Rechercher dans ce blog

samedi 31 juillet 2010

Le fossé qui sépare

Aujourd'hui, je me sens mal, très mal même.

Je m'efforce de ne pas juger les autres: "tous les chemins mènent à Rome", paraît-il et, de toute façon, "les voies du Seigneur sont impénétrables".

Mais, hier soir, une fois de plus, j'ai été confronté au récit complaisant par deux amis de leurs expériences sexuelles dans les saunas, les bains turcs de Budapest et les backroom du Duquesnoy à Bruxelles.

Ce récit narcissique n'avait aucun intérêt, mais il est de bon ton, quand on est entre gays, de prendre plaisir et de rire de ce genre de choses. Pour ne pas jouer au pisse-vinaigre, je feins de sourire, alors que cela me donne plutôt l'envie de vomir.

Car, c'est bien le dégoût qui m'envahit quand je les entends. Pas le dégoût de mes amis; en ce qui les concerne, je suis plutôt attristé et désolé pour eux. De toute façon, ils n'ont absolument rien à faire des sentiments que j'éprouve alors pour eux.

Il ne s'agit pas du tout, dans mon chef, d'une rigidité d'esprit ou d'une culpabilité quant au sexe typiquement judéo-chrétiennes. Je ne suis pas bégueule et je n'ai pas le sexe triste, justement pas.

Simplement, je mesure une fois de plus le fossé qui me sépare des autres. Et c'est cela qui me fait mal, très mal même.

Pourquoi ai-je toujours refusé de fréquenter les backroom et autres naked ou cruising bars gay? Pour ne pas être confronté précisément aux situations sordides et avilissantes auxquelles mes amis se trouvent parfois exposés, même si c'est à leur corps défendant, et qu'ils ont racontées hier avec une certaine délectation. Il y a certains prix que je ne suis pas prêt à payer pour un moment de plaisir. Je vaux mieux que cela. Mon plaisir vaut mieux que cela.

Je ne juge donc pas mes amis, mais je me sens vraiment différent d'eux. C'est cette différence qui est parfois difficile à vivre, à tenir, à assurer.

Hier soir, j'ai reçu mon cadeau en cadeau

Hier soir, j'étais invité pour un quatuor amical et chaleureux, ce qu'il fut. Merci JP! Pour me faire sortir de mon tipi, il faut être très fort.

Pour remercier mon hôte, j'avais sélectionné deux bouquins:
- Chaos sur Bruges, de Pieter Aspe (2008), un policier pour les vacances que ma libraire favorite m'a conseillé;



- Comment parler le belge (et le comprendre ce qui est moins simple) (coll. Le goût des mots, Points, 2010) ... pas de chance, mon ami a déjà tout lu, entendu presque tout et visité à peu près tous les coins du monde où je ne suis pas encore allé. Il est très difficile de le surprendre. Il avait donc, quoique français, déjà lu mon cadeau et m'a proposé de le garder pour que je le lise à mon tour!



Il faut reconnaître que, loin d'être un dictionnaire ennuyeux et rigoureusement scientifique, on se trouve plutôt en présence ici d'une oeuvre de potache irrévérencieux. C'est souvent drôle, truculent et parfois même un peu "pipi-caca-prout". Cela dit, le belge que je suis s'amuse vraiment à l'évocation des mots et expressions: "filet américain", "avoir bon", "baraki" "carabistouile", "passe-vite", "scarole" et autres "tchiniss".

Une seule réserve: l'auteur n'étant pas liégeois, mais de toute évidence plutôt issu de la région de Charleroi, certaines expressions ou usages ne sont pas toujours exacts et il est parfois difficile de trouver de suite l'équivalent liégeois dans la retranscription phonétique. "Tchiniss", par exemple, cela ne veut pas dire, à Liège, un bordel total ou du désordre. Cela désigne de petites choses, de petits objets ... on dit "des" tchiniss ... qui, accumulés, comme aime à le faire mon fils S., finissent effectivement par créer un bordel total, du brol quoi. Par exemple.

Cela dit, j'ai lu le livre en deux heures et parfois vraiment ri.

vendredi 30 juillet 2010

La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf et les micro-Etats

De toutes les fables de Lafontaine, celle qui m'impressionnait le plus était: "La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf". J'osais à peine imaginer l'explosion finale du batracien qui devait ressembler au pire des cataclysmes.

Une grenouille vit un boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant: Regardez bien ma soeur;
Est-ce assez? dites-moi; n'y suis-je pas encore?
- Nenni. 
- M'y voici donc?
- Point du tout.
- M'y voilà?
- Vous n'en approchez point.
La chétive pécore s'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages ...


La récente visite du Président Sarkozy dans la principauté d'Andorre, dont il est le co-prince, comme président de la République française, avec l'évêque d'Urgell, m'a conduit à m'intéresser un peu aux micro-Etats européens. Pour information, je souligne que Nicolas Sarkozy est aussi, comme président français, chanoine du Latran (! ... ?) (on n'est vraiment pas regardant, dans l'Eglise vaticane, une fois qu'il s'agit de nommer des prélats).

Il y a plus d'un micro-Etat en Europe: la principauté d'Andorre, la république de San Marino,  la principauté du Liechstenstein, la principauté de Monaco, Jersey, Guernesey, Sark et, dans une moindre mesure, le Grand-Duché de Luxembourg. J'oublie le Vatican qui est hors normes. Et la communauté germanophone de Belgique, qui n'exclut pas, en cas de scission de la Belgique, de constituer un micro-Etat (Karl Lambertz, dans La Dernière Heure du 26 juillet 2010).

Deux mots viennent immédiatement à l'esprit: il s'agit de fossiles historiques et/ou de paradis fiscaux.

Cela est un peu court, jeune homme! (aurait dit Cyrano de Bergerac, avant de disserter sur les nez).


Une première réflexion: ces micro-Etats sont tous prospères, ont un niveau de vie élevé, ne connaissent pas ou peu le chômage et ont une fiscalité des plus réduites. Dans la principauté d'Andorre, le seul impôt est une taxe sur les importations de biens! C'est-à-dire l'exact contraire de ce qui est préconisé dans l'Union européenne.  Il semble même que cela soit dans la principauté d'Andorre que l'espérance de vie soit la plus élevée de toute l'Europe. D'où vient cette prospérité? Du secret bancaire et  de la finance? En partie seulement. Si oui, ces Etats pourraient avoir des raisons de douter de leur avenir (le secret bancaire a du plomb dans l'aile), mais ils trouveront le moyen de rebondir, j'en suis sûr. J'aimerais proposer une autre possibilité plus stimulante: et s'il s'agissait, dans tous les cas, d'Etats à taille humaine; un peu comme des P.M.E. en comparaison des multinationales (ici, le "multi" compte autant que le "national"). On ne juge pas, on ne gère pas, dans les structures réduites ou moyennes, les questions qui se posent de la même manière que dans les grands ensembles. On y est souvent plus efficace et moins inhumain. D'un point de vue politique, on y évite aussi le divorce entre élus et population. Les micro-Etats ne sont pas la grenouille, elles sont le boeuf. La grenouille, c'est celui qui vous parle sans arrêt de "taille critique", pour justifier le toujours plus grand, le toujours plus mondial, le toujours plus gros ... (oups, j'ai encore failli écrire quelque chose de compromettant, compte tenu de mon rattachement à l'Alma mater liégeoise; je me suis retenu, mais les initiés comprendront).

