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jeudi 31 janvier 2013

Adieu Papi

Beaucoup d'amis et connaissances n'ont pas pu assister à la messe d'adieu offerte à mon père ce jeudi. L'église Saint Jacques, qui était son église paroissiale, était bien grande pour les quelques voisins et amis présents. Nous avons eu par contre beaucoup de visites, de messages et de coups de téléphone ces derniers jours.

J'avais prévu un programme musical : Pie Jesu de Gabriel Fauré, Ruht wohl extrait de la passion selon Saint Jean de J.S. Bach, Grand prokeimenon (ps. 140) par le choeur des moines de Chevetogne, Vater Unser de Arvö Part, Hear, my prayer de Henry Purcell et le motet Ach, Arme Welt de J. Brahms. Le programme prévu n'a pu être entendu pour des raisons techniques. Pierre Thimus, l'organiste titulaire, a proposé en échange un programme fait de chorals de Bach, de pièces de Büxtehüde et de l'office grégorien des défunts. C'était très bien.

Dommage pour la passion selon Saint Jean, car frère François de Wavreumont avait construit son homélie en partie sur le choeur Ruht Wohl de J.S. Bach.

Voici les textes les plus essentiels qui ont été partagés aujourd'hui :


Extrait du livre de la Sagesse (Sg, 3, 1 et sv.)


La vie des justes est dans la main de Dieu,
aucun tourment n'a de prise sur eux.
Celui qui ne réfléchit pas
s'est imaginé qu'ils étaient morts ;
leur départ de ce monde
a passé pour un malheur ;
quand ils nous ont quittés,
on les croyait anéantis, alors qu'ils sont dans la paix.


Extrait de l'évangile de Jean (Jn, 12, 24-26)

Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ;

mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. 
Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. 
Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive, là où je suis, là aussi sera mon serviteur. 
Si quelqu'un me sert, mon père l'honorera.


Méditation (texte choisi par Benjamin)



Quelqu'un meurt,
et c'est comme des pas qui s'arrêtent ...
Mais si c'était un départ
pour un nouveau voyage ?

Quelqu'un meurt,
et c'est comme une porte qui claque ...
Mais si c'était un passage
s'ouvrant vers d'autres paysages

Quelqu'un meurt,
et c'est comme un arbre qui tombe ...
Mais si c'était une graine
germant dans une terre nouvelle ?

Quelqu'un meurt,
et c'est comme un silence qui hurle ...
Mais s'il nous aidait à entendre
la fragile musique de la vie ?


Merci, Papi

Merci Papi

Je m'exprime ici au nom de notre minuscule cellule familiale.

Mami t'a tant aimé pendant ces très longues années de vie commune. Certes, Mami avait envie de voir de temps en temps des amies, ce qui te contrariait parfois, mais Mami n'était rien sans toi. Tu l'as aimée, en la protégeant, en la soutenant, en adoptant son rythme. Car, quand tu aimes, Papi, c'est du solide ; cela implique une fidélité sans faille et un engagement total.

Papa, il n'y a jamais eu entre nous beaucoup de confidences. Souvent, quand je téléphonais, ton réflexe était : "je te passe Mami", comme si nous n'avions rien à nous dire et que tout ce qui devait se dire devait passer par Mami. Pourtant, tu savais écouter, et parler peu. Tu laissais l'autre parler, avant de donner ton avis.

Ma vie n'a pas toujours été à la hauteur de tes idéaux ; mais tu ne m'as jamais jugé, même quand cela te perturbait.

Papa, je voudrais aussi te dire que je considère ton intégrité, ta constance, ton sens de l'économie, ta générosité pour tes proches, comme un modèle.

Puis sont venus tes petits-fils. Oh, ils sont venus de loin, d'au-delà des mers. Et tu les a tout de suite adoptés et aimés comme peu de papis. Pas toujours d'accord sur tout, mais toujours là en cas de bêtises. Dans notre vie familiale, qui n'a pas été sans orages, ni bouleversements, tu as représenté pour Samuel et Benjamin la stabilité aimante. C'est pourquoi ils t'aiment tant.

Papi, Papa, nous savons que tu nous attends sur l'autre rive ; tu n'es pas absent ; ton départ n'a pas créé un vide, juste une distance ; tu es toujours en nous et avec nous jusqu'aux retrouvailles.





mardi 29 janvier 2013

Se surpasser

Dans tout ce que nous vivons actuellemment avec mon père, je cherche un sens.

La situation, faut-il le dire, est dantesque.

