Contrairement à ce que l'on pourrait croire, un monastère est toujours un lieu d'accueil, malgré parfois les hauts murs qui cernent le domaine, une "clôture" plus ou moins stricte selon les monastères, et les grilles qui séparent de plus en plus rarement les religieuses du monde.
Saint Benoît ne le dit-il pas dans sa règle? " On recevra comme le Christ lui-même tous les hôtes qui surviendront, car lui-même doit dire un jour: J'ai demandé l'hospitalité et vous m'avez reçu (Mt, 25, 35)" (RSB, 53).
Il s'agit d'une exigence radicale: peu importe qui, quand, son âge, son sexe, son passé, ses tourments, ses errements, ses particularités, ses fautes et, le plus important peut-être, même si l'hôte survient, alors que ce n'était pas prévu ou prévisible. Il y a peu d'endroits, en dehors peut-être de certaines structures médicalisées d'urgence, où il en est ainsi.
Je voudrais évoquer ici quelques aspects concrets relevant de l'hospitalité bénédictine.
J'ai été souvent reçu au monastère parce que j'étais en question, blessé, ou en recherche d'un moment pour moi et pour souffler, mais aussi parfois parce que j'étais heureux et libéré; j'ai toujours trouvé là un peu plus de paix, d'écoute, d'empathie et, après mon séjour, du soutien jour après jour dans la prière. Dois-je dire que la vie monastique m'a toujours attiré et particulièrement telle qu'elle est vécue à Wavreumont dans sa simplicité, son ouverture, ses imperfections et son humanité?
Ce matin, à la messe du dimanche, il y avait vraiment beaucoup de monde. Cela veut dire que cette communauté est bien vivante, quand tant de paroisses sont mortes.
Frère Pierre, en ouvrant la célébration, a souhaité la bienvenue à un groupe venant de l'étranger, aux pères jésuites en retraite, à la Communauté de l'Arche de Bruxelles et à tous les habitués. Je parlerai un jour plus longuement des Communautés de l'Arche où le handicap n'est pas une barrière et même souvent une leçon de vie.
Quelques images très belles me restent en mémoire. Rien d'inventé, rien que du réel.
Parmi les membres de la Communauté de l'Arche de Bruxelles, une jeune fille, dont le balancement perpétuel témoignait de son trouble mental, était régulièrement prise de crises de larmes et de tristesse. Que se passe-t-il alors dans sa tête? Ce qu'il se passe parfois aussi dans ma tête à moi peut-être. Une gamine trisomique, dont les parents sont des familiers du monastère, accourait à chaque fois pour la consoler, la caresser, lui donner des bisous. C'était beau et désarmant. Le geste qu'il fallait, spontané et juste. Il fallait qu'elle soit là cette petite pour faire ce que nous ne nous autorisions pas à faire, car nous étions à la messe quand même.
Un jeune garçon trisomique est aussi parfois acolyte. Il est fier de porter une aube blanche et d'être "avec" les moines. Il s'acquitte avec beaucoup de sérieux de ses tâches et il le fait à la perfection. Frère Paul l'assiste et reste assis à côté de lui pendant les temps morts (il regarde alors les images d'un livre qui doit être un livre d'images). J'imagine que ses parents sont aussi heureux de souffler un instant et de voir leur fils tenir un si beau rôle.
Et puis, Frère Hubert, lui qui est tellement réservé d'habitude, ce matin, avait posé sa main sur l'épaule d'une gamine, un peu agitée, et cela la calmait. Quel est le secret?
Ces derniers jours, une émotion s'est exprimée à propos de la libération conditionnelle de Michèle Martin, celle qui fut l'épouse de Marc Dutroux et, plus ou moins consciemment et partiellement, selon les versions, sa complice.
Condamnée à 30 ans de prison, elle bénéficie, après quinze ans, en raison de sa bonne conduite en prison, d'une libération conditionnelle, ce qui suppose qu'elle ait défini un plan sérieux de réinsertion dans la société. Les media ont beaucoup parlé d'un couvent en France. Les couvents semblent de plus en plus la destination de ceux qui ont commis l'abominable (cfr. Roger Vangheluwe, celui qui a été, un temps, monseigneur). Y retrouveront-ils leur âme?
Ce n'est évidemment pas la fonction première d'un monastère d'accueillir, en vue d'une reconstruction, d'anciens délinquants que l'on libère avant terme et conditionnellement. Il s'agit avant tout quand même d'une responsabilité incombant à l'Etat, qui n'y consacre pas assez de moyens. Cela pose une question importante. Il ne faudrait pas que les monastères deviennent une alternative automatique à la prison.
Cela dit, un monastère peut certainement être, pour certains, un lieu de reconstruction. On y trouve une distance suffisante, une vie encadrée, la possibilité de travailler et d'ainsi oublier un peu. On est sûr surtout de ne pas y être jugé et condamné, ce qui peut rendre confiance en soi après les horreurs commises. Cela suppose que les choses soient claires: la communauté monastique doit se sentir apte et prête et le candidat doit faire preuve d'une réelle capacité d'insertion.
On a appris, pour Michèle Martin, que ce ne serait pas en France. Avant même d'avoir été saisi d'une demande officielle en ce sens, et sur la base de ce qu'avaient pu écrire les media, le garde des sceaux français, Michel Mercier, a déjà répondu: non. Réaction prématurée? C'est bien dans le genre du pouvoir Sarkozien (ou Sarkozyste?), qui agit avant de réfléchir ou alors toujours par opportunisme politique.
Quant à Roger Vangheluwe, qui ne pourra jamais être emprisonné, les faits étant prescrits, je lui souhaite d'être, là où il est ou sera, amené à de très longs temps de solitude et à un travail de frère convers. Je ne le condamne pas ainsi ... car moi, cela me plairait plutôt bien que l'on me propose cela, alors que je n'ai rien fait.
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