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jeudi 26 janvier 2012

L'épargne de la grand-mère

Je connais une grand-mère - elle pourrait même être arrière grand-mère - qui a toujours été économe. Elle faisait, chaque mois, six enveloppes, une pour chaque semaine du mois (et pas question de dépenser un franc de plus que ce qui se trouvait dans l'enveloppe), une pour les extras et une pour les économies (il faut penser à l'avenir, à ses enfants et à ses petits-enfants).

Elle avait organisé les choses, sans faire pour autant de la planification patrimoniale ou successorale, des cours fort en vogue dans les facultés de droit et les écoles de commerce aujourd'hui. Son patrimoine, bien que confortable, était trop humble pour cela : quelques économies (la sixième enveloppe) et deux successions, l'une modeste, l'autre raisonnable. Tout cela a été investi dans des placements sages (comptes à terme, fonds d'Etat, bons de caisse, fonds communs de placement, pour ne pas s'exposer à trop de risque).

Elle avait calculé, la grand-mère, qu'ainsi, sans jamais toucher à son capital, elle pourrait vivre honorablement, avoir de quoi disposer d'un complément de pension, car elle avait travaillé aussi, la grand-mère, une carrière complète, pour vivre peut-être un jour dans une maison de retraite. Et sa plus grande fierté restait, jusqu'il y a peu, de pouvoir léguer son capital intact à ses enfants et petits-enfants.

Seulement ses petits-enfants ont connu, parfois de leur faute, parfois à cause de la crise, parfois aussi à cause du refus de s'engager en leur faveur de certains proches, de plus en plus de difficultés financières. Quand elle voyait que les chose allaient mal, la grand-mère intervenait, elle y a consacré de plus en plus les revenus de ses économies, jusqu'à finir par devoir puiser sur son sacro-saint capital.

Quelle gestionnaire indigne ! Elle aurait dû laisser ses petits-enfants, et parfois ses enfants et beaux-enfants, se débrouiller, faire face à la vie, quitte à connaître la précarité. Cela n'aurait pu que leur faire la leçon, n'est-ce pas ?

Seulement, voilà, la grand-mère, souffre de deux maux : elle s'inquiète pour les autres (trop parfois) et est généreuse.

Ce matin, la grand-mère était inquiète et révoltée. Elle venait de toucher les intérêts d'un petit placement venant à échéance. Elle attendait 300 euros (soit des intérêts bruts de 353 euros, moins 15 % de précompte mobilier).

Non, non, madame, dorénavant, dans votre cas, le précompte mobilier est de 21 %, soit un net de 287 euros.

La grand-mère ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle a été économe, elle a tout géré en bonne mère de famille, elle pensait plus à ses enfants et ses petits-enfants qu'à elle même, elle a même su se montrer généreuse et le gouvernement lui réclame 6 % supplémentaires sur les revenus de ses modestes économies.

Ne venez pas chicaner, grand-mère, cela ne représente que 13 euros en moins sur votre compte !

Cette grand-mère est révoltée, car elle sait que d'autres vont contribuer beaucoup moins qu'elle à ce grand marchandage budgétaire concocté par le gouvernement des contraires. Comme la grand-mère n'est plus à même de manifester lundi, elle n'a d'ailleurs jamais manifesté de sa vie, je me demande si je n'irai pas manifester à sa place, pour exprimer sa révolte.

Cette grand-mère vient de découvrir, sur le tard, qu'il ne sert à rien d'agir comme un honnête homme ou une honnête femme. Car, le fruit de ses économies a permis que ses petits-enfants ne deviennent pas des assistés sociaux ou qu'ils vivent dans la misère. Elle a donc évité à l'Etat des dépenses et elle n'en est même pas remerciée, au contraire d'autres qu'on laisse profiter du système de manière totalement indécente et qui finissent par devenir une nouvelle catégorie, fort immonde, d'assistés ... Il ne faut pas chercher loin pour les identifier. Je vous en laisse le soin.

En contrepoint :

"En face du trône, Jésus regardait comment la foule mettait de l'argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup. Vint une veuve, qui mit deux petites pièces, quelques centimes. Appelant ses disciples, Jésus leur dit : "En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc. Car tous ont mis en prenant sur leur superflu ; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre. " (Mc, 12, 41-44).

mercredi 25 janvier 2012

Un homme de gauche

Sans commentaire, ceci :

Pierre Joxe, carnet de route de l'avocat des enfants perdus.

Le contact est âpre. Presque décourageant. Il faut un peu de temps pour se convaincre que ces mots abrupts, ce ton impérieux ne sont pas seulement la marque d'un fichu caractère ou l'empreinte laissée par des années de pouvoir. Que passer outre vaut vraiment la peine et permet de comprendre qu'à 77 ans, Pierre Joxe est un homme pressé par l'essentiel.
L'ancien compagnon de route de François Mitterrand, dont il fut le ministre de l'intérieur, puis celui de la défense, l'ancien président de la Cour des comptes, l'ancien membre du Conseil constitutionnel est inscrit depuis deux ans au barreau de Paris. Rien de très original tant le titre d'avocat se porte bien parmi les plus ou moins jeunes retraités de la vie publique, qui trouvent là une opportunité de négocier au prix fort un carnet d'adresses et une notoriété. Pas Pierre Joxe. Il a prêté serment d'avocat comme on adhère à un parti ou à un syndicat. En militant. Me Joxe ne défend que les mineurs, uniquement sur commission d'office et n'accepte aucune clientèle particulière.

Et c'est comme cela que l'on se retrouve un dimanche matin de janvier au Palais de justice de Paris, dans la lumière triste des couloirs du tribunal pour enfants. Pierre Joxe s'est installé, son dossier ouvert sur la table, dans l'étroit box vitré où il reçoit la mère et le beau-père d'une jeune fille de 16 ans, arrêtée la veille. Trop de vodka dans le sang l'a incitée à injurier et à mordre salement la policière qui l'a arrêtée.

La dame jette de temps à autre un regard inquiet sur cet avocat aux sourcils gris aussi épais que sa chevelure, qui l'interroge sans ménagement sur sa vie de famille décomposée et le parcours difficile de sa fille. Elle ignore son nom, qui sans doute ne lui dirait rien. Elle n'a pas prêté attention à l'homme qui se tient à quelques mètres dans le couloir et qui est l'officier de sécurité attaché à l'ancien ministre de l'intérieur et de la défense. On se dit qu'elle doit trouver cet avocat commis d'office un peu vieux et qu'elle se demande peut-être ce qu'il fait là, un dimanche, à son âge. Mais il a l'air tellement sérieux !

