A l'hôpital, mon père dispose,
quand il est au fauteuil, d'un repose-pieds. Le repose-pieds de mon père est sans grâce. Il est
juste utilitaire. C'est peut-être en partie pour cela que je supporte mal le
milieu hospitalier. Tout y est utilitaire et manque de grâce et de raffinement.
Certes, tout est clean, nickel, même ; les infirmières sont
gentilles, mais leur gentillesse est un peu forcée et souvent infantilisante.
En résumé, on n'est pas ici pour mettre le patient
en état de grâce, mais pour le soigner. Mon père est hospitalisé à l'hôpital
Saint Joseph et quand je vois, dans les couloirs, des photos anciennes des
soeurs de Saint Charles Borromée qui ont créé cet hôpital, on se demande en
effet, tant elle ressemblent à des cerbères, en quoi la grâce, dans le sens de
"gracieux", les concernait.
Heureusement, mon père a craqué pour Rachida, une
jeune infirmière d'origine marocaine, au sourire éclatant, aux très beaux
cheveux noirs (comme ceux que ma mère avait quand ils se sont connus) ; elle ne
traite pas mon père comme le ferait une cheftaine scoute, ni ne le prend pour
un vieillard sénile.
Je me rappelle que nous avions à la maison un "passet" en bois rectangulaire,
j'aimais m'asseoir sur le passet, quand j'étais petit enfant, c'était un meuble
à ma mesure. Le passet est un repose-pieds. Comme repose-pieds, je le trouve, à la réflexion, fort inconfortable. Je l'imagine mieux comme ustensile pour la traite des vaches à la main, car il était assez pesant.
Ma grand-mère maternelle avait mieux : un petit meuble où poser les pieds, mais qui balançait sur deux espèces de ski en bois de forme arrondie ! Elle appelait ce meuble sa "balancelle". Et, à côté de la balancelle, une peau de renne qu'elle avait
ramenée du Cap Nord. J'adorais me coucher à côté de ma grand-mère sur la peau
de renne, dont les poils étaient drus et doux.
Out of the record ! J'ai failli écrire ceci : j'adorais me coucher sur la peau de renne, à côté de ma grand-mère, dont les poils étaient drus et doux ...
Ma troisième grand-mère, madame Velez, avait un
fauteuil dit Voltaire, avec trois positions. J'aimais jouer avec les boutons
pour la faire changer de position par surprise.
Et puis, il y avait aussi chez ma grand-mère un petit
fauteuil en bois, une antiquité, paraît-il, trop fragile pour qu'on s'y asseye, et puis un drôle de siège - je ne sais pas ce qu'il est devenu - le fond était en
paille, mais au lieu d'une chaise avec un dossier, il y avait deux dossiers à angle
droit. On appelait ce siège le "ham". Mon grand-père s'en servait, m'a-t-on dit, dans son atelier de tailleur "sur mesure", où les riches venaient s'habiller.
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