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mardi 31 mai 2011

C'est une fée du logis, cet homme-là

Omar est venu m'aider à faire le grand nettoyage ce matin.

Il est originaire de Guinée (Conakry), il est arrivé en Belgique, après un passage en France. Il n'aime pas la France, ni les français. Il a des papiers pour trois mois, son dossier de demandeur d'asile est en cours, mais ses chances sont très minces de pouvoir rester en Belgique et d'avoir un permis de travail. Il ne mendiait pas, quand je l'ai rencontré. Il proposait des DVD, bien entendu pas très légaux, contre un peu d'argent, question de dignité. Je préfère encore cela aux nombreux mendiants et leurs chiens, souvent belges, qui, sans rien vous offrir, vous demandent une petite pièce. Je lui ai acheté un DVD que je n'ai bien entendu pas regardé, mon fils Sam, si. Je l'ai invité à boire un verre et à me raconter un peu sa vie. Sam, dans ce genre de circonstances, a toujours l'air de m'en vouloir. Il ne comprend pas comment je peux offrir un verre ou un café à un étranger inconnu. Ne l'était-il pas, quand je l'ai accueilli comme fils?

J'ai revu Omar quelques jours après. Je suis son premier ami belge. Et j'ai assisté en direct à la nouvelle: on l'appelait de Guinée pour lui annoncer qu'il était papa d'une petite fille. Imaginez-vous à sa place! Alors, son seul ami belge a été prié de parler à presque toute la très nombreuse famille ... pour se réjouir avec eux. Des photos arriveront dans quelques jours. La Guinée est trop lointaine pour envoyer des SMS ou des photos avec son portable et, pour avoir accès à internet, il faut aller à Conakry, à 80 km du village où vit sa famille.

Omar m'aide aujourd'hui à faire le grand nettoyage de mon appartement. Rien ne l'arrête. C'est une fée du logis.

Nous avions, mes fils et moi, surnommé entre nous, mon ancienne femme de ménage Bertha, alors qu'elle s'appelait Christine et que je persistais à l'appeler, dans une espèce d'oubli récurrent, Sabine. Bertha, à cause de la "Grosse Bertha". Bertha/Christine était un as du plumeau et de l'aspirateur. Elle garantissait à mon logis, d'homme encore en activité, un semblant de propreté, mais il ne fallait pas aller dans les coins, ni espérer de grands chantiers. Bertha/Christine ne prenait pas de risques: elle devait faire attention à son dos, ne pas trop se pencher, ne pas trop s'étirer; bref, elle parlait beaucoup de ses enfants et faisait ce qu'elle peut, c'est-à-dire peu.

Omar qui est petit (165cm), musclé, agile, travailleur et consciencieux est en train de donner un coup de frais à mon appartement. Il a escaladé avec une agilité peu commune le balcon pour atteindre les zones que je croyais impossibles à atteindre de mes fenêtres en façade. Un moment, j'ai redouté qu'il ne saute dans la corniche du voisin pour avoir un meilleur accès au quart droit supérieur de la vitre, inaccessible à tout être normalement constitué, sauf lui (merci l'architecte!). Pour le moment, il déplace la cuisinière - la gazinière comme disent plus justement mes cousins bretons - et on en découvre des choses derrière une gazinière! Rien ne l'arrête, ça "blingue", ça sent le propre et ça reluit.

Moi, j'ai fait les bois. Cire d'abeille sur tous les meubles de famille. J'adore, cela sent tellement bon. Tout cela sur fond de musique africaine (nous avons branché le lecteur MP3 de Omar sur ma chaîne stéréo).

Je vais suggérer que l'on revoie complètement l'image de "Monsieur propre"... je détiens le challenger!

lundi 30 mai 2011

L'art de la traduction

J'ai toujours aimé traduire. Je veux dire mettre des mots sur d'autres mots pour les rendre compréhensibles à d'autres.

Quand j'usais mes fonds de culottes chez les bons pères (on se demande aujourd'hui, s'ils l'étaient toujours), j'étais régulièrement le premier en version latine, j'étais un peu moins bon quand il s'agissait de traduire en français du grec ancien et je n'aimais pas ce l'on appelait alors "le thème" (traduire du français en latin ou en grec ancien). Les mêmes qualités et défauts se manifestaient au cours de néerlandais (2ème langue) et anglais (3ème langue). J'avais aussi opté pour un cours, où il fallait être volontaire, d'allemand (une heure par semaine sur le temps de midi qui, dans mon collège jésuite était fort long de 12h05 à 14h10, pour favoriser la pratique du sport en équipe, activité que j'essayais de fuir par tous les moyens ... la chorale, les équipes de vie chrétienne et le cours d'allemand).

Le professeur d'allemand s'appelait monsieur Drösch. En fait,  au collège tous les professeurs de langue étrangère venaient soit de la région flamande (appelée aujourd'hui: Vlaanderen, c'est-dire non pas LA Flandre, comme on le dit souvent, mais LES flandres, car Vlaanderen est, me semble-t-il, un pluriel), soit de la région germanophone du pays: ils s'appelaient Drösch, Comoth, Geelen, Pomé, Costermans ou de Droogh. Monsieur Drösch avait une heure par semaine, sur le temps de midi, pour nous révéler des choses, plus que pour nous apprendre à parler la langue de Goethe.

Il nous lisait des poèmes que nous ne comprenions pas nécessairement pour nous familiariser avec le son, le rythme, les intonations, l'accent tonique. Il s'emportait sur l'accent des rhénaniens comparé à celui des berlinois (cela pouvait durer dix minutes). Je regrette qu'il ne nous ait pas fait connaître l'allemand chanté (il y avait pourtant tellement de possibilités). Et puis, il nous proposait des tableaux de mots en colonnes: français, néerlandais, allemand, anglais. Il nous montrait les similitudes et les différences, les racines qui se déclinent différemment, le "ung" en allemand qui devient "ing" en néerlandais, les origines germaniques, saxonnes ou normandes. J'adorais ce cours et j'adorais monsieur Drösch, ce grand monsieur un peu déguiguandé, lymphatique et débonnaire. J'ai suivi son cours pendant quatre ans à raison d'une heure par semaine sur le temps de midi comme volontaire.

Avec le recul, je réalise que monsieur Drösch m'a inspiré quand je suis devenu professeur à la faculté de droit. J'avais inconsciemment pris le parti d'enseigner le droit comme monsieur Drösch nous enseignait l'allemand. Un mélange de mots, de références, de comparaisons, de similitudes, d'évolution et de pourquoi. Comprendre plutôt qu'agir, sans ignorer le réel.

J'ai fini par découvrir qu'il n'y a pas de place pour les monsieur Drösch à l'université. Bien qu'étant docteur, l'université n'avait déjà pas voulu de lui à l'époque. Un professeur de droit, ai-je découvert, doit apprendre à parler la langue juridique avec efficacité, comprenez pour agir. La méthode Drösch n'a pas la cote chez les fervents de l'enseignement du droit positif qui préfèrent penser à l'utilisation professionnelle la plus grande possible et, si possible, la plus immédiate.

Mon maître es langues m'aurait-il abandonné? Pas tout à fait et cela m'a permis de renouer avec tous mes autres "professeurs de mots" que j'oppose à mes "professeurs de chiffres", le professeur de gymnastique ne comptant pas à mes yeux, qu'il me pardonne. Lui et moi étions incompatibles ... il me mettait 20/40, par lassitude, malgré mon évident manque de coopération.

Dans ma vie professionnelle, je n'ai cessé d'exercer l'art de la traduction: dire le plus justement possible et de la façon la plus compréhensible possible un message donné qui n'est pas nécessairement, ni souvent, compréhensible. C'est à cela que servent les pédagogues.

Pendant près de quinze ans, j'ai aussi collaboré à une revue juridique bilingue où les membres du comité de rédaction, flamands et francophones, étaient appelés à se traduire les uns les autres. J'adorais cet aspect du travail ainsi fourni en commun, à une réserve près. La plupart des traductions que nous étions appelées à valider étaient souvent du "petit nègre", une espèce de mot à mot inélégant qui semblait satisfaire les autres membres du comité de rédaction, tous avocats, sauf moi qui, au delà des mots, pensait à dire les choses avec style tout aussi fidèlement.

Depuis quelque temps, je communique avec un correspondant colombien, qui est professeur d'anglais là-bas. Il entretient son français en lisant mon blog. J'ai entrepris de traduire en français les poèmes qu'il a publiés, en anglais et en espagnol, récemment. Et cela me réjouit vraiment.

dimanche 29 mai 2011

Un vraiment beau dimanche

J'ai été réveillé par le jour.  Que rêver de mieux? Les rêves que je faisais dans mon demi sommeil commençaient à m'ennuyer. Je ne leur trouvais pas d'issues. Et comme j'occupais seul ma couche, c'est généralement le cas, personne à côté de moi n'était là pour me réveiller. J'ai donc accueilli le jour et me suis levé à 6 heures du matin.

Si j'avais été au monastère, j'aurais pu aller à l'office (matines et laudes). A défaut, j'ai décidé d'aller marcher. A cette heure, il n'y avait personne en rue, mais je percevais les bruits de la vie. Les oiseaux bien sûr, qui sont connus pour être des lève-tôt et, sur l'autre rive, les commerçants de la Batte qui installaient leurs étals. Il doit régner, sur l'autre rive, dans les bistrots, une ambiance un peu semblable à celle mythique qui régnait jadis, à Paris, dans le quartier des Halles.