Après avoir plaidé devant la juge des enfants de permanence ce matin-là, Me Joxe les prend tous les trois à part, dans le couloir. A la jeune fille soulagée de pouvoir rentrer chez elle en échange d'une mesure de réparation, il explique qu'elle a intérêt à faire attention, que dans une quinzaine de mois, devenue majeure, elle ne pourra plus bénéficier de la même protection qu'aujourd'hui. Sous les yeux effarés du garde de faction, il lui répète aussi quelques-unes des insultes particulièrement salées qu'elle a lancées à la policière. "Arrêtez la vodka, ça ne vous réussit vraiment pas. Et la prochaine fois, ne vous rebellez pas", lui dit-il avant de prendre congé.

La mère : "Dites, vous avez une carte, si des fois..." Pierre Joxe, d'un ton sec : "Je ne prends que les permanences. – Ah ? C'est dommage, tout de même."

Dossier suivant. Un jeune Roumain arrive menotté du dépôt où il a été placé en garde à vue, après avoir été arrêté pour vol dans une boutique. Il est récidiviste, le procureur demande et obtient son placement en détention. A l'interprète qui traduit les propos hachés du jeune homme – "Je veux me suicider, je veux rentrer chez moi", répète-t-il – Me Joxe glisse : "Je comprends quelques mots en roumain, j'ai fait beaucoup de latin." Petit à petit, il apprivoise le garçon. Obtient de lui qu'il lui donne le numéro de ses parents en Roumanie. Il ira le voir en prison, promet-il. Lui aussi ignorera jusqu'au bout l'identité et le passé de l'avocat qui le défend. Mais pas le juge et le représentant du parquet devant lesquels Me Joxe se présente.

"Les magistrats et les autres avocats sont pétrifiés quand ils le voient", observe en souriant Marie-Pierre Hourcade, ex-vice-présidente du tribunal pour enfants qui a accueilli pendant quelques semaines à son cabinet ce stagiaire pas comme les autres. Elle s'avoue sans détour "emballée par le bonhomme. Il est très vigilant. Il se bat pour repérer les failles, se démène pour trouver des solutions éducatives", dit-elle. "Ce qui me frappe, c'est son enthousiasme et sa liberté par rapport à ses anciennes fonctions. Notamment celle de ministre de l'intérieur. Et c'est vrai que le parquet n'est pas le même quand Joxe est là. Il ose tout remettre en cause. Y compris parfois le comportement de la police", confirme une autre juge des enfants, Anne Tardy, qui se souvient de la façon dont il s'est démené dans un dossier pour obtenir la relaxe de son client, en démontant une enquête de police bâclée.

Dans la même semaine, on a vu Pierre Joxe assister pendant deux heures, silencieux, à une séance de thérapie familiale mise en place par une juge des enfants pour tenter de sortir de son mutisme et de sa violence un adolescent de 15 ans originaire de Côte d'Ivoire, qu'il avait eu à défendre. Parce que le garçon a exprimé l'envie de s'engager plus tard chez les pompiers, son avocat a apporté un casque qui lui avait été offert lorsqu'il était ministre. Le lendemain, il partageait une pizza à Bobigny avec Jean-Pierre Rosenczveig, le président du tribunal pour enfants de Seine-Saint-Denis, qui s'est publiquement opposé au durcissement de la justice des mineurs voulu par Nicolas Sarkozy. Pour ce magistrat, comme pour tous ses collègues habitués à travailler dans l'ombre, ou dans la réprobation de ceux qui les accusent de laxisme, la présence à leurs côtés de l'ancien ministre est une aubaine.

"Ce qui est impressionnant, c'est son efficacité. Il ne ménage vraiment pas son temps et met toute sa notoriété au service du droit des mineurs", dit Marie-Pierre Hourcade. Elle lui sait gré de l'avoir ainsi aidée, par ses relations, à obtenir des stages de réinsertion pour des jeunes délinquants dont elle assurait le suivi. "Nous étions au restaurant. Il m'a présenté à un grand patron qui n'a pas osé lui dire non !", s'amuse-t-elle.

Les uns et les autres l'ont entendu le matin même, à une heure de grande écoute, sur une radio nationale où il était invité à l'occasion de la sortie de son livre, Pas de quartier ? (Fayard, 300 p., 19 €), dénoncer d'une voix ferme une politique de plus en plus répressive à l'égard des mineurs. "Avant, on s'intéressait davantage à l'enfant qui avait volé un vélo qu'au vélo lui-même. Aujourd'hui, cette tendance s'est inversée", a-t-il tonné. Dans un premier essai, Cas de conscience (Labor et Fides), publié en 2010 au lendemain de son départ du Conseil constitutionnel, Pierre Joxe avait brisé un tabou en rendant public son avis minoritaire dans trois délibérations de cette assemblée, dont celle relative à la garde à vue des mineurs contenue dans la loi Perben 2.

C'est cette "indignation croissante" face à la remise en cause de l'ordonnance de 1945 qui l'a décidé à se consacrer au droit des mineurs. Ce texte, qui instituait un juge des enfants et étendait l'excuse de minorité aux mineurs de 16 à 18 ans, a été paraphé par le général de Gaulle "alors que le territoire national n'était pas encore libéré, la guerre n'était pas finie, mais le droit de la France recommençait à briller", écrit-il.

Pierre Joxe a aussi une raison plus intime de le défendre. Il se dit que, peut-être, l'homme qui a porté cette ordonnance à la signature du général n'est autre que son père, Louis Joxe, qui était alors secrétaire général du gouvernement provisoire avant d'exercer pendant dix ans les fonctions de ministre de De Gaulle, sous les gouvernements de Michel Debré et Georges Pompidou. En exergue de l'un des chapitres de son livre, qui est à la fois carnet de route d'un avocat et pamphlet politique, l'ancien ministre a placé ces vers de du Bellay : "France, mère des Arts, des Armes et des Lois/Tu m'as longtemps nourri du lait de ta mamelle..."

Il a déjà un autre combat en tête. Celui de la défense des salariés devant les prud'hommes. "Quand j'étais jeune auditeur à la Cour des comptes, je faisais partie des bénévoles du service juridique de la CGT", dit-il. La rudesse a du bon, quand elle conserve, intacte, l'indignation.

Pascale Robert-Diard










Sans commentaire non plus, les propos de Nicolas Sarkozy où cas où il serait battu à l'élection présidentielle ...


http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/01/24/nicolas-sarkozy-evoque-l-hypothese-de-sa-defaite_1633545_1471069.html



Sérénité, peur panique et mitres

Deux images, pour s'attendrir ou exorciser sa peur.

Les moinillons de François, suite :



Je ne sais pas comment il fait François, mon ancien étudiant, pour capter pareils moments.

Et celle-ci qui m'a fait rire : 



Elle demande un mot d'explication ! Enfant, je voulais devenir Saint-Nicolas ou Maharadja (pas pompier, soldat ou homme d'affaires) ; dans mon esprit d'enfant, je n'avais que deux possibilités : être Saint Nicolas ou Maharadja (à la rigueur, tambour-major). Ma mère, quand même complice de mes délires, m'avait confectionné une mitre en papier et un turban ... J'avais ainsi l'impression d'être enfin moi-même. Je devais avoir 7 ou 8 ans et ce n'était qu'une impression. Plus tard, j'ai découvert que les Saint-Nicolas n'avaient pas toujours une barbe blanche. Qui étaient-ils ces faux Saint-Nicolas, sans barbe ? Moi au moins, pour lui ressembler, je m'ornais de ouate blanche ! Eux, ils se contentent au mieux d'un sourire mielleux. Je me suis alors interrogé sur leur drôle de chapeau : je me suis rendu compte que cela leur donnait l'air bête, alors que je me croyais majestueux. Cruelle déception.

