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samedi 30 avril 2011

J'ai regardé le mariage de Kate et William. Et alors?

C'était un beau spectacle. En plus, lors de la célébration religieuse, il s'est dit des choses essentielles, qu'il serait sot de traiter par dessus la jambe.

J'ai regardé pour plusieurs raisons:
- la musique, d'abord et avant tout. Il n'y a pas à dire, les anglais savent non seulement ce qui convient, en de telles occasions, ils savent aussi le faire avec excellence. Les musiciens ont été à la hauteur de l'événement. Les hymnes anglicans inspirent encore aujourd'hui des compositeurs et ce ne fut pas le moins intéressant. Les chants du Vatican, pour la béatification de Jean-Paul II, seront tellement moins bien chantés;
- les chapeaux. Le chapeau semble être, dans les célébrations royales britanniques, le seul domaine où la fantaisie soit de mise. On peut dire qu'elle a été débridée jusqu'au ridicule;
- les parures. Les uniformes de parade de l'armée britannique ont plus de gueule que celles des autres Etats. Quant à la reine, elle a sorti, parmi ses 285 tenues identiques, la jaune canari. Il paraît que c'est voulu: on doit voir la reine; elle doit se distinguer de ses sujets. Oserai-je encore me promener en jaune canari à son âge? La robe de la mariée était très réussie, la mariée surtout la rendait belle, car la mariée était belle. L'archevêque de Cantorbéry était très bien aussi, mais sans surprise. La surprise est venue de la soeur de la mariée ... qui, non seulement est encore plus belle que sa soeur, mais portait en plus une robe d'une extrêmement grande beauté dans sa simplicité.

Des esprits chagrins pourraient dire que je suis frivole, que le coût de ce mariage est un scandale, que la médiatisation a été excessive, qu'il ne s'agit que d'un mariage et qu'un mariage sur deux se clôture par un divorce ... J'accepte la critique à la condition qu'elle n'émane pas de ceux qui se passionnent pour le foot, regardent les courses de formule 1, ou se déplacent pour Roland-Garros. Quant à ceux qui ne s'émeuvent que pour des félicités réservées à leur élite, méprisant les joies offertes au peuple, dois-je les plaindre?

Quelques chapeaux:








La soeur de la mariée, mon coup de coeur.






 Le frère de la mariée, mon coup de coeur aussi ...




The bubble

Je veux parler ici d'un film qui, à l'époque où je l'ai vu, m'a beaucoup touché: The bubble, un film de Eytan Fox, cinéaste israëlien (2007).  Arte a eu la bonne idée de le programmer jeudi dernier en début de soirée. Je l'ai revu et l'émotion a été la même.







La bulle - The bubble" - c'est Tel-Aviv, un bouillonnement, une folle envie de vivre, une jeunesse dans la modernité, dans les quartiers branchés, un peu déconnectée de ce qui se passe réellement en dehors du monde qui l'entoure, une bulle en quelque sorte. J'en connais personnellement plus d'un de ces jeunes.

La réalité va pourtant s'inviter dans le trio que forment Noam, Yali et Lulu, les trois inséparables amis. Cette réalité prendra le nom de Ashraf, un palestinien que Noam va croiser lors d'un incident au check point  de Naplouse. Cette rencontre inopinée laissera dans le coeur des deux protagonistes une braise qui, lors d'une rencontre fortuite ultérieure, à Tel-Aviv, deviendra amour.

Cet amour pourtant devra faire face à des différences plus grandes encore que celles liées à l'homosexualité: celle des nationalités en conflit, celle des traditions culturelles et religieuses.

La fin est tragique.

Le film a un grand mérite: il ne prend pas parti en faveur des palestiniens ou des israëliens. Il permet même de saisir mieux ce qui, dans le coeur de ces deux populations, appelées pourtant à vivre ensemble, finit par rendre les choses impossibles, même une histoire d'amour, c'est dire.

mercredi 27 avril 2011

La plus grande supercherie et moi

Je trouve parfois les athées, et plus généralement les laïcs, fatigants.

