Monseigneur Léonard, primat de Belgique, a réussi une fois de plus à faire parler de lui. On comprend mal que cet homme, que l'on décrit comme un grand intellectuel et un pédagogue renommé, parvienne à être à ce point incompris. Or, si les hommes d'Eglise se montrent incapables d'être compris, ils risquent bien de ne plus être écoutés du tout. La faute serait-elle aux media qui utilisent ses propos contre lui ?
De quoi s'agit-il ?
Monseigneur Léonard a estimé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre pénalement tous les prêtres accusés de pédophilie, car il est évident que certaines de leurs victimes leur ont depuis pardonné. Le faire serait faire acte de vengeance.
http://www.levif.be/info/actualite/belgique/monseigneur-leonard-les-pretres-pedophiles-ne-doivent-pas-forcement-etre-juges/article-1194850345085.htm
Il y a bien des choses à dire à ce propos.
Monseigneur déclare, que bien des victimes des clercs pédophiles leur ont, depuis le temps, pardonné. Pour lui, cela semble une évidence. On peut espérer en effet qu'un chemin de pardon ait pu être accompli par certaines des victimes, car le pardon pacifie. Il permet de voir l'offenseur au-delà de son acte. Le pardon pourtant n'efface pas tout, notamment les traumatismes vécus. Ils méritent même la plus grande attention.
Mais le plus important n'est pas là. Ceux qui n'ont pas su pardonner ou qui souhaitent que la justice des hommes s'exprime feraient preuve, selon Monseigneur, d'un esprit de vengeance. Ce qui n'est pas très chrétien, convenons-en.
Telle est la vision, si l'on en croit les media, du primat de Belgique. De deux choses l'une : ou les media déforment les propos de monseigneur, ou bien, monseigneur ne trouve pas les mots justes pour exprimer sa pensée. De quelle vengeance parlez-vous, monseigneur ? De quel pardon ? Vous semblez faire bien peu de cas de la justice des hommes. J'aimerais dès lors vous interpeler.
Dans les cas de pédophilie, il y a eu un acte objectivement commis, la relation sexuelle entre un adulte et un mineur que l'Etat de droit, dans lequel nous vivons, juge indigne et susceptible de sanction, avec une circonstance aggravante quand la relation n'a pas été consentie et que l'adulte a usé de son autorité ou de son ascendant moral sur le mineur. C'est la loi. Le respect de cette loi n'a rien à voir avec le pardon. Et en demander le respect n'a rien à voir avec la vengeance. Il s'agit du moyen que les hommes ont retenu pour assurer un certain consensus social et contraindre chacun à le respecter. Une autorité publique est chargée du respect de cette loi, au nom de la société : le parquet. Vous affichez d'une certaine manière votre mépris de la loi des hommes en parlant inconsidérément de pardon et de vengeance.
Puis-je vous rappeler un exemple ? Quand le pape Jean-Paul II a visité, dans sa prison, l'auteur de l'attentat qui a failli lui coûter la vie, il n'a pas mis en cause l'emprisonnement décidé par la justice des hommes. Il a ajouté une dimension chrétienne à la situation. Vous, monseigneur, vous considérez que le pardon devrait soustraire les auteurs de crimes à la justice des hommes. C'est, convenez-en, autre chose.
Puisque la loi des hommes devrait s'incliner, à vos yeux, devant le pardon, permettez-moi de vous demander de m'expliquer pourquoi il n'en va pas de même concernant la loi de l'Eglise. Autorisez-moi trois exemples :
- n'est-ce pas manquer de sens du pardon que d'exclure de la communion les divorcés civilement remariés ? Au demeurant, cette loi est-elle concrètement appliquée (et même applicable) ?
- n'est-ce pas manquer de sens du pardon que de proposer, comme vous l'avez fait récemment, aux homosexuels chrétiens, un seul choix de vie : l'abstinence dans le célibat ?
- n'est-ce pas manquer de sens du pardon que de refuser le mariage religieux aux couples qui ont vécu un échec et choisissent de reconstruire leur vie avec un autre partenaire ... et de leur demander d'attendre de devenir veufs, avant de pouvoir être accueillis par l'Eglise comme un nouveau couple aux yeux de Dieu ?
Voyez-vous, monseigneur, si le pardon consiste à voir l'autre au-delà de ses actes, fût-ce les plus horribles, pour le rejoindre lui, il n'y a pas de raison de soumettre la loi de l'Eglise que vous défendez, avec tant de rigorisme, à un autre régime que la loi des hommes.
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