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samedi 26 mars 2011

Les philosophes paysans

Un de mes anciens étudiants vit aujourd'hui à Paris. Malgré que 30 années nous séparent, je m'étonne régulièrement de constater que très souvent nos coups de coeur ou références, musicales ou littéraires, présentent bien des points communs. Récemment, il a, en le citant, rappelé à ma mémoire Gustave Thibon.




Je me suis retrouvé des années en arrière, quand j'avais douze ans. Ma grand-mère, qui était de la génération de Gustave Thibon, découpait systématiquement les billets qu'il écrivait alors dans La Libre Belgique. Toutes les semaines, le mardi, j'allais faire mes devoirs, souper et dormir chez ma grand-mère. Vous ne pouvez pas imaginer ce que c'est d'avoir une grand-mère pédagogue et d'être son seul petit fils. Comme j'étais un enfant docile, j'étais réceptif à tout ce qu'elle me proposait.

Quand je me rendais chez elle, une farde m'attendait avec des choses à lire, uniquement de bonnes lectures qu'elle avait sélectionnées pour moi. Parmi celles-ci, les billets de Gustave Thibon.

Gustave Thibon (1903-2001), grand prix de philosophie de l'Académie française, en 2000, était alors, aux yeux de beaucoup, un autodidacte, un "philosophe paysan", ami de la grande Simone Weil, dont il publia en 1947 La pesanteur et la grâce.


Je n'ai plus aujourd'hui de souvenirs précis de ces lectures. J'avais retenu de Gustave Thibon qu'il était catholique. J'ai appris aujourd'hui qu'il était aussi monarchiste. Cela ne le situe pas vraiment parmi les catholiques progressistes.

Mon ancien étudiant a reproduit de lui, sur Facebook, la citation suivante, qui mérite au moins qu'on y réfléchisse: "Il est malaisé de composer avec le monde sans se laisser décomposer par le monde".

En voici d'autres:
- "Rien ne prédispose au conformisme que le manque de formation";
- "On aime non dans la mesure où l'on possède mais dans la mesure où l'on attend";
- "Bien vieillir, c'est gagner en transparence ce qu'on perd en couleur";
- "Connaissez-vous beaucoup d'hommes qui attribuent leur échec à leur incapacité?"
- "Il faudrait distinguer deux sortes de vices: les péchés commis sans plaisir et les vertus pratiquées sans amour".


Quelques années plus tard, j'étais alors rhétoricien et jeune universitaire,  ma grand-mère m'a fait rencontrer un autre philosophe paysan: Marcel Légaut (1900-1990) la même génération donc.



J'ai lu tous les livres de Marcel Légaut, malgré l'aridité du style. Marcel Légaut était plus subservif que Gustave Thibon. Professeur de mathématiques à l'université de Rennes, il a décidé un beau jour de devenir berger. Son oeuvre cherche à décrire le parcours que doit suivre tout homme pour donner à son humanité toute son amplitude. Marcel Légaut ne se situait pas en dehors de l'Eglise catholique, mais appelait celle-ci à de sérieuses remises en question. A cette époque, une chose effrayait un peu ma grand-mère: on parlait beaucoup de "communautés de base", concept qu'on a retrouvé dans la théologie de la libération. Cela l'effrayait, parce ce que cela effrayait aussi l'Eglise, qui y voyait de dangereux croyants se situant en dehors, ou à la marge, de l'Institution. Comme j'étais alors enfin capable d'argumenter, ma grand-mère était parfois déstabilisée par mes positions, puis finissait par leur reconnaître une certaine sagesse.

Après tout ce que ma grand-mère m'avait offert, j'étais en train de lui offrir, en toute humilité, quelque chose qui lui ouvrait d'autres perspectives.

Je me souviens encore des conversations à propos de mes deux tantes, dont la vie n'a jamais été dans la ligne établie et de l'inquiétude, mais aussi de la culpabilité, de ma grand-mère.

Bien des années plus tard, j'ai eu une relation privilégiée avec une de mes deux tantes. La concernant, j'ai pensé que cette citation lui convenait bien (autant qu'à moi d'ailleurs): "Tôt, il avait perdu la foi; plus que d'autres, il en avait gardé le regret" (cette citation est de Boïto, librettiste, à propos de Giuseppe Verdi).

mercredi 23 mars 2011

Les messages énigmatiques de Facebook

Il y a quelques semaines, un ami Facebook s'interrogeait sur la portée des messages énigmatiques que certains font figurer sur leur profil. Par exemple, "Si seulement", "Pourquoi pas?". Quand aucun commentaire n'est possible, on est en droit de se demander ce qu'espère l'auteur. Il ne dit rien de compréhensible. Ainsi, si un ami écrit "Si seulement", je me pose des questions, j'ai envie d'en savoir plus, de l'aider, de communiquer. Mais il arrive en même temps qu'il ne m'autorise pas à commenter son message énigmatique. Peut-être le message est-il réservé à quelques initiés, dont je ne suis pas. Pourquoi alors le publier?

Cette étrange manière de communiquer a néanmoins un certain succès. Je laisserai aux sociologues et aux psychologues le soin d'en éclairer le pourquoi.

J'ai décidé d'aider les adeptes de cette pratique en leur fournissant un répertoire de formules à publier.

Je n'ai pas dû chercher longtemps ... il m'a suffi de parcourir les titres des chansons de Charles Aznavour:

- Hier encore
- Il faut savoir
- Fier de nous
- De moins en moins
- Sans importance
- Oui
- Parce que
- Et pourtant
- Désormais
- Avec
- Qui?
- Moi
- Sans limite
- Vous et tu
- C'est fini
- Le trèfle à quatre feuilles
- Trop tard
- Hosannah

En toute amitié pour ceux qui se reconnaîtraient dans la pratique décrite.

mardi 22 mars 2011

Villages de Belgique (1): Maldingen et Beho

Le printemps aidant, j'ai suivi ce dimanche le chemin des écoliers. Après une halte sur la colline de Wavreumont, qui me fonde, j'ai entrepris de rejoindre la terre d'une partie de mes ancêtres.

