Je ne sais pas si je pourrai écrire dans les jours qui viennent. Alors, je vais livrer en vrac, c'est-à-dire dans le désordre, des réflexions diverses inabouties.
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N. aime à citer la sentence de Pierre Desproges (je crois): "On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde". Je n'ai pas relu Henri Bergson et son traité sur Le rire; je ne compte pas m'interroger sur les moteurs du rire (pourquoi certains trouvent-ils Jean-Marie Bigard drôle, quand d'autres préfèrent Sylvie Joly?). On doit effectivement pouvoir rire de tout et de toutes les façons.
Cette sentence n'est pourtant pas anodine.
Elle induit la division, la séparation: puisqu'on ne peut rire de certaines choses qu'avec certains. Il ne s'agit plus de savoir si une chose est drôle en soi ou pas, mais de définir la catégorie de ceux qui la trouveront drôle. C'est un fait. Le rire devient alors un moyen de se reconnaître dans un clan, dans une cotterie, où l'on se distingue des autres péquenauds qui n'en font pas partie, parce qu'ils ne rient pas comme nous, avec tout ce que cela peut comporter d'exclusion, de sentiment de supériorité, etc. Le rire jouerait-t-il le même rôle que l'argent, le statut social, l'exercice du pouvoir? Si oui, il ne fédère plus; il déconnecte, il exclut ou ne nourrit que le narcissisme de quelques-uns. Le degré de tolérance et d'accueil des groupes ainsi fédérés n'est jamais très grand vis-à-vis de ceux qui en refusent les codes. Comme toujours. En ce domaine précis, comme dans bien d'autres, c'est bien cela qui me déplaît. Là où un grand éclat de rire devrait réunir tout le monde ... pour en rester au domaine du rire.
Voilà un beau défi! Trouver le gag qui fera rire tout le monde, en ce compris l'éventuelle "tête de turc" de ce gag.
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Quelques citations glanées dans le Dictionnaire amoureux du Judaïsme de Jacques Attali (Plon/Fayard, 2009):
- "La jouissance de la routine ne vaut pas l'incertitude de la liberté";
- "Pour moi, Moïse nous dispense surtout une formidable leçon sur la violence: il faut d'abord l'encourager, par ce qu'elle est la condition de la conquête de la liberté; il faut ensuite la combattre, pour éviter que les hommes libres ne s'entre-détruisent. Autrement dit, Moïse incarne le couple de valeurs définissant le judaïsme: transgression/repentir";
- "Mon fils, alors âgé de huit ans, me demanda: "Si Dieu existe, peut-il tout? - Oui, pourquoi? - Alors peut-il décider qu'il n'existe pas?"
- "Prier ne consiste pas à s'adresser à un Dieu lointain pour obtenir quelque chose de lui, mais à faire silence pour écouter: écouter les autres pour mieux les comprendre; et surtout s'écouter soi-même. "Ecoute" consititue donc le meilleur résumé de tout ce que la psychanalyse essayera de dire, bien plus tard ...: c'est en toi qu'est la guérison; prends conseil du meilleur de toi-même".
Je reviendrai, un jour, sur Maimonide. Et sur le couple raison/émotion.
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J'aime beaucoup cette expression: "Dieu s'est retiré". Le retrait de Dieu n'est pas l'absence de Dieu. Un voilier, qui a franchi l'horizon, a disparu à nos yeux, mais rien ne dit qu'il n'existe plus. Il en va de même du soleil.
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Dans ce que je vis concrètement à ce tournant de ma vie, combien de vieux mots résonnent: "jeûne", "rupture du jeûne", "traversée du désert", "terre promise", "résurrection", "ange", "cécité", "exil". Aucun de ces mots n'a pour moi une portée surnaturelle. Ils accompagnent au contraire, je pense, tout être humain.
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