Quant à la petite fille, elle n'en a bien entendu rien à faire de ces vieillards mitrés, elle court pour avoir un autre Frisko ou MacDo ... une crasse de toute façon, sinon elle ne serait pas aussi "grossette".

J'ai lu, dans la presse, des choses étonnantes, une fois de plus ...

On lit, dans la presse, des choses étonnantes.

Ainsi, selon un rapport de la Banque Centrale Européenne (BCE), le belge aujourd'hui est devenu plus riche à concurrence de 18 %, depuis ces dix dernières années.

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/715436/le-belge-18-pour-cent-plus-riche-en-dix-ans.html

On peut s'interroger à deux égards :
- quelle est l'utilité de ce rapport ?
- quelle est l'utilité d'en parler dans la presse ?

S'agit-il d'offrir aux lecteurs un remède illusoire contre la crise et la sinistrose : ne vous plaignez pas des politiques de rigueur et/ou d'austérité, vu que, malgré elles, vous arrivez encore à vous enrichir de 18 % en 10 ans ? S'agit-il de rassurer les marchés, en montrant à quel point la Belgique est un pays riche où tout va bien ? S'agit-il de démontrer l'efficacité d'une certaine politique ? S'agit-il de prendre le belge pour un c... ? Je me pose forcément des questions et me demande qui est ce belge dont parle la BCE. Plus déconnecté de la réalité que ce rapport, cela ne doit pas exister. Mais peut-être a-t-on sorti certaines phrases de leur contexte ? Peut-être le journaliste, fatalement un gauchiste, a-t- il voulu créer la polémique ? Tous les belges n'habitent pas en effet à Sint-Martins-Lathem, un lieu où se trouverait domiliée la plus grosse concentration de riches du pays (en Flandre naturellement) ! Oui, les riches aiment se regrouper entre eux pour n'avoir pas à trop fréquenter les pauvres. Ceci explique beaucoup de choses. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le journal Le Monde, qui a publié une géographie de la France en fonction de l'impôt sur la fortune. Eclairant !

http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/01/23/la-carte-de-l-isf-revele-la-separation-entre-riches-et-pauvres_1629128_1471069.html

J'ai aussi appris aujourd'hui que les européens ne sont que des "glandeurs", ils travaillent trop peu et bénéficient de trop d'avantages sociaux pour être "compétitifs". Ils entrent sur le marché du travail trop tard et ils le quittent trop tôt. En plus, leurs Etats ne cherchent que trop à leur garantir une retraite décente, alors qu'il serait si simple de passer par des compagnies privées d'assurances et des fonds de pension privés. Tout cela est tellement évident. Cette fois, c'est la Banque mondiale qui le dit.

http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/715442/les-europeens-travaillent-trop-peu.html

C'est fou d'ainsi trouver toujours une banque à chaque carrefour, prête à dire des idioties. Mais, il ne faut  pas confondre la Banque mondiale avec le Fonds monétaire international. Il en a quand même fallu des cohortes d'économistes pour créer cet écheveau bancaire mondial !

Si j'en crois les oracles de la Banque mondiale (en existe-t-il une autre au-dessus d'elle ?), pour devenir compétitifs, il faudrait que les européens travaillent beaucoup plus, ou gagnent beaucoup moins pour ce qu'ils font. Si les chinois travaillent 70 heures par semaine pour un salaire de 150 euros, pourquoi n'en serait-il pas de même en Europe ? En bref, pour mériter son salaire, selon les perspectives chinoises, l'ouvrier européen devrait travailler 38 heures par jour (oui par jour).  Si l'Europe veut sortir de la crise, elle doit faire comme la Chine, dit la Banque mondiale ! Plus simpliste que cela ... Il est piquant d'ailleurs de voir la Banque mondiale, inféodée aux tenants du néo-libéralisme, citer en exemple la Chine ! Un pays communiste au capitalisme sauvage. C'est le mot "sauvage" qui a dû plaire aux auteurs de ce rapport peu inspiré. Car, je le pense, le capitalisme est une bonne chose aussi longtemps qu'il ne devient pas sauvage.

L'honneur de l'Europe serait de relever le défi d'un capitalisme à visage humain dans le monde.

Mais autre nouvelle ! Il y a de l'emploi pour tout le monde en Belgique ! Bonne nouvelle ! Rêve ou réalité ? Méthode Coué ? C'est un des messages pourtant de la nouvelle ministre fédérale de l'Emploi, parmi d'autres tout aussi saisissants. L'oracle, ici, a un visage ! Celui de mevrouw (?) Monica de Coninck !




Certes, elle concède que la demande d'emploi et l'offre d'emploi ne coïncident pas toujours. Il y a un réel problème de qualification, reconnaît-elle. Les emplois qualifiés ne trouvent pas preneur car il n'y pas de demandeur (on fait appel alors de plus en plus à des étrangers, particulièrement roumains et polonais, dans des emplois comme médecin ou infirmière ... alors qu'un numerus clausus a été pratiqué dans les facultés de médecine), tandis que, pendant ce temps, les emplois non-qualifiés sont encombrés. Il y a un déficit de formation (échec de l'enseignement ?) et puis, il y a tellement d'immigrés, non qualifiés dans ce pays, des plus ou moins réguliers (qui travaillent en noir, pour des patrons peu scrupuleux, belges parfois/pourtant/souvent, lesquels disent qu'ils ne peuvent pas s'en sortir autrement, à cause de toutes les taxes qu'on fait peser sur eux ...), mais aussi beaucoup d'immigrés plus âgés, qui ont à peine fait l'école primaire, ont travaillé dans des emplois subalternes (mais qui ont eu le mérite de faire des enfants, quand nous en faisions de moins en moins, ne songeant même pas à l'avenir de nos pensions).

Je me suis permis d'insérer entre parenthèses quelques contrepoints au discours de la ministre. Tout le reste, c'est la ministre qui le dit. Et cela en dit long.

Les grandes lignes de la politique de la ministre fraîchement en poste sont pour le moins créatives. En voici  deux exemples :
- imposer des travaux d'intérêt général aux "inadaptés sociaux", soit les allocataires sociaux irrécupérables (à cause de leur faible intelligence, de leur âge, de leur alcoolisme ou de leur dépendance à la drogue, par exemple) ;
- aider les jeunes à entrer sur le marché du travail, grâce à des contrats flexibles, de courte durée (6 mois maximum) ... un peu une politique à la Sarko. Or, un jeune peu qualifié ne peut déjà rien espérer d'autre, aujourd'hui, qu'un intérim, au mieux un CDD. Quelle flexibilité nouvelle la ministre veut-elle créer ? A moins qu'elle ne fasse une ultime proposition pour permettre aux chefs d'entreprise d'engager au prix le plus bas, avec le moins d'engagement possible de leur part ; bref, leur fournir de la main d'oeuvre à bon compte. Désolante perspective !

