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mardi 19 avril 2011

Molières 2011

Bien que totalement rétif aux cérémonies de remise de prix, diplômes, trophées, décorations et médailles en tous genres, j'ai toujours éprouvé un certain intérêt pour la cérémonie annuelle de remise des Molières,  le seul événement du genre que je regarde, pour plusieurs raisons.

Première raison. Les hommes de théâtre ont, pour la plupart d'entre eux, appris à dire, à chanter, à danser, à mimer, à inventer, à improviser, à créer un costume, à suggérer (et parfois réaliser) un élément de décor, à analyser un texte, à faire preuve de psychologie vis-à-vis de leur personnage, d'eux-même et de leurs partenaires. Rares sont ceux qui peuvent exceller en autant de domaines!

Le théâtre ne serait pourtant rien sans de bons textes et de bons auteurs. Est-ce une surprise? Feydeau fait encore et toujours rire, avec Le fil à la patte, joué à bureaux fermés à la Comédie française depuis plusieurs mois. Le théâtre, quand il donne du plaisir, fait toujours recette.

http://www.lesoir.be/culture/scenes/2011-04-17/le-belge-christian-hecq-moliere-du-comedien-835072.php

Une autre raison est que, lors de la cérémonie officielle de remise des Molières, les ego me paraissent un peu moins omniprésents qu'ailleurs. Il y a une plus grande convivialité. L'esprit de troupe (des bateleurs unis dans un même projet) explique peut-être cela.

Cette année, j'avais une raison supplémentaire de me réjouir: le Molière du meilleur acteur est revenu à un belge, Christian Hecq, pensionnaire de la Comédie française depuis 2008. Il illustre parfaitement ce que j'ai dit du comédien "touche-à-tout". Sa performance, dans le" Fil à la patte" est extraordinaire et m'a fait rire aux larmes. Un tout-tout grand. En plus, il est clerc de notaire (dans la pièce).





Une autre prestation ne m'a pas fait rire aux larmes, et à peine rire, alors que d'autres la multiplient sur Facebook comme l'événement de la soirée. L'idée était réjouissante: une cantatrice allait chanter un tube sur quatre notes de la femme du Président (Carla Bruni, faut-il la nommer). Géniale idée. Le personnage était, à première vue, réjouissant aussi (même si j'ai a priori en horreur les hommes travestis en femme). Cela a marché dix secondes, puis sombré dans le pathétique le plus profond. En dix secondes en effet le comédien avait déjà dit tout ce qu'il avait à dire, c'est-à-dire pas grand chose. Certains riaient à gorges déployées, d'autres pas. Peut-être, certaines formes comiques exercent-elles un pouvoir moins fédérateur que d'autres? La pire attitude n'est-elle pas alors de rire pour "être dans le coup"?

http://films7.com/music/pop/michel-fau-carla-bruni-sarkozy-quelquun-ma-dit-parodie-molieres



Les media se sont emparés des photos des parents de Carla Bruni, présents dans la salle, pour dire qu'ils n'appréciaient pas vraiment cette parodie (ce pastiche?). C'est faux. Comme moi, ils ont trouvé les dix premières secondes drôles, le reste affligeant, n'en déplaise à tous les gay que je connais qui voient là un événement méritant la plus large audience. Quant au comédien qui s'est illustré de la sorte (Michel Fau), je lui souhaite d'autres prises de risque.

Ceci est néanmoins instructif: le moment où une chose est, ou devient, drôle ou pas est impossible à définir. Certains s'esclaffent quand d'autres restent de marbre, ces derniers se marrant pourtant pour d'autres choses.

Enfin, et surtout, au-delà des remerciements convenus, plus ou moins drôles, comme on peut les entendre dans des célébrations du même genre, on entend ici de beaux textes, des choses essentielles même, quand la parole s'ouvre à des personnalités, qui ont vraiment quelque chose à dire à leurs contemporains.

Cette année, un hommage a été rendu à Peter Brook.  Un hommage plus que mérité, tant l'apport de Peter Brook au spectacle vivant (théâtre, opéra, danse) est immense.







Juliette Binoche a lu, en son hommage, un très beau texte. Lui, a parlé, sans papier, avec son coeur passionné. J'aurais voulu cueillir ses mots l'un après l'autre et les garder pour m'en nourrir demain et après-demain. Ce qu'il dit (et a dit dans ses réalisations) a tellement plus de poids.

Peter Brook est à l'opposé de ce milieu qui n'est jamais repu de la dérision, du rire facile, de la formule "qui fait mouche", de la vanne "à deux balles". Cela va paraître présomptueux, mais je préfère le camp de Peter Brook.

J'ai cherché sur cette gigantesque mémoire qu'est Google. Du très beau texte lu par Juliette Binoche, de la réponse plus belle encore de Peter Brook, je n'ai pas trouvé de trace. Seul, le désolant monsieur Fau, dans sa parodie de Carla Bruni, est omniprésent. Affligeant.

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