Petit café et croissant au Randaxhe et quelques mots aux habitués.

Puis, j'ai entrepris de faire mon marché: gruyère d'alpage, fraises de Wépion, coppa picante, asperges de Malines, thé à la menthe chez mon ami Youssef, jus de fruit frais, une belle dorade, quelques légumes de saison. Et, à chaque fois, la même ritournelle: "Au revoir, à la semaine ...!" J'aime beaucoup entendre cela, car cela instille dans ma vie une continuité, des attaches.

D'habitude, après le marché, quand je ne vais pas à la messe, je consacre une heure au repassage. Une activité que beaucoup ont en horreur. Moi pas dès lors que je l'accompagne de musique, que je chante avec ou ... que je me branche sur la messe télévisée de Fr2. Aujourd'hui, elle était retransmise de l'île de la Réunion. S'il est un endroit au monde où j'ai vraiment envie d'aller un jour, c'est bien là. Une île qui porte tellement bien son nom. Un modèle exceptionnel de métissage et de cohabitation. En plus, les paysages y sont grandioses. Je me suis souvenu, ce matin, que deux amis d'hier y vivaient.

Début d'après-midi, j'ai décidé d'aller place Saint Lambert, là où quelques jeunes ont choisi de camper, de s'indigner et de refaire le monde. Je suis arrivé, en plein milieu de la première AG, une autre doit avoir lieu, le soir, vers 21 heures. J'y suis resté 2 heures et demie quand même, intervenant modestement dans les débats.

Ce qui est amusant, outre la logistique d'une petite république auto-gérée, c'est chez ces jeunes gens la question des mots et de leur sens.

Une grande partie des débats a tourné autour des mots. Comment appeler leur mouvement pour un blog et un site Facebook? Assemblée, rassemblement, espace de parole, campement, camp, démocratie populaire, rejet du mot démocratie (dévoyé et donc mal perçu ...). Il fallait à la fois rattacher l'initiative à un mouvement "mondial", disaient-ils, et indiquer l'attache liégeoise. "Occupent-ils ou investissent-ils" la place Saint Lambert? Ces jeunes-là ne sont point rétifs aux nuances, simplement elles se négocient.

J'aurais pu me lasser très vite devant tant de palabres, mais j'ai préféré rester d'un point de vue sociologique.

Puisque la parole était libre, je l'ai demandée et on me l'a donnée:
- un premier texte, issu des cogitations de la veille, était soumis au vote de l'AG. Il était rédigé sous la forme d'un long catalogue: "las de ceci, las de cela ...". J'ai dit que se définir par le refus n'était pas constructif et que le mouvement serait sans doute mieux perçu s'il construisait son texte sous la forme de désirs et d'espoirs (pour les moyens, on verra après);
- certains ont reproché à l'auteur du texte de ne pas parler simplement, d'utiliser des mots et des concepts ... question vraiment délicate, vieille comme le monde! J'ai essayé de faire comprendre que sans les mots, rien n'est possible;
- enfin, un passage du texte soumis au vote, portait sur la représentativité de ceux qui étaient là. D'accord, chacun ne représente que lui-même. En même temps, les participants à cette AG n'étaient-ils pas en train de se structurer, pour être reconnus et avoir une visibilité. J'ai posé la question s'ils estiment que le pouvoir directement exercé par les citoyens peut réellement se passer d'intermédiaires et de structures? Et finalement de représentants.

Je ne sais pas si je serai le bienvenu à l'AG de demain, car ce soir, je me repose.

J'ai aimé que, parmi les participants, il n'y avait pas que les habituels alternatifs, mais aussi des étudiants, dont pas mal d'espagnols, et même des grand-mères et moi. C'est ce qui m'a le plus interpelé, la sympathie des personnes plus âgées pour ces jeunes en ébullition qui refont le monde. Comme une nostalgie de ne pas l'avoir pu faire.

Lâchement, j'ai décidé de finir mon après-midi place du Marché, en sirotant un mojito très capitaliste. J'y ai été rejoint par mon fils et deux de ses amis qui, comme moi apparemment, veulent bien être révolutionnaires, mais à mi-temps.

Après leur départ, j'ai un peu prolongé ma présence en ces lieux fort agréables. Paolo est passé... il a toujours besoin de sous, surtout à la fin du mois. Lui, au moins, il ne vous propose pas des cartes postales ... et aussi des crayons (comme Christian, dit Dudule), il vous propose des livres. Je lui ai d'ailleurs dit que je pouvais lui donner des livres que je ne lirai plus pour accroître son stock. Je lui ai ainsi acheté deux ouvrages: Patrick Rambaud, Chronique du règne de Nicolas Ier (je l'ai déjà lu, mais je l'offrirai à mon père) et Jankélévitch, Le pur et l'impur.


Après cela, mes lunettes de presbyte ne m'empêchant pas de jeter un regard par dessus, feignant de lire, j'ai observé les garçons (et même les hommes ... pfftttt).

Il y a, le dimanche après-midi, place du Marché, une exceptionnelle concentration de beaux mecs.

Etant attablé à la terrasse de l'établissement qui jouxte le Petit Paris, LE bar gay de la place du Marché (mais ils sont tous un peu gay friendly le dimanche), j'ai pu observer tout à loisir: les vieux homos qui font ce que font tous les vieux, les homos qui n'en ont pas l'air et pourraient très bien se trouver dans une tribune du Standard, les jeunots qui en ont l'air et ... le pire: le couple de 45-50 ans, hyperbronzé, looké, ne cessant de passer la main dans des cheveux mi-longs coupés le vendredi par leur coiffeur, avec lunettes solaires évidemment, n'ayant rien à se dire et posant, vérifiant à tout instant si on les remarque.

Mon mojito valait bien ces intéressantes observations.



L'art aborigène et le vivant

Il y a quelques années, lors d'un séjour à Amsterdam avec P.,  j'avais découvert et visité longuement un magasin (très) spécialisé dans l'art et la culture aborigènes. J'y avais acheté quelques gravures et cartes postales. J'étais séduit par la simplicité des moyens et la grande beauté de ce qu'il m'était donné de voir. Tout cela est resté dans la maison que j'habitais hier avec A.

Voici quelques exemples.










Pourquoi étais-je à ce point ému et attiré? Les couleurs, les figures, l'ordonnancement de  celles-ci. Oui sûrement.

L'abstraction? J'y ai cru jusqu'à hier. Ces artistes représentent au contraire la réalité, une réalité qu'ils ne peuvent pas connaître pourtant, mais qu'ils parviennent à représenter.

Ceci me pose question.










Ce que vous voyez ici, ce n'est pas de l'art aborigène, mais des photos de  cellules vivantes.

samedi 28 mai 2011

Les indignés

Le mouvement lancé par Stéphane Hessel - l'indignation - semble se répandre.

Il y a maintenant des indignés dans plusieurs villes d'Espagne. A Barcelone, leur campement provisoire a été évacué par la police en prévision d'un match de football! Tout un symbole. Car, s'il est bien un exemple  que ces indignés doivent refuser, c'est bien celui du football (clubs, joueurs, supporteurs, fédérations et fric).

Le mouvement fait tache d'huile. Est-ce la parole de Stéphane Hessel ou une contagion du printemps arabe?

A Liège, quelques indignés ont planté leur tente place Saint Lambert. Pour combien de temps?

N., le copain de Sam, est très impliqué dans tous les mouvements de protestation locaux. Avoir un père réviseur d'entreprises peut assurer, je le pense, une vision alternative, par opposition. Sam, lui, est toujours partant, pour dénoncer et suivre son copain.

Face au G8, ces initiatives citoyennes sont évidemment dérisoires. Il ne faudrait pas pourtant les traiter avec mépris ou condescendance.

Les chefs d'Etat du G8, unanimes, ont pris parti pour soutenir financièrement le "printemps arabe". Il est vrai, les aspirations individuelles et politiques là-bas ne seront jamais effectives, si l'économie n'y est pas soutenue. Pour le moment, une promesse a été faite par les Etats du G8 ... mais à quelles conditions? dans l'intérêt de qui?

Les indignés pourraient bien devenir les vigilants de nos sociétés.

Cette indignation, au niveau local et je l'espère au-delà, est un appel à un autre ordre entre les hommes de par le monde.

Les surhommes

Moi, je suis plutôt casanier, à l'aise dans les livres, quand j'écoute de la musique, toujours sensible à la nature, heureux des rencontre banales et inattendues.

Certaines de mes connaissances voyagent beaucoup, et même plus que cela, elles mangent plus souvent au restaurant que chez elles, et, du moins le disent-elles, elles trouvent le temps, dans des vies professionnelles pourtant censées être très occupées, aussi de lire, d'aller au cinéma, au théâtre, à l'opéra ... rien de ce qui sort ne leur échappe: ils ont lu, vu, entendu toutes les nouveautés qu'il faut avoir lues, vues, entendues. Ils sont présents aux vernissages, aux inaugurations, dans les cénacles réunissant les forces vives. Ils côtoient des grands. Ils écrivent même aussi parfois des livres.

Il doit s'agir de sur-hommes, bénéficiant de capacités décuplées par rapport aux miennes ou d'un temps décuplé. Ils réalisent d'ailleurs de grandes choses.