Une deuxième réflexion: les constitutions qui régissent ces Etats (seule l'ile de Sark fonctionne encore, mais de moins en moins, sur un modèle féodal) mériteraient d'être étudiées par nos spécialistes du droit constitutionnel et les négociateurs du futur gouvernement (fédéral ?) belge. On y trouve des formules extrêmement intéressantes.

La "paréité", par exemple, soit deux chefs d'Etat, comme à Andorre, aux pouvoirs symboliques: soit une co-principauté parlementaire.

A Saint Marin, la constitution est aussi fort intéressante: une assemblée de 60 membres, élue tous les 5 ans, laquelle désigne deux "capitaines-régents". Ces derniers sont concurremment chefs de l’État et dirigent le Congresso di Stato : ils restent six mois en fonction et sont nommés solennellement deux fois par an, le 1er avril et le 1er octobre. Cependant, ils peuvent être élus pour un deuxième mandat , mais cela arrive très rarement. Certains ont à nouveau occupé ce poste après un certain laps de temps. Les deux capitaines-régents parlent d'une seule voix. Le Congresso di Stato (Congrès d’État), dirigé par les capitaines-régents, détient le pouvoir exécutif. Il est composé de dix secrétaires d’État (Segretari di Stato). Informations d'après Wikipédia.


Après cela, comment ne pas méditer ... !!!


Une troisième réflexion: toujours le même constat! Plus les humains découvrent l'infiniment petit et l'infiniment grand, plus ils ont de la peine à se situer. Comme toujours en ces cas-là, ce sont les moins sages, les plus intéressés ou les plus forts qui imposent leur loi aux autres. Pour combien de temps encore?

jeudi 29 juillet 2010

La vie facile, la vie heureuse

Soeur Emmanuelle aurait dit, un jour: "Une vie facile n'est pas une vie heureuse". J'ai trouvé cette information auprès d'un ami "Facebook", mais pas que, peu suspect de liens trop étroits avec le monde de la religion.

Mais qu'a voulu dire cette chère vieille soeur? Je dis "vieille soeur" avec tendresse et respect, elle qui était à peu près la contemporaine de ma grand-mère.

La première interprétation, la plus plausible, est celle-ci: vous ne trouverez pas le bonheur dans la vie facile.
Je reconnais un peu là ma grand-mère. Qu'est-ce que la vie facile pour Soeur Emmanuelle? Sans doute, la recherche du (des) plaisir(s), la consommation sans limite, la vie pour soi, pour se satisfaire soi. Franchement, elle n'a pas tout à fait tort.

Mais, il y a aussi ce qui se lit entre les lignes des propos de Soeur  Emmanuelle. A contrario, faut-il considérer que seule une vie difficile peut conduire au bonheur? Cette suggestion n'est pas si farfelue que cela. L'Eglise romaine a toujours aimé glorifier le martyre,  la souffrance, comme voie de salut. Mais, même ainsi, la "chère vielle soeur" a peut-être raison: je le crois, nous ne naissons pas une fois pour toutes; notre vie est appelée à des naissances multiples. Toute naissance s'accompagne d'une période de gestation. Et tous les animaux qui muent vous le diront: la mue est toujours un moment inconfortable et de fragilité. Seuls ceux qui ne muent jamais diront le contraire. Sont-ils dignes de foi? 

Et si le bonheur n'avait rien à voir avec le plus ou moins grand degré de facilité ou de difficulté de la vie? Je le crois de plus en plus.



mercredi 28 juillet 2010

Jérémie et les jérémiades

Je m'appelle Jérémie.

Un jour, mes propos ont été rapportés comme ceci: "Malheur à moi, ô ma mère! Pourquoi m'avoir enfanté, moi qui suis un élément de contestation et de dispute pour tout le pays? Je ne suis le créancier ni le débiteur de personne, et pourtant tout le monde me maudit! Quand je rencontrais tes paroles, Seigneur, je les dévorais; elles faisaient ma joie, les délices de mon coeur ... Jamais, je ne me suis assis dans le cercle des moqueurs pour m'y divertir; sous le poids de ta main, je me suis mis à l'écart, parce que tu m'as rempli d'indignation. Pourquoi ma souffrance est-elle sans fin, ma blessure, incurable, refusant la guérison? Serais-tu pour moi comme un ruisseau décevant, aux eaux intermittentes? A tout cela, le Seigneur répondit: "Si tu reviens, si je te fais revenir, tu reprendras ton service devant moi. Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est admirable, tu seras comme ma propre bouche. C'est eux qui reviendront vers toi, et non pas toi qui reviendras vers eux" (Livre de Jérémie, 15, 10-21).

Commentaire de Xav: Bon (surtout pas de projection excessive!), mais mon copain Jérémie, il est drôlement passé par les mêmes états d'âme que moi! Quand toute une génération ne s'identifie plus qu'à des modèles du présent, je me dis, de plus en plus, que la fréquentation des anciens, est capitale, pour vivre tout simplement en humanité.

Mais laissons Jérémie, mon copain, parler.

Je regrette que l'on associe toujours mon nom aux "jérémiades". Comme si j'étais quelqu'un qui ne sait que se lamenter sur lui-même. Avez-vous vraiment lu mes lamentations? De grands musiciens y ont été sensibles pourtant. Et on les chante encore aujourd'hui le Vendredi Saint.

Commentaire de Xav: Parmi les très nombreuses compositions existantes, je suis particulièrement sensible à la version de Thomas Tallis, peut-être parce que j'ai eu la chance de la chanter plusieurs fois.

mardi 27 juillet 2010

La voix (première partie)

Est-il plus bel instrument que la voix? 

Pour leur voix, certains ont été nommés "chrysostome". 

La voix est l'instrument de musique le plus immédiatement disponible, point besoin d'un autre medium que soi-même. La voix peut tout exprimer du plus sublime au plus détestable. Je me limiterai, dans un premier temps tout au moins, à la voix dans la musique. Je parlerai peut-être un jour des tribuns, des politiques formatés par les conseillers en communication, des voix qui parlent, mais ne disent rien ... Et ceci n'est qu'un début.

Ma réflexion de ce jour, comme toujours, est liée à une constatation toute simple: les voix sud-américaines ne sonnent pas naturellement comme les voix italiennes. Je dis: "naturellement".

Je venais d'écouter Roberto Alagna, puis m'étais permis un détour du côté des ensembles vocaux sud-américains. Il s'agit souvent de trio: Los Lobos, Los Hermanos, Los Machucambos ...


Je me souviendrai toujours d'un 45 tours de mes parents: Lo dudo, par Los Ponchos, retenu par Pedro Almodovar, dans son film La loi du désir.