Ah oui, j'ai oublié de dire que la ministre est socialiste, mais flamande. On savait déjà qu'un socialiste flamand ne peut pas ressembler à un socialiste wallon, mais là ! C'est quasiment Viktor Orban et ses projets de camps de travail ...

http://fr.myeurop.info/2011/07/13/la-hongrie-met-en-place-des-camps-de-travail-obligatoire-2956

Quel est le projet socialiste de mevrouw de Coninck ? Oui, une chose quand même, que je trouve bien : les C.P.A.S. ne doivent pas se contenter d'être des organismes payeurs ; ils doivent aider à l'insertion de ceux qu'ils aident dans la société. Cela me plaît. Et elle a engrangé certains succès à Anvers sur ce front. Merci, mevrouw.

J'ai aussi un peu ma petite idée sur la question : si les patrons, les chefs d'entreprise ont tellement de projets à réaliser, de marchés juteux en perspective, s'il y a tant d'emplois vacants non pourvus, pour manque de formation, qu'ils financent donc la formation des jeunes, qu'ils contribuent à assurer l'emploi chez nous au lieu d'aller chercher ailleurs. Pourquoi l'Etat devrait-il former, à leur place, des jeunes pour les leur présenter ensuite sur un plateau (sous menace de délocalisation ou autre ...) ? L'Etat ne fait-il déjà pas assez pour les entreprises ? Au même titre que tous, le chef d'entreprise a des devoirs vis-à-vis de la société et de l'Etat. On en parle peu, vraiment fort peu, je trouve, ces temps-ci.

Sans être passéiste, je retiens la leçon des artisans, il en existe encore aujourd'hui. L'artisan est le dépositaire d'un savoir-faire ( un "know-how", comme on dit dans les écoles de commerce, où rien n'est digne d'intérêt, s'il n'est anglo-saxon ; ainsi HEC-ULg est-il devenu une "School of management" et mon service de droit fiscal, le "Tax institute" de l'université de Liège). Oui, chez les artisans, un ancien apprend toujours à un plus jeune les "règles de l'art" ; c'est la responsabilité, le devoir même, de l'ancien. Il y a ainsi une filiation. Le patron n'est pas opposé à son apprenti, il veut l'amener plus loin encore que lui ; l'apprenti respecte son patron qui lui transmet son savoir. Allez, pour vous en convaincre, devant la vitrine du luthier qui travaille en Neuvice, à Liège, Salvador Renzo:





Et il n'est pas le seul : http://www.atelierenbois.be/page_francaise.html

Le capitalisme au début, et dans les entreprises à taille humaine, a souvent conservé cette dimension affective entre le fournisseur d'emplois et ceux qui travaillaient "pour" lui et plus encore "avec" lui. Certains ont parlé parfois, de "paternalisme", avec une nuance péjorative. Mais, comme depuis toujours, l'exploitation de l'homme par l'homme offrait, dans le même temps, son hideux visage. Or, c'est bien cet aspect affectif de la relation de travail qu'évoquent les travailleurs d'une entreprise mise en liquidation ou menacée de restructuration. Un lien qui ne peut plus exister quand le patron n'est plus qu'un financier anonyme ne poursuivant que son intérêt, sans aucun lien affectif avec ceux qu'il fait travailler. Cette attitude, dans le fond, n'est-elle pas pire encore que certaines qui ont prévalu au temps de l'esclavage dans les colonies ? Il n'y a plus guère aujourd'hui d'affranchis et faudra-t-il toujours combattre les mêmes maux ?

vendredi 20 janvier 2012

Ils sont venus, ils étaient tous là ...

Hier, Marc, mon successeur à la Faculté, avait décidé d'un événement à l'occasion de ma mise à la retraite. Je lui avais dit : pas d'hommage officiel, pas de discours, pas de cadeaux. Que cela soit simple et convivial : juste une occasion de retrouvailles où chacun pourra prendre des nouvelles des autres. Merci, Marc, c'était parfaitement réussi, chaleureux et amical.

Ils sont venus, ils étaient tous là. Etais-je la Mamma ?

Merci pour le lieu bien pensé. Nous étions rue Souverain-Pont, dans la galerie de Jean-Sébastien Uhoda.


On a bien entendu cherché à ne dire que des choses bienveillantes à mon égard. Elles m'ont fait rougir ou "pré-pleurer". Elles étaient sincères, je crois.

Mon mérite est bien limité : j'ai simplement cherché, pendant quelques années et pour quelques générations d'étudiants, à "dédramatiser" le droit fiscal et à en faire un terreau pour exercer la réflexion. J'ai ainsi suscité, ai-je appris, quelques vocations. J'ai fait confiance aussi. Le résultat est là. Mon rôle était d'être un semeur. Quand je vois les très belles carrières que font mes anciens collaborateurs, comment ne pas me réjouir ? Faire ce qu'ils font, je n'aurais jamais pu le faire moi-même. A chacun son rôle.

J'ai été aussi très sensible à la présence, hier soir, de plusieurs générations: des plus ou moins anciens/contemporains et des plus jeunes, et même, surprise, Sybille, mon ancienne étudiante, celle qui aime se jeter dans mes bras et s'y blottir quelques instants. Comment le lui interdire ? Je suis tellement affectif. Baptiste devait être l'autre surprise, si j'ai bien compris : l'autre étudiant devenu ami. Il s'est excusé et je lui pardonne. Lui aussi, je l'aurais serré dans mes bras. Et puis, Nicolas était là. Je nous croyais "fâchés". Il m'a dit : "Nous sommes comme un vieux couple ; parfois tu m'énerves ". Vu comme cela ... Merci aussi à Paul, Michèle, Jean-Claude, Gustave  : à eux seuls ils représentaient le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, la faculté et l'amitié.

J'ai partagé aussi avec quelques-uns de ces collègues, assistants et étudiants mon amour pour la musique et le théâtre. N'est-ce pas Paul ? Cela était présent aussi, hier soir. Chanter à nouveau le duo "Papageno Papagena" avec Adeline n'était plus possible. Aujourd'hui, je chante comme Renaud ou Paolo Conte et pour les mêmes raisons. Je resterai en soutien des spectacles de la Fondation Balis, quoiqu'il advienne.

L'ambiance était belle. Mes assistants, dont le mandat a été pour certains de 13 ans (!) étaient là (Xavier, Marc, Bernard, Lionel). Et puis, il y avait la nouvelle génération, celle que j'ai un peu suscitée (Adeline, Raphaël, Aymeric) et celle que j'ai découverte. Très sympa et plutôt sexy l'équipe actuelle, si je puis me permettre.