Ils ont beau trouver les passions selon saint Mathieu et selon saint Jean de J.S. Bach sublimes, au point de les faire un peu douter de leur athéisme, ils n'en restent pas moins toujours les mêmes: ils éprouvent le besoin d'évoquer une "supercherie", "géniale" néanmoins puisque, sans elle, la création artistique ne représenterait pas grand chose ... Il aura donc fallu à des générations d'artistes une supercherie pour se trouver inspirés et féconds. Sinon, nous n'aurions à contempler que des natures mortes.  Cela fait douter des capacités réelles de l'esprit humain "hors la supercherie" et, à tout prendre, je préfère la supercherie. Encore faut-il s'entendre sur les mots.

Ce que je trouve fatigant, c'est de devoir subir la moquerie, les sarcasmes et parfois le mépris (même  quand ils sont légers ou gentiment ironiques) et d'avoir néanmoins l'envie d'expliquer à qui ne veut pas entendre. Car, ne nous y trompons pas, dans certaines couches de la société  (il s'agit toujours des moins et des plus cultivées, ainsi étrangement réunies) se définir comme un être religieux vous fait très vite passer pour une espèce de demeuré, de crédule ou de manipulé. Comment peut-on trouver en effet un sens à sa vie dans une supercherie?

Je vais, une fois encore, essayer de répondre le plus simplement possible au nom de ceux qui ne trouvent pas absurde d'être religieux.

Après avoir fait le ménage avec ce qui relevait directement de mon éducation - elle a été, il est vrai, catholique et non laïque - et cherché longuement, par des lectures, des expériences de vie et des rencontres avec des gens de toute sortes, j'ai acquis la conviction suivante.

Une petite part de moi m'échappe; elle ne m'appartient pas tout à fait. Il arrive qu'elle soit touchée et devienne alors plus réelle, perceptible. Les occasions, en ce qui me concerne, ont été multiples: nature, musique, silence, oeuvres d'art, rencontres et même, au risque de choquer, expériences sexuelles. Qu'y a-t-il de commun entre toutes ces occasions? L'expérience d'un élargissement de mon être me conduisant au-delà de ce que je vivais, et connaissais de moi, et - ceci est le plus important - la conviction instantanée que ce n'était pas achevé, qu'il resterait toujours, quel que soit le nombre des expériences faites, un au-delà encore à découvrir et qui ne demande qu'à vivre.

Une autre chose m'a frappé: ces expériences-là m'ont globalement rendu heureux. Ces dépassements et ces incursions dans les zones méconnues de mon être ne m'ont pas angoissé; je me sentais plutôt libéré: elles me rendaient confiant, serein, plus vivant, guilleret même, comme peut l'être un amoureux. Quand ces symptômes n'étaient pas au rendez-vous, je faisais généralement fausse route.

S'agissait-il seulement d'émotions? J'ai beaucoup réfléchi à cela. Des émotions auraient-elles trahi ma raison? Je n'arrive pas à trancher, en l'espèce, entre l'émotion et la raison. Car cela se situe entre les deux, comme la "Voie du juste milieu" ... Il s'agissait, disons, d'expériences existentielles.

Un beau jour, j'ai décidé que cette part intime de moi-même, toujours à découvrir, était mon chemin vers Dieu. Il faut bien donner un nom à une expérience qu'on pressent sans limite. Et celui-là m'a paru le plus adéquat. Dieu est peut-être une supercherie, mais je n'ai pas encore trouvé d'autre mot. Et je me suis dit que ceux qui ont parlé de Dieu avant moi n'avaient pas tort quand ils disaient que "Dieu est amour". Cela correspondait à mon expérience.

Je dois dire que ma foi ne suit pas toujours les chemins du catéchisme. Si l'homme n'est rien sans Dieu, Dieu n'est rien sans l'homme. La religion est donc pour moi avant toute chose un cheminement vers le plus profond et le plus intime de notre être. Car c'est là que nous attend la rencontre avec nous-même, tel que Dieu nous voit, pourrait-on dire. Cela suppose de se dépouiller de beaucoup de choses, différentes pour chacun. Etablir, rationnellement ou scientifiquement, que le monde n'avait pas besoin d'un dieu pour advenir ne m'intéresse pas, car cela ne change rien.

J'aurais pu peut-être trouver dans le bouddhisme une expression de ma foi, mais pourquoi chercher ailleurs ce qui m'a été offert depuis toujours?

Oui, je me trouve en adéquation avec la religion chrétienne.