Mon pauvre père a été renvoyé à domicile par l'hôpital dans un état pire que celui où il était entré : il est maintenant incontinent, ne sait pas passer de la chaise au lit et vit prostré, replié sur lui-même, sans manger, et ligoté dans sa chaise roulante parce qu'il s'effondre sur lui-même.

Le service social de l'hôpital s'est contenté de me renseigner une infirmière ... qui acceptait de passer une fois par jour à 5 heures du matin !

J'en ai trouvé une autre qui vient le matin et le soir pour sa toilette, l'habiller et le mettre du lit à la chaise  roulante, et vice-versa, cela ne suffit évidemment pas.

Qui doit changer les langes de mon père, en cours de journée, ma mère de 90 ans et moi, dans la mesure de nos moyens ? Qui doit le mettre au lit le soir ? Moi et je ne suffis pas. Qui doit venir la nuit pour le relever parce qu'il est une nouvelle fois tombé du lit? Moi ou le 112. Je ne parviens pas à comprendre comment quelqu'un qui a besoin d'un environnement médicalisé est ainsi renvoyé chez lui.

La question du sens est double.

Quel est encore le sens de la vie de mon père dans cet état ? Il est sans force, sans goût, ne mange plus. Il aime qu'on lui tienne la main, mais ne peut pas serrer la nôtre. Je le caresse aussi sur les bras, sur le crâne.

Quel est le sens pour ses proches ? D'être là jusqu'au bout, présence aimante, quitte à devoir se surpasser et découvrir tantôt ses limites, tantôt sa capacité à aller au-delà de ses limites. C'est pour Sam que c'est le plus difficile à gérer ...


lundi 21 janvier 2013

Meubles oubliés


A l'hôpital, mon père dispose, quand il est au fauteuil, d'un repose-pieds. Le repose-pieds de mon père est sans grâce. Il est juste utilitaire. C'est peut-être en partie pour cela que je supporte mal le milieu hospitalier. Tout y est utilitaire et manque de grâce et de raffinement. Certes, tout est clean, nickel, même ; les infirmières sont gentilles, mais leur gentillesse est un peu forcée et souvent infantilisante.

En résumé, on n'est pas ici pour mettre le patient en état de grâce, mais pour le soigner. Mon père est hospitalisé à l'hôpital Saint Joseph et quand je vois, dans les couloirs, des photos anciennes des soeurs de Saint Charles Borromée qui ont créé cet hôpital, on se demande en effet, tant elle ressemblent à des cerbères, en quoi la grâce, dans le sens de "gracieux", les concernait.

Heureusement, mon père a craqué pour Rachida, une jeune infirmière d'origine marocaine, au sourire éclatant, aux très beaux cheveux noirs (comme ceux que ma mère avait quand ils se sont connus) ; elle ne traite pas mon père comme le ferait une cheftaine scoute, ni ne le prend pour un vieillard sénile.

Je me rappelle que nous avions à la maison un "passet" en bois rectangulaire, j'aimais m'asseoir sur le passet, quand j'étais petit enfant, c'était un meuble à ma mesure. Le passet est un repose-pieds. Comme repose-pieds, je le trouve, à la réflexion, fort inconfortable. Je l'imagine mieux comme ustensile pour la traite des vaches à la main, car il était assez pesant. 

Ma grand-mère maternelle avait mieux : un petit meuble où poser les pieds, mais qui balançait sur deux espèces de ski en bois de forme arrondie ! Elle appelait ce meuble sa "balancelle". Et, à côté de la balancelle, une peau de renne qu'elle avait ramenée du Cap Nord. J'adorais me coucher à côté de ma grand-mère sur la peau de renne, dont les poils étaient drus et doux. 

Out of the record ! J'ai failli écrire ceci : j'adorais me coucher sur la peau de renne, à côté de ma grand-mère, dont les poils étaient drus et doux ...

Ma troisième grand-mère, madame Velez, avait un fauteuil dit Voltaire, avec trois positions. J'aimais jouer avec les boutons pour la faire changer de position par surprise.

Et puis, il y avait aussi chez ma grand-mère un petit fauteuil en bois, une antiquité, paraît-il, trop fragile pour qu'on s'y asseye, et puis un drôle de siège - je ne sais pas ce qu'il est devenu - le fond était en paille, mais au lieu d'une chaise avec un dossier, il y avait deux dossiers à angle droit. On appelait ce siège le "ham". Mon grand-père s'en servait, m'a-t-on dit, dans son atelier de tailleur "sur mesure", où les riches venaient s'habiller.


dimanche 20 janvier 2013

Une envie, un projet, un rêve

Quand je pourrai enfin vivre ma vie, avec liberté,  à ma place, j'essaierai, au monastère, de développer le projet suivant : proposer à tous des soirées d'intériorité (selon un rythme à définir).