Un texte sublime, soit dit en passant, dont je propose la traduction suivante:


Je ne doute pas
Que tu arriveras à m'aimer
Comme moi je t'aime


Je ne doute pas
Que ce sera d'un amour plus pur encore
Que celui que tu trouves en moi


Tu trouveras des aventures sans amour
Et à la fin de toutes, tu n'auras que douleur


On te donnera une frénésie de plaisir
Mais pas un rêve sincère
Comme celui que je t'ai donné

Et puis, je me suis toujours reconnu un petit peu dans le groupe Quilapayun, ils ont toujours été plus que trois, une petite communauté. Je me suis demandé récemment pourquoi je me reconnaissais en eux. Est-ce parce qu'ils portaient barbe et moustache, comme moi, qu'ils avaient les cheveux noirs sombres, comme moi à l'époque? Non, mais je sais pourquoi. Ce n'est pas leur profil d'hidalgo chilien qui me plaît, quoique. Je trouve qu'ils expriment une certaine noblesse. Leur physique même indique leur idéal. Bien entendu, leur combat, leur attachement à Salvador Allende n'y est pas pour rien non plus.

















Mais, je m'éloigne de mon sujet.


Donc, dans tous ces groupes sud-américains, du Mexique au fin fond du Chili, on trouve des ténors, à la voix claire, mais toujours un peu fermée. Seuls les brésiliens aiment les voix plus chuchotées, comme celle de Caetano Veloso. 


Les voix ouvertes on les trouve en Italie, ou plus précisément dans le modèle italien, qui est devenu un modèle même au Japon, ou en Corée.


Ceci est très subjectif, mais j'ai toujours un peu de peine à adhérer à un chanteur coréen qui chante à l'italienne. Je préférerais qu'il chante à l'asiatique. 


Comme si les ténors devaient tous être italiens et toutes les basses russes ...


N'est ce pas toujours le même débat: la voix naturelle et la voix formatée, comme la pensée, comme les légumes, comme les sardines ...







Les miens de Jean Daniel

Certains livres, après les avoir refermés, vous habitent encore longtemps et vous êtes certain d'y revenir un jour ou l'autre. Ces livres d'exception le sont parce que leur auteur est d'exception et leur contenu tout autant. Pour prendre un exemple a contrario, il m'est arrivé de prendre du plaisir à lire, en vacances, un roman d'Amélie Nothomb, mais aussitôt lu, aussitôt oublié.

Jean Daniel est l'auteur dont je vais parler. Fondateur du Nouvel observateur, il est pour moi non seulement un grand monsieur, mais une référence. Alors l'entendre parler, au fil des pages, de ses référents à lui est passionnant et permet d'être relié à une constellation de grands noms. Il est très gratifiant, pour le lecteur, de se reconnaître très modestement dans la famille qu'il décrit.

Le livre dont je veux vous parler est le suivant: Les miens (Grasset 2009; Gallimard, coll. Folio, 2010, avec une préface de Milan Kundera).

Jean Daniel sait écrire, en plus il a l'art de la formule. Par exemple, quand il écrit: "De Gaulle était  démocrate par dépit ... Mendès France, démocrate par vertu". Ou encore: "Je refuse le judaïsme à cause de l'Election et le christianisme à cause de la Résurrection". Ou, à propos de Kateb Yacine: "Il préférait l'alternance à l'alternative".

Mais, pour le lire chaque semaine dans ses éditoriaux, Jean Daniel ne manie pas l'art de la formule gratuitement, ou pour le plaisir, sa pensée est toujours profonde, lucide, pénétrante.

Il faut dire que Jean Daniel est d'une génération qui lui a permis de connaître des êtres d'exception. Gide, Camus, Mauriac, Malraux, Barthes, Foucault, Sartre, Aragon, Yehudi Menuhin, Mendes France, Levi-Strauss ... entre autres. J'ai beau chercher, je ne parviens pas tout à fait à trouver d'équivalent aujourd'hui à ceux qui l'ont inspiré hier, mais il en existe sûrement.

Je me suis demandé dans quelle mesure nos "jeunes têtes blondes", celles qui arrivent à l'université, toutes facultés confondues, connaissent seulement ces noms.

A la faculté de droit, heureusement, mon collègue et ami, Nicolas Thirion, y pourvoie dans les limites toutefois imposées à un cours de "Théorie générale du droit". Vous observerez que je n'ai pas dit ici, comme un professeur que j'eus comme étudiant: "mon collègue et néanmoins ami ...".









dimanche 25 juillet 2010

Les filles et les garçons de mon enfance

Je suis né, comme bien d'autres, en 1955.




L'image que vous voyez là représente le modèle qui était proposé dans un certain milieu aux garçons nés en 1955.

Moi, j'étais comme ça:


Ma petite amie de maternelle était comme ça:




Malgré nos airs de deux airs, nous n'étions pas plus purs que les enfants d'aujourd'hui. Nous savions aussi trahir, détester, hurler, être impossibles. Nous n'étions pas moins curieux des mystères de la reproduction des libellules qu'aujourd'hui. Et, il arrivait que nos mères outrées nous sermonnent pour avoir cherché à savoir à quoi ressemblait le "petit robinet" de notre ami d'enfance ou la "foufounette" de notre petite amie. Nous étions curieux, mais insouciants, et on nous disait que "ce n'était pas bien".

Il y avait alors une littérature pour la jeunesse. Aujourd'hui aussi. Elles ne se ressemblent pas.

Celle d'hier était toujours sérieuse, édifiante, animée de sentiments nobles et exaltant la jeune virilité, comme en témoignent les images qui vont suivre. Elle sont de Pierre Jourdan qui a notamment illustré les romans de Serge  Dalens, dans la collection bien nommée "Signes de piste" (mais aussi certains Bob Morane). Je pense ici aux différents romans autour de l'emblématique prince Eric.



J'ai dû attendre ma première douche collective au collège - non sans gêne, ni trouble - pour découvrir que les garçons n'étaient pas exactement faits comme le prince Eric et ses compagnons.

Je m'en doutais un peu. Déjà, dans la cour de récréation de l'école primaire, je trouvais les autres garçons fort vulgaires et brutaux. C'est pour ça que je préférais la compagnie de ma petite amie, appelons-la Martine.

Bien sûr, j'ai été scout.



Et j'adorais la patrouille des Castors, bande dessinée qui a vu la patrouille évoluer, non dans sa composition, mais dans son uniforme. Le soir, lors de la mise au lit, Samuel adorait, vingt ans après, que je lui raconte les albums de la patrouille des Castors.



J'aurais dû, grâce à tout cela, apprendre à devenir un homme! Pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas?

La littérature pour la jeunesse d'aujourd'hui est beaucoup plus irrévérencieuse et on y trouve nombre d'auteurs qui écrivent aussi pour les adultes (Agnès Desarthes, Guillaume Le Touze, par exemple). Je me rappelle d'un livre que j'avais acheté pour Samuel,  dans les excellents ouvrages de L'école des loisirs, on y voyait une Chaperon rouge futée et un loup lubrique, fort drôles. Je me rappelle aussi d'un récit de colonies de vacances où n'était pas gommée la cruauté des enfants entre eux et vis-à-vis d'une monitrice grosse, moche et rousse. Puis aussi, d'un merveilleux roman où un petit garçon était confié pour une semaine par ses parents à son oncle célibataire et homo. Je ne sais pas ce que ces livres sont devenus au gré des déménagements. Il me plaisait autant de les lire pour moi que de les raconter à mes deux fils.