Il faut d'abord lever un obstacle: ce que Jésus a dit et donné au monde n'a souvent rien à voir avec le discours de l'Eglise (des Eglises, faudrait-il dire). Les hommes sont ainsi faits qu'en toute chose ils créent des institutions et toute institution finit par trahir ce qui la fonde. C'est une loi universelle. Faisons donc fi de l'Eglise institutionnelle, celle qui par ses paroles, aussi bien que par ses silences, faillit plus souvent qu'il ne faudrait à sa mission. Les hommes d'Eglise, surtout ceux qui ont un rang dans la hiérarchie (la hiérarchie: quelle horreur dans un tel contexte!) ou sont appelés à communiquer, ont plus que les autres peut-être beaucoup à apprendre de l'évangile.

Jésus n'a pas seulement dit des choses sublimes (les Béatitudes, par exemple). Il a surtout été le premier à avoir fait absolument le chemin jusqu'au plus profond de lui-même, chemin auquel il nous invite tous. Il n'y avait plus de différence entre lui et le Père au moment où il a rendu l'âme. Tout était accompli. Il était donc allé au fond de lui-même, là où est Dieu. Il était unifié. La résurrection, après cela, semble un détail, un symbole. Car, jusqu'à la résurrection, qui reste un mystère, la voie, pour nous, est plausible. Abraham avait été invité, avant Jésus, au même pari, mais il ne devait pas être tout à fait prêt; au dernier moment, la main de Dieu a fait obstacle pour le conduire vers d'autres destinées.

Il faut vivre les offices de la semaine sainte pour comprendre cela, car rien de notre condition humaine n'est oublié.

Une fois encore pourtant, il faut déconstruire les préjugés, les attaques classiques. Notamment, il faut oublier à tout jamais l'idée de rédemption: la mort de Jésus n'est en rien un rachat exigé par le Père pour expier le péché originel. Beaucoup de choses, en chrétienté, seraient restées pures sans Saül de Tarse, dit Paul. Il faut le dire, car c'est précisément sur des points de foi comme ceux-là que les chrétiens se voient harponnés par les plus sceptiques, et le conflit de sensibilité déjà présent aux premiers siècles, parmi les chrétiens eux-mêmes, existe toujours aujourd'hui. Y aurait-il dans l'Eglise catholique (qui se prétend pourtant "une, sainte, catholique et apostolique"), au-delà des courants nouveaux liés au monde moderne, des "pauliniens" et des "johannites"? Entre celui qui a tout fait pour être  reconnu comme apôtre, après coup, et celui que Jésus aimait (Jean le lui rendant bien), mon choix est vite fait. Seul, celui qui a aimé et été aimé me paraît digne de confiance, puisque c'est de cela qu'il s'agit. Paul a écrit de belles choses, d'autres fort alambiquées et d'autres encore qui font problème à qui veut être croyant aujourd'hui ... et puis, beaucoup de choses sans intérêt.

Célébrer la semaine sainte, pour un chrétien, c'est se rappeler, à l'exemple de Jésus, ses engagements, ses doutes, ses peurs, ses moments de noirceur; c'est se rappeler une attitude, celle de l'humilité, lors du lavement des pieds; c'est ne pas oublier que la lumière n'existerait pas sans la nuit et accueillir la lumière aussi; c'est croire qu'aucun chemin n'est fermé, qu'il est toujours possible d'aller plus loin; c'est affirmer que pour vivre plus, il faut parfois faire mourir en soi certaines choses; c'est réaliser qu'on n'est pas seul à adhérer à cette conviction. C'est aussi donner du sens à des gestes, à des rites, à des symboles qui ne sont en rien grotesques et sont même éternels: le feu, la lumière, l'eau, la renaissance ... Le sens et l'absence de rites font, à mon avis, défaut aux psychothérapies qui poursuivent pourtant tellement les mêmes valeurs et les mêmes buts.

Non, les chrétiens ne fêtent pas à Pâques une résurrection désincarnée, pour l'au-delà, ce serait absurde, il affirment la conviction d'un certain cheminement bien concret pour aujourd'hui qui sera parsemé de morts et de résurrections successives au coeur de la vie de chacun d'entre eux.

Pour ceux - y en aura-t-il? - qui veulent aller un peu plus loin, deux homélies:

- celle de Frère Etienne, à propos de la lecture de la passion, le jour des Rameaux.