J'ai découvert, ce matin, mes cadeaux : l'art post-moderne (merci Jean-Michel), la littérature japonaise (merci Michèle),  des horizons à la FNAC (merci tous les autres) et des bonnes choses à manger (merci Thierry).

La soirée était très Uhoda. Après la galerie, nous nous sommes retrouvés à la Cantina. On y sert, paraît-il, un pain perdu de derrière les fagots. Mes spaghettis "con le vongole" m'ont suffi.

Je suis rentré à une heure du matin. Sam était inquiet pour moi, il a téléphoné trois fois pour se rassurer ( je ne sors pas d'habitude comme cela),  il voulait rester éveillé jusqu'à mon retour. Je t'aime, mon Sam !

Demain, je vivrai peut-être ma vie un peu plus à l'écart. Je dis bien : "peut-être" et je dis aussi "un peu".

mercredi 18 janvier 2012

Oecuménisme et politique : deux attitudes

Les chrétiens vivent, cette semaine, un temps pour l'unité des chrétiens. Cette tradition remonte à 1933. Il s'agit de célébrer ce qui unit et de s'enrichir des différences de l'autre.


Eric de Beukelaer (oui comme les biscuits) a écrit, sur son blog, des paroles très belles que j'aimerais vous partager :


  1. La force de la Réforme protestante est de se centrer sur le cœur du message chrétien. «Back to basics », nous lancent les protestants de tous bords : « revenons à l’essentiel qui est la rencontre spirituelle avec le Christ et l’accueil de son Évangile qui sauve ». La confrontation avec le protestantisme peut aider les catholiques et les orthodoxes à jauger leurs traditions, si vénérables soient-elles. En effet, ce n’est pas le Christ qui doit se mettre au service de la tradition, mais la tradition qui reçoit son sens du Christ.
  2. Les Églises orthodoxes ont pour point fort de célébrer le christianisme plutôt que de le raisonner. Avec eux, la vie chrétienne est louange au Père par le Christ dans l’Esprit et la foi se vit comme une grande liturgie. De ceci résulte une remarquable intégration entre toutes les facultés humaines : raison et imagination, corps et esprit, justice et miséricorde, art et prière, prédication et célébration. La rencontre avec l’orthodoxie rappelle aux occidentaux – tant catholiques que protestants – que la vie chrétienne prend l’intégralité de notre humanité pour l’unifier. On est chrétien avec tout son être – corps, cœur et esprit – afin de louer le Père. Il n’y a pas d’une part la théologie et de l’autre la vie de prière ; d’une part la justice et de l’autre la miséricorde ; d’une part la parole et de l’autre la liturgie. Ce ne sont pas des compartiments étanches, mais les éléments d’une unique dynamique de foi, d’espérance et de charité.
  3. Chez les catholiques-romains, c’est davantage l’aspect « structurel » de la vie en Église qui est accentué, afin que chaque baptisé trouve sa juste place dans l’Église et reçoive la mission qui lui convient. Ce que les chrétiens orthodoxes et protestants peuvent apprendre des Romains que nous sommes, est que le droit peut se mettre au service de l’Esprit afin de combattre les forces centrifuges si propre aux communautés humaines. Rome a le charisme de l’unité et rappelle aux protestants multiples et aux orthodoxes pluriels (Grecs, Russes, Serbes,…) que – sans pour autant devenir monolithique – le christianisme ne peut se vivre éclaté.
Je trouve ces paroles belles. Elles montrent que le mot "diversité" et le mot "unité" ne sont pas antinomiques.


Célébrer ce qui unit et s'enrichir des différences de l'autre, voilà le message.
Je vais tenter un parallèle hasardeux peut-être.

Les politiques, qui se préoccupent des choses de la cité, devraient avoir un point commun aussi qui les réunit : le bien commun, l'intérêt général, le mieux possible pour tous. Certes, des sensibilités différentes peuvent coexister, des grilles de lecture différentes aussi. Elles devraient pouvoir s'enrichir l'une l'autre pour  contribuer à l'objectif commun : l'intérêt général.


Or, que constate-t-on ? On peut relever, jour après jour, chez les politiques, et chez ceux qui les soutiennent, parfois aveuglément, toujours la même attitude : relever le moindre mot, la plus petite déclaration, la moindre faille susceptible de créer la division, d'opposer, de discréditer. Je ne sais pas ce qu'ils cherchent, d'autant qu'ils sont le plus souvent d'une totale mauvaise foi. Je les plains, car je sais qu'ils se trompent. Ils ne proposent rien, ils n'ont de cesse de moquer, de dénoncer, de railler. 

Le monde de la politique est de moins en moins celui de la coopération et toujours plus celui de la division, de l'opposition, de l'affirmation contre l'autre. Comment qualifier le gouvernement fédéral en Belgique : un gouvernement de coalition, un gouvernement des contraires, un gouvernement de compromis ... la question n'est pas simple.

Qu'en est-il en France, à l'aube de la prochaine élection présidentielle ? Il y a des candidats annoncés et un président, qui refuse de dire s'il sera candidat, mais qui fait campagne quand même dans ses interventions présidentielles. On souligne ses différences, on ment à qui mieux mieux, on se positionne, on rêve de victoire, de renversement. Quel gâchis pour le  bien commun et l'intérêt général !



Art in Brazil

Ce dimanche, avec Benjamin, mais pas Samuel qui n'en voulait pas, nous avons visité une exposition sur l'art brésilien ("Art in Brazil" aux "Bozar", près de la "Cinematek", oui, oui,  à Bruxelles , là où l'on parle le "volapuk").

Le parcours était pointu : l'âme brésilienne dans l'art et existe-t-il un art proprement brésilien ?

Sans l'aide de notre guide, compétente, charmante, naturellement aristocratique, la visite aurait pu nous paraître sans grand intérêt ; les oeuvres présentées, à part quelques unes, ne m'ont pas paru des chefs d'oeuvre ... (j'ai surtout aimé certains bijoux, une étonnante collection de petites têtes en bois que l'on accroche encore aujourd'hui comme ex-voto derrière le maître autel des églises).

L'intérêt de ce parcours artistique résidait, pour Ben, et pour moi, dans la découverte de l'histoire du Brésil.

Quand les portugais, champion des mers, ont abordé, un jour, au Brésil, il croyait que c'était une petite île, ils y ont laissé deux des leurs pour coloniser le territoire !