Mon arrière grand-mère Catherine est née à Maldingen, une commune belge germanophone. Ici, on a été prussien avant d'être belge. Le pays est un pays de forêts et de villages pittoresques. La nature et l'histoire se conjuguent. Si vous cherchez en Belgique un endroit où la vie rurale a encore un sens, c'est dans cette région-là qu'il faut aller.

Non loin de Maldingen, se trouve le village de Beho. Anciennement, on disait Bocholt (1135) ou  Boecholte (1446), ou encore Buchenholtz, allusion au hêtraies présentes dans la région. On trouve, aux Pays-Bas, une forme proche Bocholtz. C'est à la fois le nom d'une localité, mais aussi le nom d'un hôtel particulier à Liège aujourd'hui siège d'une banque.



Sous l'ancien régime, la terre de Beho était partagée entre différents seigneurs locaux: Cour de Tommen, Comté de Salm et Seigneurie d'Ouren. A Beho, on parlait l'allemand, mais aussi le wallon pour communiquer avec les habitants du hameau de Commanster tout proche. Il s'agissait donc d'une région bilingue (allemand-wallon) comme beaucoup d'autres là-bas, comparables aussi aux communes des Fourons (plat deutsch-wallon). Ici, on n'a jamais fait de l'homogénéité linguistique une priorité comme en Flandre. Aujourd'hui, la majorité des habitants de Beho se déclarent francophones.

Si vous décidez de vous perdre dans cette région, il faut vous arrêter à Beho, qui est hors des circuits touristiques classiques. Un village un peu perdu mais qui mérite qu'on s'y arrête.

Il s'y trouve en effet un monument remarquable: l'église Saint Pïerre. Son imposante tour carrée a été bâtie après la première croisade, vers l'an 1100. Base carrée, flèche octogonale, loggia, balustrade, bretèche en bois en encorbellement sur des consoles en mascaron, alternant figures grimaçantes et menaçantes.

L'intérieur de l'église vaut aussi le détour. Les pièces principales du mobilier ont été sculptées en bois de chêne de 1713 à 1724 par maître Jean Georges Scholtus de Bastogne. En 1954, après un incendie, une restauration a été entreprise. Le pari a été audacieux: on oublie parfois que les oeuvres anciennes étaient souvent peintes et même polychromes. A Beho, le pari est réussi; il doit correspondre à ce qu'était l'art populaire. 

Au départ de Beho, nombre de promenades sont possibles.












jeudi 17 mars 2011

L'antoinisme, une religion née dans la région liégeoise

Quand j'étais enfant, un couple habitait pas très loin de chez mes parents. Ils m'impressionnaient. Il étaient toujours habillés en noir. Lui, avec un grand chapeau. Elle, comme une ursuline. On aurait dit des quackers. J'avais l'impression qu'ils étaient d'un autre monde et d'un autre temps que le mien. Tout en bas de la rue, il y avait un petit édifice où une plaque métallique indiquait qu'il s'agissait d'un temple antoiniste. C'est là qu'ils se rendaient régulièrement. Cela m'a toujours intrigué. Qui étaient-ils? Que faisaient-ils dans ce temple?




Comme j'aime me promener dans la ville, j'ai par la suite découvert d'autres temples antoinistes à Liège. Le plus connu se trouve rue Hors-Château, juste au pied des escaliers de la montagne de Buren. Il en est un autre dans le quartier des Vennes, un autre encore à Jupille, rue Charlemagne, un autre encore à Seraing, et d'autres encore à Vottem ou à Montegnée.

Photos des principaux temples antoinistes en région liégeoise:

Le temple de la rue Hors-Château:


Le temple du  quai des Ardennes:




Le temple de Jupille:


Le temple de Seraing:




Le temple de Jemeppe-sur-Meuse:



Cela m'intrigue depuis longtemps,  d'autant plus que ces temples semblent bien entretenus et qu'une affiche indique l'horaire des moments de culte: les quatre premiers jours de la semaine à 10h00, le desservant du temple préside l' "opération générale du père", suivie d'une brève lecture tirée de son enseignement. Le dimanche, il en est de même, mais la lecture est plus longue. Le soir, a lieu une lecture suivie d'un moment de recueillement pour les âmes souffrantes. Ailleurs qu'en Belgique, le rituel peut être plus développé.


Mais qui sont donc ces antoinistes?

Ils  se revendiquent d'un certain Louis Antoine, dit Père Antoine, né en 1846 à Mons-Crotteux et mort en 1912 à Jemeppe-sur-Meuse. Le père Antoine a travaillé dans la mine dès l'âge de 12 ans. Il travailla ensuite comme ouvrier métallurgiste, en Belgique, en Allemagne, puis en Pologne, avant de revenir en Belgique.

Le père Antoine, dit le Père:



Sa femme, dite la Mère, qui reprendra, à son décès, le flambeau.




A son retour en Belgique, il exerça une activité de guérisseur par le magnétisme, les tisanes et la prière, avec un certain succès. Il lui arrivait de recevoir plusieurs centaines de malades par jour. A cette époque, il est proche aussi du spiritisme d'Allan Kardec, qu'il abandonnera par la suite. Le père Antoine aura quelques problèmes avec la justice pour exercice illégal de la médecine.

En 1906, il abandonne la doctrine spirite et fonde une nouvelle religion, qu'il appellera "Le nouveau spiritualisme". S'agit-il vraiment d'une nouvelle religion? A-t-il créé une secte?

Il est bien difficile de répondre à cette question. L'Etat belge a reconnu aux fondations antoinistes un caractère d'utilité publique, mais le rapport du parlement français sur les sectes range l'antoinisme dans les sectes dangereuses ...