Les Rameaux:

J’aimerais vous convaincre, si vous ne l’êtes déjà, que le texte que nous venons d’entendre, ce long récit de la passion de Jésus, n’a rien d’une exaltation de la souffrance. Dieu n’a pas besoin de la souffrance de son Fils pour nous libérer. Le supplice de Jésus n’est pas le prix fixé par son Père des cieux, pour nous racheter. Comprendre la passion de Jésus de cette façon-là nous condamne, je pense, à nous la rendre totalement étrangère et à ne rien saisir de ce qui y est en jeu. 
La souffrance brute, le mal ou, pour le dire autrement, ce qui fait mal, la Bible n’en donne pas le sens, car peut-être, tout simplement, elle nous conduit à prendre conscience que cela n’a pas de sens ! Même pour Dieu ? Oui, je crois profondément que même pour Dieu, ce qui fait mal est d’abord absurde.
Le mal qui touche l’être humain est comme un abîme qui engloutit tout, qui prend toute la place et dans lequel il semble qu’on se noie. Mais cet abîme de douleur excessive peut devenir, de façon surprenante, le lieu inattendu, mystérieux, où le sens même d’une existence se dévoile, où se révèle aussi le sens de l’existence d’un Dieu infiniment proche, capable de rejoindre celui qui se voit presque détruit pour lui donner accès à une lumière dont il n’avait même pas idée. Cet abîme de douleur qui appelle l’abîme de l’amour sans limite de Dieu, selon les termes du psaume 41, voilà peut-être ce qui se révèle en Jésus sur la croix, et qui nous donne à contempler la profondeur du pourquoi de chaque vie, et combien, pour citer un autre psaume, elle est chère et précieuse aux yeux de Dieu (psaume 15).
Jésus est venu établir l’Alliance nouvelle annoncée et mise en route par les vieux prophètes d’Israël, commencée et ouverte au mont Sinaï, mais dont la portée, si on la prend vraiment au sérieux, acquiert tout à coup une dimension inattendue et pour tout dire, explosive. La force, l’énergie vitale du Royaume des cieux que Jésus annonce et inaugure, vient mettre en question les certitudes les mieux établies, les évidences et les sécurités les mieux verrouillées, interpelle enfin nos ambiguïtés les mieux refoulées. De ce point de vue, l’annonce lumineuse du Royaume spirituel dont Jésus est la clef prophétique, affronte de plein fouet l’obscurité humaine et la menace dans ses fermetures, ses refus, ses illusions et ses valeurs.
On comprend que Jésus ait payé de sa vie les déchirures libératrices qu’il a provoquées. Cela allait trop loin et plus que probablement, il a jaugé les conséquences de son action, avant de l’assumer jusqu’au bout et d’en faire le lieu crucial de son message. On lui a pris sa vie, mais il l’a aussi donnée. C’est ce qu’on peut en effet appeler sa passion : La souffrance mortelle qui lui fut infligée, mais aussi, et sans doute d’abord, cette passion qui l’animait pour ce renouveau de vie de l’humanité, l’offre faite à tout homme de cette plongée vertigineuse en Dieu, celui que Jésus appelait familièrement son Père, et qu’il nous a appris à nommer ainsi, comme il le faisait.
Jésus vivait de cette passion de Dieu pour un monde plus humain. Pas un peu plus humain, ce qui n’aurait déjà pas été si mal : un monde vraiment humanisé, totalement, infiniment, éternellement, divinement humanisé, à la mesure même d’un Dieu sans mesure et qui seul a le secret de la source de toute humanité. Voilà ce que Jésus croyait, ce qu’il savait, ce pour quoi il était prêt à donner sa vie, sans compromis possible. Voilà la Présence divine qui en lui se laissait voir au cœur des histoires de nos finitudes, et les transfigurait.
Ainsi, le chemin de Jésus, jusqu’à la croix, dit Dieu, dit sa passion d’amour pour chacun d’entre nous. Car il s’offre encore à nous et nous invite, nous qui avons mis en lui notre confiance, à construire avec lui ce chemin extraordinaire et risqué qui fait de nous, à notre tour, de nouveaux christs, des filles et des fils du Père, définitivement, éternellement.

