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mercredi 25 janvier 2012

Un homme de gauche

Sans commentaire, ceci :

Pierre Joxe, carnet de route de l'avocat des enfants perdus.

Le contact est âpre. Presque décourageant. Il faut un peu de temps pour se convaincre que ces mots abrupts, ce ton impérieux ne sont pas seulement la marque d'un fichu caractère ou l'empreinte laissée par des années de pouvoir. Que passer outre vaut vraiment la peine et permet de comprendre qu'à 77 ans, Pierre Joxe est un homme pressé par l'essentiel.
L'ancien compagnon de route de François Mitterrand, dont il fut le ministre de l'intérieur, puis celui de la défense, l'ancien président de la Cour des comptes, l'ancien membre du Conseil constitutionnel est inscrit depuis deux ans au barreau de Paris. Rien de très original tant le titre d'avocat se porte bien parmi les plus ou moins jeunes retraités de la vie publique, qui trouvent là une opportunité de négocier au prix fort un carnet d'adresses et une notoriété. Pas Pierre Joxe. Il a prêté serment d'avocat comme on adhère à un parti ou à un syndicat. En militant. Me Joxe ne défend que les mineurs, uniquement sur commission d'office et n'accepte aucune clientèle particulière.

Et c'est comme cela que l'on se retrouve un dimanche matin de janvier au Palais de justice de Paris, dans la lumière triste des couloirs du tribunal pour enfants. Pierre Joxe s'est installé, son dossier ouvert sur la table, dans l'étroit box vitré où il reçoit la mère et le beau-père d'une jeune fille de 16 ans, arrêtée la veille. Trop de vodka dans le sang l'a incitée à injurier et à mordre salement la policière qui l'a arrêtée.

La dame jette de temps à autre un regard inquiet sur cet avocat aux sourcils gris aussi épais que sa chevelure, qui l'interroge sans ménagement sur sa vie de famille décomposée et le parcours difficile de sa fille. Elle ignore son nom, qui sans doute ne lui dirait rien. Elle n'a pas prêté attention à l'homme qui se tient à quelques mètres dans le couloir et qui est l'officier de sécurité attaché à l'ancien ministre de l'intérieur et de la défense. On se dit qu'elle doit trouver cet avocat commis d'office un peu vieux et qu'elle se demande peut-être ce qu'il fait là, un dimanche, à son âge. Mais il a l'air tellement sérieux !

Après avoir plaidé devant la juge des enfants de permanence ce matin-là, Me Joxe les prend tous les trois à part, dans le couloir. A la jeune fille soulagée de pouvoir rentrer chez elle en échange d'une mesure de réparation, il explique qu'elle a intérêt à faire attention, que dans une quinzaine de mois, devenue majeure, elle ne pourra plus bénéficier de la même protection qu'aujourd'hui. Sous les yeux effarés du garde de faction, il lui répète aussi quelques-unes des insultes particulièrement salées qu'elle a lancées à la policière. "Arrêtez la vodka, ça ne vous réussit vraiment pas. Et la prochaine fois, ne vous rebellez pas", lui dit-il avant de prendre congé.

La mère : "Dites, vous avez une carte, si des fois..." Pierre Joxe, d'un ton sec : "Je ne prends que les permanences. – Ah ? C'est dommage, tout de même."

Dossier suivant. Un jeune Roumain arrive menotté du dépôt où il a été placé en garde à vue, après avoir été arrêté pour vol dans une boutique. Il est récidiviste, le procureur demande et obtient son placement en détention. A l'interprète qui traduit les propos hachés du jeune homme – "Je veux me suicider, je veux rentrer chez moi", répète-t-il – Me Joxe glisse : "Je comprends quelques mots en roumain, j'ai fait beaucoup de latin." Petit à petit, il apprivoise le garçon. Obtient de lui qu'il lui donne le numéro de ses parents en Roumanie. Il ira le voir en prison, promet-il. Lui aussi ignorera jusqu'au bout l'identité et le passé de l'avocat qui le défend. Mais pas le juge et le représentant du parquet devant lesquels Me Joxe se présente.

