Un petit écho de la vie juridique belge.
Le législateur fédéral, parce que cela relève de sa compétence, a créé, à côté du mariage, un statut parallèle: la cohabitation légale. Contrairement "au modèle français", que chérissent tant certains de mes amis, le contrat belge de cohabitation légale n'a pas la même signification symbolique que le PACS, en France. La raison en est simple: un couple homosexuel peut, en Belgique, se marier; ce n'est pas le cas en France. Toujours dans le domaine de sa compétence, le législateur fédéral belge a décidé d'assimiler fiscalement les couples mariés et les couples de cohabitants légaux (le mariage à plus de deux, pas plus que la cohabitation légale à plus de deux, n'étant pas légalement reconnus en Belgique). Cette assimilation vaut pour l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
Mais, en Belgique, rien n'est simple. Le pays est minuscule, mais il a des idées et des plombiers (on appelait l'ancien premier ministre, Jean-Luc Dehaene, le "plombier"). L'Etat fédéral a perdu beaucoup de ses compétences au profit des Régions. Ce qui, soit dit en passant, est parfaitement antinomique, puisque dans un Etat fédéral, on "met des choses en commun", tandis qu'en Belgique on "dépossède" l'Etat, dit fédéral, de tout ce qu'il est possible de lui enlever à la demande des flamands.
Bref, les droits dus en cas de succession sont aujourd'hui une compétence régionale. La région qui emporte la cagnotte est celle où s'ouvre la succession, c'est-à-dire celle où le défunt résidait quand il meurt (peu importe où se trouvent ses biens). Les régions ayant adopté des politiques fiscales différentes, en matière de droits de succession, on a vu apparaître des délocalisations de petites vieilles et de petits vieux! Des héritiers peu scrupuleux ont vite compris tout l'intérêt de mettre Tatie Danièle dans une maison de retraite plutôt en Flandre qu'à Bruxelles! Certains juristes se sont d'ailleurs fait un plaisir de les conseiller.
Mais revenons au sujet.
Les flamands, plus ouverts d'esprit, ont choisi de traiter, en ce qui concerne le tarif des droits de succession, les gens qui vivent ensemble (à deux ou plus) de la même façon. Les cohabitants de fait doivent seulement témoigner d'une certaine stabilité dans la vie commune.
Les wallons, parfois en retard d'une guerre, ont franchi le pas de manière plus timide quelque temps après. Les cohabitants de fait n'ont pas plu (pour des raisons budgétaires sans doute). Le meilleur tarif a été réservé aux successions entre conjoints mariés et entre cohabitants légaux "depuis un an au moins au jour du décès". On imagine une réunion, en fin d'après-midi, au cabinet du ministre des Finances et du Budget d'alors. Ce qui va suivre est pure fiction.
- Le ministre: "Oui mais, il faut le dire, ... si j'ai une jeune maîtresse, elle pourrait, voyant ma fin venir, m'extorquer un contrat de cohabitation légale, "in extremiste" ... "...miss", pour avoir mon pognon avec moins de droits de succession!"
- Le chef de cabinet: "Oui, monsieur le ministre, nous allons arranger cela. Un délai d'un an au moins vous semble-t-il raisonnable?"
- Le ministre: "Un an? ... Elles ne restent jamais plus d'un soir! Allez, c'est bon. Il faut bien gouverner quand même. Un an".
Tout se joue là!
Un bon chef de cabinet aurait dû dire au ministre: "Ce n'est pas possible, monsieur le ministre. Une telle disposition est contraire à la Constitution: elle crée une discrimination injustifiée entre les couples mariés et les couples de cohabitants légaux". Mais le texte est présenté comme cela au Parlement (parfois après avis du Conseil d'Etat ... que l'on ne juge pas toujours utile de suivre). Il est voté sans discussion. Comme dirait Sarko, le Parlement n'est quand même pas là pour mettre des bâtons dans les roues à l'action du Président.
Les cabinets d'avocats se frottent les mains! Et cela donne, un arrêt de la Cour constitutionnelle, rendu le 26 novembre 2009, qui met le ministre dans les cordes (arrêt n° 187/2009). Un décret assure déjà la réparation de cette bévue. Des exemples de ce type, j'en ai un certain nombre en réserve.
Il n'y a pas à dire: dans le contexte actuel de crise et de sous-emploi, si on fait le compte de tous les gens qui auront travaillé sur la question posée in casu, la Région wallonne se préoccupe indéniablement de créer de l'emploi.
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