En ce premier dimanche du carême, la liturgie nous
invite à réentendre l'épisode du séjour de Jésus, au désert, pendant quarante
jours, moment où il sera soumis à trois tentations. Cet épisode est relaté dans
les trois évangiles synoptiques et lu cette année dans la version de Luc (Lc,
4, 1-13).
D'abord, le contexte : l'épisode se situe juste
après le baptême de Jésus par Jean dans le Jourdain. Ce jour-là, Jésus a
fait une expérience intérieure déterminante. Il a découvert QUI il était :
"Tu es mon fils ; moi aujourd'hui je t'ai engendré" (Lc, 3, 22).
Observons que cette expérience lui révèle qui il est, mais ne lui dit pas ce
qu'il doit faire. Jésus se trouve ainsi amené à exercer sa liberté, à faire des
choix. Comment faire pour incarner cette découverte intime ? L'heure des choix
est aussi celle des tentations.
Jésus prend un temps de désert pour peser le pour et le contre. 40
jours, terme symbolique, qui correspondent aux 40 années passées dans le désert
par les Hébreux, à la suite de Moïse, lorsqu'ils ont quitté l'Egypte, terre
d'esclavage, pour la Terre promise.
Jésus subira trois tentations, nous dit Luc.
Tu jeûnes, tu as faim, lui dit le démon, si tu es le fils de Dieu,
ordonne à cette pierre de devenir du pain. Jésus répond : ce n'est pas
seulement de pain que l'homme doit vivre.
Cette première tentation nous renvoie à nos besoins et à nos manques. Le
démon est habile et le message très actuel. Tu manques de ceci, pourquoi t'en
priver, alors qu'il te suffit d'un rien pour combler ce manque ? N'est-ce pas
le discours de la société consumériste qui, à la fois, se vante de satisfaire
tous les besoins, tout en en créant sans cesse de nouveaux. La réponse de Jésus
comporte deux aspects : d'abord, le manque, la privation, peuvent avoir un sens
: ils permettent de créer un espace d'ouverture ; ensuite, la vie de l'homme ne
peut pas être faite que de satisfactions, de désirs matériels comblés, de
réussites professionnelles ... Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit
vivre. Paul Ricoeur relève que notre société actuelle donne les moyens de
vivre, mais bien peu de raisons de vivre. C'est assez exact.
La deuxième tentation est liée à l'exercice du pouvoir. Je te donne le
pouvoir et la gloire sur tous ces royaumes, à une condition, dit le démon,
c'est que tu te prosternes devant moi. Jésus répond : je ne me prosternerai que
devant Dieu, c'est lui seul que j'adorerai.
Les choix de Jésus sont radicaux. Il n'est guère prêt aux compromis avec
le démon. Le message une fois de plus est d'une actualité étonnante : pour le
pouvoir ou la gloire, combien sont ceux qui sont prêts à se prosterner devant des idoles ?
La troisième tentation est la pire. Si tu es le fils de Dieu, jette-toi
du haut du temple, n'est-il pas écrit que des anges te porteront, dit le démon.
On peut y voir un appel à ce que Jésus démontre ses pouvoirs miraculeux,
surhumains. Jésus ne succombera pas à cette troisième tentation. Je vois, pour
ma part, deux aspects dans cette troisième tentation. Si Jésus a fait des
"miracles", ils ont toujours été liés à une rencontre humaine, un
mot, un geste, non à un prodige. Le plus important, dans cette troisième
tentation, est qu'elle portait sur la foi même de Jésus. Le démon éprouvait la
foi de Jésus. Et Jésus répond au démon : tu ne mettras pas à l'épreuve le
Seigneur, ton Dieu.
Il y aura bien entendu la dernière tentation, sur la croix : aller jusqu'au bout, la
mort acceptée, condition pour que naisse la vie. Si tu es le roi des juifs,
sauve-toi toi même (Lc, 23, 37). Si Jésus s'était sauvé lui-même, sa vie, sa
mort, n'auraient plus eu aucun sens.
Ne nous avait-il pas expliqué que "le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il
meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui
s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle " (Jn, 12,
24-25)
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