Une heure que j'imagine avec plein de bougies, de la musique puisée à toutes les traditions culturelles et religieuses, des textes fondateurs en dialogue, du silence, une prière partagée par la présence, dans les mots et dans les gestes.

Un temps où l'on vient se reposer dans les bras de Dieu, pour repartir, je l'espère, plus fort, plus heureux, plus ouvert.

Ces moments seraient aussi ouverts à ceux qui ne croient pas en Dieu, mais pensent que leur vie intérieure mérite cela.

Un rêve ?

samedi 19 janvier 2013

Les mots qui me permettent de tenir

Je ne sais pas comment je tiens encore debout, physiquement et mentalement ... dans la famille de névrosés - je pèse mes mots - qui est la mienne et dans les circonstances difficiles que nous vivons. Une famille où l'on ne s'apaise pas l'un l'autre, mais où la plupart ne pensent qu'à eux, utilisent les autres et font peser toutes leurs exigences et angoisses sur les autres. J'essaye de construire, en  vain, un modèle où l'on se porte l'un l'autre, dans une juste mesure, et c'est toujours moi in fine qui en prend plein la gueule. Vive la famille.

Pour tenir, mais pour combien de temps, je lis et relis les paroles de l'hymne du matin de ce jour (Didier Rimaud).

Puisqu'il est avec nous
Tant que dure cet âge
N'attendons pas la fin des jours
Pour le trouver
Ouvrons les yeux
Cherchons sa trace et son visage

Puisqu'il est avec nous
Dans nos jours de faiblesse
N'espérons pas tenir debout
Sans l'appeler
Tendons la main
Crions vers lui notre détresse 


jeudi 17 janvier 2013

Mon père et les pères jésuites

Le jour où mon père a été transféré des soins intensifs en gériatrie, avant d'être transféré sans doute ailleurs, il partageait sa chambre avec un autre vieillard très éveillé, que visitait un superbe jeune homme, aux cheveux noirs, barbe courte, yeux de braise, sourire craquant ...

Je me suis dit, l'espace d'un instant : il a bien de la chance ce papi (sous-entendu, j'aimerais encore bien être à sa place, d'une certaine manière, enfin, quoi, bon). J'imaginais qu'il s'agissait de son fils ...

Le compagnon de chambre de mon père était un père jésuite et son visiteur ... jésuite aussi. Déception ?

Je ne sais pas comment nous en sommes venus à parler du collège Saint Servais, où le brave père a enseigné. Il m'a beaucoup accaparé pour évoquer des souvenirs, les professeurs que j'ai eus, l'enseignement d'alors. Il m'a dit qu'on l'avait chargé d'un cours de philosophie à Rome, parce qu'il avait été le seul à découvrir la contradiction dans un raisonnement communément admis. Il maîtrisait l'hébreu et d'autres langues orientales. Il pratiquait la généalogie et la hiéraldique, avec notamment un de mes anciens professeurs fiscaliste, devenu collègue, pendant dix ans, connu par les intimes sous le nom de Stany. Son nom complet est beaucoup plus long, étant baron.

Bref, le vieux père jésuite avait trouvé à qui parler. Et je reste pantois devant la culture et l'érudition de ces pères qui ont encadré mon adolescence, dont on ne découvrait, élève, qu'une toute petite partie. Le célibat autorise peut-être des horizons qu'une vie de famille ne permet pas.

Moi, j'aurais bien aimé parler avec le jeune père jésuite, qui connaissait personnellement deux frères de Wavreumont. Ce n'était ni le lieu, ni le moment.

Mon père était plongé dans le journal, mécontent.

Commentaire le lendemain : quand les curés se retrouvent, ils ne pensent plus aux autres. Je me suis senti visé et ai trouvé les propos de mon père fort injustes.


mercredi 16 janvier 2013

A propos du mariage pour tous

Je m'étais juré de ne pas commenter le "mariage pour tous", en débat, en France. Je ne pouvais pas être neutre. Et puis tout allait être dit par des gens plus compétents que moi. Il n'empêche.