- celle de Frère Pierre, pour le Jeudi-Saint (inspirée par Jean Vanier)











Jeudi Saint :

Avant ce passage du lavement des pieds dans l’évangile de saint Jean, Jésus était apparu fort : il avait fait des miracles, il avait guéri des malades, il a commandé aux vents et à la mer, il a parlé avec autorité aux scribes et aux pharisiens, il est apparu comme un grand prophète, même le Messie pour certains. Le Dieu de la force était avec lui. Les gens le suivaient de plus en plus pensant qu’il allait sauver Israël… Tous se demandaient ce qui allait se passer à la Pâque, ils attendaient un événement spectaculaire. Mais au lieu de faire quelque chose d’éclatant, Jésus descend dans la faiblesse, il se laisse vaincre. Et les jours que nous vivons expriment cette descente dans la souffrance, la crucifixion et la mort.
On a du mal  à entrer dans la réalité d’un Dieu qui se met à genoux devant nous. Jésus est en train de manifester un rapport nouveau entre Dieu et nous. Et c’est ce rapport nouveau qu’il est venu nous dire en nous lavant les pieds, en nous partageant son corps et son sang.
Dans l’eucharistie comme dans tous les sacrements, il veut résider en nous. Dieu nous donne son corps pour être en communion avec lui. On ne peut pas comprendre l’Eucharistie si ce n’est pas en lien avec le lavement des pieds des pauvres. Il y a un lien entre recevoir le corps de Jésus et laver les pieds des pauvres. Le corps de Jésus que nous mangeons nous met en communion avec lui et avec nos frères et nos sœurs dans le service. Jésus ne donne pas quelque chose, ni même un enseignement, il se donne.
Pierre ne supporte pas cette vision de Dieu, d’un Dieu qui se met à genoux. Comment allons-nous accueillir un Dieu qui se met à genoux ?
Pierre représente un peu le cri de l’humanité en face de l’évangile.
Il pense que Jésus devrait être vu comme un chef, un libérateur, quelqu’un qui a autorité, il ne supporte pas l’idée d’un Jésus faible qui a besoin de nous.
Jésus veut vivre en nous. Comment nous laisser trouver par lui ?
En touchant notre corps, Jésus révèle à chacun qu’il est plus beau que ce qu’il croyait. Ton corps est le temple de Dieu et l’Esprit Saint habite en toi. Jésus à genoux, ce n’est pas du théâtre, mais une révélation.
En nous partageant son corps, Jésus fait corps avec nous et en nous lavant les pieds, il souligne le côté sacré de chacun. Nous serons bientôt prêts à marcher avec lui vers le calvaire. Restons ensemble et ne le quittons pas des yeux.



lundi 25 avril 2011

Menu pascal

Une fois ou deux par an, je suggère à mes parents un bel endroit avec une bonne table. Ils disent que c'est leur dernier petit plaisir. Je suis sûr pourtant que, s'ils ouvraient les yeux, ils en découvriraient d'autres.

Ce dimanche de Pâques, Sam nous a accompagnés et a apprécié et l'endroit, et la table.

Avant, j'avais conduit mes parents à la messe du jour de Pâques à Wavreumont, pour leur montrer un peu le monastère que j'affectionne. Mon père a aimé. Ma mère a dit qu'elle n'entendait pas ce qui se disait et qu'elle ne voyait rien. C'est de sa faute, elle a choisi de nous placer à l'endroit le plus proche des toilettes au cas où. Sam a été impeccable.

Après la messe, et après avoir présenté mes parents aux frères, nous nous sommes rendus à la petite librairie. Mon père voulait acheter un livre dont je lui avais parlé: Anselm Grün, L'art de bien vieillir, Albin Michel, 2008.




Ma mère avait rétorqué à mon père qu'il était un peu tard, en ce qui les concerne, pour apprendre à bien vieillir. Mon père, lui, estimait qu'il n'était pas inutile d'apprendre encore et de relire son passé, même récent. Mon père m'a surpris.

Je les ai emmenés ensuite faire une petite promenadee en voiture dans la campagne, si belle en cette saison, et particulièrement en cette région de Stavelot-Malmédy que j'affectionne tant. Les prairies étaient jaunes des pissenlits, les arbres fruitiers en fleur, les verts de la forêt encore tendres. J'ai emprunté les petites routes et chemins. Ma mère regardait sa montre. Comme elle était persuadée que je ne connaissais pas les chemins que je prenais, puisqu'elle-même ne les connaissait pas, elle craignait que nous ne soyons pas à l'heure au restaurant, vu que la course "Liège-Bastogne-Liège" devait en outre passer dans la région.

