On entend beaucoup parler aujourd'hui de "mutualisation", notamment à propos de la dette publique des Etats européens.
Mon père a tenu, pendant un temps, les permanences d'une mutuelle ; il a ensuite représenté celle-ci au sein du Conseil d'administration d'une société coopérative pharmaceutique. L'expérience de mon père va nous éclairer. Il y avait aussi, dans mon enfance, des magasins de proximité portant le sigle "Coop".
Que l'on parle de société mutuelle ou de société coopérative, un même élément transparaît : des personnes se regroupent, sans esprit de lucre, dans une structure commune qui leur permettra, mais à elles seules :
- de faire face à certains risques de la vie, moyennant une cotisation, sur la base d'un partage des chances et malchances, la chance des uns permettant aux plus malchanceux de n'être pas démunis (à charge de revanche) ;
- de faire leurs achats à des conditions plus favorables, en regroupant ceux-ci.
Dans ces structures, les associés sont les bénéficiaires et les bénéficiaires sont les associés. Pour faire court, il n'existe pas, dans ce schéma, un capitaliste qui pourrait certes offrir le même service, mais avec une perspective de profit personnel. C'est toujours un projet solidaire géré solidairement.
Que reste-t-il de tout cela aujourd'hui ?
Plus grand chose, cela n'est plus dans l'air du temps, cet air actuel, capitaliste et libéral, étouffant, qui nous submerge et démolit tout sur son passage, sans état d'âme, ne comptant qu'avec l'individu (surtout le battant, l'entrepreneur qui réussit, le créateur de richesses), sans grand égard pour la solidarité. Voyez aux Etats-Unis, qui reste pour quelques faibles d'esprit le modèle à suivre absolument.
Ainsi, notamment, les compagnies privées d'assurances belges ont accusé de concurrence déloyale les mutuelles, qui cherchent, dans le bien commun de leurs partenaires, à réduire leur coût. Et ces compagnies privées ont obtenu gain de cause. Ce qui, pour moi, est un vrai scandale.
Des idéalistes, un peu baba cool, créent bien des groupes d'achat directement chez les producteurs locaux, mais ils sont tellement minoritaires. Impossible d'acheter quoique ce soit aujourd'hui, sans supporter le coût d'intermédiaires multiples, pour des produits formatés et de plus en plus sans saveur.
Mutualiser les dettes publiques européennes, c'est accepter un mécanisme de solidarité où les plus chanceux supportent les moins chanceux. L'Europe étant malheureusement composée d'Etats nations, très égoïstement centrés sur eux-mêmes, n'admettant de l'Europe que ce qui peut leur être profitable, on doit bien constater que la solidarité fait défaut. Les riches n'ont aucune envie de payer pour les pauvres. D'autant que, s'il existe des Etats défaillants, c'est nécessairement de leur faute. Pourquoi le vertueux devrait-il aider le défaillant ? Et, si les choses étaient un peu moins simples que cela ? Et si le vertueux devait, par exemple, sa bonne fortune aux défaillances des autres.
Pourquoi les Etats doivent-ils venir au secours des banques défaillantes, souvent parce qu'elles ont été mal gérées ou n'ont cherché que plus de profit par la spéculation ? Et surtout, comment se fait-il que ces banques privées, sauvées par de l'argent public, exigent encore des taux d'intérêt quand elles prêtent aux Etats ?
J'ai rencontré, ce matin, un jeune homme, bourré d'idées, originales et innovantes. Il appartient à un mouvement citoyen qui a décidé de présenter une liste aux élections communales d'octobre à Liège. Ses analyses sont souvent pertinentes, et bien étayées, ses solutions originales, mais parfois fort ambitieuses. Elles ont en tout cas un double mérite : elles voient plus loin que le court terme (elles s'étalent sur une durée de trente ans) et sont globales (aucune question n'est abordée pour elle-même, elle l'est toujours en relation avec d'autres). Voilà qui n'est pas fréquent en politique.
Parmi ces idées, une a retenu particulièrement mon attention : créer, au sein des quartiers, au plus proche des gens, des maisons des services publics. Des fonctionnaires plus ou moins polyvalents, plus ou moins spécialisés, réunis en un seul lieu, pourraient vous fournir des documents administratifs (actes de naissance, permis de conduire, etc.), renouveler votre abonnement aux transports en commun, accomplir les tâches d'un point poste, offrir les services d'une banque publique sans frais (où l'épargne collectée et rémunérée servirait à financer des projets locaux, ce que faisait dans le fond le Crédit communal) et, pourquoi pas, assurer le remboursement des frais médicaux et le paiement des allocations de chômage. Plus besoin de courir d'un endroit à l'autre, terminé les renvois d'un organisme à l'autre (ONEM, FOREM, Mutuelle, Syndicats ...). Un guichet unique. Il me semble que c'est un exemple de bonne gestion. Un rêve ? Oui, car il implique une mise en commun pour le mieux être de tous. Une manière de mutualiser certains services au public. Je ne suis pas sûr que tous soient prêts.
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