En Belgique, le droit pour un couple homosexuel de se marier est acquis depuis 2003 ; le droit à l'adoption a été ouvert à ces mêmes couples, trois ans plus tard.  Le pays ne s'est pas soulevé. Et dix ans après, la société ne s'est pas encore effondrée. Il n'y a pas plus d'homos, plus de pédophiles, plus de polygames, plus de cas d'inceste, plus de zoophiles qu'avant. Au contraire, il y a plus de couples et d'enfants heureux qu'avant, formant une famille. Et, quand ce n'est pas le cas, c'est sans doute pour les mêmes raisons qui font que le bonheur n'est pas toujours au rendez-vous dans un couple, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel.

En France, c'est le tollé. Les clivages sont exacerbés, les émotions à fleur de peau. Les propos tenus, pas seulement au café du coin, mais aussi par des hommes politiques ou religieux, sont souvent haineux, et parfois franchement imbéciles. Si j'ai évoqué l'inceste et la zoophilie, c'est que d'autres ont évoqué cette menace. Et pas n'importe qui. Certes, on peut toujours compter sur l'un ou l'autre élu de l'UMP pour tenir des propos injurieux ou débiles. Mais il s'agit ici d'un archevêque de Lyon, bien secondé par son primat, le bien nommé XXIII.

Au pays de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, on découvre ainsi, atterré, à quel point ces valeurs semblent parfaitement étrangères à un nombre non négligeable de citoyens français. Après plus de 200 ans, les acquis de la révolution n'ont pas été assimilés par tous de la même manière.

Car il s'agit bien de liberté, d'égalité et de fraternité.

Liberté. Il s'agit de liberté, puisqu'il s'agit de reconnaître à deux personnes de même sexe le droit de s'aimer, de prendre un engagement de vie à deux et de voir reconnaître cet engagement par la société, dans le mariage, tel qu'il est organisé par le Code civil, avec tous ses droits et obligations. Ceux qui entendent réserver le label "mariage" aux seuls couples hétérosexuels, garants de la normalité et de la loi naturelle, limitant par leur propos la liberté des autres, feraient bien de considérer qu'un mariage hétérosexuel sur deux se solde par un divorce et qu'il ne suffit donc pas d'être étiqueté hétérosexuel pour faire un mariage acceptable et qui tient. La prétention de certains hétéros à être les garants de l'institution "mariage" me paraît déplacée, sinon suspecte. Les homos ont déjà obtenu le PACS, disent-ils. Ils devraient pourtant se réjouir, ces parangons de vertu, que les gay - dont les moeurs sont tellement dissolues, n'est-ce pas - s'intéressent à autre chose que les aventures d'un soir. De quel droit ceux-là veulent-ils s'approprier le mariage ? Le mariage civil serait, selon eux, une expression du droit immuable, fondé sur la nature, qu'on appelle le droit naturel : un homme et une femme s'unissent pour procréer et éduquer des enfants.

On en vient au coeur du débat : les enfants ; car, à la limite, ils seraient prêts les anti à un pacs amélioré, calqué sur le mariage, pourvu qu'il ne porte pas ce nom. Un couple homosexuel ne peut, par définition, engendrer un enfant, comme c'est le cas aussi des couples hétérosexuels stériles, soit dit en passant.  Est-ce à dire qu'ils sont inaptes, les uns et les autres, à susciter la vie et à éduquer un enfant ? C'est faire peu de cas de l'amour et associer, me semble-t-il, fort artificiellement procréation et éducation. Nombre de procréateurs s'avèrent de très mauvais éducateurs.

C'est d'abord se voiler la face sur la réalité concrète de la famille hétérosexuelle d'aujourd'hui. Combien d'enfants nés hors mariage ? Combien d'enfants nés dans une famille hétérosexuelle, finalement éduqués par leur mère ou leur père, dans une famille monoparentale, suite à un divorce ou un décès ; ou élevés par d'autres membres de la famille ; ou placés dans une institution à cause de la défaillance des parents. Il faudra qu'on m'explique pourquoi, dans l'esprit de certains, les hétérosexuels sont présumés être des parents aptes à élever un enfant et les homosexuels inaptes par définition. Pourquoi ne demande-t-on aucun brevet de "maritalité" ou de "parentalité" aux hétéros, alors qu'on en demande aux homos ?

Elisabeth Badinter, dont on sait qu'elle ne croit pas à l'instinct maternel, n'hésite pas à relever les nombreuses névroses et malheurs engendrés par la famille traditionnelle pour conclure qu'il n'y a pas de raison que ce soit pire dans une famille homoparentale. Démonstration, par l'absurde.

