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jeudi 17 novembre 2011

Mines vs talents

J'ai consacré un précédent billet à la parabole des talents (Mt, 25, 14-30).

Quelques jours après, la liturgie a offert à la méditation une autre version de ce récit (Lc, 19, 11-28).

Il n'y est plus question de talents, mais de mines. Il s'agissait peut-être de toucher davantage certains ingénieurs plus portés sur les mines que par les talents ... Voici pourtant qui devrait intéresser aussi les économistes. La "mine" est une pure unité de compte, elle correspond à 100 deniers ; et il n'a jamais existé de pièce de monnaie valant une mine. Le denier, quant à lui, était une pièce en argent, frappée par l'autorité romaine, et censée représenter le salaire journalier d'un ouvrier agricole. Voilà qui est intéressant : une monnaie dont la valeur est fixée sur le salaire journalier de l'ouvrier agricole. C'est un peu comme si la valeur de nos billets en euros était fixée en fonction du salaire minimum garanti. Dans un tel système, quand on acquiert un bien, on serait censé payer un certain quota de salaire minimum garanti. Cela a beaucoup plus de sens évidemment que de payer avec un billet dont la valeur dépend de marchés imprévisibles et de spéculateurs voraces qui ne représentent pas grand chose. Le sens et la perte de sens toujours et encore.

Ceci dit, si un talent vaut d'après mes calculs précédents, aux alentours de 41.000 euros, une mine, au cours d'aujourd'hui, ne pèse vraiment pas lourd.

Le récit, pour l'anecdote, met en scène ici des "traders" encore plus fortiches que les précédents, la différence est que chacun reçoit la même chose au départ, ce maître-ci, un peu moins fin que l'autre, ne tient pas compte des capacités de chacun. Il doit jubiler particulièrement, quand le serviteur le plus doué lui rend 10 mines pour une seule investie : un return sur investissement de 1.000 % ! Plus fort que ça, tu meurs. Ceci appelle un impôt sur la fortune particulièrement salé !

Mais si le récit semble fort outrancier, il contient une pépite.

"Je vais te juger d'après tes propres paroles", dit le maître au serviteur timoré et trop prudent. Tu as fait de moi un Dieu de la peur, je serai dès lors pour toi un Dieu de la peur, à moins que tu ne changes d'avis. Tant que tu en resteras là, tu risques bien d'être encore exclu de mon Royaume pour un bon bout de temps. Alors, songes-y, moi je t'attends !



"J'ai eu peur et c'est à cause de toi ... 
C'est l'image qu'il se fait de son maître qui lui inspire son discours. 
Il se croit juste et considère au contraire son maître comme intraitable.
 Une telle image du maître rappelle celle que le fils aîné se fait de son père 
(dans la parabole du fils prodigue) (Lc, 15, 29-30)
 et celle que Luc attribue aux pharisiens.

La générosité, le pardon, l'amour deviennent impossibles 
quand seule triomphe la stricte rétribution ...

Le maître prend son troisième serviteur au mot ... 
Dans un certain sens, on a le Dieu que l'on mérite ou on a celui que l'on décide d'avoir ".

Francois Bovon, exégète protestant

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