La doctrine du père mélange des principes moraux simples, une croyance en la réincarnation et une notion essentielle: les fluides. La guérison, physique ou psychique, peut être obtenue si on se soumet aux bons fluides que le Père canalise lui-même ou par ses représentants. Il n'y a toutefois pas de clergé, pas de prosélytisme, on peut être antoiniste et se revendiquer d'une autre religion.

On peut trouver tout ceci assez fumeux. Il n'en reste pas moins que des temples, et donc des adeptes de l'antoinisme, se rencontrent au-delà de la région liégeoise où le mouvement est né. Il existe encore, en Belgique, une trentaine de temples et à peu près autant, en France, à Paris, à Marseille, à Monaco, à Orléans, à Toulouse, à Aix-les-Bains entre autres. Aussi, en Espagne et en Amérique latine.

Un site assez complet, mais officieux, permet de mesurer l'ampleur du mouvement:

http://antoinisme.blogg.org/album-27744-offset-20.html

Un historien liégeois,  professeur à l'université, Robert Vivier (1894-1989), s'est intéressé à l'antoinisme dans un roman "Délivrez-nous du mal", paru en 1936. Il y a aborde la vie du père Antoine tout en livrant une analyse pertinente et instructive du contexte social de l'époque.

http://jeanjadin.blogspot.com/2009/09/note-de-lecture-robert-vivier.html

mercredi 16 mars 2011

Le Japon et l'apocalypse

Ce qui se passe actuellement au Japon laisse sans voix, nourrit une immense inquiétude peu à peu partout dans le monde et soulève beaucoup de questions.

Il y a d'abord un constat, me semble-t-il: nous vivons, sur le plan mondial, une période de turbulences. Et la nature, et les hommes, semblent manifester de plus en plus le rejet d'un certain monde, un monde que, il faut bien le dire, l'homme a façonné lui-même peu à peu. Car ce qui est en cause, c'est bien l'oeuvre des hommes: les manières d'exercer le pouvoir, le rapport à la nature, les idéologies économiques ou religieuses, les relations aux autres, à l'autre (l'étranger, par exemple) ou au "Tout Autre". Tout cela est en question aujourd'hui. Je dis bien tout. Tout ce qui existe semble fragilisé à un point tel qu'on n'hésite plus à parler de catastrophe ... et même, selon certains, d'apocalypse. Le terme n'a rien à voir avec la fin du monde. Il signifie plutôt "mise à nu" ou "révélation". Ainsi compris, il est particulièrement adapté à la situation actuelle.

Dans tout ce qu'il se passe aujourd'hui ou s'est passé récemment de la Tunisie à l'Egypte, en passant par la Lybie, et d'autres pays musulmans, à Haïti, en Indonésie, au Japon, en Irlande, en Islande, en Côte d'Ivoire, en Belgique et demain ailleurs encore ... ne peut-on pas voir les signaux d'une mise à nu? Je le pense pour ma part.

Jamais peut-être l'homme n'a-t-il été aussi fragile que maintenant. La mise à nu évoque la mue, mais aussi la fragilité. Adam n'a jamais été aussi fragile qu'après avoir transgressé l'interdit en mangeant la pomme du tentateur suggérée par Eve.

Je ne perds pas de vue les réalités concrètes, j'essaye de donner du sens aux événements.

Ainsi, je ne trouve pas les mots pour évoquer l'attitude du peuple japonais. Des hommes risquent leur vie, et ils le savent, sur les sites nucléaires pour éviter à d'autres l'improbable. Le gouvernement fait face, comme il peut, à une situation sans précédent. Comment gérer l'inconnu, l'imprévisible? Ici, point de pillages, d'hystérie, au contraire, une incroyable maîtrise de soi, qui n'exclut pas le chagrin ou la peur, une discipline. "Supporter l'insupportable", c'est ce que l'empereur Hiro Hito avait demandé à son peuple dans la période de reconstruction du pays après la tragédie d'Hiroshima et de Nagasaki. Dans la religion shintoïste, la religion du Japon, l'homme et la nature entretiennent un rapport où le premier se soumet à la seconde. C'est aussi mon credo.

On aimerait que la même maîtrise de soi anime le colonel Khadafi. La mise à nu chez lui ne semble pas pour demain. Il a bien trop peur de la fragilité. Il préfère crâner, se parer d'oripeaux, provoquer ou menacer d'autres que lui. Les hommes qui se disent forts, pour masquer leur fragilité, sont les plus dangereux; ils trouvent toujours des sujets pour les conforter dans leur délire. Il va de soi que d'autres que Khadafi relèvent de ce modèle. Je ne donnerai pas de noms! Observez autour de vous!

Un grand défi attend l'humanité. Il faudra peut-être attendre encore un peu: la mise à nu peut prendre un certain temps. Mais l'enjeu est évident: il s'agit d'inventer une nouvelle civilisation. Sans cela, il n'y aura plus d'humanité.

dimanche 13 mars 2011

Mon barbier, les barbershop quartets, le wop-doo-wop et la close harmony

L'intitulé de cette contribution peut paraître sans queue, ni tête. Il n'en est rien.

Commençons par mon barbier. Je porte la barbe depuis l'âge de 18 ans (sauf deux très courtes périodes, où je longeais les murs). Elle était plus fournie et surtout plus colorée alors que maintenant. Longtemps, j'ai pris soin de ma barbe moi-même. J'ai encouru bien des reproches pour les poils que je laissais alors dans le lavabo de la salle de bains. Depuis une dizaine d'années, je m'en remets à mon barbier, qui est aussi mon coiffeur de temps en temps.

Je dois avouer ici une jouissance. Autant l'usage du rasoir électrique ou de la tondeuse à domicile est sans joie, autant il est agréable de recevoir la mousse sur la peau, étendue avec un blaireau, puis de sentir passer le rasoir là où il faut, mon barbier passant trois fois, puis il me tapote et finit par un peu de talc et du "sent bon". Tout cela, pour 4 euros! C'est un plaisir peu onéreux que j'aime m'octroyer. Mon barbier est algérien et à la radio j'entends souvent psalmodier le Coran.

