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mardi 5 avril 2011

Lectures au monastère

Je ne peux pas m'en passer. Périodiquement, j'aime prendre toute une semaine pour rejoindre mes frères moines de Wavreumont et y mener une existence presqu'en tout point conforme à la leur, à une seule différence près: de la vie en communauté, je n'expérimente que les bons côtés, pas les difficultés. J'y étais la semaine passée.

L'équilibre de la vie monastique - l'horaire de la journée est chargé, mais il n'y a pas de stress - me refonde. La nature m'apaise. Le travail manuel (deux heures trente,  l'après-midi, à ma demande) m'équilibre. Les temps de prière me recentrent et m'ouvrent tout à la fois.

L'accueil est toujours fraternel et la communauté ne manque pas d'humour. Mes frères moines de Wavreumont mènent une vie simple, mais ils ne sont pas des ascètes. Cela me convient parfaitement.

J'ai consacré mes matinées et mes soirées à la lecture et à la prise de notes dans ces cahiers que je tiens depuis bientôt quarante ans, recueil des phrases ou des textes qui me frappent, me touchent, me questionnent, m'émeuvent. Il m'arrive de relire mes anciens cahiers, je mesure alors le chemin que j'ai parcouru. A ma mort, que deviendront-ils?

Deux livres m'ont particulièrement inspiré pendant mon séjour.

Le premier: Noyau d'olive, de Erri De Luca, Gallimard, 2004 (pour la traduction française), coll. Folio, n° 4370.




Vous est-il déjà arrivé de sucer ou de mâchonner longuement un noyau d'olive ou d'abricot? C'est ce que fait Erri De Luca, depuis des années, avec la Bible et ses versets. L'auteur pourtant prévient: il n'est pas croyant. Il invoque deux raisons: il est incapable de prier et de pardonner. Son témoignage, dans la préface, est interpelant. Il dit ne pas savoir prier parce qu'il ne sait pas s'adresser. Il confesse par là sa difficulté, qui est aussi la mienne, à entrer en relation. Ce n'est pas qu'il soit égoïste, simplement il ne dispose pas des outils pour aborder l'autre (l'Autre). Il invoque une seconde raison que je ne partage pas avec lui: il ne sait pas pardonner et il ne peut admettre d'être pardonné.

Quotidiennement pourtant Erri De Luca est plongé dans la Bible: "Tant que, chaque jour, je peux rester ne fût-ce que sur une seule ligne de ces écritures, j'arrive à ne pas me défaire de la surprise d'être vivant".

Comme il connaît fort bien l'hébreu, il lit la Bible dans le texte et propose ses propres traductions.

Des récits archi-connus sont ainsi revisités. Il peut s'agir d'une nuance tirée d'un mot hébreu ou de la capacité de l'auteur à lire entre les lignes et à imaginer ce qui n'est pas dit, mais pouvait habiter le coeur des protagonistes des différents récits.

A propos de la tour de Babel, "il ne fallait pas monter au sommet du ciel pour survivre, il ne fallait pas se retrancher dans une défense, mais se lancer à l'aventure du monde. Dieu enseigne ici que plus elle est variée et plus elle se met à l'épreuve, plus l'espèce humaine est forte. Toute tentative de lui donner un seul sang, une seule nourriture, une seule médecine va dans la mauvaise direction. Et un seul Dieu aussi: car Dieu doit aimer l'infinie variété avec laquelle ses créatures l'appellent près d'elles".


A propos des deux sexes et de la place de la femme en ce monde, "la perte de l'unicité est la condition de toute  fécondité: tout instinct portant à se suffire à soi-même, à fonder une pureté dans l'isolement est stérile et privé de bénédiction". Dans le texte de la Genèse figure une expression mystérieuse qui décrit l'intention de Dieu quand il crée la femme: "Je ferai pour lui une aide comme devant et contre lui" (Gn, 2, 18). Eve ne sera pas "à côté" d'Adam, elle s'est détachée de là (de son flanc), mais elle se tiendra devant lui. Comme ce sens-là est loin de la formule nuptiale, inspirée de Saül/Paul, qui prescrit à la femme de suivre son mari!

J'ai déjà parlé, dans ce blog, de Frédéric Lenoir, parce qu'il a écrit des choses qui m'ont passionné ou touché. Son dernier ouvrage, facile d'accès, s'intitule Petit traité de la vie intérieure (Plon, 2010). J'aurais plutôt parlé pour ma part de sagesse ou de bonheur.





J'ai aimé ce livre parce que le parcours de Frédéric Lenoir, qui a inspiré ce livre, ressemble beaucoup au mien. Il aborde un certain nombre de questions, que je trouve essentielles, d'un triple point de vue:  philosophique, spirituel et psychologique. Chaque point de vue complète l'autre ou lui donne un sens. Il y a entre eux plus de convergences que de divergences. C'est pour cela que je pensais plutôt à intituler ce livre "Petit traité de sagesse".

Les thèmes suivants sont abordés entre autres: Dire oui à la vie; Confiance et lâcher-prise; Agir et non agir; Silence et méditation; Connaissance et discernement; Connais-toi toi même; Devenir libre; L'amour et l'amitié; La non-violence et le pardon; Le partage; Attachement et non-attachement; L'adversité est un maître spirituel; L'humour;  La beauté.

Petit extrait: "Non seulement l'échec n'est pas un drame, mais il peut bien souvent devenir un  événement positif. Son premier atout, qui est loin d'être négligeable,  consiste à nous remettre dans une attitude d'humilité face à la vie. Il nous contraint à accepter la vie telle qu'elle est et non pas telle que nous la voulons ou la rêvons".

Un autre: "Le pardon est un acte non rationnel. La rationalité se situe dans le camp de la justice, qui est la réparation de l'injustice subie ... Le pardon n'est ni rationnel, ni juste, mais il nous procure joie et sérénité et il est la condition nécessaire à l'extinction de la violence. Pardonner, ce n'est pas oublier. C'est réussir à apaiser la blessure suscitée par autrui".


"Agir sur le réel est un élément indispensable à note bien-être et, plus encore, à la croissance de notre être ... La passivité est signe d'impuissance, donc d'insatisfaction".

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