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=hjzzq38O0js

Il s'agit bien de liberté, pas seulement d'égalité. Quand certains, à qui on n'enlève aucun droit, refusent à d'autres les mêmes droits que les leurs, il s'agit bien d'une entrave à la liberté pour ces autres.

Quand un couple gay demande la reconnaissance de sa stabilité et son désir d'éduquer un enfant, cela est souvent très réfléchi, bien plus que dans certaines familles hétérosexuelles qui font des enfants sans réfléchir ou pour correspondre à l'ordre social. Je connais plusieurs couples gay élevant des enfants, au sein d'une famille élargie, avec des grands-parents, des oncles et tantes, des cousins et des cousines, des parrains et marraines. Ces enfants-là ne me paraissent pas manquer de références féminines et être malheureux, tandis que, dans des familles hétérosexuelles, l'absence réelle ou symbolique du père et l'omniprésence de la mère ont fait parfois bien des ravages. Entre autres, favoriser l'homosexualité chez le fils, par rejet de la femme, identifiée à la mère possessive et castratrice, ou par recherche d'un vrai père. Il ne faut pas oublier quand même que les homosexuels sont tous nés d'un père et d'une mère hétéro ! Et on voudrait nous faire croire que les enfants élevés par un couple homo risquent de devenir homos eux aussi ... et que bientôt il n'y aura plus de naissances. Oui, certains pensent cela, notamment à l'UMP (le sordide député Vanneste).

Michel  Serres, dont la pensée est souvent éclairée, a proposé que, dans toute aventure entre des parents et un enfant, il s'agit toujours d'une adoption. Le sexe des parents n'a rien à voir. Il y a simplement des individus plus doués que d'autres pour l'adoption. Il donne de la sorte une issue aux propos d'Elisabeth Badinter qui ne croit pas à la paternité ou la maternité naturelles. Cela me paraît très juste. Le fondement de cette position ne l'est pas moins. Michel Serres invoque étonnamment l'évangile de Luc et la Sainte Famille, telle qu'elle nous est proposée.

http://www.oulala.info/2012/12/michel-serres-et-le-mariage-gay/

De qui Jésus est-il le fils ? Pas de Joseph en tout cas. De Marie ? Cela est difficilement compatible avec les voies naturelles puisqu'elle est restée vierge. Jésus se trouve donc avec deux parents non biologiques qui vont l'élever avec amour, par adoption. Oserais-je ajouter que Marie est peut-être la première "mère porteuse" de l'humanité ? Et que sa fécondation ne semble pas avoir suivi des voies très naturelles ; elle a dû au moins être assistée. Il est peut-être bon de le dire aux grenouilles de bénitiers qui tiennent tant à la famille traditionnelle. Non, la famille de Jésus n'était pas traditionnelle.

Je suis, pour ma part, totalement favorable à l'adoption par des couples gay ; on l'admet bien pour des célibataires. Aux mêmes conditions strictes que pour les couples hétéros stériles ou altruistes.

Je suis, par contre, plus réservé à l'égard de la gestation pour autrui (GPA, comme ils disent en France) et de la procréation médicalement assistée (PMA, comme ils disent toujours en France).

Ayant été, à une époque de ma vie, le conjoint hétéro d'un couple stérile, j'ai subi tous les affres de la procréation médicalement assistée : don de sperme dans une cabine, fivete, traitements hormonaux, insémination artificielle, obligation de multiplier les chances en copulant en période fertile selon la fameuse méthode Ogino. Je ne le souhaite à personne. C'est dégradant. Cela ressemble à ce que l'on fait avec les vaches et les taureaux. L'enfant à vivre ne mérite pas cela. Le désir d'enfant ne devrait pas autoriser cela. Ce n'est pas à la médecine qu'il revient de faire naître des enfants. On ne provoque pas la vie, on l'accueille.

Quant à la gestation pour autrui, je suis tout aussi réservé. Surtout, parce que la gestation pour autrui n'est généralement pas gratuite. Un enfant ne s'achète pas ; il doit rester un don. On peut aussi s'interroger sur le fait de louer son ventre. Vous me direz qu'une soeur (une mère) peut offrir son ventre à son fils ou frère homo ... Pour quelle raison ? Je connais un cas de GPA, pour un couple gay, où la raison était d'assurer la lignée par le sang au sein de la famille. Cet argument ne me paraît pas relevant et m'a fait frémir. Il n'était pas concevable, dans cette famille, parfaitement ouverte au couple gay, qu'un enfant porte le nom familial sans que coule en lui du sang familial.