Les barbiers américains eux ont, dans des associations professionnelles de loisirs, semblables à celles qui ont suscité en nos contrées des chorales ou des fanfares chez les travailleurs de la mine, répandu une tradition de quatuors vocaux a cappella composé de voix égales masculines. J'ai, dans mes archives, quelques partitions de cette tradition. Je cherche trois autres chanteurs pour les chanter un jour.

Ils adoptaient un style d'harmonie fait de quatre parties d'accords consonants pour chaque note mélodique dans une texture principalement homophonique. La voix basse était la seule à jouir d'une relative liberté.

Cette ancienne tradition a connu une époque de renouveau dans les années 1930-40 avec l'apparition d'ensembles noirs s'inscrivant dans la tradition du negro-spiritual, qui y ont ajouté le swing. Le plus célèbre d'entre eux est The Golden Gate Quartet, mais on peut citer aussi The Ink Spots et The Mills Brothers, moins inspirés l'un et l'autre que les premiers par la tradition religieuse. Le répertoire devient plus sentimental, et surtout plus soumis aux exigences de la variété.

Des instruments se sont joints: une guitare, un piano, ou un trio (piano, basse, batterie). Peu à peu aussi, la tradition flirtera avec le jazz naissant. Un standard comme Alexander's ragtime band sera ainsi décliné de multiples façons. The Andrews Sisters,  en plein conflit mondial, se feront un nom. Elles ont créé des émules, et pas seulement dans les boîtes gay ou de transformistes. Aujourd'hui, les Puppini Sisters n'ont rien à envier à celles qui les ont précédées.

Dans la foulée, est né un peu plus tard le style "wop-doo-wop" qui a connu son heure de gloire dans les années 1950 et a suscité bien des vocations. Les ensembles alors deviennent mixtes parfois et de moins en moins a  cappella. Un soliste et trois choristes qui font "wop-doo-wop". On peut citer ici, parmi de très nombreux représentants du genre The Platters, mais aussi The Temptations.

La tradition des barbershop quartets est néanmoins restée très vivante aux Etats-Unis et au Canada, jusqu'à aujourd'hui. Elle donne lieu à des festivals et à des compétitions où le costume, la gestuelle et l'humour priment parfois sur la musique. Leur aspect kitsch est totalement incompréhensible pour qui n'est pas un américain du nord.

Il existe ainsi encore actuellement des quatuors vocaux blancs chantant du gospel et du country, galvanisant les foules, avec des chants religieux, en vrais professionnels du show-bizz, lors de rassemblements souvent bon enfant, mais qui moi m'inquiètent quand même un peu. Parallèllement, des ensembles beaucoup plus marqués par le jazz, comme The Manhattan Transfer, ne renient pas du tout leurs origines.

Le style qu'on appelle close harmony est l'héritier de cette tradition. Il se caractérise par une écriture très riche, inventive, sophistiquée même sur le plan harmonique, comportant néanmoins une contrainte, l'étendue du spectre des voix: il peut s'agir d'un trio féminin, d'un quatuor masculin, d'un quatuor mixte, d'un sextet masculin (du contreténor à la basse) et, dans la forme la plus ouverte, de 8 chanteurs mixtes de la soprano à la basse. La voix est cependant toujours privilégiée. La voix, les voix, d'où mon intérêt pour cette tradition. On peut citer ici des ensembles very  british (comme les King's singers ou Voces8 ...). Mais je pense aussi au Quarteto Em CY, dans la musique brésilienne.

Sélection d'illustrations sonores anonymes et dans le désordre (c'est plus drôle ... vous allez être obligés de les écouter toutes!)

http://www.youtube.com/watch?v=qPTbgvzgMZU

http://www.youtube.com/watch?v=mQwb4SpNuKo&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=da21psYw39k&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=n-XQ26KePUQ&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=yjvRDTIiMTg&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=hZuB-Y3L0Ys&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=f-EfmZXTUq4&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=xZ6-2XwvUCE&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=y9JCEv7p4EE&feature=related

http://www.singers.com/choral/voces8.html

http://www.dailymotion.com/video/x6k6rl_swing-low-sweet-chariot-the-jordana_music

http://www.youtube.com/watch?v=0f4e0pssQWs&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=YFk5hrpw9Rs&feature=related

http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/Revoir-nos-emissions/Acoustic/Episodes/p-14104-The-Golden-Gate-Quartet.htm

http://www.youtube.com/watch?v=q4W8Uw00hs8&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=bBbgZauYL1Q

http://www.youtube.com/watch?v=8myK93FqbYc&NR=1

samedi 12 mars 2011

Pourquoi l'homme ne serait-il pas l'avenir de la femme?

Louis Aragon a, un jour, écrit, que "la femme est l'avenir de l'homme". Jean Ferrat l'a chanté.

http://www.youtube.com/watch?v=MZ8d1WY27RI

Pourquoi l'homme ne serait-il pas l'avenir de la femme? Ou tous les deux un avenir pour les autres.

A l'occasion de la journée mondiale des femmes, le 8 mars dernier, j'avais lancé sur facebook un petit défi: il existe d'innombrables chansons où l'homme chante la femme. En existe-t-il autant où la femme chante l'homme? Je connais peu de chansons où l'homme chante la femme, sans la magnifier, l'idéaliser, ou dire qu'il lui doit sinon tout, beaucoup. Les chansons de Charles Aznavour "Tu te laisses aller" ou "Je bois" sont les rares que je connaisse. Seule la tendresse désabusée l'autorise à chanter cela et une profonde conscience de l'homme.

http://www.youtube.com/watch?v=tzomqWPWLKc&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=FFQxfS45HYk&feature=related

J'ai donc attendu que mes amies facebook m'inondent de références. La moisson a été fort maigre.