Le creux de la vague: la dépression

Je vis depuis bien longtemps avec pour compagne la dépression ou à tout le moins des états dépressifs. Socialement et professionnellement, ils constituent un handicap réel et sérieux. Mais qu'en dire, sur un plan individuel?

Voici quelques réflexions très personnelles:

- on finit avec le temps par apprivoiser cette compagne; on apprend à se dire qu'elle sera toujours là, malgré les anti-dépresseurs et l'écoute attentive de son psy;

- il arrive qu'on développe des réactions salutaires, c'est mon cas. La première, c'est de conserver la capacité à ne pas se prendre au sérieux, à pouvoir rire de soi. V.M., qui m'a accompagné pendant un temps, disait que je développais "une dépression souriante". La seconde consiste à se dire qu'après le creux de la vague, il y a toujours une crête. En ce qui me concerne, c'est toujours le cas;

- c'est pourtant dans le creux de la vague que je me sens le plus exister. C'est là en effet que je suis à nu, dépouillé de toutes les parures, de tous les masques, de toutes les illusions, simplement avec mes émotions, mon corps et mon coeur meurtris;

- les personnalités comme les miennes - on les appelle parfois "cyclothymiques" - ont de la peine à se faire entendre dans les milieux qui n'ont pour mot d'ordre que "excellence et performance". Soyons clair, je ne peux pas vivre sans arrêt à la crête de la vague. L'exiger de moi me détruit peu à peu. Car, pour moi, il ne peut y avoir de crête de la vague sans creux. Je le sais aujourd'hui. Et il ne faut pas s'étonner si le creux "se creuse" ou "s'allonge". Il le fait à la mesure des périodes où artificiellement j'ai dû me maintenir à la crête de la vague;

- ai-je moins de valeur qu'un "non-cyclothymique"? Si j'étais seul à devoir répondre, je dirais: "non ... et peut-être plus". Mais ce n'est pas à moi de le dire.

Les autres, la meteo et moi

Les autres, la meteo et moi, ou une illustration de l'incommunicabilité entre les êtres et de la dictature de certains sur les autres.

Scène 1: Liège, quai de Gaulle, 8 heures du matin, il fait déjà 26°! "Il fait bon, hein monsieur!". "Bon? Euh oui, mais tout à l'heure, il fera 30° et plus. Je sors maintenant, après j'attendrai que le soleil se couche". "Ah oui. Moi, je vais me mettre au soleil". Ce jour-là, j'ai été réveillé par le soleil à 5h30 du matin et je me suis dit: "non, pas encore le soleil!". Au-delà de 5 jours de soleil, je sombre dans une profonde dépression. Comme quoi la dépression n'a rien à voir avec un déficit de lumière.

Scène 2: Liège, quai de Gaulle, 9 heures du matin, il fait 21°. "Il fait froid, hein, monsieur!". "Froid? Mesurez-vous ce que vous dites? Disons qu'on respire un peu enfin". "Moi, je trouve qu'il fait froid, d'ailleurs j'ai mis une petite laine".

Scène 3: Liège, quai de Gaulle, 18 heures. "Vous avez vu? Les températures chutent. On annonce 15° pour la nuit. J'ai demandé au gérant de remettre le chauffage en marche". "Vous vous foutez de moi, je viens d'acheter un climatiseur à 469 euros pour faire descendre la température ambiante dans mon appartement, qui s'élève d'après mon thermomètre à 27° et les tuyaux du chauffage central vont être chauds!". "Mais il va faire froid, quand même".


Scène 4: Dans un lieu commun (transport en commun, salle de réunion, salle d'attente ...), il fait non seulement chaud à mourir, mais irrespirable. Je demande pour qu'on ouvre une fenêtre. Ma demande est accueillie avec réticence par certains. Je fais un pas de plus et demande qu'on ouvre aussi la porte. La réponse fuse: "Ah non, il risque d'y avoir un courant d'air". J'ai beau expliquer que c'est le but: avoir un peu d'air. Je me heurte à des airs réprobateurs: "Pas question de courant d'air!".

A tous les frileux, je recommande de porter des sous-vêtements Damart et un bonnet de laine, et surtout de me foutre la paix! Je ne vois pas pourquoi ils dictent leur loi à ceux qui n'ont pas froid.

On a interdit aux fumeurs de polluer les non-fumeurs, on devrait faire de même à l'égard de ceux qui ont toujours froid et imposent trop souvent, je trouve, leur loi aux autres.

Célibat, virginité, chasteté et abstinence

Depuis les scandales au sein de l'Eglise, liés à la pédophilie, la question de la sexualité des clercs est mise au grand jour. J'aimerais quitter le terrain de la pédophilie qui est toujours une abomination dans et hors l'Eglise.

Dans un ouvrage, qui lui a valu des remontrances vaticanes, Eugen Drewermann a scruté les motivations profondes de la vocation religieuse (Fonctionnaires de Dieu, Albin Michel, 1989, 758 p.). Impossible de résumer cet ouvrage, qui est une somme. Tous les psychiatres devraient l'avoir lu. Je regrette, pour ma part, qu'Eugen Drewermann ait été interdit de parole: il était une voix qui rendait crédible aux hommes d'aujourd'hui le message ancien (voy. particulièrement, Sermons pour le temps pascal, Albin Michel, 1994).

Le moins que l'on puisse dire est que, sur le terrain de la sexualité, l'Eglise vaticane a un sérieux problème.

Revenons ainsi à quelques concepts, en essayant de les préciser.

Etre vierge, signifie normalement, pour une jeune fille, se présenter au mariage avec un hymen intact. La Vierge Marie, qui n'a pas connu d'autre homme que l'archange Gabriel (mais était-ce vraiment un homme?), aurait donc enfanté avec un hymen intact. Pardonnez-moi d'être un peu cru, mais, dans les pays où l'honneur d'une famille dépend de la virginité de la fille donnée en mariage, la sodomie est plus excusable que la relation disons "normale". Ce n'est pas moi qui le dis. Ce sont des musulmans qui me l'ont dit. Que signifie la virginité pour un garçon? N'avoir connu aucune expérience sexuelle impliquant un autre que soi? Si tel est le cas, la virginité érigée en modèle dans l'Eglise me paraît fort suspecte, car elle repose sur une négation de la relation à l'autre.