Bien évidemment, ces connaissances aiment se retrouver entre elles.

Moi, je me sens, avec elles, totalement étranger. Je suis, et resterai, toujours un humble artisan sans grande réalisation à son actif. Peut-être est- ce bien ainsi?

jeudi 26 mai 2011

Mon musulman à moi

Je l'ai aimé, il m'a aimé, nous nous sommes aimés pendant quatre années. C'est la plus belle relation que j'aie vécue.

Nous avons conversé, hier, par la grâce d'internet. Nous nous estimons toujours autant. Mais il a tenu à mettre les choses au point.

Je reste son ami. Je ne demande pas plus.

Il est re-devenu très pieux. Il a décidé de renoncer à toute relation qui pourrait être sexuelle ou affective. C'est un choix que je puis admettre et comprendre, n'est-il pas celui que font les moines? Je le lui ai dit. Cela l'a rassuré. Je lui ai dit aussi que ma vie à moi aujourd'hui est fort proche de la sienne.

Il est revenu sur notre passé et j'ai découvert le vrai motif de son départ. Il était médecin spécialiste. Il aurait pu rester ici. Il est parti parce qu'avec moi il avait la conviction d'être sur la mauvaise voie.

J'ai énormément de respect pour ce qu'il exprime ainsi.

Je lui ai dit aussi qu'il ne devait pas oublier ce que nous avons vécu ensemble. Surtout, ne pas le considérer comme un égarement, mais comme un moment de vie, la sienne et la mienne, qui dorénavant nous constitue et nous accompagnera toujours. Sans ce moment de vie, peut-être n'aurait-il pas fait le choix qui est le sien aujourd'hui.

mercredi 25 mai 2011

Je plaide coupable

Oui, je plaide coupable! Certes, je n'ai pas été accusé formellement de quoi que ce soit. Mais je me sens coupable. Je l'ai compris par des commentaires glanés ça et là.

Il ne s'agit pas de mes idées ou de mes souvenirs. Ils sont ce qu'ils sont. Mais des mots.

Il m'arrive d'écrire parfois dans la précipitation ou sous le coup d'une émotion et de ne pas utiliser peut-être certains mots à bon escient. Tourne sept fois ta langue dans ta bouche ... avant d'écrire. J'en conviens, le ressenti inhibe parfois mon esprit. Cela a toujours été mon grand défaut: trop de place donnée à l'émotion. N'ai-je pas ainsi confondu, sous le coup de l'émotion, "micheton" avec "mignon"?

Un de mes anciens professeurs dont la rigueur intellectuelle et l'élévation de la pensée m'ont toujours impressionné a, dans le fil d'une discussion Facebook, indiqué, à propos de l'affaire DSK, qu'il y a eu au départ une accusatrice et un accusé, ce dernier jouissant, en règle, d'une présomption d'innocence. Voilà les termes exacts.

Si ce dernier est présumé innocent, elle ne peut pas être présumée victime (comme l'ont écrit d'aucuns) ... elle serait alors la victime d'un innocent. On ne peut pas présumer une chose et son contraire.

Tant qu'il n'est pas inculpé, on ne peut pas parler non plus de l'accusé comme d'un "présumé coupable", il est simplement un accusé. Une fois qu'il est inculpé, il devient un coupable potentiel, mais toujours présumé innocent ... mais un peu moins, car il y a comme un doute. Ce doute doit correspondre à une ébauche de faits, d'éléments matériels, de témoignages ("grand jury" aux USA, juridictions d'instruction, chez nous, même s'il existe d'importantes différences entre les deux systèmes).

A partir de là, il va falloir substituer au doute des preuves. Deux acteurs vont s'en charger contre l'accusé, devenu inculpé, mais toujours présumé innocent (et non présumé coupable): le procureur représentant de l'ordre social, qui agit au nom de l'Etat, et l'avocat de la partie civile, qui représente les intérêts privés de l'accusatrice. A partir du moment où l'accusé a été inculpé, mais reste présumé innocent, comment faut-il appeler l'accusatrice? Il faut dorénavant l'appeler la plaignante. Du côté de l'inculpé, vont intervenir les avocats de la défense.

A la fin du procès, on pourra peut-être parler d'un coupable et d'une victime, ou d'un non-coupable et d'une non-victime, et ce sera la vérité judiciaire.

Les particularités du système américain ont sans doute conduit nombre d'européens à ne plus trouver les mots justes. A partir du moment où un accusé se voit traité, sur la place publique, déjà comme un coupable, on ne trouve plus les mots qui conviennent. Quand un vrai coupable peut être disculpé s'il en a les moyens et moyennant transaction, on ne trouve plus non plus les mots justes.

Je plaide dès lors ici un peu en faveur de ceux qui ont parlé sans doute précipitamment de "présumé coupable" ou de "présumée victime". Ne voulaient-ils pas dire ainsi maladroitement que rien n'était joué? Tout le monde ne peut pas être un juriste de haut niveau. Ne voulaient-ils pas dire simplement qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer tant que des preuves ne seraient pas réunies à charge et à décharge?

"Pardonnons-leur, car ils font ce qu'ils peuvent" (Première épître de Xavier aux Saints innocents, 1, 1).

lundi 23 mai 2011

Déménagement, rangement et chaos

J'ai toujours eu en horreur les grands nettoyages de printemps. Tout commence avec une situation acquise, certes un peu poussiéreuse, mais acquise, suivie d'un moment où l'on perd tout contrôle, un chaos, suivi d'un nouvel ordre moins poussiéreux et donnant juste un temps l'illusion de plus d'espace, de lumière. Je me sentais bien avec l'ordre ancien et je me suis toujours bien senti avec l'ordre nouveau. Ce que je déteste, c'est le chaos intermédiaire. Cela m'a conduit à postposer souvent ces moments où l'on sort tout de partout, où l'on trie, où l'on jette et où, en fin de journée, ce qui était dans les armoires et ailleurs se retrouve au milieu du salon, me laissant dans un état de découragement total. Je ne suis pas rétif au changement. Je me sens désarmé entre l'avant et l'après.

Ce week-end, et ce jour, resteront à jamais gravés dans ma mémoire. J'ai décidé de trier et de me débarrasser de tout ce qui pouvait encore évoquer le droit et le droit fiscal chez moi. Un symbole peut-être. J'ai remis à mon successeur M. et à A., un de ses assistants, les livres et documents susceptibles d'intéresser mon ancien service ou de constituer une documentation personnelle pour un jeune chercheur. Cela libère une place considérable dans mon bureau. J'ai aussi jeté beaucoup de choses: des préparations de cours manuscrites, des rapports et compte-rendus pour diverses commissions, des documents relatifs à la vie de la faculté. Tout cela ne représente plus rien pour moi. J'espère que ce grand nettoyage m'ouvrira de nouveaux espaces ... et pas seulement des espaces de rangement supplémentaires pour Sam!

A., le dernier étudiant que j'ai promu à une carrière scientifique, et qui est maintenant chercheur au FNRS, me demandait si je lisais encore des revues fiscales. J'ai répondu: non. Je ne ferai plus jamais aucun travail scientifique dans ce domaine. Je m'intéresse encore, dans la presse, à ce qui touche à la fiscalité et il m'arrive de le commenter dans ce blog. Je lui ai cependant promis de lire ses travaux et sa thèse, d'autant qu'ils portent sur un sujet parmi ceux qui m'ont un peu passionné quand j'étais en fonction.

Après le départ de M. et de A., je me suis retrouvé face au désastre ... un bureau vide, mais sale, épouvantablement sale. Avec l'aide de Sam, toujours partant pour aider (un temps, puis en râlant bien sûr après), nous sommes en train d'essayer de rendre à ce bureau un peu de dignité. Nous n'avons pas encore fini! Sans Sam, l'aurais-je fait?

dimanche 22 mai 2011

Fierté(s) d'être liégeois et belge

En trois jours, à peine, trois palmarès nationaux ou internationaux viennent de mettre des liégeois et des belges à l'honneur:
- au concours Reine Elisabeth, un belge, un gantois qui porte pourtant un nom francophone, Thomas Blondelle,  termine deuxième finaliste;
- le Standard, l'équipe liégeoise adulée des liégeois, a remporté, hier, le championnat de Belgique de foot avec des joueurs d'un peu partout, il n'y a qu'à voir leurs noms;
- Bouli Laeners, un liégeois portant un nom flamand, a remporté deux prix au festival de Cannes 2011 pour son film Les géants;
- les frères Dardenne (Luc et Jean-Pierre), qui ont un nom bien de chez nous et sont mes voisins directs, ont remporté le grand prix du jury 2011, à Cannes, ce qui constitue, fait exceptionnel, leur cinquième (ou sixième?) victoire à Cannes (!) pour leur film L'enfant au vélo, avec Cécile de France (dont tout le monde sait qu'elle est belge) et un incroyable gamin, Thomas Doret, belge lui aussi, et qui a un nom comme il faut.