"Les magistrats et les autres avocats sont pétrifiés quand ils le voient", observe en souriant Marie-Pierre Hourcade, ex-vice-présidente du tribunal pour enfants qui a accueilli pendant quelques semaines à son cabinet ce stagiaire pas comme les autres. Elle s'avoue sans détour "emballée par le bonhomme. Il est très vigilant. Il se bat pour repérer les failles, se démène pour trouver des solutions éducatives", dit-elle. "Ce qui me frappe, c'est son enthousiasme et sa liberté par rapport à ses anciennes fonctions. Notamment celle de ministre de l'intérieur. Et c'est vrai que le parquet n'est pas le même quand Joxe est là. Il ose tout remettre en cause. Y compris parfois le comportement de la police", confirme une autre juge des enfants, Anne Tardy, qui se souvient de la façon dont il s'est démené dans un dossier pour obtenir la relaxe de son client, en démontant une enquête de police bâclée.

Dans la même semaine, on a vu Pierre Joxe assister pendant deux heures, silencieux, à une séance de thérapie familiale mise en place par une juge des enfants pour tenter de sortir de son mutisme et de sa violence un adolescent de 15 ans originaire de Côte d'Ivoire, qu'il avait eu à défendre. Parce que le garçon a exprimé l'envie de s'engager plus tard chez les pompiers, son avocat a apporté un casque qui lui avait été offert lorsqu'il était ministre. Le lendemain, il partageait une pizza à Bobigny avec Jean-Pierre Rosenczveig, le président du tribunal pour enfants de Seine-Saint-Denis, qui s'est publiquement opposé au durcissement de la justice des mineurs voulu par Nicolas Sarkozy. Pour ce magistrat, comme pour tous ses collègues habitués à travailler dans l'ombre, ou dans la réprobation de ceux qui les accusent de laxisme, la présence à leurs côtés de l'ancien ministre est une aubaine.

"Ce qui est impressionnant, c'est son efficacité. Il ne ménage vraiment pas son temps et met toute sa notoriété au service du droit des mineurs", dit Marie-Pierre Hourcade. Elle lui sait gré de l'avoir ainsi aidée, par ses relations, à obtenir des stages de réinsertion pour des jeunes délinquants dont elle assurait le suivi. "Nous étions au restaurant. Il m'a présenté à un grand patron qui n'a pas osé lui dire non !", s'amuse-t-elle.

Les uns et les autres l'ont entendu le matin même, à une heure de grande écoute, sur une radio nationale où il était invité à l'occasion de la sortie de son livre, Pas de quartier ? (Fayard, 300 p., 19 €), dénoncer d'une voix ferme une politique de plus en plus répressive à l'égard des mineurs. "Avant, on s'intéressait davantage à l'enfant qui avait volé un vélo qu'au vélo lui-même. Aujourd'hui, cette tendance s'est inversée", a-t-il tonné. Dans un premier essai, Cas de conscience (Labor et Fides), publié en 2010 au lendemain de son départ du Conseil constitutionnel, Pierre Joxe avait brisé un tabou en rendant public son avis minoritaire dans trois délibérations de cette assemblée, dont celle relative à la garde à vue des mineurs contenue dans la loi Perben 2.

C'est cette "indignation croissante" face à la remise en cause de l'ordonnance de 1945 qui l'a décidé à se consacrer au droit des mineurs. Ce texte, qui instituait un juge des enfants et étendait l'excuse de minorité aux mineurs de 16 à 18 ans, a été paraphé par le général de Gaulle "alors que le territoire national n'était pas encore libéré, la guerre n'était pas finie, mais le droit de la France recommençait à briller", écrit-il.

Pierre Joxe a aussi une raison plus intime de le défendre. Il se dit que, peut-être, l'homme qui a porté cette ordonnance à la signature du général n'est autre que son père, Louis Joxe, qui était alors secrétaire général du gouvernement provisoire avant d'exercer pendant dix ans les fonctions de ministre de De Gaulle, sous les gouvernements de Michel Debré et Georges Pompidou. En exergue de l'un des chapitres de son livre, qui est à la fois carnet de route d'un avocat et pamphlet politique, l'ancien ministre a placé ces vers de du Bellay : "France, mère des Arts, des Armes et des Lois/Tu m'as longtemps nourri du lait de ta mamelle..."

Il a déjà un autre combat en tête. Celui de la défense des salariés devant les prud'hommes. "Quand j'étais jeune auditeur à la Cour des comptes, je faisais partie des bénévoles du service juridique de la CGT", dit-il. La rudesse a du bon, quand elle conserve, intacte, l'indignation.

Pascale Robert-Diard










Sans commentaire non plus, les propos de Nicolas Sarkozy où cas où il serait battu à l'élection présidentielle ...


http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/01/24/nicolas-sarkozy-evoque-l-hypothese-de-sa-defaite_1633545_1471069.html



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