Erri de Luca, Le jour avant le bonheur, Gallimard, 2010 (pour la traduction française), aussi dans la collection Folio, n° 5362.
L'histoire se passe à Naples dans l'immédiat après-guerre. Elle nous fait rencontrer Don Gaetano, concierge de son état, et son protégé, le narrateur, dont on ne saura jamais le nom. Don Gaetano est un sage à sa manière, généreux, soucieux de faire grandir celui que le hasard lui a confié. Celui-ci nous le suivons à l'école, dans les petits travaux que son mentor lui confie et dans son amour pour une jeune fille, entraperçue un beau jour à une fenêtre, une jeune fille qui ne lui voudra pas que du bien. Toute une galerie de personnages bien typés entourent les protagonistes de cette histoire, récit d'initiation, qu'habitent une grande tendresse et une profonde humanité.
Richard Powers, Le temps où nous chantions, Le Cherche Midi, 2006 (pour la traduction française), aussi dans la collection 10/18, n° 4053.
Un livre entièrement habité par la musique, couvrant un demi-siècle d'histoire américaine et narrant l'histoire d'une famille improbable : lui, juif allemand fuyant le nazisme; elle, une jeune femme noire, rencontrée lors d'un concert; eux, leurs trois enfants, tous musiciens de talent. Au-delà de l'amour, c'est bien la passion de la musique qui lie cette famille leur offrant un sanctuaire de paix et les menant à cultiver un non-conformisme bien à eux. C'est toute l'histoire de l'Amérique, du rêve américain, de l'identité, du temps qui passe qui est balayée à travers le prisme très particulier de cette famille peu banale de surdoués pour la musique. De ce livre exceptionnel, on sort plus humain.
Le troisième livre que j'ai lu et vous recommande entretient, lui aussi, des liens étroits avec la musique : Zhu Xiao-Mei, La rivière et son secret. Des camps de Mao à Jean-Sébastien Bach, l'itinéraire d'une femme d'exception, Robert Laffont, 2007.
Zhu Xiao-Mei est née, en 1949, dans une famille originaire de Shangaï, une famille cultivée, de "mauvaise origine", comme le décrétera le régime communiste : c'est-à-dire bourgeoise. A l'âge de trois ans, déjà, elle est fascinée par le piano de sa mère, cet objet qui répond quand on le caresse. Elle l'apprivoisera grâce à sa mère qui lui fait jouer alors le plus beau de la musique occidentale. Ses dons l'emmènent tout naturellement au conservatoire, bien que sa famille soit devenue pauvre. C'était sans compter sur la folie du président Mao et son emprise irrationnelle. Le Grand bond en avant sera un retentissant échec, réduisant à la famine plusieurs millions d'individus. La révolution culturelle suivra : pour Xiao-Mei, à force d'embrigadement et d'auto-critiques, cela sera la rupture avec ce qui la faisait vivre, ce qui l'animait, l'attirait tant : la musique. Huit ans de ses années de jeunesse lui seront volés, des années passées en camp de rééducation, pour transformer en révolutionnaire la bourgeoise dévoyée par cette musique d'ailleurs. Le pire, elle l'avouera, aura été de succomber et de devenir une communiste convaincue.
La musique la ressuscitera. Elle retrouvera grâce à elle le chemin de son coeur. Elle pourra enfin regarder en face son père qu'elle avait fini par haïr car il était d'origine bourgeoise. Elle pleurera sur le destin de sa grand-mère, morte dans la misère et qu'elle avait fini par mépriser par idéologie. Libérée du camp, elle retrouvera son ancien professeur, ce maître qui lui faisait fermer les yeux en jouant pour intérioriser davantage le mouvement musical. Débutera alors une carrière de pianiste reconnue à Hong-Kong, aux Etats-Unis, puis en France. Elle est aujourd'hui professeur au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
Des variations Goldberg - son interprétation la fera connaître en occident - elle dit : " Les variations Goldberg remplissent désormais toute mon existence. Il y a tout dans cette musique, elle suffit à vivre". Et, concernant la trentième variation : "Plus je la travaille, plus elle me bouleverse. Bach, en mêlant deux chansons populaires à la basse formant l'ossature des variations, atteint les sommets de son art : le profane donne naissance au sacré, le contrepoint le plus savant à la plus grande simplicité".
Un extrait des variations Goldberg par Zhu Xiao-Mei
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