Etre abstinent veut dire qu'on décide, par choix, par obligation ou parce qu'on ne peut pas faire autrement de renoncer à toute activité sexuelle. Il semble que ce mode de vie se répande. La télévision a montré récemment de futurs jeunes couples qui refusaient toute sexualité avant le mariage. Je connais personnellement un garçon de presque 30 ans, qui se dit "a-sexuel". Et je n'évoque pas tous les isolés qui "voudraient  bien, mais ne peuvent point". J'ai peine à croire que ces a-sexuels n'ont aucune pulsion sexuelle, aucun désir, aucune érection ... Je cherche donc des explications: ils ont une grande maîtrise d'eux-mêmes; ils boivent du bromure tous les matins; ils ont un problème "avec la chose". A vrai dire, je pense qu'il ne vivent pas leur humanité complètement. Il y a néanmoins parmi eux une catégorie particulière: ceux qui pratiquent la sublimation. Ils expliquent, par exemple, que l'abstinence sexuelle est une expérience du vide, ce vide peut être la place qu'ils rendent libre pour Dieu. Ils se disent sexués, ouverts aux relations amicales, etc. S'ils y croient, laissons-les croire. A condition que Dieu soit au rendez-vous!

Etre célibataire, c'est ne pas s'engager dans une relation affective et humaine avec une personne particulière. Ici encore, il peut s'agir d'un statut subi ou choisi. Ce n'est pas parce qu'on est célibataire qu'on vit isolé. Un  célibataire peut avoir beaucoup d'amis et tout autant d'amants et/ou de maîtresses. Le plus difficile est alors la gestion de l'agenda. De nombreux religieux célibataires vivent en communauté, que ce soit dans l'Eglise romaine ou dans les églises orthodoxes (et même ailleurs). Les religieux séculiers (au-dessus du diacre) ne font pas, dans l'Eglise romaine, voeu de chasteté, mai voeu de célibat. Ainsi, le pape n'a jamais prononcé de voeu de chasteté. Le voeu de célibat est expliqué de la manière suivante: l'absence d'investissement dans une relation affective et humaine privilégiée garantit la disposition à aimer du même amour tous les frères que le prêtre trouvera sur sa route. Si l'on pousse le raisonnement un peu plus loin (et j'ai reçu le témoignage de certains prêtres à ce propos), le voeu de célibat n'empêche pas les relations sexuelles. Ce qui crée un paradoxe étonnant: les prêtres célibataires, par voeu, auraient davantage le droit de "papillonner" que les chrétiens mariés! On voit bien que le système ne tient pas la route.

La chasteté, c'est autre chose. Seuls les religieux réguliers font, dans l'Eglise romaine, un voeu de chasteté. Ils sont rejoints par d'autres dans toutes les Eglises et traditions religieuses. Selon moi, la chasteté véritable, ce n'est pas un état, c'est un état d'esprit que l'on cultive et que l'on entretient. C'est une manière de penser et de vivre sa relation à l'autre. C'est choisir d'établir une hiérarchie parmi tous les éléments qui comptent dans une rencontre. Je parle bien d'une "hiérarchie", d'un classement, sans exclusive aucune. Je dis bien "sans exclusive aucune". Ainsi, dans ma chasteté à moi, le langage des corps a droit de cité. Cela veut dire que je ne le vis pas toujours, ou pas nécessairement, ou pas prioritairement, et surtout pas exclusivement; j'essaye que le langage des corps ne soit pas simplement réponse à un besoin, ou la réponse à une envie ou à un manque.

Il est vraisemblable que je risque d'être frappé d'excommunication, pour avoir exercé une liberté de parole teintée de "relativisme". Tant mieux, si je me retrouve en compagnie d'Eugen Drewermann.

Pour ceux qui voudraient approfondir le sujet et entendre une opinion un peu différente, je recommande la lecture de l'ouvrage suivant:


samedi 24 juillet 2010

Lukas

Lukas a 4 ans et demi. Son père, un trentenaire mi-artiste, mi-alternatif, l'emmène tous les jours pour l'apéro à la terrasse du café Randaxhe ... où je dois bien avouer me trouver aussi.

Lukas court partout, il a l'air épanoui. De temps en temps, son papa mi-artiste, mi-alternatif, le rappelle à l'ordre, comme le ferait n'importe quel autre papa. Lukas: .. maintenant, tu restes assis: 1 - 2 - 3.

Les copains du papa, qui sont aussi trentenaires, mi-artistes, mi-alternatifs, adorent tous Lukas, moi aussi, bien que je ne sois plus trentenaire, ni artiste, ni alternatif.

Lukas est le seul petit garçon à la terrasse, avec des adultes de 30 ans, ou plus, et moi qui ne demande qu'à jouer au grand-père.

Lukas a du répondant pour un gamin de 4 ans et demi ... Hier, je lui montrais un portrait de Jean-Jacques Rousseau (numéro spécial du Nouvel Observateur) et lui demandais: "Tu as déjà vu un monsieur comme ça? Non? Qu'est ce qu'il a de différent?"

Je me demande comment sera Lukas dans dix ans et plus.

vendredi 23 juillet 2010

Un message qui m'émeut

"J'aime tout le monde, ne me décevez pas".
Samuel, mon fils, sur Facebook.

Debussy et la mer

Enfant, je n'imaginais pas tout ce que Saint-Lunaire, le lieu de villégiature préféré de ma famille, véhiculait de "présences symboliques".

Certes, je savais que Jean Rochefort était le propriétaire de la villa jouxtant la demeure de mes cousins, le lieu où la famille se retrouvait le soir pour l'apéro. Mais quand j'avais 12 ans, je ne savais pas très bien qui était Jean Rochefort. Un jour, je l'ai croisé sur la digue. J'ai bien sûr aimé sa "britiche" moustache et son air toujours un peu décalé ... Un centre culturel porte aujourd'hui son nom.

Plus tard, j'ai découvert que Nicolas Hulot était aussi un fan de Saint-Lunaire. Je ne l'ai jamais croisé.

J'ai regardé aussi, un nombre incalculable de fois, "Conte d'été" d'Eric Rohmer, avec notamment Melvil Poupaud. Tous les lieux de mon enfance et de mon adolescence apparaissent dans ce film.



Je savais que Saint-Lunaire avait été un endroit très en vogue, à une certaine époque, plus mondaine. J'ai découvert que Victor Hugo et Jules Verne y ont séjourné. Je ne les ai pas croisés non plus.

Plus récemment, j'ai découvert que Debussy y a composé "La mer".

Je me dis aujourd'hui que j'ai eu beaucoup de chance de fréquenter un endroit aussi "inspirant", car il m'a aussi beaucoup "inspiré".




C'est bien simple: j'éprouve périodiquement le besoin d'y retourner, de m'y "ressourcer".

jeudi 22 juillet 2010

Fêtes nationales et hymnes nationaux

A partir de quand un hymne devient-il national?

Il y a un fond commun à tous les hymnes nationaux: une musique martiale, des paroles glorifiant la bravoure, le sang du combat, la liberté, l'unité, le peuple, l'avenir meilleur, le souci de se démarquer "des autres".

L'hymne national britannique est peut-être le plus juste de tous: "God save the Queen (ou the King)". 

