A l'occasion du décès de mon père, des cousins se sont manifestés.
Des gens que je découvrais pour la première fois de ma vie, ma mère aussi d'ailleurs. Mais comme ils étaient des cousins, il semblait entendu qu'ils méritaient des égards (deux sandwiches et un morceau de tarte). Etaient-ils là pour cela, vu qu'on ne les connaissait pas, qu'ils n'avaient rien à nous dire, sauf des banalités, et nous pareils ?
La présence des amis, des voisins, ceux-là qui ont vécu des choses avec nous aujourd'hui surtout, mais aussi hier, était bien plus signifiante. Eux méritaient notre attention, pas ceux qu'un lointain lien du sang amenait à se présenter, voire à s'imposer.
Les enterrements sont, pour moi, le moment où la famille prend ses aspects les plus horrifiants. Des gens parfaitement étrangers les uns aux autres débarquent et se revendiquent d'être de la famille. Ils se vexent en plus si on ne les reconnaît pas, ou ne les situe pas bien dans l'arbre généalogique. De ma part, c'était inévitable ; de la part de ma mère, c'était plus surprenant.
Je ne dis pas que les gens ne sont pas gentils. Je dis qu'ils sont souvent fort égocentriques. Est-ce si difficile de s'intéresser à l'autre, à ce qu'il est en train de vivre ? Plutôt que de ne pas parler que de soi.
Deux instantanés :
- "Sincères condoléances, madame. Où était à votre mari ? A Saint Joseph ? C'est comme ma soeur. J'en vois avec ma soeur, savez-vous, etc. et puis on ne parle plus que de la soeur ;
- "Nous pensons bien à vous. Punt. J. n'aime plus conduire la voiture. Ici, il y a du soleil. Hier, nous avons eu de la tempête. Les petits-enfants font de belles études ... S. est partie en vacances en Guadeloupe ...
Puis, il y a les cousins d'une autre planète. Mon seul cousin germain. Il a pris des nouvelles au téléphone auprès de ma mère. Cela donne ceci : "Allo ?" ... silence ... "Qui est à l'appareil ?" ... silence ... "C'est Christian" ... silence .... "Tu sais que Jules est décédé ?"... silence ... "Oui, condoléances" ... silence ... "Je suis à Liège avec L., après on part en Inde" .... silence ... "On va venir te voir" ... silence ... "Quand ?" ... "Ca dépend" ... silence ... ma mère s'énerve ... "J'aimerais savoir quand" ... "Jeudi, à 16 heures, dis à Xavier d'être là".
Le jeudi en question, j'affronte les éléments, alors que j'ai la crève, pour être là. Ma pauvre mère a été acheter un cake pour avoir quelques chose à offrir et du jus d'orange. Je suis là à l'heure. L'attente commence. Ils arriveront avec une heure et demi de retard. "On vous attendait à 16 heures, il est 17 heures 30" ... silence ... "on a beaucoup de choses à faire" ... "les autres ont peut-être aussi des choses à faire, en tout cas, autre chose que de vous attendre" ... zut quand même ... "on devait aller sur toutes les tombes" ... "ce ne serait pas plus mal, si vous vous préoccupiez un peu plus des vivants, et un peu moins des morts ". A partir de là, je décide de ne plus ouvrir la bouche.
Eux, silence. Pas une seule question concernant les derniers jours de mon père ou l'avenir de ma mère. Ma mère déploie des efforts pour qu'il y ait une conversation.
"Puis-je vous offrir une tranche de cake ?" ... "Non, on ne peut pas, on mange sans gluten" ... "Un jus d'orange ?" ... "Non, on n'est pas sûr qu'il soit sans sucre ajouté; le sucre nous est interdit" ... "Un verre d'eau gazeuse ?" ... "Tu n'as pas de l'eau plate, parce qu'on n'aime pas les bulles". "Un café ?" ... "on ne peut pas boire de caféine" ... "un verre de lait" ... "non, nous sommes allergiques au lactose ". Je bouillonnais, mais restais coi.
Ma mère : "Ainsi donc, vous partez en Inde ?" .... "Oui" ... "Et quels sont vos projets ?" ... silence ... "Visiter" ... "Où allez-vous aller ?" ... silence (cela doit rester un mystère apparemment) ... "Pourquoi l'Inde ?", dit ma mère ... aucune réponse. "Et c'est un voyage organisé?" ... pas de réponse.
Je me lâche : "et qu'allez-vous manger en Inde ?" ... "on y mange végétarien" ... "certes, mais comme vous vous méfiez de tout et que tout vous est interdit, bonne chance" ...
J'ai alors eu sans doute une parole malheureuse : "cela ne vous dérange pas, dans vos rapports aux autres, de vous conduire de manière totalement asociale ?". Louise a décidé de partir. Christian m'a fait un salut bouddhiste. Je lui ai répondu avec les mains sur le coeur. J'ai fait preuve d'intolérance. Mais, ils m'ont vraiment beaucoup énervé. Puissent-ils connaître le nirvana avant moi, avec toutes les privations qu'ils s'infligent, ils méritent bien cela !
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