Ce soir, je me sens un peu fier de cette reconnaissance qui leur est acquise.

samedi 21 mai 2011

Quand la fiction précède la réalité aux Etats-Unis

Lors des événements du 11 septembre 2001, je n'avais pu m'empêcher de me dire que ce que je voyais en vrai avait déjà été filmé avant. Je songeais notamment au film La tour infernale. Les images que l'on me montrait semblaient plus sorties d'un scénario hollywoodien que de la réalité. Ou alors les terroristes arabes avaient admirablement assimilés les ingrédients des pénibles et désolants films d'action américains. Je n'avais pas pu m'empêcher de me dire alors: un attentat de cette sorte n'aurait jamais pu avoir lieu ailleurs au monde. Il y avait comme une adéquation entre la forme de l'attentat et ceux qu'il prétendait atteindre.

Avec l'affaire DSK, j'éprouve un peu le même sentiment. La réalité, car il doit bien avoir une réalité quand même, nous est montrée comme dans une série américaine. Les juges, les avocats, la victime, l'accusé semblent ne pas être dans la réalité, mais être des personnages d'un téléfilm ou d'une série télévisée d'une chaîne sans grand talent. Ne vous étonnez pas si bientôt on appelle à la rescousse l'inspecteur Colombo ou les experts Miami et Manhattan ... Il y a des experts partout aux Etats-Unis et des cohortes de détectives privés. Il ne sera pas nécessaire d'appeler à la rescousse les inspecteurs Derrick et Barnaby.

J'ai bien conscience qu'il y a ici une victime déclarée et un présumé coupable/innocent (quel terme est le bon?).

J'ai beaucoup de compassion pour la victime/accusatrice, il va falloir la croire et prouver ce qu'elle a dit.  Cela pourrait être pour elle une épreuve aussi grande que les outrages qu'elle a subis. Car les avocats de DSK ne manqueront pas d'engager des détectives privés pour aller fouiller tous les aspects de sa vie, dans le but d'y trouver une faille. Quoiqu'il arrive, donc, et même si DSK devait être reconnu coupable, sa vie après avoir subi les pires outrages, en aura subi d'autres encore.

Quant au présumé innocent/coupable, le procureur va devoir établir sa culpabilité,

Ce qui me frappe, dans ces deux affaires, c'est à quel point la fiction, aux Etats-Unis,  peut PRECEDER la réalité. Les affaires réelles finissent par ne plus être que des calques ou des reproductions d'oeuvres de fiction déjà imaginées. Cela est étrange. Un peu comme si les oeuvres de fiction ne se contentaient plus de décrire la réalité, avec plus ou moins de poésie, de distance, de réalisme ou de surréalisme. Un peu comme si les oeuvres de fiction locales finissaient par CREER la réalité.

Je m'interroge, je l'avoue.

Les paris d'Obama

Le président américain vient de faire, n'hésitant pas à jouer la rupture, deux déclarations d'une importance capitale.

La première consiste en l'annonce de l'équivalent d'un Plan Marshall pour les pays arabes qui sortent, et d'autres qui sortiront sans doute encore, de ce qu'on a présenté comme "le printemps arabe". C'est audacieux,  car certains alliés traditionnels des Etats-Unis,  comme l'Arabie Saoudite, ne doivent pas considérer ce soutien à des fauteurs de trouble d'un oeil très favorable. Dans les pays concernés,  malgré le désir de liberté, on ne peut exclure pourtant un réflexe de méfiance. Quelle est l'intention des occidentaux à notre égard, peuvent-ils se dire? Dans quelle mesure leur proposition est-elle, ou non, intéressée? Pourtant, ils le reconnaissent: leur futur ne se fera pas sans des investisseurs étrangers. Cette semaine-même, les autorités tunisiennes appelaient les entreprises belges à investir en Tunisie ... ce qui n'a pas manqué de susciter la crainte de délocalisations encore plus nombreuses chez nous! Tout cela est bien complexe. Le business, quoi.

La seconde déclaration du président est un appel à la reconnaissance d'un Etat palestinien indépendant, sur la base des frontières de 1967, soit avant annexion et colonisations. Immédiatement, le gouvernement israélien a manifesté son opposition. Allié traditionnel d'Israël, le pouvoir américain exprime, dans cette déclaration, un tournant. Israël doit se sentir un peu seul après un tel soutien à la cause palestinienne. Tentative de rapprochement (de séduction, de réconciliation) avec le monde musulman? L'enjeu est énorme. Il risque encore de susciter bien des événements et d'alimenter bien des polémiques.

jeudi 19 mai 2011

Les téléphones et DSK

DSK encore et toujours. Il faut bien que j'occupe mon esprit.

Je pense aussi à la plaignante, bien sûr. Ses propos ont été jugés dignes de foi jusqu'à preuve du contraire. On accepte de la croire. Quelle expression faut-il alors utiliser? Plaignante bénéficiant d'une présomption de véracité réfragable? Présumée victime? Tout cela n'est-il pas question de mots?  J'espère qu'elle sera aussi bien défendue que DSK. Son anonymat devait être respecté (des media la présente pourtant en photo, avec bio, etc.).

Le prévenu, lui, est exhibé depuis le début à l'opprobre publique avant même d'être jugé. Des photos de lui dans sa cellule, vraies ou fausses, circulent même aujourd'hui. On croît rêver. Comme l'a dit, le maire de New-York, c'est la règle ici, c'est peut-être humiliant, mais au moins tout le monde sait qui est soumis à jugement. Il y a quand même un petit défaut dans leur foutu système, lorsqu'est finalement jugé innocent celui qui a été soumis au banc d'infamie .

J'ai supprimé mon post d'hier me disant qu'il était maladroit (je ne connais rien du dossier, sauf ce que les media en disent, et je ne connais rien du droit américain). Il semble pourtant que certains aient aimé mes propos (je l'ai découvert, après coup, sur Facebook). Impossible de récupérer mon texte.

Dans ce dossier DSK, le téléphone sera peut-être l'explication ultime.

D'abord, si on en croit la chronologie reconstituée, les dirigeants de l'hôtel Sofitel ont mis plus d'une heure avant d'alerter les forces de police qui sont arrivées, très rapidement, quinze minutes après leur appel.

Ensuite, il faut imaginer DSK, ayant commis l'acte qui lui est reproché, prendre un taxi, aller dîner avec sa fille, rejoindre l'aéroport et de là téléphoner à l'hôtel, trois heures après les faits, pour demander qu'on vérifie s'il n'a rien oublié, notamment un téléphone portable, qu'on imagine haut de gamme. Là, la direction lui passe un interlocuteur (il est en fait de la police) qui lui dit, sans faire état de son statut de policier: "ne vous tracassez pas, nous vous rapportons votre portable avant le décollage". Et là, on le cueille.

Ces faits liés au téléphone sont étranges. Mais ils permettent d'illustrer ce qu'un avocat peut en faire.

Pourquoi  les dirigeants de l'hôtel ont-ils mis une heure avant de réagir?

Deux explications ont été proposées dans la presse:
- la victime était tellement choquée, ou ce qu'elle racontait tellement invraisemblable, qu'il a fallu un certain temps pour qu'elle soit crue par ses collègues et par sa direction;
- la direction de l'hôtel (chaîne française) aurait hésité à intervenir plus rapidement vu la personnalité de l'hôte mis en cause.

Il est aussi possible que, pendant ce moment flou, des éléments extérieurs aient pris les choses en main. Pourquoi pas? Je ne dis pas que j'y crois, je dis que c'est croyable.

Comment se fait-il que DSK, homme intelligent, se jette ainsi dans la gueule du loup sur le coup de 15 heures, alors qu'il est à l'aéroport? Il nous arrive à tous de perdre notre portable. le sien va le perdre. Non, il téléphone, pour le récupérer et voir s'il n'a rien oublié d'autre. Il devait pourtant bien imaginer que sa victime (présumée) avait pu parler entretemps et que le scandale pouvait être connu, presque trois heures après. Non, il téléphone à l'hôtel, le lieu des faits. Etrange attitude. Ne dit-on pas qu'un criminel ne revient jamais sur le lieu de son crime?

A partir d'ici, il faut tenter d'expliquer le comportement de DSK:
- son addiction au portable, née peut-être de ses responsabilités, l'amènerait-elle à prendre des risques pour récupérer le précieux objet?
- il a téléphoné parce qu'il ne se sentait pas menacé, soit parce qu'il n'avait rien fait, soit parce qu'il estimait n'avoir rien fait de nature à le mettre en danger (sentiment d'impunité), soit encore parce qu'il n'avait aucun souvenir de ce qui s'était passé (il était dans un état second). Ces trois cas sont bien différents.

Mais, je ne suis pas l'avocat de DSK.

mardi 17 mai 2011

Les quatre tentations

Comme l’écrivait Dostoïevski, les trois tentations du Christ au désert résument toutes celles qu’un homme peut connaître : avoir, pouvoir, valoir. Posséder, décider, séduire. 
Cette analyse d'un passage de la vie de Jésus, quand il était au désert assailli par le démon, est prophétique (cfr. Mt, 4, 1-11). Rien d'étonnant puisque Jésus est un grand prophète, ce que ne contestent même pas les musulmans.
Nihil novi sub sole. Rien de neuf sous le soleil. L'actualité récente (affaire DSK) le confirme. Posséder, décider, séduire. Avoir, pouvoir, valoir. DSK n'est pas le seul, loin de là, à avoir succombé à ces trois tentations depuis que le monde est monde.
Jésus, lui, a su résister. Il est peut-être même le seul qui ait réussi à ne pas succomber, à aucune de ces trois tentations. C'est en cela qu'il interpelle.
D'avoir résisté à ces trois tentations ne l'a pas empêché de subir une dernière tentation et d'y avoir succombé. Cela me rassure.
Non, ce n'était pas Marie-Madeleine comme a pu le laisser entendre Martin Scorcese dans La dernière tentation du Christ (1988).
Il s'agit du doute et de ses tourments.
Ai-je bien fait de renoncer à posséder, décider et séduire. J'ai cru que c'était le bon chemin. Voilà où il m'a conduit. "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné?"



lundi 16 mai 2011

Je m'étais juré de ne pas en parler: DSK II

Je n'ai aucune, mais vraiment aucune, sympathie particulière pour lui, mais je m'indigne, comme dirait Stéphane Hessel.

