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mercredi 25 janvier 2012

J'ai lu, dans la presse, des choses étonnantes, une fois de plus ...

On lit, dans la presse, des choses étonnantes.

Ainsi, selon un rapport de la Banque Centrale Européenne (BCE), le belge aujourd'hui est devenu plus riche à concurrence de 18 %, depuis ces dix dernières années.

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/715436/le-belge-18-pour-cent-plus-riche-en-dix-ans.html

On peut s'interroger à deux égards :
- quelle est l'utilité de ce rapport ?
- quelle est l'utilité d'en parler dans la presse ?

S'agit-il d'offrir aux lecteurs un remède illusoire contre la crise et la sinistrose : ne vous plaignez pas des politiques de rigueur et/ou d'austérité, vu que, malgré elles, vous arrivez encore à vous enrichir de 18 % en 10 ans ? S'agit-il de rassurer les marchés, en montrant à quel point la Belgique est un pays riche où tout va bien ? S'agit-il de démontrer l'efficacité d'une certaine politique ? S'agit-il de prendre le belge pour un c... ? Je me pose forcément des questions et me demande qui est ce belge dont parle la BCE. Plus déconnecté de la réalité que ce rapport, cela ne doit pas exister. Mais peut-être a-t-on sorti certaines phrases de leur contexte ? Peut-être le journaliste, fatalement un gauchiste, a-t- il voulu créer la polémique ? Tous les belges n'habitent pas en effet à Sint-Martins-Lathem, un lieu où se trouverait domiliée la plus grosse concentration de riches du pays (en Flandre naturellement) ! Oui, les riches aiment se regrouper entre eux pour n'avoir pas à trop fréquenter les pauvres. Ceci explique beaucoup de choses. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le journal Le Monde, qui a publié une géographie de la France en fonction de l'impôt sur la fortune. Eclairant !

http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/01/23/la-carte-de-l-isf-revele-la-separation-entre-riches-et-pauvres_1629128_1471069.html

J'ai aussi appris aujourd'hui que les européens ne sont que des "glandeurs", ils travaillent trop peu et bénéficient de trop d'avantages sociaux pour être "compétitifs". Ils entrent sur le marché du travail trop tard et ils le quittent trop tôt. En plus, leurs Etats ne cherchent que trop à leur garantir une retraite décente, alors qu'il serait si simple de passer par des compagnies privées d'assurances et des fonds de pension privés. Tout cela est tellement évident. Cette fois, c'est la Banque mondiale qui le dit.

http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/715442/les-europeens-travaillent-trop-peu.html

C'est fou d'ainsi trouver toujours une banque à chaque carrefour, prête à dire des idioties. Mais, il ne faut  pas confondre la Banque mondiale avec le Fonds monétaire international. Il en a quand même fallu des cohortes d'économistes pour créer cet écheveau bancaire mondial !

Si j'en crois les oracles de la Banque mondiale (en existe-t-il une autre au-dessus d'elle ?), pour devenir compétitifs, il faudrait que les européens travaillent beaucoup plus, ou gagnent beaucoup moins pour ce qu'ils font. Si les chinois travaillent 70 heures par semaine pour un salaire de 150 euros, pourquoi n'en serait-il pas de même en Europe ? En bref, pour mériter son salaire, selon les perspectives chinoises, l'ouvrier européen devrait travailler 38 heures par jour (oui par jour).  Si l'Europe veut sortir de la crise, elle doit faire comme la Chine, dit la Banque mondiale ! Plus simpliste que cela ... Il est piquant d'ailleurs de voir la Banque mondiale, inféodée aux tenants du néo-libéralisme, citer en exemple la Chine ! Un pays communiste au capitalisme sauvage. C'est le mot "sauvage" qui a dû plaire aux auteurs de ce rapport peu inspiré. Car, je le pense, le capitalisme est une bonne chose aussi longtemps qu'il ne devient pas sauvage.

L'honneur de l'Europe serait de relever le défi d'un capitalisme à visage humain dans le monde.

Mais autre nouvelle ! Il y a de l'emploi pour tout le monde en Belgique ! Bonne nouvelle ! Rêve ou réalité ? Méthode Coué ? C'est un des messages pourtant de la nouvelle ministre fédérale de l'Emploi, parmi d'autres tout aussi saisissants. L'oracle, ici, a un visage ! Celui de mevrouw (?) Monica de Coninck !




Certes, elle concède que la demande d'emploi et l'offre d'emploi ne coïncident pas toujours. Il y a un réel problème de qualification, reconnaît-elle. Les emplois qualifiés ne trouvent pas preneur car il n'y pas de demandeur (on fait appel alors de plus en plus à des étrangers, particulièrement roumains et polonais, dans des emplois comme médecin ou infirmière ... alors qu'un numerus clausus a été pratiqué dans les facultés de médecine), tandis que, pendant ce temps, les emplois non-qualifiés sont encombrés. Il y a un déficit de formation (échec de l'enseignement ?) et puis, il y a tellement d'immigrés, non qualifiés dans ce pays, des plus ou moins réguliers (qui travaillent en noir, pour des patrons peu scrupuleux, belges parfois/pourtant/souvent, lesquels disent qu'ils ne peuvent pas s'en sortir autrement, à cause de toutes les taxes qu'on fait peser sur eux ...), mais aussi beaucoup d'immigrés plus âgés, qui ont à peine fait l'école primaire, ont travaillé dans des emplois subalternes (mais qui ont eu le mérite de faire des enfants, quand nous en faisions de moins en moins, ne songeant même pas à l'avenir de nos pensions).

