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dimanche 8 janvier 2012

Il faut n'avoir aucun pouvoir pour imaginer un monde nouveau

Que retenir de l'année 2011 ?

Deux choses, à mon sens, d'une part, l'attente des peuples qui s'est exprimée un peu partout dans le monde, au cours de l'année 2011, et, d'autre part, l'inertie qui s'y oppose.

Jean Daniel n'a pas tort, dans le Nouvel Observateur, d'esquisser un parallèle avec l'année 1968 (" Les nuées de 2012 ", éditorial, Nouvel Observateur, 5 janvier 2012). Les proportions ne sont certes pas les mêmes, mais il n'en reste pas moins qu'on assiste à une lame de fond venant de la base et dénonçant un ordre établi qui est économique, politique et généralement idéologique. Du printemps arabe aux indignés (de Madrid, de New-york, de Moscou), on voit, sur des modes différents, toujours la même revendication : rendre une place à l'humain, à la dignité de l'homme, à son épanouissement.

L'ennemi à abattre est toujours le même : la corruption, la dictature sous toutes ses formes (politique, religieuse et idéologique), l'exploitation des plus pauvres par des toujours plus riches, la compromission des politiques avec les plus riches ... bref, le pouvoir et l'argent.

Si on en croit l'histoire, le terreau est prêt pour une révolution qui pourrait bien cette fois être mondiale. Puisse-t-elle être non violente !

Face à ce mouvement frémissant, que trouve-t-on ? Deux inerties.

La première concerne ceux qui détiennent les rênes du pouvoir, comme si l'exercice du pouvoir finissait par nécessairement compromettre ceux qui l'exercent, à quelque niveau que ce soit. Il faut n'avoir aucun pouvoir (ou ambition de pouvoir) pour imaginer un monde nouveau.

Deux exemples.

Les partis au pouvoir, en Europe, quelles que soient les majorités, et les tendances, sont tous soumis à cause de leur adhésion à l'Union européenne, à l'idéologie libérale, voire néo-libérale. Un Etat européen à gauche n'a guère de marge de manoeuvre au sein de cette structure : il est obligé d'appliquer une politique libérale. C'est ainsi que les gouvernements sont amenés, pour satisfaire les marchés, à réduire leur politique en matière d'aide sociale, d'enseignement, de culture, de justice, de recherche, et à respecter les règles de la concurrence qui proscrit notamment, en principe, les aides publiques aux entreprises. Les marchés ? Cela veut dire, aux Etats-Unis, des banques privées qui survivent grâce à des prêts de la banque centrale, à 0,01 %,  pour ensuite prêter aux Etats souverains à 5 ou 6 %, créant ce que l'on a fini par appeler la dette souveraine. Les Etats n'étant plus en mesure de rembourser, les banques et les marchés exigent des mesures d'austérité. Hallucinant, non ?

Un espoir ne peut exister, j'en suis sûr, qu'en dehors d'un tel cercle privé à la pensée unique.

Je pense aussi à l'Eglise catholique, qui a bien de la peine à s'affranchir de sa pensée unique qu'elle appelle la "Tradition". Dans son monde clos, elle offre la pourpre cardinalice à des vieillards qui ne la dérangent pas, et béatifient les plus fidèles à la tradition. Mgr Léonard a fait fort une fois de plus. Dans un nouvel ouvrage, il dénonce notamment les "abus du parlement", des abus de la démocratie, il vise des décisions prises à la majorité par le Parlement sur des sujets qui relèvent du droit naturel intangible, tel que l'envisage l'Eglise (avortement, euthanasie, mariage des homos, ...). Qu'il invite les chrétiens qui pensent comme lui à le dire, je trouve cela très bien, qu'il mette en cause le parlement et la démocratie en dit long.

http://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/1373876/2012/01/06/Mgr-Leonard-s-en-prend-au-Parlement.dhtml

Et puis, il y a une autre inertie qu'a subtilement décrite fr. François, ce matin. Je résume sa pensée.

Jérusalem attendait le Messie, et quand il survient, c'est la panique (non seulement chez Hérode, qui envoie tuer tous les nouveaux-nés, mais dans tout Jérusalem), dit le texte de Mathieu (Mt, 2, 1-12).

Je cite ici fr. François :


" On s'habitue à l'attente, on y prend goût. Comme disait Carmen au toréador, "il est permis d'attendre, il est doux d'espérer". L'attente devient tellement familière qu'on finit par redouter, obscurément, le jour où elle sera récompensée. L'espérance est douce aussi longtemps qu'elle ne risque pas d'être comblée. A chaque eucharistie, nous disons à Jésus que nous attendons sa venue dans la gloire. Mais ne serions-nous pas inquiets s'il se présentait tout à coup à notre porte, sans crier gare ? Nous disons tous les jours : "Que ton Règne vienne !" Mais désirons-nous vraiment qu'il change nos habitudes, bouscule nos projets, rende inutiles tous les rendez-vous de notre agenda, signe la fin de notre monde ? Les Juifs attendent le Messie, mais désirent-ils réellement sa venue ? "

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