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mercredi 24 mars 2010

24 mars 2010 - Douceur printanière

Pourquoi s'obstine-t-on à situer le début du printemps le 21 mars? Cette année encore - c'était dimanche dernier - nous avons eu droit à un premier jour du printemps sous la grisaille et la pluie. Boulevard Saucy  la journée était, à l'initiative de l'Aquilone, dédiée aux alternatives à la grande distribution (ventes directes à la ferme, groupements d'achat, magasins du monde d'Oxfam, éoliennes personnelles ou cogérées ...). Une occasion de s'informer et de déguster quelques produits.  Il n'y avait malheureusement pas grand monde. Je suis revenu de là avec des informations intéressantes et deux jolies jonquilles.

http://www.aquilone.be

Aujourd'hui, on peut dire que le printemps est vraiment là. Certains signes ne trompent pas. Les fenêtres largement ouvertes, les joggers qui commencent à se dévêtir et à dévoiler quelques parcelles de peau, les bancs publics où l'on prend le soleil, les oiseaux que l'on voit ramener de la nourriture au nid pour leur nichée, les amoureux qui se bécotent. J'ai toujours aimé le printemps, la saison de l'éveil, du réveil.

Sera-ce aussi le printemps dans ma vie? Depuis quelques jours, c'est encore tout récent, mon coeur bat autrement, mes pensées vont vers quelqu'un en particulier, le bonheur m'envahit à chaque fois que j'ai l'occasion de lui parler et de l'écouter. Nous sommes loin l'un de l'autre pourtant et notre contact n'est encore que virtuel. Il est plus jeune que moi et tellement proche de moi. Nous nous devinons l'un l'autre. C'est troublant et très émouvant. Lui comme moi, nous attendons avec impatience les moments où nous nous retrouvons par la magie d'internet. S'agira-t-il d'un feu de paille ou de la naissance d'un véritable amour?




Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson.


J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne
Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues.

Louis Aragon



Je n’ai rien séparé mais j’ai doublé mon cœur
D’aimer, j’ai tout créé : réel, imaginaire,
J’ai donné sa raison, sa forme, sa chaleur
Et son rôle immortel à celle qui m’éclaire.

Paul Eluard



Un  ange est passé dévoilant le passage
Le passage secret pas quelqu'un de passage
Oui j'ai un ami et ensemble on partage
Nos chemins de vie de Tolède à Carthage

J'ai trouvé la clef pour ouvrir le tiroir
Le tiroir secret, un ami en qui croire

Oui j'ai un ami qui fait plaisir à voir
Nos lignes de vie pleines engorgées d'espoir
Oui j'ai un ami et ensemble on partage
Nos chemins de vie de Tolède à Carthage

Le vent s'est levé à nous deux le voyage
Voyage à briser la muraille des nuages
Oui j'ai un ami et ensemble on partage
Nos chemins de vie de Tolède à Carthage

Arielle Burgelin



jeudi 18 mars 2010

18 mars 2010 - Palestine

Alors que ces derniers jours connaissent un regain de tension entre Israëliens et Palestiniens, pendant que Israël poursuit sa politique de colonisation des territoires occcupés, malgré la désapprobation et la pression internationales, un très beau livre m'est revenu en mémoire: Palestine de Hubert Haddad (Zulma, 2007 - existe aussi en livre de poche). Ce roman grave, bouleversant et d'une grande humanité permet de pénétrer au coeur de la situation en offrant un autre regard que celui fatalement répétitif et réducteur offert par la télévision.

Le récit se situe en Cisjordanie entre la Ligne verte et la "ceinture de sécurité". Une patrouille israélienne est assaillie par un commando palestinien. Un soldat est tué, l'autre enlevé. Bientôt le commando et son otage se trouvent en pleine déroute. Seul survivant, blessé, sans papiers, Cham, l'otage, est frappé d'amnésie; il ne sait plus son nom, ni qui il est. Le jeune homme est soigné par deux femmes palestiniennes, la mère, aveugle, et la fille, anorexique.  Falastin, la fille, fera croire à sa mère qu'il s'agit de Nessim, le fils et le frère, disparu depuis plusieurs années. C'est ainsi que Cham devenu Nessim,  découvre et subit les souffrances de la Cisjordanie occupée.