Quand ils ont vu que c'était un continent habité en outre par des indiens, ils ont décidé d'une vaste politique d'immigration, des portugais bien sûr, mais le Portugal, fort sur les mers, n'a jamais été très peuplé. Les portugais possédaient cependant de nombreux comptoirs commerciaux sur la côte occidentale de l'Afrique. Une importante immigration africaine a donc vu le jour, liée à l'esclavage. Le plus étonnant est ceci : les portugais avaient pour mission de peupler le pays en engrossant les esclaves indiennes ou africaines et ainsi d'encourager la natalité. Le métissage du Brésil a commencé comme cela. Par la suite, l'immigration a été surtout italienne (Sao Paulo est une ville italienne par l'architecture et par la langue), espagnole (dans le sud), suisse, libanaise, allemande (dans le sud aussi) et plus récemment japonaise. Un Etat sans nation. La définition d'une identité brésilienne est finalement récente. Le portugais comme langue officielle date de moins de cent ans. Cela se ressent dans l'art. L'exposition ne donnait malheureusement aucune place à la musique. Or, la samba et la bossa nova ont largement contribué à unifier l'âme brésilienne.

http://www.youtube.com/watch?v=UJkxFhFRFDA
http://www.youtube.com/watch?v=W6H_4YAF4zI
http://www.youtube.com/watch?v=X5OzURiXQVc

Les esclaves n'avaient pas le droit de porter de chaussures, porter des chaussures était le signe qu'on était un esclave affranchi. Les esclaves parfois portaient un masque de fer : leur sort était tellement misérable qu'ils cherchaient à se suicider en mangeant de la terre ; pour les en empêcher, leurs maîtres leur faisaient porter des masques de fer, qu'ils n'ôtaient que pour se nourrir.

Les esclaves africaines portaient souvent autour de la taille des amulettes qui faisaient du bruit lors de leur déplacement. Leurs maîtresses envieuses se sont fait fabriquer des bijoux en argent destinés à jouer le même rôle.

Les riches créoles (les portugais nés au brésil) aimaient afficher leur réussite et leur richesse. Ainsi, lors des fêtes religieuses, les patronnes faisaient porter par des esclaves bien choisies les bijoux qu'elles ne pouvaient porter. Ces jeunes femmes devaient rester assises, ainsi parées devant la maison de leur patronne. Quels beaux bijoux ! Quelle tristesse dans le regard de ces femmes objets !





Une tradition existe encore, en ce pays très catholique, mais encore empreint de superstitions, déposer des ex-votos derrière le maître-autel des églises. Il s'agit de demander une grâce pour une personne déterminée. On la représente alors dans une figurine (lien avec le culte vaudou ?), sculptée dans le bois, de manière naïve et plus ou moins réaliste. Une superbe collection de ces figurines a été pour moi le point culminant de l'exposition. On y croisait toutes les traditions : masque africain, tradition asiatique, figure réaliste, visage brut esquissé ressemblant à certaines vierges romanes, visage stylisé, épuré, à la manière de Brancusi ...

La partie plus moderne de l'exposition m' a moins convaincu. J'en retiens néanmoins deux, trois, choses : l'art brésilien semble s'être affirmé dans la couleur (les couleurs vives, le bleu outremer, le rose indien) ; il n'a pas grand chose à faire avec la perspective classique (il ressemble plus aux gravures chinoises qui superposent les plans, sans les mettre en perspective) ; quand il ose l'abstraction, il le fait avec les moyens du bord, les traits sont faits à la main, à vue, sans support, sans dessin préalable. On est loin du manifeste de Piet Mondrian. Ici, la forme géométrique bouge, le tableau vit. Piet Mondrian estimait, quant à lui, que le tableau doit exister pour lui-même et ne doit susciter aucune émotion.




Au Brésil, tout est vie et émotion. Toujours.

lundi 16 janvier 2012

Une jolie histoire

Un vieux Corse vit depuis plus de 50 ans dans la montagne.
 
Il aimerait bien planter des pommes de terre dans son jardin, 
mais il est seul, vieux et faible.  Il a cependant la chance de participer à des séances d'initiation à l'informatique au club du troisième âge de sa commune. 

Il envoie alors un courriel à son fils, qui est incarcéré à la prison de la Santé à Paris, 
pour lui faire part de son problème : 

" Cher Dumé, 
Je suis très triste car je ne peux pas planter des pommes de terre dans mon jardin. 
Je suis sûr que si tu étais ici avec moi, tu aurais pu m'aider à retourner la terre. 
Ton père qui t'aime, 
Pascal ".


Le lendemain, le vieil homme reçoit ce courriel : 


" Cher Père, 
S'il te plaît, ne touche surtout pas au jardin!  J'y ai caché ce que tu sais. 
Moi aussi je t'aime. 
Ton fils,

Dumé ". 


À quatre heures du matin arrivent chez le vieillard : 
- la Brigade antiterroriste , 
- le GIGN, 
- les RG, 
- la DNAT, 

- la Cellule de surveillance informatique 
- la CIA et le FBI 
- et même TF1, Antenne 2,FR3. 



Ils fouillent tout le jardin, millimètre par millimètre, et repartent bredouilles. 


Quelques heures plus tard, le vieil homme reçoit un nouveau courriel de son fils 


" Cher Père, 
Je suis certain que la terre de tout le jardin est désormais retournée 
et que tu peux planter tes pommes de terre. Je ne pouvais pas faire mieux. 
Ton fils qui t'aime, 
Dumé 
".

dimanche 8 janvier 2012

Il faut n'avoir aucun pouvoir pour imaginer un monde nouveau

Que retenir de l'année 2011 ?

Deux choses, à mon sens, d'une part, l'attente des peuples qui s'est exprimée un peu partout dans le monde, au cours de l'année 2011, et, d'autre part, l'inertie qui s'y oppose.

Jean Daniel n'a pas tort, dans le Nouvel Observateur, d'esquisser un parallèle avec l'année 1968 (" Les nuées de 2012 ", éditorial, Nouvel Observateur, 5 janvier 2012). Les proportions ne sont certes pas les mêmes, mais il n'en reste pas moins qu'on assiste à une lame de fond venant de la base et dénonçant un ordre établi qui est économique, politique et généralement idéologique. Du printemps arabe aux indignés (de Madrid, de New-york, de Moscou), on voit, sur des modes différents, toujours la même revendication : rendre une place à l'humain, à la dignité de l'homme, à son épanouissement.

L'ennemi à abattre est toujours le même : la corruption, la dictature sous toutes ses formes (politique, religieuse et idéologique), l'exploitation des plus pauvres par des toujours plus riches, la compromission des politiques avec les plus riches ... bref, le pouvoir et l'argent.

Si on en croit l'histoire, le terreau est prêt pour une révolution qui pourrait bien cette fois être mondiale. Puisse-t-elle être non violente !

Face à ce mouvement frémissant, que trouve-t-on ? Deux inerties.

La première concerne ceux qui détiennent les rênes du pouvoir, comme si l'exercice du pouvoir finissait par nécessairement compromettre ceux qui l'exercent, à quelque niveau que ce soit. Il faut n'avoir aucun pouvoir (ou ambition de pouvoir) pour imaginer un monde nouveau.

Deux exemples.