Les quelques suggestions suivantes m'ont été faites:

- Mon légionnaire, chanté par Edith Piaf;
http://www.youtube.com/watch?v=mHRFxmRh7kY

- Oui, je l'adore, chanté par Pauline Ester (suggéré par un correspondant masculin);
http://www.youtube.com/watch?v=mHRFxmRh7kY

- Johnny, tu n'es pas un ange, créé par Edith Piaf, repris par Vaya con Dios.
http://www.youtube.com/watch?v=Ka9jb32FtHc

Une amie m'a signalé une chanson de Zazie: ...où elle chante:  "Je suis un homme" (?).
http://www.youtube.com/watch?v=utMD5t_jzMU

J'ai donc fait appel, pour compléter, à mes maigres souvenirs:

- Mon mec à moi, il me parle d'aventures, chanté par Patricia Kaas;
http://www.youtube.com/watch?v=utMD5t_jzMU

- Tel qu'il est, il me plaît, créé et chanté par Fréhel
http://www.youtube.com/watch?v=pqeTZOLDfBQ

- Toi jamais, chanté par Catherine Deneuve, dans le film Huit femmes, de François Ozon


http://www.youtube.com/watch?v=EWmv0oykofY&feature=related

- Femme, chanté par Nicole Croisille

http://www.youtube.com/watch?v=IsYuJJOxwQE

On ne peut pas dire que les hommes sortent vraiment grandis de ces chansons de femmes. Je n'y trouve pas la même vénération en tout cas que celle que l'on peut trouver chez Jacques Brel, Jean Ferrat, Charles Dumont, Julien Clerc, par exemple.

Alors aidez-moi, à me convaincre du contraire! Sinon, je finirai par devenir gay!

jeudi 10 mars 2011

La nationalité, les riches et les pauvres

Lors de ma revue de presse quotidienne, j'ai découvert, dans le journal l'Echo (ancien Echo de la Bourse), que la Belgique compte trois milliardaires, selon le classement Forbes.  Je ne sais pas s'il faut féliciter la Belgique ou les milliardaires en question.

Ces trois belges, que l'on suppose très heureux d'être nantis, sont: Albert Frère, Patokh Chodiev et Wang Xing Chun. Belges?

Oui, car il semblerait que monsieur Patokh et monsieur Wang aient acquis la nationalité belge.

Depuis ce jour, tout le pays en profite. Leur apport à la prospérité nationale saute aux yeux. A vrai dire, c'est la première fois que j'entends parler d'eux.

C'est étrange, comme on accorde facilement la nationalité belge à certains et à d'autres pas.

Patokh et Wang, s'ils veulent devenir flamands, devront-ils justifier d'une connaissance suffisante de la langue parlée en Flandre et faire preuve d'une réelle insertion sociale dans l'Etat flamand, ou peut-être prouver qu'ils ont, ne fût-ce qu'un peu, du sang flamand. On imagine alors l'ancêtre flamand improbable de monsieur Wang, qui, lors d'un voyage dans l'Empire du milieu, a donné la vie à un flamando-chinois!

Puisque je dois faire un peu d'exercice, chaque jour, je marche dans ma ville de Liège.

Une chose me frappe: le nombre d'immeubles inoccupés. Vides. Il y a souvent un rez-de-chaussée commercial aménagé avec plus ou moins de goût ... et 3 étages au-dessus presque toujours inoccupés. Les propriétaires doivent pratiquer des tarifs, pour les baux commerciaux, tels qu'ils ne voient pas l'intérêt de valoriser les étages supérieurs.

Cela me choque. Il existe à Liège une offre potentielle de logement énorme. Pour qui?

Mon quartier d'Outremeuse fait un peu exception.

Parce qu'il est plus populaire? Oui, sans doute. Mais beaucoup d'immeubles sont de belles maisons de maître, avec bow-window, ce qu'adorait particulièrement un ami français que j'ai fréquenté pendant une dizaine de jours, le temps de son passage à l'opéra.

Soyons clair, sans les marocains, les algériens, les tunisiens, mon quartier serait devenu un désert. Ici, les immeubles sont occupés et de plus en plus rénovés. Un tissu social est recréé par les petits commerces: épicier, coiffeur, boulanger, boucher, généralement moins chers que les autres.

Cette reconversion dépend beaucoup des acteurs en présence. La banque ING a décidé récemment de réaliser, ou valoriser, son patrimoine immobilier. Soit dit en passant, cette décision vient curieusement après que l'Etat a subsidié les banques pour des montants indécents. Au-dessus de l'agence locale, il y a trois niveaux d'appartements spacieux et lumineux. Pourquoi ne trouvent-ils pas preneur?

J'ai beaucoup d'affection pour tous les maghrébins qui me permettent de vivre dans un quartier encore vivant. Ils m'apportent beaucoup plus que Patokh ou Wang. Ils ont aussi pris plus de risques pour tenter de devenir belges et ils ne le sont pas encore tous.

mercredi 9 mars 2011

Femmes, femmes, femmes

Hier, c'était donc la journée des femmes. Un jour férié, en Russie. Ce qui a entravé le transfert d'un homme marocain, footballeur de son état, d'Anderlecht à Grozny, lequel transfert a été reporté d'un jour ou deux. On croît rêver! Décidément, quand les femmes s'en mêlent, plus rien ne va dans le monde des hommes.

A vrai dire, c'est comme cela depuis le commencement, qu'on appelle parfois la Genèse. Le plan de Dieu était tout tracé et l'homme était radieux. Il a fallu que le créateur lui adjoigne une compagne, dont il n'avait que faire, issue de sa côte. En plus, elle aimait les serpents. Surtout un en particulier. Depuis, les hommes ne sont plus ce qu'ils auraient dû être et les femmes cherchent à exister autrement que comme un morceau de côte.

Ceci explique bien des choses.

Si les hommes n'avaient pas été amputés d'un morceau de leur côte, il n'y aurait jamais eu de journée de la femme.