Je m'indigne contre le lynchage médiatique dont Dominique Strauss-Kahn fait l'objet, en Europe, depuis hier, photos à l'appui, grâce aux clichés pris par les photographes de presse américains, immédiatement relayés par leurs confrères des media européens. Car, il semble que la presse française s'américanise. La présomption d'innocence interdit, en France, que l'on montre ainsi menotté encadré par de solides policiers, quelqu'un à propos de qui un grand jury doit encore décider, au vu des éléments recueillis, s'il y a lieu de l'inculper définitivement ou non. Du goudron et des plumes ...

Je m'indigne contre le système judiciaire américain qui autorise ainsi la prise en photo, menotté, de quelqu'un dont il n'est pas encore prouvé qu'il ait commis ce qu'on lui reproche, un système judiciaire qui semble entretenir avec la présomption d'innocence des rapports fort lointains, mais autorise paradoxalement les libérations sous caution et les transactions tout au long du procès. Transactions qui finissent par être un marchandage entre l'avocat du prévenu et le procureur ("Ok, man, s'il plaide coupable pour cette prévention, je suis prêt à abandonner les poursuites sur telle autre ou sur cet autre aspect de la question"). Ils rendent apparemment la justice comme ils font du business. Un européen se rend compte alors que la vérité judiciaire est, aux Etats-Unis, encore plus éloignée de la vérité que la nôtre. Si vous avez de l'argent pour payer votre libération sous caution, pour offrir un pactole à la victime afin qu'elle retire sa plainte, votre avenir est radieux. Mais, si vous êtes un pauvre hère, sans moyens pour vous payer un avocat aussi fort que le procureur et sans moyens pour faire taire celui qui vous accuse, il n'est pas impossible que vous vous retrouviez sur la chaise électrique (puisque la peine de mort est toujours applicable dans certains Etats américains), sans avoir peut-être rien fait. Et alors? "Justice a été rendue", comme l'a dit le président Obama, à propos de la mort de Ben Laden. Cette phrase a satisfait les américains. Elle a heurté ou au moins interpelé les européens. Quant aux arabes, qui vivent leur printemps en lorgnant vers nos démocraties, ils ont dû se poser bien des questions. Si c'est ça la démocratie, ça ne change pas grand chose aux pratiques tribales et féodales. C'est pour cette raison qu'une Europe forte de ses convictions, de sa culture et de sa tradition a un rôle capital à jouer. C'est pour cette raison aussi que cette Europe ne doit pas se diluer dans une espèce de marché de plus en plus grand. L'Europe ne peut pas, ne doit pas, devenir un calque des Etats-Unis d'Amérique. Elle doit toujours plus cultiver sa différence et devenir un pôle de référence pour d'autres quant aux valeurs qui fondent une société.

Je m'étais juré de ne pas en parler: DSK

L'événement sismique du week-end a pour objet l'arrestation et l'inculpation de Dominique Strauss-Khan, directeur du Fonds monétaire international, et présidentiable français, pour tentative de viol, agression sexuelle et séquestration sur une femme de chambre. L'homme étant qui il est, et ce qu'il est, l'affaire fait grand bruit.


Je n'ai envie ni de prendre position, ni de commenter les réactions plus ou moins saines, plus ou moins nauséabondes, plus ou moins cyniques, que l'événement suscite.


Une personne proche a exprimé, avant moi, ce que je pense aussi, comme ceci: "S'il y a eu complot, c'est désolant. Si tout est vrai, cela l'est tout autant".


J'ajouterai ceci,  pour faire un peu la nique ... (le mot est peut-être mal choisi,  en l'espèce) aux journalistes. Relisez bien ceci. Sur un site internet d'information qui s'appelle Post.fr, on peut lire ceci: "Dominique Strauss-Khan, accusé de tentative de viol par une femme de ménage d'un hôtel de New York ...". Pour éviter que le lecteur pense que c'est DSK qui a été l'objet d'une tentative de viol PAR la femme de ménage (de quoi l'accuse-t-on alors? mais ça change tout!), il eût mieux valu écrire: "Dominique Strauss-Kahn accusé par une femme de ménage d'un hôtel de New York d'une tentative de viol envers elle".


Je me dois aussi de signaler les réflexions de mon ami JPR, dans son blog, qui en appelle à la virtus, la vertu chez les romains.


http://rousseaumusique.blog.com/2011/05/16/vertu/


 La virtus, la vertu, n'a rien à voir avec les "dames de petite vertu";  elle résume les qualités de l'homme qui entend exercer des fonctions publiques. Vir = l'homme, d'où virilité et vertu, un couple qui ne semble pas aller de soi pourtant, en l'espèce. Il convient de remarquer, en "paaaasssant" (comme le disait Jacqueline Maillan, après son expérience avec l'abonimable homme des neiges), qu'on ne jauge donc point, quant à la vertu, les hommes et les femmes à la même aune.


Il est toujours bon cependant de se remémorer ses classiques. On avait beau prêcher la vertu, chez les romains, les hommes qui y ont détenu le pouvoir ont fait pire que DSK!


C'est qu'il ne suffit pas de prêcher, il faut être entendu.


L'exercice du pouvoir, aussi petit soit-il, corromprait-il inévitablement?


Où sont les hommes intègres qui pourraient nous sauver? Il semblerait qu'ils se trouvent au Burkina Faso (ancienne Haute-Volta), le pays des "hommes intègres" (en burkinabe), un des pays les plus pauvres du monde. Tout un symbole.


Je me suis, dans la foulée, demandé: "où sont passés nos juges intègres?". Les juges intègres étaient des juges ambulants, sur canasson, allant de ville en ville et de village en village, pour régler les différends. On dirait aujourd'hui un juge de paix. Pas de panique donc dans la magistrature! Je pensais en fait au panneau disparu de l'Agneau mystique à la cathédrale Saint Bavon de Gand.





dimanche 15 mai 2011

Monastères, condamnés, repentis et blessés de la vie

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, un monastère est toujours un lieu d'accueil, malgré parfois les hauts murs qui cernent le domaine, une "clôture" plus ou moins stricte selon les monastères, et les grilles qui séparent de plus en plus rarement les religieuses du monde.

Saint Benoît ne le dit-il pas dans sa règle? " On recevra comme le Christ lui-même tous les hôtes qui surviendront, car lui-même doit dire un jour: J'ai demandé l'hospitalité et vous m'avez reçu (Mt, 25, 35)" (RSB, 53).

Il s'agit d'une exigence radicale: peu importe qui, quand, son âge, son sexe, son passé, ses tourments, ses errements, ses particularités, ses fautes et, le plus important peut-être, même si l'hôte survient, alors que ce n'était pas prévu ou prévisible. Il y a peu d'endroits, en dehors peut-être de certaines structures médicalisées d'urgence, où il en est ainsi.

Je voudrais évoquer ici quelques aspects concrets relevant de l'hospitalité bénédictine.

J'ai été souvent reçu au monastère parce que j'étais en question, blessé, ou en recherche d'un moment pour moi et pour souffler, mais aussi parfois parce que j'étais heureux et libéré; j'ai toujours trouvé là un peu plus de paix, d'écoute, d'empathie et, après mon séjour, du soutien jour après jour dans la prière. Dois-je dire que la vie monastique m'a toujours attiré et particulièrement telle qu'elle est vécue à Wavreumont dans sa simplicité, son ouverture, ses imperfections et son humanité?

Ce matin, à la messe du dimanche, il y avait vraiment beaucoup de monde. Cela veut dire que cette communauté est bien vivante, quand tant de paroisses sont mortes.

Frère Pierre, en ouvrant la célébration, a souhaité la bienvenue à un groupe venant de l'étranger, aux pères jésuites en retraite, à la Communauté de l'Arche de Bruxelles et à tous les habitués. Je parlerai un jour plus longuement des Communautés de l'Arche où le handicap n'est pas une barrière et même souvent une leçon de vie.

Quelques images très belles me restent en mémoire. Rien d'inventé, rien que du réel.

Parmi les membres de la Communauté de l'Arche de Bruxelles, une jeune fille, dont le balancement perpétuel témoignait de son trouble mental, était régulièrement prise de crises de larmes et de tristesse. Que se passe-t-il alors dans sa tête? Ce qu'il se passe parfois aussi dans ma tête à moi peut-être. Une gamine trisomique, dont les parents sont des familiers du monastère, accourait à chaque fois pour la consoler, la caresser, lui donner des bisous. C'était beau et désarmant. Le geste qu'il fallait, spontané et juste. Il fallait qu'elle soit là cette petite pour faire ce que nous ne nous autorisions pas à faire, car nous étions à la messe quand même.

