* "Faut-il aider les multinationales?", LLB Entreprise, 7 novembre 2009. Cela fait des années que l'Etat offre des ponts d'or à des financiers sans scrupule et cela continue: comme le régime belge des centres de coordination était condamné par l'Europe, il était indispensable de le remplacer par autre chose: les intérêts notionnels, pour continuer à attirer les investisseurs étrangers. La Flandre est prête à offrir 500 millions d'euros à GM pour sauver l'usine Opel à Anvers. Mais GM s'en fout. Après en avoir bien profité, les multinationales opèrent des restructurations; les pertes d'emploi s'amoncellent ici. Il paraît que c'est à cause de la crise. Arrêtons de rire! Faut-il qu'ils aient été bêtes ceux qui dirigent l'Europe et la Belgique économiques, fiscales et financières, depuis 20 ans! Il fallait consacrer cet argent public à des activités non délocalisables, utiles à tous, créatrices d'emploi locaux et pour des locaux. Susciter des échanges de proximité et peut-être en revenir à un certain protectionnisme. Qu'ils sont pénibles ces dirigeants qui expliquent le désastre actuel par la mondialisation inévitable et la crise! Ils désignent un bouc émissaire symbolique qu'ils ont en fait mis en place et favorisé. Garantir l'indépendance économique de nos pays au lieu de se mettre à genoux devant le capital international, aider les pays plus pauvres, ou moins développés, à devenir autonomes, n'était-ce pas là le seul enjeu honorable, moral?
- "Le vrai pouvoir des francs-maçons", un dossier de 22 pages dans le Nouvel Obs., n° 2348, 5-11 novembre 2009. J'aime beaucoup le Nouvel observateur, mais je n'ai jamais rien rencontré de plus creux que ce dossier. A commencer par l'interview de Jean-Michel Quillardet, qui a été "Grand maître du Grand Orient" (bigre!). Mon hebdomadaire favori annonce qu'il a répondu aux questions, sans en éluder aucune. En fait, il ne répond à aucune. Il s'agit du plus bel exemple de langue de bois jamais rencontré
La place me manquera pour énoncer tout le ridicule (je souligne) que je ressens à propos de ces sociétés:
- "Grand maître du Grand Orient", ce n'est pas rien! Doublement grand! Pas serviteur, non: doublement grand! Mais ce grand maître n'est pas maître en grand chose, ni de grandes choses, ni de grand monde (heureusement!);
- les obédiences représentent un nombre minuscule d'adhérents (170.000 en France) et trouvent encore à se diviser entre elles (spiritualistes ou non, présentes dans le débat public ou non, de tradition anglo-saxonne ou française);
- ces cénacles de la pensée libre et des lumières semblent avoir un gros problème avec la mixité (ce qui est peu conforme avec les idéaux qu'ils affichent);
- j'ai été scout. Pour ma totémisation, on m'a bandé les yeux, emmené seul dans la forêt, dans le noir; on m'y a laissé pour méditer; puis autour d'un grand feu, après un chant de totémisation, j'ai été appelé "Cigale placide". J'ai reçu des mains mêmes du chef de troupe un nouveau foulard. Il semble que l'initiation maçonnique ressemble un peu à ce rituel scout, mais en beaucoup plus glauque (cela est naturellement secret, mais on parle aussi d'une pièce noire, d'un crâne évoquant la mort, d'une coupe d'eau évoquant la vie, par exemple). Dans les communautés religieuses, le jour des voeux solennels, on change parfois de nom. Soeur Jean-Baptiste n'a pas été appelée à son baptême Jean-Baptiste, j'en suis sûr. Les frères-maçons du Moyen-Age portaient de très beaux noms, comme, par exemple, "Martin-le-bien-disant". Quel est le petit nom de monsieur Quillaret?
- les chrétiens ont créé des églises, des monastères, des chapelles, où la porte est ouverte à tous. On ne doit pas donner un mot de passe pour y entrer. Même un franc-maçon peut y entrer. Même un musulman. A tout moment. Mais ceux qui se revendiquent de la libre pensée et des lumières n'ouvrent pas leur temple à n'importe qui, de la même manière qu'on n'a pas accès au territoire de la Mecque, si on n'est pas musulman;
- on ne marche pas non plus de la même façon, ai-je découvert, lors des cérémonies, selon qu'on est simple initié, frère, maître ou grand maître! J'essaye, avec peine, d'imaginer les différentes manières de marcher!
