais coi.

Ma mère : "Ainsi donc, vous partez en Inde ?" .... "Oui" ... "Et quels sont vos projets ?" ... silence ... "Visiter" ... "Où allez-vous aller ?" ... silence (cela doit rester un mystère apparemment) ... "Pourquoi l'Inde ?", dit ma mère ... aucune réponse. "Et c'est un voyage organisé?" ... pas de réponse.

Je me lâche : "et qu'allez-vous manger en Inde ?" ... "on y mange végétarien" ... "certes, mais comme vous vous méfiez de tout et que tout vous est interdit, bonne chance" ...

J'ai alors eu sans doute une parole malheureuse : "cela ne vous dérange pas, dans vos rapports aux autres, de vous conduire de manière totalement asociale ?". Louise a décidé de partir. Christian m'a fait un salut bouddhiste. Je lui ai répondu avec les mains sur le coeur. J'ai fait preuve d'intolérance. Mais, ils m'ont vraiment beaucoup énervé. Puissent-ils connaître le nirvana avant moi, avec toutes les privations qu'ils s'infligent, ils méritent bien cela !


dimanche 3 février 2013

A propos d'une sainte famille


On a beaucoup entendu les intégristes du mouvement Civitas invoquer la Sainte Famille pour éviter à la France une loi scélérate et le châtiment de Dieu, à l'occasion du débat concernant le mariage pour tous.

Je me suis dit qu'il n'était pas inutile d'aller vérifier, dans les textes qui nous parlent de Jésus, ce qu'il dit de la famille ou ce qui est dit de sa famille, que ceux-là appellent sainte.

Je ne reviendrai pas sur le caractère fort peu naturel de la Sainte famille. J'en ai déjà parlé dans ce blog. Mais il faut le rappeler encore et encore à ceux-là qui aiment tant à distinguer ce qui est naturel ou contre-nature. Parler de la nature, en se référant à ce modèle, ne tient pas.

Allons plus loin.

Que dit Jésus de la famille et des relations familiales ? Comment Jésus a-t-il vécu les liens avec sa famille ?

Ce qui nous est rapporté, dans les évangiles, est à la fois très fort et très dérangeant.

On apprend d'abord que Jésus a été un enfant fugueur (Lc, 3, 31-42).  Il avait d'autres priorités que celles des siens. Pourquoi sinon se serait-il attardé au Temple avec des docteurs de la loi, à l'âge de douze ans? Bien entendu, Marie s'est inquiétée. Mais, cet épisode n'indique-t-il pas déjà que l'avenir de cet enfant sera de vivre sa vie "hors des siens" ? Il en est ainsi de plus d'enfants qu'on ne croit. Encore faut-il que leur famille leur en offre la liberté. Les parents n'ont pas à rêver la vie de leurs enfants ; ils doivent leur permettre d'être ce qu'ils doivent être, même "hors des siens".

Quelques années plus tard, Jésus dira à ceux qui veulent le suivre : " si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple " (Lc, 14, 26). On ne peut être plus clair sur le rôle de la famille pour celui qui veut être disciple de Jésus. Elle ne peut tenir la première place. Il est ainsi nécessaire de mettre la famille à sa juste place. Ce n'est pas la famille qui est importante, c'est de devenir disciple, au risque, s'il le faut, de rompre avec sa famille.

A un autre moment, Jésus répondra : " qui est ma mère et qui sont mes frères ? " (Mt, 12, 49). Curieuse réponse. Alors que la mère de Jésus et d'autres membres de sa famille se présentent à lui, il les relègue au second plan. A la famille fondée sur la tradition et sur les liens biologiques, Jésus oppose une famille d'élection et de conviction. Cela a dû être difficile à vivre pour Marie, j'en conviens.

Marie aura sa récompense, quand sur la croix, Jésus dira à Marie et au disciple qu'il aimait : " Femme, voici ton fils; Fils, voici ta mère" (Jn, 19, 26-27).

On voit ainsi non seulement que la famille de Jésus n'a rien de classique, mais aussi que la famille biologique selon Jésus n'est pas première ; il lui préfère une famille où l'on s'adopte, ce qui déborde évidemment les liens du sang et le modèle traditionnel.

Je ne dis pas que Jésus condamne la famille traditionnelle, ce serait trop simple. Je dis que Jésus a une vision de la famille bien plus ouverte que ce qu'en pensent certains chrétiens conservateurs.


samedi 2 février 2013

La photo qui m'a bouleversé

Une photo, sur internet, m'a bouleversé. Je l'ai dit sur Facebook.



Elisabeth Badinter a beau proclamer que l'instinct maternel n'existe pas et que les mères, dans leurs attitudes maternelles, ne le sont que par convention ou à cause d'une contrainte sociale, cette guenon ne s'est pas posé la question.

Elle a vu un petit d'homme et l'a pris dans ses bras. Elle le protège bien mieux que certaines mères. Avec des gestes naturels. Et le petit d'homme n'a pas l'air malheureux.