L'auteur écrit dans une langue qui a séduit immédiatement le passionné des mots et de leur musique que je suis.


"Comment dénouer ces liens? Avec l'accentuation du jour dans les fentes, des sortes de mandibules inertes se dessinent le long des parois obscures, des pattes de crabes ou d'araignées géantes. Maintenant que le masque a glissé, il mordille
la cordelette entre ses poings, cherchant les noeuds, l'entremêlement. Nulle hâte dans cette activité: il mâchonne la corde comme l'ouaille un carré d'herbe - sans notion d'évasioon, simplement pour ôter l'entrave. Rien ne l'habite que la stupeur d'être là dans cette fosse à l'odeur de cannelle et de putréfaction. Espèce de remords organique, la  faim et la soif le taraudent. Sans autre image, l'inaccompli l'étreint d'une légère constriction.; il a manqué son rôle dans la suite des jours, mais quel rôle? Une nostalgie au goût de sang pèse sur sa gorge."

dimanche 14 mars 2010

14 mars 2010 - Le réveil de Liège

Effectuant mon marché dominical, j'ai été frappé par des signes évidents - bien que non médiatisés - d'un réveil de Liège. Un frémissement. Ainsi, des façades remarquables, parfois laissées à l'abandon depuis plusieurs années, sont restaurées rendant au quai de la Batte un cachet. Il reste malheureusement cette horrible cité administrative, témoin
de la déplorable politique urbanistique menée dans les années 70.

C'est toutefois en Neuvice que les signes sont les plus nombreux. Neuvice (= rue neuve; noûvice, en wallon liégeois) est une des plus anciennes rues de Liège. Elle a toujours été une artère commerçante malgré son étroitesse. Pendant ma jeunesse, y prospéraient de nombreux commerces spécialisés, voire très spécialisés, comme un magasin vendant uniquement des bouchons de liège (sans majuscule à liège, vu qu'il s'agit du chêne-liège, lequel ne pousse pas à Liège, comme chacun sait) et du matériel d'embouteillage  ou encore une boucherie chevaline. Depuis dix ans, à peu près tous les commerces de cette rue ont fermé et à l'exception d'une maroquinerie, d'un boucher et d'un glacier, tous les rez-de-chaussée étaient vides et dans un bien piètre état. Peu à peu, Neuvice se voit rendue à sa vocation première. On ne peut que s'en réjouir. De jeunes artistes y ont créé des ateliers-magasins offrant au chaland leurs propres créations: peintures originales, vêtements, linge de maison respectant l'idéal du commerce équitable. L'accueil y est très sympathique.

Je me suis attardé longuement devant l'atelier-magasin d'un luthier spécialisé dans les instruments à cordes pincées (guitare, mandoline, luth, ...). Non seulement sont exposés en vitrine de belles répliques d'instruments anciens, mais il est possible de regarder (contempler?) tout à loisir le maître des lieux à l'oeuvre, spectacle fascinant.

samedi 6 mars 2010

6 mars 2010 - Le scaphandre et le papillon

Je fréquente beaucoup trop peu les salles obscures (et bien d'autres endroits). Tempérament casanier? Paresse? Toujours est-il que je passe souvent à côté de réalisations remarquables. Souvent, je préfère lire et me faire mon cinéma dans la tête, fallacieux prétexte évidemment. J'ai décidé, au cours de la semaine écoulée, de réparer quelques oublis remontant parfois à bien des années.

De Pasolini, j'avais vu, en son temps, L'évangile selon Saint Mathieu (1964), au ciné-club du collège, ce qui était quand même une programmation audacieuse des bons pères. Je garde un souvenir intense du Jésus incarné dans ce film en noir et blanc par Enrique Izarok, un étudiant espagnol. Ce Jésus était loin d'être mièvre.





