On ne pourra jamais reprocher à Jésus d'avoir ignoré le monde qui l'entourait. Il a manifesté une exceptionnelle présence auprès de ceux qu'il rencontrait par hasard, auprès de ceux qui venaient en masse vers lui, pour une guérison, ou un mieux dans leur vie, et auprès de ceux qui venaient à lui parce que sa parole les touchait, un peu, beaucoup, sans explication, parce que c'était comme cela, parce qu’ils étaient touchés et sans doute bouleversés, sans trop comprendre.
Tant de présence. Comment Jésus faisait-il pour être à ce point présent, d’une qualité telle de présence, que ses mots et ses gestes parvenaient à remuer le coeur et à guérir.
Il ne réussissait pas toujours. Il l’avait dit : pour se trouver transformé par lui, il faut se convertir et lui faire confiance. Se convertir, cela veut dire quitter ses certitudes, son savoir, ses préjugés, ses habitudes stériles, qu’on appellerait aujourd’hui « addictions ». C’est accepter de faire table rase. Et puis, faire confiance. Arriver à admettre que la réponse, la vie, se trouvent en dehors de nous, hors de tout ce que nous contrôlons et avons mis en place, consciemment ou inconsciemment, pour nous construire et tenir notre place dans le monde des hommes.
Cela ne nous dit pas comment Jésus faisait pour être à ce point présent au monde qui l’entourait. L'évangile de ce dimanche donne une piste d'explication.
Après avoir enseigné à la synagogue – « il y parlait d’autorité » (et non comme les rabbins), dit le texte (Mc, 1, 27) – il a généreusement accueilli les éclopés du coin, ceux qui nous ressemblent tellement. Il les a guéris à la synagogue, puis, jusqu’à la nuit noire, dans la maison de famille de Simon (Pierre) et André, car ils étaient, ce jour de shabbat, à Capharnaum (Mc, 1, 29 et sv.).
Après tout cela, "Jésus sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait" (Mc, 1, 35). Solitude et silence. Silence et solitude. Rien à voir avec la prière rabâchée des rabbins et du temple, les sacrifices et les dévotions. Solitude et silence. Silence et solitude. Jésus n’aurait pas pu être aussi présent au monde sans ces moments d'intimité avec le coeur de son être, là où il peut nouer un dialogue vrai avec son Père du ciel, celui qui l’habite de son amour et qui est la source de tout. L’évangile nous indique de la sorte que la parole et l’action, si elles sont bonnes en soi, ne sont fécondes que s’il y a aussi prière et donc communion à l’amour. Comment ne pas penser ici aux hommes et femmes politiques, que l’on voit tellement s’agiter dans des déclarations et des réformes creuses, à défaut de prière, je le crois. Le chemin de la conversion leur est pourtant ouvert.
Je suis aussi frappé, dans le texte d’aujourd’hui, par quelque chose qui m’avait échappé jusqu’à aujourd’hui.
Les disciples viennent interrompre Jésus dans sa prière solitaire : « Tout le monde te cherche » (Mc, 1, 37). Point de répit pour Jésus !
Jésus leur répond : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins pour que j’y proclame aussi l’Evangile, car c’est pour cela que je suis sorti » (Mc, 1, 38).
Ce qui me frappe, c’est ceci : Jésus n’aime pas s’attarder. Il est un itinérant. Il sème et nous laisse le soin de faire grandir la semence. Cela veut dire que tout qui a, un jour, rencontré Jésus est aussitôt confronté à son absence. N’est-ce pas l’expérience des apôtres, après la crucifixion, la mort de Jésus ?
Nous aimerions tant garder Jésus auprès de nous. Cela serait tellement plus rassurant. Il nous parlerait encore et nous l’écouterions. Il nous regarderait, ou nous toucherait, et nous serions guéris. Son invitation est autre. Il nous invite, à sa suite, à faire simplement (mais ce n’est pas toujours si simple) le chemin jusqu’au plus intime de notre cœur.
Les médecins de l’âme, que sont les psys, en savent quelque chose et je leur rends grâce d’écouter, d’accompagner, de suggérer, d’apaiser ceux qui ont plus de peine que d’autres à suivre ce chemin. Car, j’en suis convaincu, au bout du parcours sur soi, il y a fatalement un apaisement et un abandon possible.
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