La fiscalité est un domaine perpétuellement en chantier. Il n'existe sans doute pas de système fiscal idéal. Tout au plus peut-on tenter de le confronter à certaines valeurs et, sans arrêt, le modifier, le triturer, jusqu'à l'absurde parfois, pour y laisser la marque de politiques successives et changeantes.
Le droit fiscal, particularité partagée avec le droit pénal, est sans doute un des domaines où les juristes trouvent le plus l'occasion de jongler avec la loi, dans la lettre et dans l'esprit. Les fiscalistes et les pénalistes ont en commun d'être un peu retors, en tout cas un peu plus que les autres.
Le président français a donné l'impulsion pour une réforme de la fiscalité du patrimoine. Elle devrait pourtant signer le glas d'une des mesures phares de son quinquennat: le bouclier fiscal.
Essayons d'y voir clair et, si possible, d'en tirer des leçons.
Qu'est-ce qu'un bouclier fiscal? C'est l'assurance donnée à certains contribuables potentiels qu'ils ne devront pas contribuer à l'impôt et que l'argent qu'ils ont sera bien pour eux-mêmes, sans qu'ils doivent en verser une partie à l'Etat. Cette idée de bouclier se comprend aisément quand il s'agit de citoyens disposant de peu de moyens, peu importe la raison. Quand on a à peine de quoi vivre, comment contribuer financièrement au budget de l'Etat? Il peut d'ailleurs s'agir de citoyens qui survivent grâce à des allocations versées par l'Etat. Il serait évidemment absurde que l'Etat réclame des impôts sur des allocations qu'il verse lui-même.
Mais le bouclier fiscal, ce n'est pas que cela. C'est l'assurance donnée à des contribuables, qui n'ont aucun souci pour vivre, que tout ce qu'ils gagneront en plus sera pour eux et non pour l'Etat. Bien entendu, il est possible qu'il deviennent de généreux mécènes (cela arrive) et le pari est fait que, comme ils cherchent à être toujours plus riches, ils investiront dans des projets qui feront vivre l'économie, créeront de l'emploi et de la richesse (vraisemblablement pour eux-mêmes d'abord et accessoirement pour les autres). Ce n'est pourtant pas ce que la réalité démontre: aujourd'hui, ceux qui ont de l'argent n'investissent plus guère dans des projets porteurs d'emplois, ils spéculent et jouent en bourse.
La Belgique connaît deux formes de bouclier fiscal. Elles concernent l'impôt sur les revenus. Pour les bas revenus, elle se traduit par une exemption totale ou partielle (selon des modalités très complexes). Pour les hauts revenus, il est prévu qu'au dessus d'un certain seuil de revenu tout revenu supplémentaire ira à concurrence de 50 % dans la poche du bénéficiaire de ce revenu, quel qu'en soit le montant. C'est ainsi que le pourcentage effectif d'impôt payé par rapport aux revenus réellement perçus décroît chez les plus nantis! Pour résumer le propos, si vous êtes salarié et que vous faites des heures supplémentaires, pour gagner plus, vous allez contribuer globalement toujours plus, alors que le nanti pas. Il faut donc se montrer extrêmement méfiant face au slogan "travailler plus pour gagner plus" cher au président de la République française, Nicolas Sarkozy.
Le bouclier fiscal sarkozyste est plus généreux encore que le bouclier belge, en ce qui concerne les plus nantis, puisqu'il ne les protège pas seulement de l'impôt sur les revenus, mais d'une charge fiscale globale. Ce bouclier fiscal pourrait aujourd'hui disparaître ... mais avec bien des réticences, des aménagements ou des mensonges. J'en retiens deux, n'étant pas spécialiste du droit fiscal français.
On veut bien supprimer le bouclier fiscal, mais on n'ajoutera pas une tranche supplémentaire d'imposition à l'impôt sur les revenus! Ceci revient à créer un nouveau bouclier fiscal, comparable à celui qui existe en Belgique. Les mesures envisagées seraient-elles dès lors de la poudre aux yeux?
Si on supprime, le bouclier fiscal, il faut s'interroger, dit-on, sur l'impôt sur la fortune. Il faut compenser, pour les riches, la perte de richesse qui pourrait découler de la suppression du bouclier fiscal.
C'est tellement évident. Il suffit maintenant de présenter les choses pour les rendre crédibles aux yeux des non nantis. Il faut donc des arguments.
Supprimer l'impôt sur la fortune? Pour Sarko, c'est facile: l'ISF a été supprimé partout (même en Allemagne, un pays qui n'a jamais connu d'impôt sur la fortune!). En Belgique, on parle de plus en plus de l'introduire pourtant ...
L'impôt sur la fortune est populaire, dès lors qu'il frappe les grandes fortunes, le niveau de ce qu'est une grande fortune restant à définir. En France, cet impôt a fini par atteindre des citoyens sans réelle fortune, mais qui disposaient de quelques biens immobiliers. Il se pourrait dès lors que le gouvernement français aménage l'ISF tout à coup illuminé par un peu de raison.
Que retenir?
Le mensonge, la justice et l'improvisation.
Les options fiscales d'un homme politique révèlent beaucoup de ce qu'il est, je veux dire:
- sa capacité à mentir pour convaincre,
- sa conception de la justice sociale,
- son aptitude à voir loin et à long terme.
Je ne vise personne.
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Il y a 11 mois
http://www.liberation.fr/economie/01012335035-isf-halte-aux-mensonges-d-etat
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