Si j'avais pu naître de la côte de mon père, je ne devrais sans doute pas consulter une psy.

Aujourd'hui, on parle de quotas.

Je veux bien admettre la parité hommes/femmes, lors des élections, il s'agit alors de représenter la société.

Mais, pourquoi un quota dans les conseils d'administration des sociétés privées et publiques? Ne faut-il pas alors un quota partout, dans toutes les professions, les fonctions, les responsabilités, les missions?

L'idée de quota s'oppose par son essence même au principe de non-discrimination. Je sais, je sais, on parle aujourd'hui de "discrimination positive", grâce à Dieu sait quel sociologue. Mais, je dis bien "s'oppose".

En règle, la loi interdit une discrimination à l'embauche entre homme et femme. A compétences égales, il faut juger le meilleur pour la fonction. Et, je m'en réjouis. Que ce soit le cas alors dans les conseils d'administration. Pourquoi un quota?

Car certaines fonctions sont plus prisées par les femmes que d'autres. Elles ne se pressent guère au portillon pour devenir éboueur, balayeur, soudeur, maçon, métallurgiste, conducteur de poids lourd, pompier, plombier ... mais elles se pressent en nombre pour être avocate, enseignante, médecin, magistrat ... mais plus guère infirmière, par contre.

Pourtant, toutes ces professions sont ouvertes à tous sans discrimination de sexe.

Un régime généralisé de quota (il n'y a aucune raison de le réserver aux conseils d'administration), signifierait, par exemple, ceci:
- le responsable d'une crêche devrait refuser l'engagement d'une femme compétente pour la fonction, au profit d'un homme peut-être tout aussi compétent, mais plus difficile à trouver;
- le ministre de la justice devrait bloquer la nomination de candidates compétentes à la magistrature pour garantir une parité hommes/femmes. En ce cas précis, est-il normal que la population mixte par définition soit, en première instance, de plus en plus confrontée à des juges uniquement féminins? Les femmes peuvent être de bons juges, mais les hommes tout autant.

 Bref, cette journée des femmes m'irrite un peu. J'aimerais bien qu'on s'occupe aussi un peu de moi!

J'ai lancé un test sur Facebook. Les chansons et les poèmes où l'homme chante la femme sont innombrables. Je me demandais combien de femmes avaient chanté l'homme avec autant de vénération que l'homme l'avait fait pour elles. J'ai fait appel, surtout à mes amies FB, pour me donner des exemples de poèmes et de chansons où la femme chante l'homme avec la même dévotion. J'ai été très déçu. Je n'ai reçu qu'une seule réponse. Elle évoquait Edith Piaf: "Mon légionnaire".

Conversation entre quatre maghrébins

Ce n'est pas parce que je suis toujours avec un journal ou un livre à la main que je n'écoute pas ce qui se dit autour de moi, quand je suis en terrasse. Bien au contraire.

Ce matin, dans l'attente de ma séance de PUVA, je buvais un jus d'oranges pressées (comme au Maroc), attablé à une terrasse de la place (de la) Cathédrale.

Quatre jeunes hommes, qui manifestement n'étaient pas d'ici, ne parlaient pas flamand, mais français, et discutaient. De toute évidence, l'un d'entre eux, avec son énorme sac de bagages, venait d'arriver. En quel pays de délices?

Ils n'étaient pas du tout d'accord entre eux, seul le dernier arrivé avec son bagage ne disait rien. Il écoutait. Il était beau. Peut-être est-ce pour cela que j'ai écouté leur conversation?

Un des trois autres était tunisien. Il parlait plus que les autres. Il était fier d'être musulman. Il disait que la religion musulmane est la plus belle. Il disait aussi qu'il était ouvert aux autres croyances. Il retenait de l'Islam les valeurs essentielles: l'amour, la paix, le respect, la famille, ne pas voler, ne pas mentir, faire l'aumône. Il disait: je suis né dans l'islam et j'en retiens ce qui est bon.

Un autre ne cessait d'évoquer l'histoire: les croisades, les musulmans qui avaient colonisé l'Espagne, la Sicile, la France. J'aurais voulu intervenir (les croisades n'ont pas eu lieu au 17ème siècle après Jésus-Christ!). Il ne prônait pas la violence, mais il était dans une logique de groupes, de clans, qui s'affrontent. Cette division, bien présente dans le Coran, était en lui.

Le troisième (d'où venait-il?) était franchement irrité par ces considérations fondées sur la religion, mais il voulait bien parler de politique. Il n'a cessé de dire qu'il haïssait l'islam, que la religion était en très grande partie la cause du retard pris par son pays en termes d'alphabétisation, d'éducation, de développement, d'égalité, de droits de l'homme. Il ne voulait plus qu'on parle de religion!

Ils ne se sont pas disputés. Voilà l'essentiel.

Ceci n'est pas une fable, mais le compte-rendu de ce que j'ai réellement entendu ce matin.

J'aurais aimé savoir ce que pensait celui qui n'a rien dit et qui était là avec son bagage. Plusieurs destinations ont été évoquées: Borgerhout (dans la périphérie d'Anvers), Rotterdam ou Liège.

Je ne saurai jamais où il sera accueilli.

mardi 8 mars 2011

Les grands voyageurs

Je l'avoue, je ne suis pas un grand voyageur, je suis trop attaché à mon lieu de vie pour cela. Je suis un sédentaire, cela fait partie de moi. Je me sens incapable de devoir faire mes valises toutes les semaines ou plusieurs fois par semaine. Pour devenir un grand voyageur, il faut ne pas avoir d'attaches ou avoir fait le choix de ne pas en avoir, de les rompre ou de les faire passer au second plan, alors qu'elles existent. J'ai voyagé cependant (je veux dire à l'étranger).

Etre sans attache ne veut pas dire sans racine.

J'appartiens à un monde particulier: ceux qui parviennent à faire de leur vie un voyage, sans nécessairement  se déplacer géographiquement. Dans les voeux monastiques, n'y a-t-il pas un voeu de stabilité à un lieu (le monastère que l'on choisit et où on est admis)?