Un jeune garçon trisomique est aussi parfois acolyte. Il est fier de porter une aube blanche et d'être "avec" les moines. Il s'acquitte avec beaucoup de sérieux de ses tâches et il le fait à la perfection. Frère Paul l'assiste et reste assis à côté de lui pendant les temps morts (il regarde alors les images d'un livre qui doit être un livre d'images). J'imagine que ses parents sont aussi heureux de souffler un instant et de voir leur fils tenir un si beau rôle.

Et puis, Frère Hubert, lui qui est tellement réservé d'habitude, ce matin, avait posé sa main sur l'épaule d'une gamine, un peu agitée, et cela la calmait. Quel est le secret?

Ces derniers jours, une émotion s'est exprimée à propos de la libération conditionnelle de Michèle Martin, celle qui fut l'épouse de Marc Dutroux et, plus ou moins consciemment et partiellement, selon les versions, sa complice.

Condamnée à 30 ans de prison, elle bénéficie, après quinze ans, en raison de sa bonne conduite en prison, d'une libération conditionnelle, ce qui suppose qu'elle ait défini un plan sérieux de réinsertion dans la société. Les media ont beaucoup parlé d'un couvent en France. Les couvents semblent de plus en plus la destination de ceux qui ont commis l'abominable (cfr. Roger Vangheluwe,  celui qui a été, un temps, monseigneur). Y retrouveront-ils leur âme?

Ce n'est évidemment pas la fonction première d'un monastère d'accueillir, en vue d'une reconstruction, d'anciens délinquants que l'on libère avant terme et conditionnellement. Il s'agit avant tout quand même d'une responsabilité incombant à l'Etat, qui n'y consacre pas assez de moyens. Cela pose une question importante. Il ne faudrait pas que les monastères deviennent une alternative automatique à la prison.

Cela dit, un monastère peut certainement être, pour certains, un lieu de reconstruction. On y trouve une distance suffisante, une vie encadrée, la possibilité de travailler et d'ainsi oublier un peu. On est sûr surtout de ne pas y être jugé et condamné, ce qui peut rendre confiance en soi après les horreurs commises. Cela suppose que les choses soient claires: la communauté monastique doit se sentir apte et prête et le candidat doit faire preuve d'une réelle capacité d'insertion.

On a appris, pour Michèle Martin, que ce ne serait pas en France. Avant même d'avoir été saisi d'une demande officielle en ce sens, et sur la base de ce qu'avaient pu écrire les media, le garde des sceaux français, Michel Mercier, a déjà répondu: non. Réaction prématurée? C'est  bien dans le genre du pouvoir Sarkozien (ou Sarkozyste?), qui agit avant de réfléchir ou alors toujours par opportunisme politique.

Quant à Roger Vangheluwe, qui ne pourra jamais être emprisonné, les faits étant prescrits, je lui souhaite d'être, là où il est ou sera, amené à de très longs temps de solitude et à un travail de frère convers. Je ne le condamne pas ainsi ... car moi, cela me plairait plutôt bien que l'on me propose cela, alors que je n'ai rien fait.

jeudi 12 mai 2011

Sire, mon Roi, cher Albert

Sire, mon Roi, cher Albert,

N'avez-vous pas encore compris?
Nos élus ne représentent plus rien.
Pardonnez-moi si, en parlant de nos élus, je revendique la toute petite part du pouvoir que nous partageons vous et moi: vous, comme moi, n'avons plus guère de pouvoir et même de moins en moins. C'est ainsi.

Notre pouvoir, mon Roi, le vôtre et le mien comme citoyen, a été confisqué par une caste qui comprend plusieurs degrés. Il s'agit d'hommes et de femmes dits "politiques" regroupés dans des partis. Ils fonctionnent tous plus ou moins de la même façon quel que soit le parti. Au premier degré, on trouve des sympathisants; après, des militants; ensuite, des militants engagés; après, ils finissent par devenir cadre du parti, élu et enfin président (ou co-président). Et c'est dans cette dernière étape que tout se gâte.

Méfiez-vous, Sire, ces structures que l'on nomme "parti politique" sont néfastes.

On trouve bien entendu, dans tous les partis, des gens bien et qui veulent bien faire. Le problème est que plus ils montent dans la hiérarchie de leur parti, plus ils sont habités par un étrange démon dont ils n'ont pas conscience. En effet, plus ils deviennent importants, plus il gèrent de dossiers, plus ils participent à des négociations, plus on leur donne du pouvoir, moins ils sont efficaces. Ils sont inquiétants, Sire. Ils parlent beaucoup pour ne rien dire. Ils rédigent frénétiquement des tonnes de notes, des rapports qui finissent toujours à la poubelle, car personne jamais n'y adhère. Ils s'agitent. Il s'agitent parce qu'ils croient ainsi exister et dans le même temps être des hommes et des femmes d'Etat. Vous savez, comme moi, qu'il n'en est rien, car, comme moi, vous n'êtes pas dupe.

Cher Albert, on dit que le pouvoir use. Si nous résistons envers et contre tout, vous et moi, c'est parce que nos pouvoirs sont limités. Les autres sont inefficaces parce que - reconnaissons-le - ils veulent être tout-puissants. Alors, ils se disputent entre eux. Or, on ne construit rien en se disputant. Le pire, Sire, c'est qu'ils aiment se disputer. Ils sont comme ça: ils ne se sentent exister que dans la dispute.

Vos sujets, mon Roi, ne se reconnaissent plus en eux et finissent par ne plus se reconnaître entre eux ... à cause d'eux.

L'heure est grave.

Je voudrais dès lors vous faire quelques suggestions.

D'abord, je vous invite à m'inviter dans votre résidence du sud de la France pour en parler autour d'un petit verre de rosé.

Ensuite, je vous suggère de confier la conduite des négociations futures à un homme "hors parti". Je ne pense pas à moi évidemment, pourquoi pas une femme?

Enfin, je me permets de vous inviter à ne plus trop convier de politiques dans vos prochains gouvernements. L'homme politique n'est pas, par définition, plus compétent qu'un autre. Au vu des responsabilités qu'on leur confie, tellement fluctuantes, les hommes politiques devraient d'ailleurs être omni-compétents. Le sont-ils?

Cher Albert, j'espère vous rencontrer bientôt au bord de la piscine pour enfin donner à la Belgique l'avenir qu'elle mérite.

lundi 9 mai 2011

L'insouciance

"Mon Dieu, donnez-moi l'insouciance", aurait dit Henry de Montherlant. Plus qu'un autre peut-être, je comprends cette invocation.

J'aime dans cette citation l'idée que Dieu peut nous donner l'insouciance à nous qui avons tant de soucis. Il y a un double aspect dans cette requête: l'insouciance est donnée, elle ne se conquiert pas; puisqu'elle nous est donnée,  elle ne vient dès lors pas de nous.

Mes brésiliens de fils sont insouciants. Ils doivent être nés insouciants, car dans leur(s) famille(s) d'adoption, surtout la mienne, on serait plutôt du genre à se soucier de tout.

Mes fils n'ont pas le souci du lendemain. J'y contribue un peu, je l'avoue, car j'assure le lendemain. S'il y a du soleil, ce n'est pas un jour pour chercher du travail. Il faut d'abord profiter de ce don du ciel. Il n'y a jamais de délai pour accomplir une tâche. Si elle doit être interrompue, parce qu'un ami vient, on peut remettre au lendemain ce qui a été entrepris et restera ainsi inachevé; ce n'est pas grave: on le fera demain. Contrairement à moi, mes fils aimeraient devenir riches pourtant.

L'insouciance de mes fils m'interpelle, parce que sans elle ils ne seraient peut-être pas heureux. Je pense même qu'ils sont plus heureux que moi. Une humoriste française, dont le père a fait les beaux jours de la presse satirique, estime que "la vraie insouciance, c'est de laisser les autres s'inquiéter pour soi" (M. Bernier).

Ben vit de peu. Sam vit avec moi. Je m'inquiète pour eux deux. Leur mode de vie, qui est le contraire du mien, me renvoie à des choses aussi essentielles que le temps, l'argent, le plaisir, la convivialité, la douceur de vivre.

Certains pensent que, pour exister, il faut produire et gagner beaucoup d'argent.
D'autres pensent que, pour exister, il faut surtout se connaître de plus en plus.
D'autres encore pensent que, pour exister, il faut prendre le temps.
Enfin, il a été dit à d'autres encore que, pour exister, il faut se taire et ne pas penser.
Tel est le monde.

Mon Dieu, donnez-moi l'insouciance.

dimanche 8 mai 2011

N'en fait-on quand même pas un peu trop avec la fête des mères?

Quand j'étais enfant, la fête des mères cela consistait, pour moi, à offrir à ma mère un bégonia chétif ou un bricolage maladroit et inutile, devant lesquels ma mère se croyait obligée de s'extasier, et puis qui disparaissait Dieu sait où.

J'ai aujourd'hui remplacé le begonia chétif par un bouquet. Ma mère s'extasie toujours autant. J'ai renoncé aux bricolages.

Les choses pourtant ont bien changé. La fête des mères a été longtemps, pour moi, une circonstance où j'offrais quelque chose à MA mère et lui témoignait ainsi plus ou moins spontanément de mon affection.