- on porte aussi des ornements! Un tablier, comme les juifs orthodoxes. Une étole comme les curés de plus en plus ornée qu'on est grand dans la hiérarchie. Je dis bien grand et hiérarchie. Car cela compte beaucoup apparemment. Et même, paraît-il, le noeud papillon (pour se reconnaître au premier coup d'oeil). Le pape n'est pas habillé comme le curé de ma paroisse, et un cardinal de curie n'est pas orné comme un évêque, n'est-ce pas? Sans croix, ici bien entendu, rien que des symboles;
- les temples ressemblent à des salles académiques plus ou moins inspirées, par exemple, par un sphynx, par un triangle et un oeil au milieu, une pyramide, des allégories de la justice, de la loi, de la sagesse, tout cela disposé dans un ordre équilibré et sans fenêtres, comme l'était paraît-il le temple de Salomon. Il doit y avoir des temples austères et d'autres plus kitsch (aux Etats-Unis, par exemple). Tout cela est très grandiloquent, mais peu habité.
Ceux qui se considèrent comme des "fils des lumières" ne sont pas prêts de me convaincre.
Alors, je vous propose, à défaut, un autre parcours. A mon avis, beaucoup plus intéressant. Dans les pas des vrais maçons. Une distinction est faite, dans le dossier du Nouvel Observateur, entre les maçons "opératifs" et les maçons "spéculatifs".
Etes-vous déjà entré dans la Basilique de Vézelay?
A Vezelay, les architectes du Moyen-Age ont construit un lieu qui est, pour celui qui y pénètre (encore aujourd'hui), un chemin vers la lumière. Le parcours commence dans un narthex très sombre et puis le chemin s'ouvre. Regardez-bien la photo. Le temple ici laisse toute sa place à la lumière. Mais il converge aussi vers un point. Dieu? Bien sûr que non! Il invite ceux qui entrent à aller au plus profond de leur propre coeur. Faites, un jour, l'expérience de remonter la nef. Si vous avez la chance de séjourner à Vezelay, plusieurs jours, vous ne pourrez pas vous empêcher de le faire plusieurs fois et je vous garantis que vous n'en sortirez pas intact.
Qui a construit ce chef d'oeuvre? Des maçons "opératifs", ils coopéraient avec les moines "spéculatifs". Très vite, vous comprendrez qu'en ce lieu, rien n'est laissé au hasard. Ce lieu a un sens. Ce que je n'arrive vraiment pas à comprendre c'est qu'on puisse qualifier le Moyen-Age d'obscurantiste et puis qu'on ait ensuite parler du siécle des Lumières!
J'aimerais aussi faire observer, si vous visitez un jour ce lieu, ou d'autres semblables, que le Saint Sacrement, le lieu de la "présence" intime avec Dieu, peu importe son nom, est toujours excentré. Il est comme "relégué" dans un coin. Cela veut dire évidemment quelque chose. Quelque chose d'essentiel. Dieu ne se rencontre pas au bout du chemin qui mène au bout de soi, quelle que soit la lumière (ou les lumières) qui accompagne(nt) ce chemin, et même si chacun est invité à le suivre, il ne se rencontre que si on fait un "pas de côté". Cela peut prendre beaucoup de temps pour découvrir cela.
Pour connaître un peu de cette époque, par le petit bout de la lorgnette, je vous conseille de lire (ou de relire), le délicieux Henri Vincenot, habitué des plateaux d'Apostrophes, à l'époque du pétillant Bernard Pivot: Henri Vincenot, Les étoiles de Compostelle, Denoël, 1982.
Cherchez aussi les symboles. Ils sont partout. Ils ne sont pas toujours chrétiens. Attardez-vous à chaque chapiteau. Ne lisez pas votre guide bleu et ses explications. Regardez. Contemplez. Notez les détails. Interrogez-vous. Laissez-vous peut-être toucher. Parlez-en à d'autres, le soir, si vous êtes venus à plusieurs.
Quelle est la différence avec un temple maçonnique? La basilique de Vézelay, un lieu où tout a un sens et est symbole, est surtout un lieu habité. Le seul temple maçonnique, dans lequel j'ai pu un jour pénétrer, à Bruxelles (rue de Laeken, 79), lors des Journées du patrimoine, était un lieu sans âme, un lieu de réunion, totalement creux, en dehors des réunions, comme le sont aussi devenues certaines églises ou anciens monastères revendus et devenus la propriété de banques (l'Abbaye de Fontenay, en Bourgogne, par exemple). Quand je m'y suis rendu, un très chic mariage empêchait la visite d'une partie des lieux.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_de_Fontenay
Je reste néanmoins sidéré qu'autant de grands hommes, de grands penseurs, aient pu succomber à ces jeux puérils. Il doit donc y avoir d'autres raisons. De celles-là, le dossier du Nouvel Observateur ne parle pas assez. Ce que j'ai lu ressemble à un roman de Dan Brown. A vrai dire, c'est chaque fois la même chose. On attend beaucoup et on ne reçoit rien.
Voltaire, qui a été initié quelques mois à peine avant sa mort, aurait dit: "Nos pauvres francs-maçons jurent de ne point parler de leurs mystères ... mais ces mystères sont bien plats". On ne peut mieux dire. Et c'est là que réside la trahison.
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