Elle est noire et poilue, lui blanc et imberbe.
Non seulement, ils ne sont pas de la même race, ils ne sont pas non plus de la même espèce.
Regardez un instant le regard un peu triste de cette guenon.
J'y vois une étonnante capacité à donner et une forme de lucidité désenchantée.

Oui, je pense que ceux qu'on appelle "les animaux" peuvent être capables de bien plus d'amour que certains humains intégristes de la pensée.

On touche aussi bien sûr, avec cette photo, à l'adoption. Cette guenon a adopté ce petit d'homme. Je ne dis pas qu'il faut modifier le code civil pour autoriser l'adoption des enfants abandonnés par des guenons, comme pourraient le croire certains réacs. Je pose la question : dans une adoption, il y a deux priorités : un enfant, en manque d'amour, et des parents, qui lui sont étrangers, prêts à l'aimer.

Si un singe, manifeste cette aptitude, pourquoi un humain, parce qu'il est homosexuel, ne le pourrait-il pas ? N'est-ce pas la capacité à aimer qui est en jeu ?




vendredi 1 février 2013

Adieu Papi 2

Frère François, qui connaissait un petit peu de notre famille, mais pas tout, a accepté de célébrer la messe d'adieu de mon papa. Il a fait une très belle homélie nourrie de toutes mes suggestions de textes et musiques. Je savais, le connaissant, que ce serait très bien.

Je partage son texte ci-dessous.


Pour Jules Parent

Quand Xavier m'a envoyé le déroulement de cette célébration, j'ai été tout de suite sensible à un détail qui pourrait passer pour audacieux, voire impertinent.  J'ai vu que nous entendrions le chœur final d'une Passion de Jean Sébastien Bach, c'est-à-dire qu'on chanterait autour du corps de Monsieur Parent : "Reposez bien, vous, saints ossements." Ces paroles s'adressent aux ossements du Christ, mais ici et maintenant, comment ne pas entendre que vous les dites à celui qui nous rassemble ? C'est un peu comme aux funérailles de Claire d'Assise : les franciscains entonnaient l'office des morts quand le pape leur a dit de chanter plutôt celui des saintes, mais un cardinal l'a rappelé à l'ordre, et on a célébré sagement la messe des défunts, sans canoniser Claire avant l'heure.

Il n'y a pas ici de cardinal pour nous rappeler à l'ordre.  "Reposez bien, vous, saints ossements."  Prononcer ces paroles autour d'un être cher, c'est sans doute reconnaître qu'il fut un homme intègre et affectueux.  Mais il y a plus.  C'est affirmer qu'il ne cesse pas d'être un membre du Christ.  Associé dès son baptême à la mort de Jésus, il est entraîné par lui, irrésistiblement, dans le grand mouvement de la résurrection.  Oui, Monsieur Parent, le tombeau qui vous est destiné est pour nous la porte du ciel.

Cela ne veut pas dire que nous ressentons votre mort, d'emblée, comme une bonne nouvelle.  C'est d'abord un déchirement.  Votre départ de ce monde a passé pour un malheur, et pas seulement aux yeux de celui qui ne réfléchit pas.  La Passion selon saint Jean nous fait dire aux saints ossements : "Je ne vous pleurerai pas davantage."  Mais il n'y a pas de honte à vous pleurer, et si nous ne l'avons pas encore fait depuis votre décès, il est peut-être temps d'y songer.  Saint Paul nous dit bien de ne pas pleurer comme ceux qui n'ont pas d'espérance, mais il ne nous interdit pas de pleurer d'une autre façon.  Jésus lui-même a pleuré devant la tombe de Lazare, et ses larmes divines sont la plus belle autorisation des nôtres. Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens, dit le psalmiste.  Avant de parler de votre résurrection, nous avons besoin de prendre la mesure du vide que vous laissez dans nos vies.

Pourtant, si nous pleurons, que ce ne soit pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance.  Le grain ne tombe pas en terre sans l'espérance de porter du fruit.  En mourant sur la croix, Jésus a posé à son Père une question que nous comprenons souvent de travers.  Non pas : à cause de quoi m'as-tu abandonné ? Ou pire encore : qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu me laisses tomber ?  Mais bien plutôt : vers quoi, en vue de quoi m'as-tu abandonné ?  La réponse du Père, Jésus nous l'avait dite d'avance, nous venons de l'entendre : si le semeur ne laisse pas tomber le grain, si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. 

Le fruit, le fruit que Dieu espérait en nous abandonnant son Fils, c'est notre joie.  Une joie qui n'est pas un simple éclat de rire passager, une joie qui n'est pas – ce serait pire encore – une indifférence devant la peine des autres, mais la joie profonde qui se fraie un chemin dans nos douleurs, pour déboucher sur la plénitude de la vie. Notre existence quotidienne, heureuse ou embrumée, paisible ou tourmentée, difficile parfois mais toujours précieuse, n'est cependant jamais qu'une ébauche de la vie qui nous est promise.  Nos défunts nous y précèdent et nous entraînent à leur suite.  Oui, Monsieur Parent, c'est pour vous qu'ont été chantés ces mots de la Passion : le tombeau qui vous est destiné ne renferme plus de détresse.