Les partis au pouvoir, en Europe, quelles que soient les majorités, et les tendances, sont tous soumis à cause de leur adhésion à l'Union européenne, à l'idéologie libérale, voire néo-libérale. Un Etat européen à gauche n'a guère de marge de manoeuvre au sein de cette structure : il est obligé d'appliquer une politique libérale. C'est ainsi que les gouvernements sont amenés, pour satisfaire les marchés, à réduire leur politique en matière d'aide sociale, d'enseignement, de culture, de justice, de recherche, et à respecter les règles de la concurrence qui proscrit notamment, en principe, les aides publiques aux entreprises. Les marchés ? Cela veut dire, aux Etats-Unis, des banques privées qui survivent grâce à des prêts de la banque centrale, à 0,01 %,  pour ensuite prêter aux Etats souverains à 5 ou 6 %, créant ce que l'on a fini par appeler la dette souveraine. Les Etats n'étant plus en mesure de rembourser, les banques et les marchés exigent des mesures d'austérité. Hallucinant, non ?

Un espoir ne peut exister, j'en suis sûr, qu'en dehors d'un tel cercle privé à la pensée unique.

Je pense aussi à l'Eglise catholique, qui a bien de la peine à s'affranchir de sa pensée unique qu'elle appelle la "Tradition". Dans son monde clos, elle offre la pourpre cardinalice à des vieillards qui ne la dérangent pas, et béatifient les plus fidèles à la tradition. Mgr Léonard a fait fort une fois de plus. Dans un nouvel ouvrage, il dénonce notamment les "abus du parlement", des abus de la démocratie, il vise des décisions prises à la majorité par le Parlement sur des sujets qui relèvent du droit naturel intangible, tel que l'envisage l'Eglise (avortement, euthanasie, mariage des homos, ...). Qu'il invite les chrétiens qui pensent comme lui à le dire, je trouve cela très bien, qu'il mette en cause le parlement et la démocratie en dit long.

http://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/1373876/2012/01/06/Mgr-Leonard-s-en-prend-au-Parlement.dhtml

Et puis, il y a une autre inertie qu'a subtilement décrite fr. François, ce matin. Je résume sa pensée.

Jérusalem attendait le Messie, et quand il survient, c'est la panique (non seulement chez Hérode, qui envoie tuer tous les nouveaux-nés, mais dans tout Jérusalem), dit le texte de Mathieu (Mt, 2, 1-12).

Je cite ici fr. François :


" On s'habitue à l'attente, on y prend goût. Comme disait Carmen au toréador, "il est permis d'attendre, il est doux d'espérer". L'attente devient tellement familière qu'on finit par redouter, obscurément, le jour où elle sera récompensée. L'espérance est douce aussi longtemps qu'elle ne risque pas d'être comblée. A chaque eucharistie, nous disons à Jésus que nous attendons sa venue dans la gloire. Mais ne serions-nous pas inquiets s'il se présentait tout à coup à notre porte, sans crier gare ? Nous disons tous les jours : "Que ton Règne vienne !" Mais désirons-nous vraiment qu'il change nos habitudes, bouscule nos projets, rende inutiles tous les rendez-vous de notre agenda, signe la fin de notre monde ? Les Juifs attendent le Messie, mais désirent-ils réellement sa venue ? "

samedi 7 janvier 2012

Les rois mages

 
Ils perdirent l'étoile, un soir ; 

pourquoi perd-on l'étoile ? 
Pour l'avoir parfois trop regardée.

Les deux rois blancs, étant des savants de Chaldée, 
tracèrent sur le sol des cercles au bâton ;
ils firent des calculs, grattèrent leur menton.
Mais l'étoile avait fui, comme fuit une idée.


Et ces hommes dont l'âme eût soif d'être guidée
pleurèrent, en dressant des tentes de coton.



Mais le pauvre Roi noir, méprisé des deux autres,
se dit " Pensons aux soifs qui ne sont pas les nôtres,
il faut donner quand même à boire aux animaux ". 



Et, tandis qu'il tenait son seau d'eau par son anse,
dans l'humble rond de ciel où buvaient les chameaux,
il vit l'étoile d'or, qui dansait en silence.



Edmond Rostand

mercredi 4 janvier 2012

Les premiers mots

" Que cherchez-vous ? ", il s'agit des premiers mots de Jésus rapportés par l'évangile de Jean (Jn , 1, 38). Deux disciples de Jean le Baptiste le suivent alors. Il leur dit  ensuite: "Venez et voyez"(Jn, 1, 39).

Les premiers mots proférés par Jésus, selon l'évangile de Luc sont les suivants : "Pourquoi me cherchez-vous ? ". Il les dit à sa mère et à son père, après qu'elle l'eut cherché angoissée dans le temple de longues heures durant, alors qu'il était encore un enfant ou un jeune adolescent (Lc, 2, 19).

Les premiers mots de Jésus, selon Mathieu,  sont : " laisse faire maintenant" ,  propos adressés à son cousin le Baptiste (Mt, 3, 15).

Selon Marc, les premiers mots de Jésus sont : " le temps est accompli " (Mc, 1, 15).

Ces premiers mots sont vraiment lourds de sens.

Ils inaugurent un temps nouveau, une autre vision du monde, après le temps accompli. Il s'agit donc de passer d'un ancien monde à un monde nouveau. Une utopie ? Le pouvoir et l'argent dominent toujours le monde, alors que l'attention à chacun et aux plus pauvres peine à se faire entendre. Mais il faut continuer à y croire, à espérer, à se battre.

" Laisse faire maintenant ", dit Jésus à Jean, son cousin. Cela veut dire : cède la place ; ton temps est passé. Jean a dû faire preuve d'une grande humilité pour ainsi céder la place. Ceci encore nous interpelle. Dans quelle mesure sommes-nous prêts à céder la place à un autre ? Dans nos engagements, notre métier, nos relations, nos amours ?

Et puis, l'essentiel : la recherche. "Que cherchez-vous et pourquoi cherchez-vous ? ". Et la réponse : " Venez et voyez ".

La question pose question. Quoi et pourquoi? Il existe des hommes qui cherchent. Que cherchent-ils ? Pourquoi cherchent-ils ? Ils s'interrogent beaucoup, me semble-t-il, sur leur humanité. L'être humain fait de chair, de désirs, de passions, de compromissions, et en même temps capable d'élans, de réalisations et de créations.

Pourquoi, l'être humain, ainsi constitué, cherche-t-il néanmoins toujours "autre chose" ? Dans les religions ou ailleurs. Oui : pourquoi cherche-t-il ?

Et, que cherche-t-il, quand il cherche ? Il semble toujours chercher une pièce manquante, la pièce qui fait défaut au puzzle qu'il a patiemment construit. Comme si tous ses efforts ne pouvaient tout combler et laissaient toujours un vide.