Quand je vois le parcours de mes anciens étudiants, je suis parfois étonné. J'en ai un peu partout dans le monde. Je l'ai notamment découvert grâce à Facebook.

D'abord des étudiants belges qui aujourd'hui font leur vie ailleurs (en Argentine, en Californie, à Londres, à Vancouver, à Dubaï, au Pérou, en Egypte). Quand je les formais, je pensais qu'ils deviendraient surtout avocat, notaire, magistrat ou conseiller juridique en Belgique. Petit avenir, j'en conviens, mais je n'ai jamais eu beaucoup d'ambition pour moi-même. Cela me réjouit de les voir s'épanouir sous d'autres cieux. Peut-être parce que je me dis que j'y ai modestement contribué. Il arrive d'ailleurs qu'ils me le disent.

Ensuite,  il y a les étudiants étrangers qui ont suivi certains de mes enseignements (marocains, rwandais, burundais, nigérians, canadiens, brésiliens, portugais, espagnols). C'est vrai, ils sont venus à moi. Je n'ai pas été enseigné chez eux. Leur ai-je enseigné des choses utiles? Je les ai toujours bien accueillis. Certains m'en sont reconnaissants et m'invitent dans leur pays lointain, trop loin cependant parfois.

On peut faire de sa vie un grand voyage, sans voyager. Notre imagination et notre coeur peuvent suffire.

J'aime pourtant de temps en temps créer une rupture dans ma vie, un moment, un espace, pas nécessairement très loin. Juste un lieu ou une rencontre. Encore mieux, un lieu et une rencontre.

samedi 5 mars 2011

Les bouddhas de Bamyian

La question n'est pas anodine: quand des fous illuminés détruisent, pour une obscure raison religieuse, un bien inscrit au patrimoine mondial de l'humanité, que peut-on faire après?

Telle est la question qui se pose aujourd'hui à l'UNESCO, et au monde qu'il faut bien qualifier de civilisé, en comparaison de certains fous d'Allah, à propos des bouddhas de Bamyian en Afghanistan.

Reconstruire à l'identique?

La copie n'aura jamais la même âme que l'original. A quoi peut encore servir le bouddha, s'il n'a plus d'âme? Faudra-t-il prier devant une pierre?

Si on veut donner du sens à l'événement, il faut garder les cavités vides et proposer aux visiteurs des images du passé, afin que soit clairement établie pour toujours la responsabilité des destructeurs.

Il est inconcevable, à mes yeux, que la religion puisse justifier une quelconque atteinte à d'autres croyances, d'autres religions, d'autres modes de pensée. La finalité de toute religion n'est-elle pas de relier? Les hommes avec Dieu et les hommes entre eux. Une croyance qui oppose, divise, sépare est-elle une religion?

http://www.liberation.fr/monde/01012323649-les-bouddhas-de-bamyian-dix-ans-apres





vendredi 4 mars 2011

La voix des peuples: liberté, justice et vérité

Je suis très interpelé par ce qu'il se passe, en ce moment. D'abord et surtout, le "printemps arabe" et son effet domino (on parle aujourd'hui d'inquiétude ... chez les dirigeants de Corée du nord!). Les peuples donnent de la voix, dans un mélange d'affirmation, d'aspirations et de contestation.

Je me trompe peut-être, mais j'ai la conviction que tout un monde est peut-être prêt à s'effondrer simplement parce que la voix des peuples ne veut plus de ce monde. Et je n'hésite guère à me ranger du côté de ceux qui n'en veulent plus. Je préfère sincèrement faire partie de ceux qui contribueront peut-être à un nouveau monde, que de figurer parmi ceux qui défendent le monde ancien, ses compromissions, ses compromis, qui souvent ne tiennent qu'un temps.

Que dit la voix des peuples?

Elle réclame des choses, qu'on pourrait croire garanties, dans les démocraties occidentales, mais qui ne le sont pourtant pas nécessairement ou pas toujours:

- d'abord, la liberté. La liberté de s'exprimer. La liberté d'être soi, même quand on est différent, qu'on pense, qu'on croit ou qu'on vit autrement. Elle implique l'égalité. On ne peut pas vivre libre, si on est soumis à des discriminations liées au sexe, à la religion, à la race, au statut social. Cette liberté-là est peut-être la plus difficile à atteindre car elle se heurte encore, en ce monde, au poids de traditions bien ancrées, religieuses ou laïques. La jeunesse musulmane joue, à cet égard, un rôle très important à mes yeux. De plus en plus éduquée et ouverte au monde, elle se confronte à des régimes politiques qui sont d'un autre temps, mais elle interpelle aussi nos propres régimes politiques. Notre responsabilité est donc à la mesure de leur attente. Nos régimes occidentaux démocratiques sont-ils crédibles s'ils ne parviennent pas à éviter ni la corruption, ni les conflits d'intérêts, ni les petits arrangements entre amis?

- ensuite, la justice. Ce que réclame la voix des peuples, c'est un partage plus équitable des richesses dans leur pays et dans le monde. Je crains toutefois qu'aussi longtemps que l'argent et le profit seront définis comme le but à atteindre par le plus grand comme par le plus petit, notre monde ira à sa perte. Je le pense vraiment. Cela concerne pourtant d'abord et surtout les plus grands qui n'en ont jamais assez. Leur credo a pollué bien des esprits.

Une grenouille vit un boeuf, 
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant: Regardez bien ma soeur; 
Est-ce assez? dites-moi; n'y suis-je point encore?
- Nenni.
- M'y voici donc?
- Point du tout.
- M'y voilà?
- Vous n'en approchez point.
La chétive pécore s'enfla si bien qu'elle creva.


(La Fontaine, Fables).


N'a-ton pas parlé, après monsieur de La Fontaine, de "bulle" informatique, immobilière ou financière ... qui ont toutes fini par faire "pouf"?