Bien évidemment, dans un pays laïque, comme la France, l'équivalent est impensable. L'hymne national français s'intitule donc "La Marseillaise". Pourquoi pas "La Lilloise" ou "La Rennaise"? Il s'agit d'un hymne de combat, écrit par Rouget de Lisle, en 1792, pour l'armée du Rhin, suite à la déclaration de guerre de la France à l'Autriche. Ses paroles consistent essentiellement en une exhortation au combat contre "les hordes ennemies". Pourquoi la "Marseillaise"? Les circonstances restent obscures et confuses. Le commandant en chef de l'armée du Rhin n'était pas français, mais bavarois; mais des fédérés marseillais l'ont choisi comme chant de ralliement.

La nation, ainsi chantée, ayant par définition le souci de se distinguer des "hordes ennemies", c'est-à-dire de tout ce qui est "l'autre", n'est-il pas piquant de voir des joueurs de football, faisant partie des "autres", chanter cet hymne la main sur le coeur et des supporteurs le huer en même temps?

En Belgique, on ne fait pas mieux. L'hymne national s'appelle "La Brabançonne". Mais les flamands, qui ont un sentiment national flamand fort, lui préfèrent le "Vlaams leeuw", un chant aux allures un peu nazi, en tout cas dans la bouche d'un certain nombre de ceux qui le chantent. Et les liégeois ont un hymne bien à eux: le "Valheureux liégeois". Il existe bien un "Chant des wallons", mais qui s'y reconnaît? L'identité wallonne n'existe pas.

Mais pourquoi l'hymne national belge s'appelle-t-il donc la "Brabançonne"? Pourquoi une référence sous-régionale pour un hymne national (fédéral)? Etrange histoire. Car, à l'origine, le texte qui devait s'appeler "La bruxelloise", titre déjà pris, était un texte "pro-orangiste", donc favorable au pouvoir occupant hollandais à l'époque de la révolution! Le texte a été remanié et on n'en chante plus que le quatrième couplet (dont à peu près personne en Belgique ne connaît les paroles, sauf "Le Roi, la loi, la liberté ... pied de cocher").

http://www.arquebusiers.be/brabanconne.htm

Bref, les identités nationales, si l'on en croit les hymnes, ont des bases plutôt bancales.

Je n'arrive pas à comprendre leur pouvoir fédérateur en des circonstances aussi ciblées que les fêtes nationales ou les compétitions sportives internationales.


L'enfant unique

Je n'ai passé que quelques heures "à la mer", mais j'ai pu y observer deux cas pathologiques d'enfant unique.

Premier cas: une jolie petite fille "café au lait"; son papa: un africain noir très grand, très bien élevé; sa maman: une belge d'un âge qui ne correspondait pas exactement au profil. 

Attablés à une terrasse (la même que moi), le trio donnait ceci:
- Moi, j'ai envie de jouer;
- Que veux-tu un jus d'orange?
- Tu veux jouer? On va jouer à "ni oui, ni non", d'accord?
- Pourquoi ne sais-tu pas dire "je suce ma paille"?
- La logopède t'a pourtant dit qu'on ne dit pas: "je chuche ma paille" ou "je sssssuce ma paille" en zzozotant,
- Tu dois mettre ta langue juste au dessus de ton palais. Allez essaye ...
- Ze veux zouer!

Deuxième cas:  lui, le père, mignon et du genre trop doux, elle, la mère, plutôt moche. Dans son "buggy", elle, la petite fille, était un condensé de son père et de sa mère. Entre chaque bouchée, ils s'extasiaient.  Ils en oubliaient même de manger.

Je me dis parfois qu'il faudrait créer une "ligue de défense des enfants uniques".

De ma propre expérience d'enfant unique, je voudrais livrer ceci:

- l'enfant unique est projeté trop tôt dans le monde des adultes: il a par la suite de la peine à trouver sa place parmi ses contemporains;
- l'enfant unique, parce qu'il n'a pas été confronté aux "luttes fratricides" n'apprend pas "à se battre pour la vie"; face à la vie, il n'est pas armé, parce qu'il a toujours été protégé.

Il arrive que l'enfant unique développe, comme par compensation, une plus grande attention, ou sensibilité, aux autres. Cela n'est jamais facile pour lui. Mais c'est un fait.

mercredi 21 juillet 2010

Les fruits de mer de ma mère

J'ai un plaisir matinal et dominical: faire mon marché.

Une de mes étapes obligées est mon poissonnier, car j'aime le poisson et plus généralement tout ce qui vient de la mer. Je propose régulièrement à ma mère de lui rapporter ce qui pourrait lui faire plaisir. Je lui avais dit qu'on trouvait là des langoustines fraîches, des crabes et des araignées de mer, comme en Bretagne.

Sa dernière commande portait sur des solettes (de la mer du nord) et des pinces de crabes.

Verdict: "les solettes étaient délicieuses, mais les pinces de crabe, ce n'était pas du tout ce que je mangeais en Bretagne. C'était gélatineux, pas très bon, même un peu dégoûtant. Mais je me suis forcée à manger". Moi: "mais, maman, il fallait les cuire!"

Mon père a décrété qu'il ne voulait plus entendre parler de fruits de mer, de la Bretagne, des poissons et des bretons!

mardi 20 juillet 2010

Une journée à la mer

Mon fils, Benjamin, m'a lancé la semaine dernière: "Papa, j'ai envie de passer une journée avec toi. Et si on allait à la mer? Je viens te chercher et tu ne te tracasses pour rien. On va se donner un peu de bon temps". Impossible de résister à pareille invitation.

Cela m'a fait beaucoup de bien ... et quelques coups de soleil en prime.

Benjamin a une amie turque qui lui a demandé: "Tu me diras à quelle mer tu es allé?". Cela nous a fait rire tous les deux.

Quand un belge dit qu'il va "à la mer", il veut dire qu'il va à la côte belge, la plus proche (soit 70 km de littoral, 12 km de dunes et, pour le reste, une barrière d'immeubles et digues-promenades longeant la plage). Il n'a pas le choix, sauf à s'expatrier, s'il veut un environnement un peu plus sauvage, en Zeelande (aux Pays-Bas) ou du côté du Cap gris-nez (en France).

La côte belge se situe en Flandre, mais tout le monde là-bas parle les deux langues (néerlandais-français). De nombreux résidents sont francophones. Dans certaines stations du littoral (De Panne, Koksijde), ils sont même majoritaires. Et le fait que dorénavant on ne parle plus de la côte belge que chez les francophones, les flamands préférant parler de "Vlaamse kust", ne semble rien changer à l'affaire.

Nous avons passé la journée à Koksijde (Coxyde). Le soleil était de la partie. Nous avons passé une très agréable journée. Pour Ben, la plage c'est flâner au soleil pendant des heures. Pour moi, c'est marcher, bouger. Je le rejoignais de temps en temps, puis je repartais. Chacun ainsi y a trouvé son compte. C'était très facile de le retrouver, après mes déambulations, il était le plus bronzé de la plage.

Lui:



Moi:



La plage de Koksijde n'est pas Copacabana! Ben, qui aime encore bien mater, en a été pour ses frais. Moi, je finis toujours par trouver, puisque je bouge.