Aujourd'hui, on fête LES mères et j'ai vu fleurir sur Facebook de nombreux messages où les intervenants ne parlaient plus de LEUR mère, mais DES mères qu'ils connaissaient, de TOUTES les mères et même des mères que certaines auraient voulu être et qui n'ont pas pu. Les mères se souhaitent même entre elles une bonne fête des mères.

D'un hommage rendu par un enfant (fils ou fille) à sa propre mère, on est donc passé à une espèce de célébration de la maternité comme un idéal absolu et bien entendu parfait. Une fois par an, on fête donc dorénavant la maternité.

Cela me met très mal à l'aise ... et j'attends impatiemment la fête des pères, pour voir s'il en sera de même!

Toutes les mères méritent-elles un hommage aussi unanime? Il y a des mères qui n'ont rien de maternel, des marâtres et des "Folcoche", des mères qui abandonnent leurs enfants, des mères qui auraient préféré ne pas l'être. Demandez à Elisabeth Badinter ce qu'elle pense de l'instinct maternel.

Je connais aussi des femmes qui ont fait le choix de ne pas avoir d'enfant, et donc de ne jamais être mère. Elles sont exclues de la fête. Leur choix m'est paru parfois plus raisonnable que celui d'autres qui voulaient (devaient) être mère à tout prix. Mais je ne puis juger, et donc condamner, c'est juste une impression.

Je ne puis naturellement témoigner en tant que mère, je suis à peine père. Ce que ressent une mère face au fruit de ses entrailles est inaccessible à un homme.

Des jeunes mères que je connais sont totalement épanouies comme mères et leur bonheur fait plaisir à voir. Elles méritent deux bégonias.

L'une d'entre elles a écrit, sur Facebok, que "le jour de la fête des mères, c'est le jour de l'anniversaire de leurs enfants". Voilà qui recadre parfaitement et merveilleusement le sujet.

Cristobal, Silvio et Medi

Il y a un petit temps que je n'ai plus fait de découvertes musicales qui soient aussi des coups de coeur.

Cristobal Repetto est né en 1979 en Argentine. et il chante du tango, du vrai, celui que l'on dit des banlieues. S'il a le physique ombrageux, sa voix ne l'est pas. Elle semble même d'un autre temps, comme relayée par quelque ancien phonographe. Ses disques sont édités par Deutsche Grammophon.









Je dois cette découverte à Juliette, celle qui chante si bien, de si beaux textes et qui assume sans complexe ses rondeurs et ses rondes lunettes. Je lui dis merci, car il y a une réelle émotion dans les interprétations de Cristobal Repetto. Il puise dans un répertoire ancien, le revisite par sa présence et son allure modernes et par sa voix.




http://www.youtube.com/watch?v=qmRepcvmFZk

http://www.youtube.com/watch?v=JWNqK7IgJf4


Silvio Rodriguez Dominguez est né, en 1946, à Cuba. Sa vie est faite d'engagements où la musique et la politique se mêleront sans arrêt. Il militera en effet toujours pour la démocratie, la justice et contre tout impérialisme. La figure de Che Guevara ne lui déplaisait pas. Il croisera Victor Jara, qui fut l'icône musicale des résistants chiliens à la dictature et collaborera avec lui. En 1976, il s'engagera comme volontaire en Angola. En 2003, plusieurs de ses chansons font référence au conflit en Irak. Il appartiendra au début des années 1970 à la Nueva Trova Cubana, c'était bien avant le retour du Buena Vista Social Club  et ses anciens que j'adore aussi.




J'ai découvert Silvio Rodriguez grâce à un nouvel ami virtuel F. Uribe, de peu mon aîné, qui ne doit pas être né ici, mais y habite. Je lui dis merci.


http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=_MtiyV7-7sk

http://www.dailymotion.com/video/x47gnq_silvio-rodriguez-unicornio-en-vivo_music


Le troisième, je le connais à peine et les mauvaises langues s'empresseront de dire que j'ai plus été séduit par son look et son physique que par son talent. Ce qui est bien entendu tout à fait vrai. Un autre ami FB, à peine rencontré dans la vie non virtuelle, me l'a fait découvrir. Considérant la pertinence et l'acuité de ses critiques concernant la musique baroque, il me paraît une référence digne de foi ... à moins que lui aussi n'ait succombé au look et au physique du sujet. Qu'il est dur de rester objectif quand on est appelé à être examinateur. Je comprends pourquoi certains de mes collègues anxieux préfèrent l'examen écrit à l'examen oral.

De Mehdi, j'avais gardé en mémoire un enfant, puis un adolescent, dans une série télévisée de mon enfance. Il y eut Belle et Sébastien, puis la Mary Morgane. On disait que la mère de Mehdi, qui était aussi la réalisatrice, était l'épouse d'un prince arabe. De quoi faire fantasmer dans toutes les chaumières des années 60.




J'ai trouvé ces antiques photos sur un site dédié ... aux chiens, c'est dire la carrière qu'a fait Mehdi, le fils de prince.

Je veux donc parler d'un autre ... sans "h", Medi donc. Je ne sais rien de lui, je puis juste vous le montrer et vous le faire écouter.






http://www.youtube.com/watch?v=43bUL2cZ428

Affaire à suivre.

Je constate, en clôturant, qu'il n'y a pas de blond dans ma sélection. Je m'interroge.

samedi 7 mai 2011

J'ai deux problèmes dans la vie

J'ai deux problèmes dans la vie quotidienne: les chaussettes et les Tupperware.

Beaucoup partagent avec moi, je le sais, l'angoissante incapacité à restituer des paires parmi les chaussettes qui sortent de la lessive. Cela m'angoisse, car il ne s'agit pas d'une question philosophique complexe. Serais-je inapte aux choses simples? On apprend à faire des paires à l'école maternelle. Je devais sans doute déjà couper en quatre les cheveux de ma fiancée de l'époque.

Avançant en âge, j'ai été confronté à un autre problème similaire: assortir le Tupperware et son couvercle. Je ne sais pas comment cela est possible: j'ai une collection de boîtes et une collection de couvercles, mais qui ne s'accouplent pas. Certes, je soupçonne un peu mes fils à qui je refile de temps en temps des restes pour améliorer leur ordinaire. Mais cela ne peut pas tout expliquer.

J'aurais dû me méfier quand un ami m'a convié à une soirée Tupperware. Car oui, mesdames, aujourd'hui, ce sont les hommes célibataires qui organisent des soirées Tupperware, soirées plus ou moins gay. Mais, vous, vous organisez bien des soirées lingeries et sex-toys.

vendredi 6 mai 2011

La perle noire

Malgré quatorze ans de présence dans le quartier, je me suis retrouvé attablé pour la première fois, seulement hier soir, à la terrasse de La perle noire, ce café africain qui se situe dans la rue juste derrière chez moi. Il s'agit d'un café animé, c'est le moins qu'on puisse dire. Les soirées s'y prolongent bien souvent jusqu'à 10-11 heures le lendemain. J'ai été le témoin aussi, un soir, d'une rixe entre deux clientes pour Dieu sait quelle raison. Deux furies qui ont donné tout son sens à l'expression "se crêper le chignon".

Hier soir, cela fut beaucoup plus paisible. J'ai eu la surprise, alors que je rentrais chez moi, d'être abordé par une petite famille qui m'a immédiatement convié à boire un verre à la terrasse de La perle noire.


Le papa a été mon étudiant, il y a quelques années, dans la formation complémentaire en fiscalité. Il est originaire du Burundi. Je me rappelais bien de lui, poli, souriant, toujours désireux d'en savoir plus. Il m'a avoué avoir aujourd'hui 48 ans ... il en paraît trente. L'âge ne semble pas avoir de prise sur lui. Il m'a parlé un peu de sa vie: un divorce (encore un) et son actuelle entreprise de peintures en bâtiment. C'est bien connu: le droit mène à tout à la condition d'en sortir.

Il m'a présenté le patron du café en lui expliquant qu'il invitait "son" professeur. Surprise! Le patron a répondu alors: "mais moi aussi, j'ai été l'étudiant de Mr Parent, quand j'étais étudiant en sciences politiques". Du coup, je me suis senti en confiance (je n'ose pas dire: "en pays conquis").

Ceci est important pourtant. Se sentir, comme cela, accueilli et estimé rend heureux et donne des ailes. Je n'ai pas souvent ressenti cela dans ma vie active.

J'ai alors fait la connaissance de la nouvelle compagne de mon ancien étudiant et des deux enfants qui étaient avec elle.

Elle, une jeune femme solide, extravertie, souriante, fûtée, avec un grand sens de l'humour. Cela a été un plaisir de converser avec elle.

Le garçon, l'aîné des deux enfants (j'ai cru comprendre qu'il avait été adopté), sympathique et d'une grande maturité (sagesse ?), malgré ses onze ans seulement. Nous avons beaucoup parlé de l'adoption.

La petite fille, sept ans, un peu plus effacée. Elle n'était pas encore tout à fait dans notre monde de grands.

Cette rencontre a été pour moi, une expérience importante. J'étais là en présence de belles âmes, simples, chaleureuses, bienveillantes.

