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dimanche 27 juin 2010

Les langues, le nationalisme et le foot

La Belgique compte, en son sein, un fort courant nationaliste flamand - les dernières élections en sont le témoin - lequel ne cesse de tirer sur la "ficelle Belgique" en espérant (jusqu'à quel point?) qu'elle cède, mais avec lequel il faut composer. La flandre belge se définit à partir de deux éléments: une langue et un territoire. Je dis bien la Flandre belge, car il existe aussi une Flandre française.

Il y a, en Flandre belge, une majorité de néerlandophones, mais aussi des francophones (un  peu plus, un peu moins, parfois beaucoup plus, selon les endroits), mais pas que. Il y aussi des turcs, des marocains, des algériens, des fonctionnaires européens de 27 pays de l'Union européenne, des ressortissants des Pays-Bas et bien d'autres encore.

Les néerlandophones des Pays-Bas (ce pays qu'on appelle aussi la Hollande, comme le fromage: avez-vous remarqué qu'on ne dit jamais d'un fromage qu'il est des "Pays-Bas", mais toujours de "Hollande") représentent une catégorie particulière (on en trouve beaucoup dans les communes belges le long de la frontière, par exemple, dans les Fourons ou dans la périphérie d'Anvers). A priori, ils parlent le néerlandais, mais le néerlandais que parlent les néerlandophones de Hollande (ou des Pays-Bas, comme vous voulez) n'est pas exactement le même que le flamand que parlent les flamands, malgré le fait que la Flandre a un jour choisi - il n'y a pas si longtemps - une langue officielle le A.B.N.  ("Algemeen Beschaafd Nederlands" - traduisez par: "néerlandais commun civilisé"). Quand un peuple fait un tel choix, on est enclin à croire qu'il fait un terrible aveu: celui, par ce choix, de devenir enfin civilisé. Grave erreur! Les flamands, qui n'étaient pas si peu civilisés que cela, avaient un autre choix: le français. Mais le français était alors, en Flandre, la langue de l'élite intellectuelle, économique et politique. En Wallonie, on aurait pu agir de même et on ne l'a pas fait. Les wallons auraient pu défendre leurs dialectes locaux. A Liège, sous la Principauté, on parlait plusieurs langues, latines et germaniques. Le français s'est imposé peu à peu. Mais quand je fais mon marché, le dimanche, à Liège, j'entends parler français, wallon, flamand du Limbourg, allemand, arabe, italien, espagnol, portugais, swahili ... et je me dis quelle chance de vivre à Liège!

Car les différences entre les flamands et leurs voisins bataves ne sont pas qu'une question d'accent. Les néerlandophones de Hollande émaillent leur conversation de sons gutturaux, d'interjections incessantes comme "nou" ou "leuk" et d'expressions anglo-saxonnes rendant leur langage incompréhensible pour nombre de flamands de la base. A un journaliste flamand qui l'interrogeait, un ministre hollandais a même, un jour, répondu, en anglais! Les néerlandophones flamands sont moins rocailleux, sauf à Anvers; ils émaillent sans cesse leur conversation de mots français. Un flamand, en fait, parle le plus souvent le néerlandais comme un Marocain parle l'arabe, c'est-à-dire en intercalant mots et interjections en français, simplement parce qu'il est plus simple de dire certaines choses en français qu'en arabe marocain ou en flamand.


Le nationalisme inquiète. En Europe, des forces centrifuges s'expriment face à une volonté qui se veut  centripède. Quand les uns parlent de rapprochement, d'harmonisation, de politique commune, d'autres parlent de séparation, d'identité, de nation. L'avenir devra, je le pense, être fondé non plus sur les Etats d'hier, et leurs frontières, mais sur des bases euro-régionales. De ce point de vue, il y a beaucoup à apprendre du passé, à mon avis. Je repense ainsi à la principauté de Liège.


Nous avons eu les fêtes de la musique. J'ai dit comment je concevais la chose, moi qui n'ai jamais les pieds sur terre: un jour, un week-end, un seul par année, où les musiciens, quels qu'ils soient, amateurs ou professionnels, sortent des structures habituelles, et jouent pour une seule raison: le plaisir de partager gratuitement, bénévolement, leur passion à d'autres. Dans mon esprit, j'aurais bien vu les musiciens de l'Orchestre philharmonique venir à quelques uns jouer au coin d'une rue. Mon propos a suscité une réaction de mon ami J.P.R. sur son blog. Je persiste et signe: l'événement que l'O.P.L., a créé, à l'occasion des fêtes de la musique (la venue de Wayne Marshall pour des prestations éblouissantes) est bien un événement, mais il aurait pu être tout aussi bien programmé à un autre moment.


Ceci nous amène à la fête du foot: le championnat du monde qui a lieu actuellement en Afrique du Sud. Impossibilité totale de transposer ma vision de la fête de la musique à la fête du foot. Ici, il s'agit d'abord d'argent, ensuite seulement de foot, mais pourtant aussi de fibre nationale.

Les peuples soutiennent leur équipe nationale, peu importe qu'elle soit formée avec une majorité de faux nationaux. Seule l'équipe de la Corée du Nord fait peut-être exception à la règle (mais elle a quand même envoyé des coréens japonais sur place comme supporteurs, à défaut de coréens du nord). Ainsi, celui qui joue d'habitude dans un club anglais appartient-il pour un temps (et moyennant de juteuses tractations financières) à l'équipe d'un autre pays, dont il a acquis la nationalité pour la cause. Bref, les équipes nationales, non seulement ne comptent pas de vrais nationaux, mais elles demandent en plus à leurs joueurs de jouer en quelque sorte "contre eux-mêmes". Et on s'étonne de voir des jeunes gens, parfois issus d'un milieu modeste, grassement payés, éduqués à la seule école du football, "péter les plombs" face à ce défi schizophrénique! Et tout cela, pour le fric, et non pour offrir à tous une fête du football. C'est lamentable.

A quoi pourrait ressembler - en cas de scission de la Belgique - la future équipe nationale flamande de foot? Sera-t-elle réservée à ceux qui ne parlent que le flamand? Admettra-t-on des hollandais? Ecartera-t-on tout wallon (de sang? de langue?).  Y engagera-t-on un joueur nord-coréen (le seul coréen qui ait marqué un but, par exemple)? Devra-t-il alors apprendre le flamand? Les joueurs flamands qui ne pourront bien entendu parler que le "néerlandais commun civilisé" (A.B.N.) seront-ils plus civilisés que les joueurs de l'équipe de France?

Comme toujours, je ne dois pas poser les bonnes questions.

1 commentaire:

  1. Bien sûr! il faudra être un parfait néerlandophone. D'ailleurs comme gardien , je crois que le sélectionneur Filip De Winter a envisagé Stijn Stijnen !

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