Parmi mes amis Facebook, se trouvent notamment deux médecins de qualité. Ils ont commenté mon dernier post concernant le lépreux et sa guérison.
Leurs réflexions m’ont interpelé. Sans vouloir ici ouvrir une polémique où je risquerais bien de finir perdant, je voudrais néanmoins un peu ouvrir la réflexion.
Les écritures (dites saintes) n’ont d’intérêt que si on prend sans cesse la peine de les re-découvrir. Elles n’ont jamais dit leur dernier mot, contrairement à d’autres, c’est leur principale vertu.
La lèpre est omniprésente dans la Bible, dès les livres les plus anciens (Pentateuque).
Il me paraît de peu d’intérêt de savoir si la lèpre, dont les textes parlent, correspond bien scientifiquement à la définition actuelle de la lèpre en médecine (ou à d’autres affections de la peau plus bénignes). Il est tout aussi peu intéressant de se demander si le Jésus, dont on nous parle, dans les évangiles, était un as du diagnostic, un peu comme Dr House. C’est une question sans objet, comme le suggère un de ces deux médecins, il a fallu attendre Avicenne pour que les choses soient un peu plus claires. Alors, ne la posons pas.
Par contre, d’autres choses me paraissent bien plus signifiantes.
D’abord, à l’époque de Jésus, on ne dissociait pas, chez un malade ce qui relève de la physiologie, de la psychologie ou de la spiritualité. Cela formait un tout. Les médecins d’aujourd’hui reconnaissent que les deux premiers plans peuvent être parfois liés, ils oublient souvent le troisième. Il est vrai qu’avec lui, on quitte le domaine de la science. Et un médecin se doit aujourd’hui d’être avant tout un scientifique, n'est-ce pas ? Ceci pour dire qu’on ne peut pas aborder les récits de guérison, dans la Bible, avec l’oeil d’un médecin rationaliste. Cela serait un contre-sens.
Ensuite, la maladie, qu’elle soit physiologique, psychologique ou spirituelle, est toujours une brêche par laquelle la vie s’écoule, s’échappe, s’enfuit, laissant le malade sans vie ou de moins en moins vivant. On peut alors colmater la brêche et/ou insuffler de la vie nouvelle. Cela marche parfois, pas toujours. Jésus n’a sans doute pas toujours réussi.
Enfin la lèpre, dans la Bible, est bien plus qu’une terrible maladie de la peau. Elle rend impur (et on sait que les juifs, comme les musulmans, sont chatouilleux sur le pur et l’impur). Il n’y a d’ailleurs pas que le lépreux qui soit impur ; il y a aussi tout ce qu’il touche, ses vêtements, la nourriture qu’il mange. De toutes les maladies de l’époque, celle-ci est la plus globale puisqu’elle conduit en plus à la mort sociale. On veut bien guider un aveugle, soigner un paralytique, avec compassion, mais pas un lépreux. Les lépreux sont mis à l’écart, parqués dans des lieux loin des villes où ils vivent (?) entre eux comme des ombres. Ceci est de nature à nous interpeler en ce monde, qui est le nôtre, où l’on pratique si aisément l’exclusion et où des ombres nous inquiètent encore. Voilà pourquoi Jésus reste toujours prophétique, même dans les récits de miracles, que l’on pourrait ravaler aisément au rang du folklore religieux un peu simplet. Avez-vous remarqué ? Jésus “touche” le lépreux. Il touche l’intouchable. Une fois de plus, il va à contre-courant des idées, des conventions sociales, des catégories pur/impur. Il fait voler en éclat le modèle d’exclusion. En touchant, il recrée le lien avec l’exclu. Et ça marche pour l’exclu ! Tel est le sens profond de cette guérison et le modèle que Jésus nous propose.
Comme le relève un de mes deux amis médecins, Jésus a sans doute été, pendant les années cachées de sa vie, en contact avec des thérapeutes/guérisseurs, comme il en existait à l’époque (égyptiens, venant de Perse ou des Indes). On voyageait beaucoup à l’époque, au moins autant qu’aujourd’hui. De là viennent sans doute les rituels de guérison utilisés par Jésus. Les rituels même obscurs sont, cela dit, importants dans la vie d’un homme. Ceci mériterait une longue réflexion.
Jésus aimait-il ou n’aimait-il pas guérir ?
Observons d’abord qu’il n’a jamais utilisé la guérison comme un moyen de s’attirer les foules, contrairement à d’autres charlatans de son époque. C’est tout à son honneur.
Si Jésus est si réticent à l’égard des guérisons qu’il a opérées, c’est parce qu’il craint qu’on se méprenne sur son action, sur lui-même, sur son message. Il ne veut pas être confondu avec ceux qui sévissaient de son temps et que l’on retrouve toujours aujourd’hui dans les églises pentecôtistes américaines et les mouvements charismatiques, lors de leurs spectaculaires séances de guérison.
Alors Jésus aimait-il ou n’aimait-il pas guérir ? Je trouve la question mal posée. En fait, il ne pouvait pas faire autrement. Et non point pour avoir la paix avec tous ces gens qui le pourchassaient, vrais ou faux malades. Il n’existe, dans les évangiles, aucun récit de guérison collective, Jésus aurait pu. Chacune des guérisons qu’il a faites passe toujours par un contact singulier, personnalisé, un coeur à coeur - fût-il fugace - où toujours étaient en jeu, c’est mon opinion à ce jour, les trois facettes de l’être : phsysiologique, psychologique et spirituelle. Il ne faut pas toujours beaucoup de temps pour connaître quelqu’un de l’intérieur. Un regard suffit parfois.
Mais alors pourrait-on rétorquer, Jésus était injuste ; il ne soignait que quelques-uns et non les autres. Pas du tout ! Pour les autres, Jésus faisait confiance aux médecins (et aux progrès futurs de la médecine) !
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