Egalité. Je n'ai parlé jusqu'à présent que de liberté. Or, le premier argument invoqué est généralement celui de l'égalité des droits et des devoirs.

On sait qu'on ne peut parler d'égalité, sur un plan juridique, que si des situations suffisamment proches pour être comparables sont en présence.

De ce point de vue, le couple homo présente une différence objective avec le couple hétéro. Est-elle suffisante pour justifier une différence de traitement ?

Il est nécessaire pour cela de s'interroger un peu sur le mariage civil, conçu à l'origine pour des couples hétérosexuels. De quoi traite-t-il ?

Sur le plan civil, tout d'abord, le mariage d'amour n'existe pas ; le mariage de raison ou le mariage arrangé sont parfaitement valides et sont mis sur le même pied que le mariage d'amour. Or, en l'espèce, s'agissant des gay, la demande vient surtout de gens qui s'aiment. Méritent-ils moins d'égard que ceux qui ne se marient pas par amour, alors qu'ils adhèrent en tout au projet ?

Le mariage civil est un contrat entre deux personnes qui choisissent d'unir leurs destinées, de s'engager l'une vis-à-vis de l'autre dans une communauté de vie durable, souhaitent que cela soit reconnu par la société et que cela ait, dans leur vie, des conséquences.

Ces conséquences sont avant tout patrimoniales (en Belgique, mais aussi en France, j'imagine) : le code civil règle le sort des biens des conjoints au cours du mariage et à sa dissolution ; il donne des droits au conjoint survivant ; il donne lieu à des droits particuliers sur le plan fiscal et parfois social. Il organise leur rupture dans le divorce. Il crée l'obligation de verser des aliments, en cas de besoin, avec une loi de réciprocité. N'est-ce pas  ce que veulent les partisans du mariage pour tous ?

Et les enfants ?

Pendant longtemps, le mariage a surtout servi, à distinguer les enfants légitimes des autres (ceux nés hors mariage), les uns n'ayant pas les mêmes droits que les autres. C'était important vu les nombreux enfants bâtards, engendrés particulièrement par la noblesse, les bourgeois ... sans parler de ceux issus du clergé. Les bâtards de basse origine, eux, ne se posaient pas la question. Il a fallu parler de présomption de paternité (en cas de naissance dans un couple marié) et de reconnaissance par le père naturel.

Des enfants, hors les aspects patrimoniaux, le code civil dit ceci :  " Les père et mère sont tenus d'assumer, à proportion de leurs facultés, l'hébergement, l'entretien, la santé, la surveillance, l'éducation, la formation et l'épanouissement de leurs enfants ".

C'est exactement ce à quoi veulent s'engager des couples homos, qu'il s'agisse d'enfants d'avant ou d'enfants à venir. Et voilà les chatouilleux s'emparer des mots "père" et "mère". Voulez-vous le témoignage d'un père gay, qui a été marié et a adopté du temps de son mariage ? Je me sens autant père que mère vis-à-vis de mes enfants et ils le sentent, ils le savent. J'ai peut-être tort. Le rôle maternel ne me revient pas, mais c'est pourtant comme cela que l'on fonctionne. 

Avant d'aborder la fraternité, rions un peu.

Le duc d'Anjou, au nom de la tradition et des valeurs, et de la défense de la famille, s'est fendu d'un manifeste appelant à manifester contre le projet de loi d'un mariage pour tous. Je vous invite à le lire.

http://www.institutducdanjou.fr/fr/discours/219-manifeste-de-mgr-le-duc-danjou-au-sujet-du-mariage-pour-tous.html

Le duc d'Anjou associé à Frigide Barjot ! C'est un comble.

Fraternité. A contempler les images de ceux qui ont défilé contre le mariage pour tous, dimanche dernier, on se demande quelle conception ils ont de la fraternité. Il n'y pas de fraternité quand on véhicule la haine, quand on affiche des calicots insultants, quand on désigne du doigt la minorité. Que des disciples de Jésus y figurent, en s'en revendiquant, me paraît une injure à celui-ci. Ou alors, ils n'ont rien compris. Les sympathisants de Frigide Barjot (elle n'a jamais autant mérité son pseudonyme) sont pitoyables.