Sam l'a tout de suite remarqué, quand je suis rentré un peu plus tard que prévu: "tu as l'air d'être sur un petit nuage". Oui, une rencontre comme celle-là fait un bien fou.

mardi 3 mai 2011

Le sang de Jean-Paul II et le corps de Ben Laden


Ils sont tous les deux morts. Enfin, cela est sûr pour Jean-Paul II (quoique); cela est moins sûr pour Oussama Ben Laden, dont on n'est même pas sûr qu'il ait réellement existé (quoique).

Nous n'aurons aucune relique du sang de Oussama Ben Laden. A peine occis, ce qu'il pouvait rester de ce dernier a été immergé au fond de la mer par les forces américaines de la CIA, "dans le plus grand respect des traditions de l'Islam" (ce qui faisait grincer les dents des arabes qui attendaient leur tour, comme moi, chez le coiffeur). "Justice a été faite" a dit Obama. Justice ou vengeance? A moins que Obama ait décidé de tourner la page avec le passé tordu de son prédécesseur. Si c'est le cas, ce n'est pas moins tordu.

Oussama Ben Laden fait partie des plus ou moins cinquante enfants (!) que son père a eu avec ses dix (!) épouses. Il y a de quoi être perturbé en effet. Perturbé? Drôle de question! On ne peut pas être perturbé  quand on agit comme le Prophète (quoique).

De Oussama Ben Laden, on dit qu'il était réservé, timide, pieux et qu'il ne sortait pas, comme ses frères, dans les lieux où l'on s'adonne au(x) plaisir(s) (?).

Ayant lu cela, j'ai été pris d'une crise d'angoisse.

Le garçon, que j'ai le plus aimé dans ma vie et qui était musulman,  était  aussi "réservé, timide, pieux" et il ne sortait pas, ou alors un peu avec moi. Rétrospectivement (il est maintenant retourné au Maroc, et je me sens bien seul), je me demande s'il n'aurait pas pu être un adepte de Oussama Ben Laden, si telles étaient les conditions d'accès.

Et puis moi, dans le fond, j'ai aussi toujours été "réservé, timide, pieux" ... et je me prive aussi de beaucoup de plaisirs. Ai-je une tête et un profil de Ben Laden?

Reste le sang de Jean-Paul II! Le corps de Jean-Paul II, lui, n'a pas été plongé dans la mer.

On a même ressorti son cercueil du tombeau. Jésus pourtant a fait mieux: dans son tombeau, quand ils sont venus, le tombeau était vide et les linges étaient rigoureusement pliés.

Voilà la différence: le tombeau de Jésus était vide; celui de Jean-Paul II comportait un cercueil que certains ont décidé d'offrir à la vénération. Le comble a été atteint quand un reliquaire, censé contenir quelques gouttes de sang (?) du défunt Pape, a été embrassé, avec une suspecte passion, par le Pape en fonction.




Ils se sont ainsi honteusement compromis. Je ne leur pardonnerai jamais.

La foire aux idoles et aux prophètes

"Tu ne te feras pas d'idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas ... " (Exode, 20,  4-5).

Le prophète Mohamed (= "digne de louanges"), plusieurs siècles après, n'a pas dit autre chose, quand il a parlé d'un seul Dieu aux tribus de sa région. Il parlait à d'autres peuples, au moment qui leur convenait, mais il leur disait la même chose que d'autres avant lui. N'en déplaise à mes nombreux amis musulmans, celui qu'ils considèrent comme le dernier, et l'ultime, des prophètes n'a fait que répéter ce qui avait déjà été dit. Il le fallait sans doute. Ce qui me gêne profondément dans ce qui est rapporté du prophète Mohamed, c'est une profonde régression au regard de la parole unique et libératrice de Jésus, que les musulmans considèrent, je le concède, comme un prophète, mais mineur. J'ai l'impression d'être confronté à une espèce de décalage horaire.

Quelle est donc la différence entre Jésus et Mohammed, tous deux fils d'Abraham?

Elle est simple à définir: "Mon royaume n'est pas de ce monde",  a dit Jésus (Jn, 18, 36). Il voulait dire par là qu'il nous interpelait au plus profond de nous-même, dans notre intimité. Il nous offrait la liberté intérieure. Il proposait de nous guérir, comme il avait guéri en son temps ceux qu'il rencontrait. Il ne guérissait jamais le corps ou la raison, sans d'abord une conversion. Il parlait de notre vie spirituelle, celle qu'il appelait "la Vie" ou "le Royaume", qui est aussi une vie avec les autres, mais qui lui permettait de dire aussi à Dieu: "Père" et, comme il ne nous oubliait pas, tout prophète qu'il était: "Notre Père".

Malgré toutes mes recherches, je n'ai jamais rencontré cela dans l'islam. J'en conviens, de l'islam, je ne connais sans doute que peu de choses, ce que j'ai appris de mes lectures et de mes amis musulmans.

Je dois l'avouer, je fais un blocage sur une prétention de la religion islamique à tout régir, à confondre la foi et le droit, l'individu et la communauté, la politique et la croyance. Je me réjouis donc de ce que l'on appelle "Le printemps arabe", qui est en train de déconstruire ces quelques fondements.

Mais, ma crainte est plus grande que cela. Je n'aime pas les idoles et encore moins les prophètes qu'on idolâtre. Or, nous avons tous nos prophètes et nos idoles. Y réfléchir est salutaire.

Deux exemples, ces derniers jours.

Oussama Ben Laden que d'aucuns ont pu considérer comme un nouveau prophète, ou une idole, se retrouverait, si on en croit les media, "dans les eaux sous la terre" (Ex. 20, 4).

Jean-Paul II n'est plus de cette terre, mais j'ai vu qu'on se prosternait à Rome devant une relique de son sang. Le pape même l'embrassait goulument. Or, n'est-il pas dit: "Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux" (Exode, 20,  4-5).

Le chemin est long encore à parcourir pour que les hommes aient un peu de bon sens.



dimanche 1 mai 2011

Je n'ai pas regardé (ou à peine) la béatification de Jean-Paul II

J'ai beau être une midinette, la célébration de ce dimanche n'est pas passée.

J'avais, rappelez-vous,  trois raisons pour regarder le mariage de Kate & William: la musique, les chapeaux et les parures.

Reconnaissons ce qui est:  l'organisation et le protocole étaient aussi bien assurés au Vatican qu'à Buckingam. Les couleurs aussi.

La musique? Je ne sais pas qui dirige les choeurs du Vatican, mais à chaque fois que je les entends, j'entends un choeur où il semble que la consigne donnée a été de chanter le plus fort possible. Il n'y a aucune cohésion. Les voix sont moches. Le répertoire est moche aussi.

Les chapeaux? Aucune fantaisie ici! Les invitants portent tous le même chapeau: une calotte; seul, le pape porte une mitre, qui est loin d'être le plus seyant des chapeaux. Les invitées royales sont priées de porter la mantille!

Les parures? On a droit à du blanc, de l'or, du pourpre, du rouge, du violet. Ce n'est pas mal en soi. Mais il ne faut pas s'attarder à ceux qui portent ces tenues. Point de Pippa ... pour créer la surprise.

Et puis que célébrait-on?

Vendredi, chacun pouvait rêver devant un jeune couple qui semble s'aimer et qui, pour cela même, a, on l'espère, un avenir devant lui.

Ce dimanche, l'Eglise faisait la fête à un mort. Le plus sordide a été la relique proposée à la vénération populaire: un peu de sang (on ne dit pas quand ce sang a été prélevé, ni comment d'ailleurs). Le plus incompréhensible, c'est qu'il y avait plus de monde encore pour cette célébration que pour le mariage du siècle.

Jean-Paul II est donc, depuis aujourd'hui, bienheureux. Pas de chance pour lui, je le suis depuis plus longtemps que lui. Il a fait un miracle, enfin paraît-il. Mais moi, dans mes relations familiales, je fais des miracles tous les jours.

Que faut-il faire pour devenir (bien)heureux?

De Jean-Paul II, on a dit que, sans lui, le mur de Berlin ne serait pas tombé; je me demande si ce n'est pas un peu exagéré. Le printemps arabe en témoigne aujourd'hui, ce dernier se produit sans pape.

De Jean-Paul II, on souligne le charisme, la capacité à mobiliser les foules. D'autres l'ont fait avant lui, pas toujours en bien.

De Jean-Paul II, on se complait à souligner son courage face à la maladie. C'est étrange, mais pour moi, le vrai courage et la vraie humilité face à la maladie auraient été l'abdication et non la poursuite de plus en plus précaire de ses fonctions.

De Jean-Paul II, on oublie, un peu trop aisément, les relations complaisantes qu'il a entretenues avec des représentants conservateurs, sinon d'extrême droite (Opus Dei, Pinochet, Légionnaires du Christ), alors que, dans le même temps, il ignorait ou condamnait au silence les "gauchistes" de l'Eglise.


De Jean-Paul II, certains ont retenu aussi qu'ils ne sont pas les bienvenus au Royaume de l'Eglise: les homosexuels, les couples non mariés, les divorcé remariés, les femmes qui ont avorté, les couples qui utilisent le préservatif. Je veux les rassurer: vous ne faites peut-être pas partie du Royaume de l'Eglise, mais vous faites partie du Royaume de Dieu.

Ce pape, qui ne m'a jamais touché, devient donc un modèle pour les chrétiens catholiques. Les Polonais s'en réjouissent; mais je ne suis pas polonais.

Chrétien, je resterai; catholique romain, j'en doute de plus en plus.