La côte belge, cela signifie aussi:
- des cuisse-taxes, étranges véhicules à pédales ... des pédalos à roue, si vous voulez;
- de la bière, des marques de bières inconnues même ;
- des moules-frites monstrueuses devant lesquelles des touristes, monstrueux aussi parfois, sont assis dès 11h30 du matin et 17h30 l'après-midi;
- des gaufres de Bruxelles (à la crême fraîche pour les mamis),
- des croquettes de crevettes, où l'on doit parfois chercher les crevettes,
- des babeluttes.













On se rend compte ainsi que, à la côte belge, on mange les mêmes choses qu'à Lille ou à Duinkerke. Seulement, la Flandre belge, elle, parle le flamand, mais pas tout le temps.

On y mange, on y boit, on y bronze, on y marche. Au vu des créatures que j'ai croisées, j'ai beaucoup plus de mal à me dire que l'on y baise aussi. Mais, il faut bien que l'on y baise aussi, car c'est le paradis des enfants. Si vous avez des enfants, et que vous allez à la côte belge, sachez que tout est conçu pour que vous soyez contraint d'ouvrir sans cesse votre porte-monnaie.

La côte belge, c'est aussi un univers horizontal. Le ciel, l'horizon, la mer, la plage, la digue, les bronzeurs ... tout est horizontal. Heureusement, parfois, on aperçoit, côté mer, un navire troublant la ligne de l'horizon, et, côté terre, un clocher ou un beffroi.





Toujours à la recherche de ce qui brise la ligne ambiante, je vous propose cette photo que j"ai prise hier.






C'est le nouveau jeu proposé aux enfants: entrer dans une bulle et marcher sur la mer. Cela les amuse, mais cela amuse encore plus quand il s'agit de grands enfants. Car on peut marcher sur la mer à un, à deux, ou à trois ... Les corps se retrouvent alors sens dessus-dessous!


dimanche 18 juillet 2010

L'esprit chevaleresque

Qu'avons-nous retenu des chevaliers? Qu'ils montaient de fougueux destriers. Qu'ils se vouaient à une dame. Qu'ils furent aussi "Croisés" pour défendre la Terre sainte (leur dame étant alors parfois soumise, pendant leur absence, à "la ceinture de chasteté"). Qu'ils ont été  à la fois hospitaliers, mais aussi instruments de puissance ou banquiers. Qu'ils ont parfois eu "une triste figure" et combattu des géants, qui se révélaient être leur miroir, ou des moulins à vent, comme le sont beaucoup de "moulins à paroles".

J'ai découvert récemment ceci: il n'y a pas qu'en Occident qu'aux Xème et XIème siècles un idéal chevaleresque a été pensé, défendu et vécu (même s'il a pu se perdre dans quelques perversions). On trouve, à la même époque, des textes dans l'Islam, dans la tradition indhouïste, au Japon (les samourais) et au Tibet, textes qui étrangement disent tous la même chose.

Il est étonnant de voir, à un même moment, à différents endroits du globe, dans des traditions, cultures ou religions différentes, formuler les mêmes exigences. La mondialisation n'est donc pas une réalité neuve; ce sont les valeurs qui la sous-tendent qui sont en cause.

J'aimerais citer ici deux textes remarquables, dont certains de nos politiques feraient bien de s'inspirer.

La Futawah est un traité de chevalerie soufie. On peut y lire ce qui suit: "Parmi les obligations de la Futawah figurent: la véracité, la loyauté, la générosité, l'excellence du comportement, la noblesse de l'âme, la douceur envers ses frères, la convivialité. Elles consistent à ne pas prêter l'oreille aux bassesses, à éprouver un penchant à faire le bien, à avoir un comportement noble envers ses voisins, à converser avec autrui avec finesse et douceur, à respecter sa parole, à traiter avec bienveillance ceux que Dieu a mis sous notre garde, famille ou serviteurs, à veiller sur l'éducation de ses enfants, à prendre exemple sur ceux qui sont plus avancés que nous, à rejeter loin de soi toute rancune, tromperie ou sentiment de haine, à travailler à l'aide de ses  frères par son rang et ses biens sans attendre de reconnaissance ou de compliments" (Futuwah - traité de chevalerie soufie, traduction et introduction par Faoouzi Skali, Albin Michel, Paris, 1989, p. 130-131).

Et celui-ci, qui est fait de mots de Kalou Rimpotché (rapportés par Jean-Yves Leloup, Dictionnaire amoureux de Jérusalem, Plon, 2010, p.165):
"Puissent mon corps, ma chair et mon sang,
tout ce dont je suis constitué
contribuer de la manière la plus appropriée
au bien de tout être sensible
(...)
Aussi longtemps que perdure ce monde
Puissé-je ne jamais avoir
Fût-ce un seul instant
De pensée malveillante envers autrui
Puissé-je toujours, avec énergie
Agir pour le bien de tous les êtres
Sans relâcher mes efforts devant la tristesse
La fatigue ou d'autres obstacles.
A ceux qui ont faim, qui ont soif,
Aux pauvres et aux indigents
Puissé-je naturellement prodiguer
L'abondance à laquelle ils aspirent
Puissé-je assumer le lourd fardeau
Des terribles souffrances de tous les êtres
et puissent-ils tous en être libérés".


Et Jean-Yves Leloup d'oser cette proposition: "Le chevalier qu'attend Jérusalem (c'est-à-dire notre monde) est-ce le Messie qui viendra d'en haut sur son cheval blanc (voir le livre de l'Apocalypse ou le Kalki des mythes indo-européens)? Ou l'homme lucide, mais non désespéré, qui ose un acte simple, minime sans doute,  contre une détresse concrète, infime ou immense, sans souci, non pas des conséquences, mais de la réussite à ses propres yeux ou aux yeux du monde de cet acte; le chevalier sans armes et sans bouclier, sans peur et sans haine, vulnérable toujours, mais habité par la force invincible de l'humble amour ... ".


Je reparlerai un jour de Jean-Yves Leloup.

Suzanne vega & Tracey Thorn

Il m'arrive de succomber. D'entendre une voix, un son, un climat. J'aime en parler à ma modeste mesure. Les artistes dont je parle, je ne les ai pas rencontrés, je ne les rencontrerai jamais; au mieux, il m'est arrivé de les entendre en concert. Mais j'aime en parler. Si j'ai été touché, je me dis que d'autres doivent l'être aussi, ou peuvent l'être.


Je parlerai d'abord de Suzanne Vega. Je l'ai découverte, il y a une quinzaine d'années, grâce à un titre: "Caramel", un titre délicieux.


http://www.youtube.com/watch?v=eO_dEiN1FkE


J'ai aimé la voix et l'ambiance. Lorsque cela m'arrive, j'ai à chaque fois une soif boulimique de connaître, de découvrir tous les albums, de lire les interviews, de voir les photos. Je n'ai pas été déçu.





Je n'ai pas été étonné non plus d'apprendre que Leonard Cohen et Suzanne Vega ont collaboré. Les gens d'une même famille se reconnaissent toujours.