J'avais vu et aimé Théorème (1968). Plus tard, j'avais eu la nausée face à Salo ou les 120 journées de Sodome (1976). J'avais aimé la mise en image des Contes des mille et une nuits (1974). Cette semaine, j'ai découvert, dans la même veine, le picaresque Decameron (1971) et ses nombreux personnages, inspiré de l'oeuvre homonyme de Boccace. Mais comment Pasolini faisait-il pour réunir pareil casting "hors normes"?

Plus récent (2009), Tu n'aimeras point (titre original: Eyes wide open) de Haïm Tabakman. Le titre en français est plus adapté au sujet que le titre anglais. Un amour homosexuel entre un homme marié et un garçon plus jeune, le sujet est loin d'être neuf. Il se passe ici dans le milieu juif ultra-orthodoxe de Jérusalem. Au-delà de la couleur locale, les personnages sonnent juste. Certaines répliques du film semblaient extraites de ma propre vie. J'ai aussi pensé à A. au Maroc. Comment peut-on se prétendre religieux et juger pour le condamner un amour vrai?

Enfin, j'ai réellement adoré Le scaphandre et le papillon de Julian Schnabel (2007). Il conte l'histoire vraie de Jean-Dominique Bauby, victime à l'âge de 42 ans, d'un accident vasculaire cérébral qui le laisse complètement paralysé, mais pleinement conscient. Il entend tout et il voit avec un seul oeil qu'il peut cligner. Les images du passé et l'imagination seront sa seconde vie. Une jeune orthophoniste trouvera le moyen pour lui de communiquer, fondé sur un classement des lettres en fonction de leur fréquence dans la langue. Il dictera ainsi par des clignements de paupière tout un livre. L'expérience extrême vécue par cet homme est admirable. La performance d'acteur de Mathieu Amalric est admirable. Mais le plus admirable est l'idée proprement géniale du réalisateur de plonger le spectateur à l'intérieur du personnage principal. Nous voyons ce qu'il voit, c'est-à-dire un champ très limité, parfois flou - et entendons ce qu'il entend. La voix off exprime ses pensées tantôt désespérées, tantôt  cyniques, tantôt émues ou émouvantes.

mercredi 3 mars 2010

2 mars 2010 - Etre parent, un art

D'un article consacré à "L'hypersexualisation des plus jeunes", paru dans la Libre Belgique du week-end dernier (LLB, 27 et 28 février 2010, p. 60 et 61), à propos des concours de mini-miss, j'extrais un passage dont la portée dépasse heureusement le sujet "... il arrive que des parents soient à ce point pressants qu'ils devancent le développement de l'enfant, qu'ils ne permettent pas à celui-ci de savoir ce que, lui, veut faire de sa vie. Ce qui pourrait être encouragement devient obligation; inconsciemment, l'enfant absorbe le désir de ses parents. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le pousser ainsi vers l'âge adulte n'est pas une bonne préparation car l'enfant n'a pas le temps de sentir ce qu'il désire, de douter, d'essayer, d'apprendre par essais et erreurs. Pris dans le désir de l'adulte, il est obligé d'y répondre, au risque d'effets catastrophiques plus tard. Que ce soit à l'adolescence ou à l'âge adulte, tôt ou tard, il sera obligé de faire des choix, de tracer sa voie; il vaut mieux qu'il ait appris.".

Ce qui est décrit là ressemble fort à ce que j'ai moi même vécu enfant. Il a fallu que la crise de la quarantaine approche pour que je fasse le constat que je n'avais jamais effectué de choix dans ma vie. Tout se mettait toujours en place malgré moi. J'essayais tout au plus de correspondre à des attentes (et Dieu sait si elles étaient grandes). Ce qui donne à réfléchir c'est que bien sûr mes parents croyaient bien faire tout en ratant inconsciemment une dimension capitale de mon éducation. Je ne peux leur en vouloir. Les effets à long terme de l'éducation donnée ne sont pas toujours perçus ou connus. Le ver dans le fruit est qu'une fois devenus parents, nous avons tous une propension plus ou moins grande à reproduire le modèle dans lequel nous avons été élevés.

Je tiens à vous rassurer néanmoins. Mes parents ne m'ont jamais inscrit dans un concours de mini-miss. Que serais-je donc devenu, s'ils en avaient eu l'idée?