- enfin, la vérité. Ce que n'acceptent plus les peuples, c'est qu'on leur mente. Au nom de la religion aussi bien qu'au nom d'idéologies laïques. Le chantier est colossal, car il s'agit de dénoncer les a priori, les promesses électorales non tenues, la pensée unique, les idéologies. De plus en plus, la voix des peuples aspire à la responsabilité, étape indispensable pour être reconnu. Il y a du travail!

Liberté, justice et vérité.
Je n'appelle pas ici à une nouvelle révolution.
Je lance des idées.

jeudi 3 mars 2011

Fiscalités

La fiscalité est un domaine perpétuellement en chantier. Il n'existe sans doute pas de système fiscal idéal. Tout au plus peut-on tenter de le confronter à certaines valeurs et, sans arrêt, le modifier, le triturer, jusqu'à l'absurde parfois, pour y laisser la marque de politiques successives et changeantes.

Le droit fiscal, particularité partagée avec le droit pénal, est sans doute un des domaines où les juristes trouvent le plus l'occasion de jongler avec la loi, dans la lettre et dans l'esprit. Les fiscalistes et les pénalistes ont en commun d'être un peu retors, en tout cas un peu plus que les autres.

Le président français a donné l'impulsion pour une réforme de la fiscalité du patrimoine. Elle devrait pourtant signer le glas d'une des mesures phares de son quinquennat: le bouclier fiscal.

Essayons d'y voir clair et, si possible, d'en tirer des leçons.

Qu'est-ce qu'un bouclier fiscal? C'est l'assurance donnée à certains contribuables potentiels qu'ils ne devront pas contribuer à l'impôt et que l'argent qu'ils ont sera bien pour eux-mêmes, sans qu'ils doivent en verser une partie à l'Etat. Cette idée de bouclier se comprend aisément quand il s'agit de citoyens disposant de peu de moyens, peu importe la raison. Quand on a à peine de quoi vivre, comment contribuer financièrement au budget de l'Etat? Il peut d'ailleurs s'agir de citoyens qui survivent grâce à des allocations versées par l'Etat. Il serait évidemment absurde que l'Etat réclame des impôts sur des allocations qu'il verse lui-même.

Mais le bouclier fiscal, ce n'est pas que cela. C'est l'assurance donnée à des contribuables, qui n'ont aucun souci pour vivre, que tout ce qu'ils gagneront en plus sera pour eux et non pour l'Etat. Bien entendu, il est possible qu'il deviennent de généreux mécènes (cela arrive) et le pari est fait que, comme ils cherchent à être toujours plus riches, ils investiront dans des projets qui feront vivre l'économie, créeront de l'emploi et de la richesse (vraisemblablement pour eux-mêmes d'abord et accessoirement pour les autres). Ce n'est pourtant pas ce que la réalité démontre: aujourd'hui, ceux qui ont de l'argent n'investissent plus guère dans des projets porteurs d'emplois, ils spéculent et jouent en bourse.

La Belgique connaît deux formes de bouclier fiscal. Elles concernent l'impôt sur les revenus. Pour les bas revenus, elle se traduit par une exemption totale ou partielle (selon des modalités très complexes). Pour les hauts revenus, il est prévu qu'au dessus d'un certain seuil de revenu tout revenu supplémentaire ira à concurrence de 50 % dans la poche du bénéficiaire de ce revenu, quel qu'en soit le montant. C'est ainsi que le pourcentage effectif d'impôt payé par rapport aux revenus réellement perçus décroît chez les plus nantis! Pour résumer le propos, si vous êtes salarié et que vous faites des heures supplémentaires, pour gagner plus, vous allez contribuer globalement toujours plus, alors que le nanti pas. Il faut donc se montrer extrêmement méfiant face au slogan "travailler plus pour gagner plus" cher au président de la République française, Nicolas Sarkozy.

Le bouclier fiscal sarkozyste est plus généreux encore que le bouclier belge, en ce qui concerne les plus nantis, puisqu'il ne les protège pas seulement de l'impôt sur les revenus, mais d'une charge fiscale globale. Ce bouclier fiscal pourrait aujourd'hui disparaître ... mais avec bien des réticences, des aménagements ou des mensonges. J'en retiens deux, n'étant pas spécialiste du droit fiscal français.

On veut bien supprimer le bouclier fiscal, mais on n'ajoutera pas une tranche supplémentaire d'imposition à l'impôt sur les revenus! Ceci revient à créer un nouveau bouclier fiscal, comparable à celui qui existe en Belgique. Les mesures envisagées  seraient-elles dès lors de la poudre aux yeux?

Si on supprime, le bouclier fiscal, il faut s'interroger, dit-on, sur l'impôt sur la fortune. Il faut compenser, pour les riches, la perte de richesse qui pourrait découler de la suppression du bouclier fiscal.

C'est tellement évident. Il suffit maintenant de présenter les choses pour les rendre crédibles aux yeux des non nantis. Il faut donc des arguments.

Supprimer l'impôt sur la fortune? Pour Sarko, c'est facile: l'ISF a été supprimé partout (même en Allemagne, un pays qui n'a jamais connu d'impôt sur la fortune!). En Belgique, on parle de plus en plus de l'introduire pourtant ...

L'impôt sur la fortune est populaire, dès lors qu'il frappe les grandes fortunes, le niveau de ce qu'est une grande fortune restant à définir. En France, cet impôt a fini par atteindre des citoyens sans réelle fortune, mais qui disposaient de quelques biens immobiliers. Il se pourrait dès lors que le gouvernement français aménage l'ISF tout à coup illuminé par un peu de raison.

Que retenir?

Le mensonge, la justice et l'improvisation.

Les options fiscales d'un homme politique révèlent beaucoup de ce qu'il est, je veux dire:
- sa capacité à mentir pour convaincre,
- sa conception de la justice sociale,
- son aptitude à voir loin et à long terme.

Je ne vise personne.