Il y a pourtant une réponse : "Venez et voyez ". C'est une invitation. Elle peut être déclinée.
Elle peut aussi ouvrir des perspectives nouvelles.







mardi 3 janvier 2012

La T.V.A. sociale

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy mettra en vigueur la T.V.A. sociale avant les élections présidentielles, a dit la ministre du budget Valérie Pécresse.

http://www.liberation.fr/economie/01012381062-la-tva-sociale-se-fera-avant-la-presidentielle

Cette T.V.A. sociale fait beaucoup de bruit et donne lieu à des réactions de la gauche, qui reposent, me semble-t-il, sur un malentendu.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit de réduire les charges sociales pesant sur les entreprises, tout en garantissant le financement de la sécurité sociale, par une augmentation correspondante de la T.V.A. Une opération neutre budgétairement.

La mesure est loin d'être une innovation à mettre au crédit de l'actuel hôte de l'Elysée. Elle a déjà été temporairement expérimentée en Belgique, dans les années 1980, on parlait alors du projet Maribel (d'autres projets Maribel ont suivi).

Le gouvernement du président Sarkozy ferait bien de le reconnaître, parler d'une "T.V.A. sociale" est un mauvais choix en termes de communication.

La T.V.A. est un impôt qui ne peut pas être social. Il frappe de manière égale les consommateurs quel que soit leur niveau de richesse. Il a même un aspect régressif : son adéquation au niveau de richesse des individus ne suit pas la courbe de celui-ci (sauf éventuellement à propos de quelque produits de luxe plus lourdement taxés).

Mais ce n'est pas la question posée ici : l'ambition du gouvernement Sarkozy-Fillon est d'assurer une partie du financement de la sécurité sociale par une hausse de la T.V.A., en compensation d'une réduction des charges sociales pesant sur les entreprises.

De ce point de vue, il faut bien constater :
- d'une part, que la mesure déplace partiellement le financement de la sécurité sociale. Moins de contribution pour les entreprises, plus de contribution à charge des travailleurs sous leur casquette de consommateur, ... mais aussi contribution demandée à ceux qui consomment avec d'autres richesses que des revenus du travail. N'y a-t-il pas là une forme de justice à faire contribuer tout le monde, et non plus seulement les entrepreneurs et les travailleurs ? Entre les entrepreneurs et les travailleurs, c'est une autre affaire ;
- d'autre part, que la mesure n'est pas sans importance sur les échanges commerciaux de la France au niveau international et particulièrement sur sa position concurrentielle. Cette hausse du taux de la T.V.A. concernera en effet les importations venant des pays tiers (hors Union européenne), jouant ainsi un rôle protectionniste. La diminution des charges sociales pour les entreprises françaises devrait aussi les rendre plus compétitives, ce qui encouragera peut-être à une re-localisation de certaines productions.

L'intitulé est maladroit, il ne faudrait pas toutefois s'en tenir à cela dans les critiques.

Et Dieu sait si je ne suis pas un pro-Sarko.

La mesure reste floue cependant : qui sera concerné par la baisse des charges sociales ? Le travailleur, sur ses cotisations personnelles, ce qui devrait lui assurer un salaire net supérieur et lui permettre de faire face à la hausse de la TVA, lors de ses achats ? Evidemment pas. Le projet vise bien les charges patronales d'abord et surtout.

Ensuite, s'il s'agit de faire contribuer tous les citoyens, quels que soient leurs revenus, à la solidarité nationale, une augmentation de la CSG (contribution sociale généralisée), seul exemple en France d'un prélèvement sur l'ensemble des revenus quelle qu'en soit la nature, n'est-elle pas plus appropriée ?

lundi 2 janvier 2012

Petits chanteurs

Tradition oblige, le concert du nouvel an au Musikverein de Vienne était à mon programme musical d'hier, comme de beaucoup d'autres, j'imagine.

Cette version 2012 m'a paru un peu longue et même à certains moments ennuyeuse. La tradition pourtant était respectée. L'entracte filmé était particulièrement raté : le petit train touristique, les personnages volants comme dans Mary Poppins et un incompréhensible contresens. Certes, Vienne a été, à une époque, au carrefour des trois grandes religions monothéistes, mais illustrer par une mosquée de la musique d'inspiration juive (style klezmer) était pour le moins inattendu.

Heureusement, j'ai été ravi par l'intervention des Wiener Sängerknaben. Leur prestation dans la Tritsch Tratsch Polka de Johann Strauss était un régal. La voix des garçons avant la mue reste un éphémère mystère qui me fascine. C'était étincelant et rafraîchissant et bien sûr irréprochable.

http://www.youtube.com/watch?v=CoiQFT0KxR0

Une semaine avant, une émission était consacrée sur la Une, puis sur France 3, aux Petits Chanteurs à la Croix de Bois, à l'occasion de NoëlCeux-ci sont manifestement, depuis quelques années, en de nouvelles mains. La tenue s'est modernisée tant mieux. Mais on fait ici tout autre chose ! Les petits français sont dans l'ensemble beaucoup plus photogéniques que leurs collègues viennois, mais je regrette que leur répertoire consiste de plus en plus à faire l'arrière-plan sonore de chanteurs de variété ou à chanter de la musique facile. Il a fallu la Nuit de Rameau  a cappella et un touchant petit soprano pour retrouver une émotion véritable. L'aventure reste belle évidemment. Quant aux petits chanteurs interviewers, certains faisaient preuve d'une aisance étonnante. J'ai donc éprouvé un malaise lié à cette complaisance avec l'air du temps et le show-bizz, au détriment d'une certaine tradition. Tant de talents réunis permettraient de faire tant d'autres choses  plus intéressantes. " A ceremony of carols " de Benjamin Britten, par exemple.

En cette période de Noël, il est impossible d'échapper en effet aux Christmas Carols et à leurs multiples arrangements. Leurs meilleurs interprètes : les chorales anglaises et leurs petits chanteurs. Je ne m'en lasse pas.

Voici en tout cas deux extraits de "A ceremony of carols" de Benjamin Britten, d'une part par un choeur anglais inconnu (Ballulalow), et d'autre part, par le choeur de l'abbaye de Westminster (Introït).

http://www.youtube.com/watch?v=cWY69nsHYaw&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=m5w_aGE63YA&feature=related

Et ici, le King's collège of Cambridge, Once in Royal David's city (trad. arr. Willockx):

http://www.youtube.com/watch?v=NMGMV-fujUY&feature=share

Simple échantillon bien sûr !

C'est avec consternation que j'ai constaté que la célèbre Escolania de Montserrat, ceux-là même qui m'ont fait pleurer aux larmes, il y a quelques années, en concert, chantant Tomas Luis da Victoria et aussi Britten, ont pris le même chemin que les Petits Chanteurs à la Croix de Bois :


http://www.youtube.com/user/EscolaniaMontserrat?blend=3&ob=video-mustangbase
http://www.youtube.com/user/EscolaniaMontserrat?blend=3&ob=video-mustangbase#p/u/1/GnG6UhNu8uE

Je sais pourtant qu'ils jouent un rôle quotidien important dans le sanctuaire aux côtés des moines.

http://www.youtube.com/watch?v=pzQ59_1sC4c