Les séries américaines ne sont généralement pas des feuilletons. Chaque épisode peut être vu, sans avoir vu les précédents, ni donner nécessairement l'envie de voir les suivants. Vous pouvez prendre le train en marche à l'épisode 154 puis le reprendre à l'épisode 487, vous n'aurez rien perdu entre les deux. C'est un produit qui ne connaît pas l'espace-temps. Les acteurs se ressemblent tous. Ils jouent tous de la même manière, basique, extrêmement basique, parfois. Les conditions de tournage, paraît-il, n'autorisent pas toujours les nuances. Il arrive même aux acteurs de devoir lire leur texte sur un prompteur. Exemple : Dallas, Santa Barbara ou Melrose Place. Comment se fait-il que ces séries aient un public fidèle ? Malgré leur caractère indéniablement formaté, certaines séries anglo-saxonnes se hissent un cran au dessus par leur folie (The family Adams, Desesperate Housewifes) ou un personnage qui accroche (docteur House). Je ne regarde guère les séries anglo-saxonnes, encore une part de mon inculture. Enfant, pourtant, je regardais assidument des séries totalement oubliées aujourd'hui, comme Ma sorcière bien aimée (qui est lamentablement devenue un dessin animé), Papa a raison ou Ma mère à moteur.
Génériques :
http://www.youtube.com/watch?v=rRAgyqonACk
http://www.dailymotion.com/video/x57uts_ma-sorciere-bien-aimee-generique_fun#rel-page-3
http://www.dailymotion.com/video/x5juy2_la-famille-addams-generique_music#rel-page-1
http://www.dailymotion.com/video/x1g2ux_generique-fr-dr-house-saison-1_news
Le feuilleton est tout autre chose. Il a vu le jour dans les journaux au 19ème siècle, d'abord sous la forme de chroniques principalement sur les spectacles théâtraux et bien vite sous la forme de romans-feuilleton. Une histoire était alors racontée qui mettait les lecteurs en haleine et donnait l'envie de connaître l'épisode suivant. Chaque épisode appelait en fait le suivant. ll y avait une réelle intrigue. Un avant et un après, une vraie continuité. Dans les séries, il n'y a pas d'avant, ni d'après, juste un présent à peu près toujours le même au long des épisodes. Ici, le désir était sans cesse créé de vouloir en savoir plus, d'aller plus loin. Il s'agissait bien de romans, toutes catégories confondues. Il ne faut pas mépriser ce genre littéraire, populaire. De grands romanciers n'ont pas jugé indignes d'y contribuer. Balzac a publié plusieurs de ses romans par épisodes, dans la presse, avant de les éditer en volumes. Eugène Sue, Paul Féval, Alexandre Dumas, Ponson du Terrail ont illustré le genre. Il ne s'agissait pas d'écrire un roman, puis de le découper en tranches, mais d'écrire régulièrement, et souvent vite, pour respecter les contraintes éditoriales. Il a beaucoup été reproché au roman-feuilleton son côté populaire, le considérant comme un sous-genre. Fantomas, illustré ensuite au cinéma, a d'abord été un roman-feuilleton !
On ne trouve plus guère de roman-feuilleton dans les journaux ou les magazines d'aujourd'hui, sauf peut-être dans le magazine gay Têtu, sous la plume d'un jeune écrivain marocain, Abdellah Taïa, que j'aime beaucoup. J'aime beaucoup Abdellah pour ses écrits, pour son engagement et pour la gentillesse qu'il m'a témoignée un jour (un fort beau texte inédit qu'il avait écrit et qu'il m'a envoyé, suite à un courrier que je lui avais adressé). Tous les mois, Abdellah conte la vie d'un jeune égyptien venu en Europe chercher une vie fatalement meilleure. Il parle de la galère et des solidarités qu'elle entraîne. Il explique comment les exclus se reconnaissent. Il évoque le manque affectif quand on est loin de son pays, de sa culture, de sa famille. Il évoque la promiscuité (un grand lit pour trois) et les débordements bien compréhensibles chez de jeunes hommes en manque de tout, c'est-à-dire aussi de tendresse et d'affection. Ce n'est pas triste, ce n'est pas misérabiliste. C'est d'une extrême finesse qui creuse, toujours avec justesse, au fond du coeur des protagonistes. Là où on est soi-même, hors de tout souci de paraître.
Le reste - l'actualité politique belge - qui pourrait s'apparenter au feuilleton (528 épisodes déjà) relève , à vrai dire, plus de la série américaine. Les mêmes acteurs toujours, la même impression de tourner en rond, l'aptitude à pouvoir reprendre le fil à n'importe quel moment, sans l'impression d'avoir raté un quelconque épisode, malgré les mises en scène, les psychodrames ou les coups d'éclat.
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