Un nouvel album vient de sortir, le premier d'une série. Une nouvelle "compil"? Pas du tout. D'anciens titres enregistrés à nouveau sur un mode intimiste. Dois-je le dire: j'ai craqué! Je le recommande.




On reconnaît les vrais artistes à leur capacité à décliner une même chose pour en faire sans cesse du neuf. Car, "comme disait le duc d'Elbeuf,  c'est avec du vieux qu'on fait du neuf" (Jacques Brel, Les dames patronnesses). Il paraît que le jeune Mika est de ceux-là. Charles Aznavour aussi. On peut découvrir plusieurs versions et orchestrations de ses chansons immortelles.


Mais je voudrais évoquer une autre figure: Tracey Thorn. Je l'ai découverte grâce à P., à cette époque de nos deux vies où il m'a fait découvrir tant de choses. C'était l'époque de Everything but the girl, années remix. Plusieurs versions d'une même chanson étaient à chaque fois proposées. Comme toujours,  j'ai "compilé" tout ce qui concernait ce duo célèbre. Une fois de plus, j'ai craqué à cause d'une voix. J'ai adoré certains albums très dépouillés du début.




Aujourd'hui, la chanteuse fait une carrière solo. Et la magie opère toujours. Il y a un fond de désespérance dans ses chansons. Ce qui est plutôt pour me plaire. Allez écouter.

vendredi 16 juillet 2010

Le gourou, le bateleur et le professeur

Le gourou a conçu, le bateleur a vendu, le professeur s'est interrogé.

Evidemment, le professeur est toujours un peu mal pris. Il doit rester neutre. Il peut souligner les enjeux, mettre en perspective, dénoncer les imperfections de la loi, mais il ne peut pas prendre parti. Il n'a pas à se prononcer sur l'opportunité de ce qui est soumis à sa réflexion.

Le gourou - qui est aussi parfois professeur - peut être, lui, comme gourou, de parti-pris. S'il veut éviter toute confusion des genres, il doit par conséquent sans cesse jongler entre neutralité et parti-pris. Pour réussir un exercice aussi schizophrénique, il faut être doté d'un esprit supérieur. Généralement, le gourou n'a aucun doute à ce sujet: il sait qu'il est un esprit supérieur. Il n'a même pas besoin qu'on le lui dise, mais il aime ceux qui le renforcent dans sa certitude.

Le bateleur est celui qui vante les mérites des trouvailles de son gourou. Il est prêt à dire n'importe quoi, pour vendre la marchandise, même à tromper les gens, comme tout bon bateleur. Il excelle à noyer le poisson, à  esquiver les questions, à séduire ou à effrayer les esprits faibles. Il fait confiance au gourou et est sûr de son pouvoir.

Vous pensez que je vais parler de Nicolas Sarkozy et de ceux qui l'entourent. Que nenni!

Je vais, une fois de plus, parler des intérêts notionnels, un sujet bien belge, tellement belge que cette mesure "unique au monde" ... l'est restée. C'est la dernière fois que j'en parle. Certains sujets finissent par lasser.

Le gourou - le "père spirituel" comme le nomme le journaliste - a livré, le 14 juillet dernier, sa pensée dans une interview parue dans La Libre Belgique.

http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/596139/les-interets-notionnels-50-moins-chers.html

Il y fait preuve d'une réelle humilité, quand il admet que son projet a coûté au budget de l'Etat beaucoup plus que ce qui avait été initialement prévu, quand il reconnaît qu'il sera sans doute à jamais impossible de mesurer l'effet bénéfique de celui-ci sur l'emploi, quand il concède que la loi a créé pour certains grands groupes internationaux un "effet d'aubaine". Il admet même qu'un certain nombre de choses auraient dû être intégrées dans la loi ... et non des moindres (notamment, d'une part, une distinction entre les apports de capitaux frais et les fonds propres accumulés et, d'autre part, une différenciation plus nette - mais pourtant évidente - entre les grands groupes et les P.M.E.). Car non seulement, on ne peut mesurer  l'impact sur l'emploi, mais on ne présente pas davantage de données attestant d'un meilleur équilibre entre le financement par fonds propres ou par endettement dans l'ensemble des entreprises belges (principalement constituées de P.M.E.).

Ceci, le professeur l'avait souligné et, une fois cela admis, on se demande encore si on n'aurait pas pu faire l'économie du projet du gourou pour des mesures plus transparentes ...

Le gourou fait aujourd'hui deux propositions:

- il y a, selon lui, moyen de réduire de 50 % (!) le coût budgétaire de son enfant, tout en renforçant les avantages octroyés pour les P.M.E. En d'autres termes, une plus grande efficacité à moitié prix! Il aurait pu y songer plus tôt! Comment dès lors ne pas douter? Cela ne pouvait pas échapper à un esprit aussi éclairé que celui du gourou. Est-il possible que, pendant plusieurs années, le budget de l'Etat ait été amputé de sommes considérables (entre 700 millions et un milliard d'euros!), non pas uniquement pour une fin vraiment utile, mais pour des usages indéfinis ou guère opportuns ...?

- piqué au vif, quant à l'emploi, le gourou renvoie à un ancien ministre des finances qui estimait qu'un même incitant fiscal ne doit pas poursuivre deux objectifs différents. Il suggère donc que parallèlement à un incitant portant sur le capital, il faut aussi organiser un stimulant distinct à l'emploi ... un intérêt notionnel calculé sur la masse salariale des entreprises! Pourquoi pas?

Je ne suis pas économiste et je ne suis pas gourou. Je m'informe du mieux que je peux. Ceci ne m'a pas laissé indifférent: "(Il faut) ... soutenir le secteur privé qui va mal, en finir avec cette obsession de toujours plus de rigueur et de toujours moins de dépenses publiques. D'autant que le danger n'est pas forcément là où on le pense. Dans la zone euro, hormis le cas pathologique de la Grèce, le taux d'intérêt moyen sur la dette publique ne cesse de baisser. C'est donc que, quoi qu'on en dise, les opérateurs préfèrent détenir de la dette publique plutôt que de la dette privée. Difficile de sortir de ce casse-tête car personne n'est réellement en charge de l'intérêt général dans la zone euro. A moins que nous décidions de faire quelque chose de grand ampleur à l'échelon européen, je pense donc que l'on va droit dans le mur ... Ma suggestion des "eurobonds", le lancement d'un grand emprunt dédié à des secteurs porteurs. La Banque européenne d'investissement pourrait parfaitement émettre des obligations  afin de financer des programmes européens, comme, par exemple, l'économie de la connaissance   ... ou la création d'une Communauté européenne de l'environnement, de l'énergie et de la recherche qui investirait dans ces domaines essentiels pour l'avenir. Dans les discours politiques comme dans ceux des économistes "bien-ensants", nous assistons à un vigoureux retour de la doctrine qui masque un manque de volonté de coopération à l'échelon européen. C'est cet obstacle qu'il faut surmonter. Les stratégies actuelles d'austérité encouragées par l'Allemagne sont nuisibles à l'ensemble des pays de l'Union et au reste du monde" (Jacques Fitoussi, Nouvel Observateur,  15-21 juillet 2010, 55).