Lisez aussi ce très beau texte d'un enfant homo confronté à sa famille hétérosexuelle :

http://le-beau-vice.blogspot.co.uk/2013/01/qui-defend-lenfant-queer-par-beatriz.html

Et celui-ci d'un catho :

http://baroqueetfatigue.wordpress.com/2013/01/04/pourquoi-en-tant-que-catholique-il-me-semble-impossible-de-participer-a-la-manifestation-dite-pour-tous-du-13-janvier-2013/

samedi 5 janvier 2013

L'évangile selon Samuel

Dans la tourmente qui nous envahit, ces derniers jours, avec mon père déclinant, mon fils Samuel incarne plus que tout autre l'esprit de l'évangile.

Il l'incarne d'abord dans la famille, comme son frère. Sa disponibilité pour ses grands-parents est totale qu'il s'agisse de courir pour relever Papi tombé une fois de plus ou d'être aux côtés de Mami, qui n'a pas pu venir à l'hôpital, avec mon père et moi, et pleure. Mes deux fils ont une profonde affection pour mes parents.

Ce soir, Samuel est invité à un souper raclette. Nous lui avons dit d'y aller. Ma mère et moi veillons.

Il est invité chez un client de la taverne de l'Yser.

Qu'il est difficile de se départir de ses préjugés sur les gens !

Les clients de l'Yser ont souvent un look peu compatible avec une famille "B.C.B.G." chrétienne ..., mais Samuel m'a démontré - j'en suis convaincu - la richesse humaine des paumés et des gens simples qu'il y croise.

Celui qui invite, ce soir, est un ancien tox - son visage ravagé en témoigne - et ses cheveux longs dans la nuque peuvent susciter une réaction de rejet chez certains. Cet homme paisible passe de longues journées au bord du fleuve à pêcher. Cet homme est sorti de la dépendance à la drogue. Il est comme un ressuscité, sorti du chemin de mort. Samuel m'a dit qu'il était prêt à nous aider en cas de coup dur.

Samuel a aussi facilité un rapprochement entre mes parents et leurs voisins du dessus : un ancien pompier, remarié, dont le fils s'appelle Xavier. Ceux-ci veillent aussi. Ma mère peut les appeler en cas d'urgence. Et ils ont été présents à ses côtés pendant que j'étais à l'hôpital avec mon père, avant que Samuel n'arrive et après.

La bonté existe réellement et, malgré ses quelques révoltes, mon fils Samuel a le don de l'exprimer, de la susciter, de l'encourager.

Oui, la bonté existe.


vendredi 4 janvier 2013

Les menus de madame Quointen

Ma mère, qui aime anticiper, est en train de faire le tri de tout ce qui est à jeter chez elle, afin que je ne doive pas le faire, moi, le jour où.

Cela énerve mon père, pour qui rien n'est jetable, et moi-même, au moins autant, qui me sent privé de souvenirs familiaux. Elle m'avait déjà fait le coup, lors de leur déménagement en appartement, où elle avait jeté la plupart des photos de mon enfance, car il n'y aurait pas assez de place pour garder tout ça. Me demander mon avis préalablement ne lui a alors pas effleuré l'esprit.

Elle a voulu remettre cela aujourd'hui. Comme mon père ne va vraiment pas bien et qu'il faut songer à une maison de repos, pour eux, pour elle, sûrement pas pour lui tout seul, elle commence à faire le tri et à jeter ... pour que je n'aie pas à le faire. L'intention est bonne. Heureusement, j'étais là pour éviter le pire.

J'ai ainsi découvert que ma mère n'avait pas jugé bon de garder les photos de mon enfance, mais qu'elle avait conservé tous les menus des banquets familiaux (mariages, communions ... enterrements) et les faire-part qui vont avec depuis des lustres.

Dans la famille de ma mère, ils étaient au moins quarante pour ces agapes, et on imprimait des menus. Aujourd'hui, nous sommes juste cinq : mes parents, mes deux fils importés et moi. On n'imprime plus de menu.

Derrière ces menus familiaux, il y avait une cuisinière toujours la même : madame Quointen (orthographe non certifiée). Elle était la cuisinière attitrée des fêtes de famille. Ses menus se ressemblaient beaucoup. J'ai été très touché en les parcourant.

Que mangeait-on, lors des repas de famille, la mienne, il y a quarante ou cinquante ans ?

D'abord, les repas duraient longtemps, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. Ensuite, on ne misait pas trop sur les amuses-gueule. Il fallait se réserver pour les choses sérieuses.

Invariablement, il y avait un potage ou un consommé. Le potage était toujours une crême de cresson et le consommé, un "oxtail", un consommé à la queue de boeuf.