Je me suis permis d'insérer entre parenthèses quelques contrepoints au discours de la ministre. Tout le reste, c'est la ministre qui le dit. Et cela en dit long.

Les grandes lignes de la politique de la ministre fraîchement en poste sont pour le moins créatives. En voici  deux exemples :
- imposer des travaux d'intérêt général aux "inadaptés sociaux", soit les allocataires sociaux irrécupérables (à cause de leur faible intelligence, de leur âge, de leur alcoolisme ou de leur dépendance à la drogue, par exemple) ;
- aider les jeunes à entrer sur le marché du travail, grâce à des contrats flexibles, de courte durée (6 mois maximum) ... un peu une politique à la Sarko. Or, un jeune peu qualifié ne peut déjà rien espérer d'autre, aujourd'hui, qu'un intérim, au mieux un CDD. Quelle flexibilité nouvelle la ministre veut-elle créer ? A moins qu'elle ne fasse une ultime proposition pour permettre aux chefs d'entreprise d'engager au prix le plus bas, avec le moins d'engagement possible de leur part ; bref, leur fournir de la main d'oeuvre à bon compte. Désolante perspective !

Ah oui, j'ai oublié de dire que la ministre est socialiste, mais flamande. On savait déjà qu'un socialiste flamand ne peut pas ressembler à un socialiste wallon, mais là ! C'est quasiment Viktor Orban et ses projets de camps de travail ...

http://fr.myeurop.info/2011/07/13/la-hongrie-met-en-place-des-camps-de-travail-obligatoire-2956

Quel est le projet socialiste de mevrouw de Coninck ? Oui, une chose quand même, que je trouve bien : les C.P.A.S. ne doivent pas se contenter d'être des organismes payeurs ; ils doivent aider à l'insertion de ceux qu'ils aident dans la société. Cela me plaît. Et elle a engrangé certains succès à Anvers sur ce front. Merci, mevrouw.

J'ai aussi un peu ma petite idée sur la question : si les patrons, les chefs d'entreprise ont tellement de projets à réaliser, de marchés juteux en perspective, s'il y a tant d'emplois vacants non pourvus, pour manque de formation, qu'ils financent donc la formation des jeunes, qu'ils contribuent à assurer l'emploi chez nous au lieu d'aller chercher ailleurs. Pourquoi l'Etat devrait-il former, à leur place, des jeunes pour les leur présenter ensuite sur un plateau (sous menace de délocalisation ou autre ...) ? L'Etat ne fait-il déjà pas assez pour les entreprises ? Au même titre que tous, le chef d'entreprise a des devoirs vis-à-vis de la société et de l'Etat. On en parle peu, vraiment fort peu, je trouve, ces temps-ci.

Sans être passéiste, je retiens la leçon des artisans, il en existe encore aujourd'hui. L'artisan est le dépositaire d'un savoir-faire ( un "know-how", comme on dit dans les écoles de commerce, où rien n'est digne d'intérêt, s'il n'est anglo-saxon ; ainsi HEC-ULg est-il devenu une "School of management" et mon service de droit fiscal, le "Tax institute" de l'université de Liège). Oui, chez les artisans, un ancien apprend toujours à un plus jeune les "règles de l'art" ; c'est la responsabilité, le devoir même, de l'ancien. Il y a ainsi une filiation. Le patron n'est pas opposé à son apprenti, il veut l'amener plus loin encore que lui ; l'apprenti respecte son patron qui lui transmet son savoir. Allez, pour vous en convaincre, devant la vitrine du luthier qui travaille en Neuvice, à Liège, Salvador Renzo:





Et il n'est pas le seul : http://www.atelierenbois.be/page_francaise.html

Le capitalisme au début, et dans les entreprises à taille humaine, a souvent conservé cette dimension affective entre le fournisseur d'emplois et ceux qui travaillaient "pour" lui et plus encore "avec" lui. Certains ont parlé parfois, de "paternalisme", avec une nuance péjorative. Mais, comme depuis toujours, l'exploitation de l'homme par l'homme offrait, dans le même temps, son hideux visage. Or, c'est bien cet aspect affectif de la relation de travail qu'évoquent les travailleurs d'une entreprise mise en liquidation ou menacée de restructuration. Un lien qui ne peut plus exister quand le patron n'est plus qu'un financier anonyme ne poursuivant que son intérêt, sans aucun lien affectif avec ceux qu'il fait travailler. Cette attitude, dans le fond, n'est-elle pas pire encore que certaines qui ont prévalu au temps de l'esclavage dans les colonies ? Il n'y a plus guère aujourd'hui d'affranchis et faudra-t-il toujours combattre les mêmes maux ?

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