Il y avait toujours une entrée froide. Jamais d'huîtres, ni de homard, ni de fruits de la mer. On attendait les vacances en Bretagne pour cela. On mangeait plutôt un saumon "en bellevue", avec ses deux sauces (la sauce cocktail, avec sa pointe de whisky, et la sauce Vincent, une mayonnaise parfumée et colorée avec des herbes vertes). Moins souvent, on mangeait des filets de truite fumés (avec des betteraves rouges et une sauce au raifort). Quant à ma mère, elle proposait parfois un rôti de veau en gelée et petits pois, avec une sauce "gribiche". Des préparations que je n'ai plus jamais mangées depuis.

Avant le trou normand, une volaille s'imposait. Pour un repas de roi, une bouchée à la reine faisait souvent l'affaire. Mais attention ! Les bouchées à la reine de madame Quointen étaient exceptionnelles : le poulet fondait, la sauce était légère et crémeuse et le feuilleté feuilletait.

Le calvados (directement importé de chez mon oncle breton) faisait office de pause.

Venaient alors les choses sérieuses : soit un rôti de boeuf (rôti à point) avec sa jardinière de légumes, soit un gigot d'agneau (rosé) avec ses garnitures, soit (en fonction de la saison) un filet de biche, sauce "grand veneur", ou un rable de lièvre, sauce moutarde (mon préféré). Je n'ai jamais aimé, quant à moi, les pommes (poires) et airelles, je leur préfère les champignons des bois.

Il était temps de passer au Bourgogne et aux fromages. Le ton était monté. Les bedaines étaient dilatées. Les esprits vacillants. Les rires bien présents.

Suivait alors - horresco referens - un gâteau ! Pas un moëlleux au chocolat portion individuelle réduite. Non, un Saint Honoré ou, pire encore, un "moka". D'un bon gâteau, on disait alors, dans ma famille, qu'il devait être "glo", c'est-à-dire être saturé de crème au beurre, de crème fraîche et de rhum. Help !

Cela aurait pu être fini ... Non, les hommes passaient alors au cognac , au vieux whisky, et aux cigares, pendant que les femmes commençaient la vaisselle. Ma grand-mère, elle, aimait encore bien un dé à coudre de Chartreuse verte !

Comment ont-ils survécu? Il leur suffisait de trois jours pour se remettre sur pied.

Ils passaient alors, il est vrai, dès le lendemain, au bouillon de légumes et au poisson maigre.


jeudi 3 janvier 2013

Cher Sylvestre ...

Quand on vous parle de Sylvestre, à qui pensez-vous ?

Celui-ci :





Ou celui-là ?




Sylvestre, le chat, est indissociable de Titi, le canari. L'un veut manger l'autre. L'autre déploie des trésors d'imagination pour éloigner le vilain matou. Le dit matou succombe plus souvent qu'à son tour à ses propres et sombres stratagèmes. Il faut dire qu'un des deux protagonistes est futé et l'autre un peu moins. Le fort n'est pas toujours celui qu'on croit. Quelle leçon ! C'était l'époque où les studios d'Hollywood véhiculaient un certain message, avec beaucoup d'humour et un brin d'irrévérence. J'adore !

Tiens, mais qui est donc l'autre Sylvestre, le saint qui s'est vu offrir le plus de feux d'artifice depuis que les feux d'artifice existent ? Sylvestre Ier, pape, gouverna l'Eglise pendant 21 ans (314-335). S'il eut à se réjouir de voir la foi chrétienne se répandre dans toutes les classes sociales, il eut à affronter, impuissant, la crise suscitée par le prêtre Arius d'Alexandrie. Ce dernier est à l'origine de la première hérésie de l'histoire de l'Eglise : l'arianisme. Cette doctrine s'interroge sur la divinité de Jésus : Jésus est-il, en divinité, l'égal du Père ou subordonné à lui ? La question a eu le mérite d'être posée : il ne faut pas juger trop vite les hérétiques. Le premier concile de Nicée, premier concile oecuménique (325), affirmera la "consubstantialité" du Fils et du Père et tordra le coup à l'arianisme à coup d'excommunication des partisans de celui-ci.

Jésus avait livré un message et un témoignage assez simples, pétris d'humanité, de sagesse terrienne, empli d'attention aux pauvres, aux simples et aux blessés de la vie, et, dès les premiers temps de l'Eglise, on voit son message envahi, assourdi, englué dans des querelles doctrinales, aussi semblables et stériles que celles que Jésus lui-même dénonçait quand pharisiens et saducéens l'interrogeaient sur la résurrection des morts.