Nous sommes arrivés au restaurant à 12 h 05 (largement en avance)! Et nous l'avons quitté à 16 h 45. La course était passée depuis longtemps.

Excellent déjeuner pascal, en terrasse, sous les parasols, service attentionné et chaleureux, et repas d'exception. Cela fut équilibré et raffiné, avec un grand souci du détail.

Le menu pascal était composé de:

* Grignotteries et mises en bouche (parmi celles-ci, j'ai particulièrement retenu le petit morceau de truite fumée surmonté d'une décoration mauve et rose, dont les ingrédients m'intriguent encore);

* Festival de tomates (différents types de tomates quant à la couleur, la texture et le goût), homard et mozarella (un soupçon de tapenade d'olives noires et un fifrelin d'une sauce, que je n'ai pu identifier, accompagnait ce plat);

* Turbot aux asperges du Limbourg, sauce au pecorino (très réussi);

* Entremets: Fraises à la Romanov

* Cochonnet de lait au jus de veau parfumé au romarin (comme toujours, après les entrées, je n'ai plus faim ... et le plat de viande est souvent le moins intéressant de mon point de vue);

* Dessert (indescriptible et exceptionnel ... je le dis, alors que je ne prends généralement pas de dessert);

* Café et mignardises (de réelles mignardises, en l'espèce ...).

Comme l'ambiance familiale était au beau fixe, ce fut un moment de grâce.

J'étais intrigué par de minuscules feuilles mauves qui décoraient presque tous les plats: une nouvelle variété de cressonnette, m'a-t-on dit, avec un petit goût d'ail. J'aurais peut-être dû laisser à ces feuilles leur fonction décorative et ne pas les croquer, mais je voulais savoir.

Bien entendu, le plaisir se paie et, si cela était plus qu'une ou deux fois par an, j'en éprouverais quelques scrupules.

Ma mère a bien failli faire capoter l'ambiance en soulevant des sujets qui fâchent ou en critiquant ma chemise, trop voyante à son goût, mais finalement tout s'est bien passé.

Quant au restaurant, qui est aussi un hôtel, il s'agissait du Val d'Amblève, à Stavelot.
http://www.levaldambleve.be/nl/

On peut regretter que le site web de l'hôtel soit exclusivement en néerlandais. Les propriétaires, très sympathiques au demeurant, ont beau être de nationalité hollandaise, c'est un petit moins.















vendredi 22 avril 2011

Moine et voyou, le groupe des six et le club des cinq

"Moine et voyou", écrit Jean-Marc Onkelinx, à propos de Francis Poulenc, sur son blog. Je connais un peu Francis Poulenc, mais pas assez pour dire que je suis un connaisseur éclairé; j'aime beaucoup l'intitulé "Moine et voyou", par contre.

http://jmomusique.skynetblogs.be/archive/2011/04/19/moine-et-voyou.html

De Poulenc, je ne connais guère que le côté "moine". Je sublime donc: Le dialogue des carmélites, Les petites prières de François d'Assise, par exemple.


http://www.youtube.com/watch?v=od4m5lN1HOo

http://www.youtube.com/watch?v=Bar6tZoCtz0

Moine et voyou est-ce compatible? Tous les moines n'ont certainement pas été des voyous, avant d'entrer au monastère, et ceux que je connais ne le sont pas tous devenus une fois entrés au monastère... Loin de là. Il me semble néanmoins - c'est mon avis - qu'avoir été un peu voyou (je veux dire par là: ne pas avoir toujours été dans le droit chemin tout le temps) constitue une voie d'entrée dans la vie monastique plus rassurante que le contraire. Un moine est, par définition, un homme imparfait et, s'il veut être heureux dans la voie monastique, il devra apprendre jour après jour à cheminer jusqu'au coeur de lui-même, là où il pourra enfin se tenir dépouillé de tout devant Dieu. Avoir été "un peu voyou" aide, car Dieu a depuis toujours préféré nos failles à la perfection trop lisse.

Mais revenons à Francis Poulenc. Je ne sais pas assez ce qu'il se passait dans le "Groupe des six" (Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honneger, Darius Milhaud, Francis Poulenc ... et la seule femme du groupe: Germaine Tailleferre, qui, je l'espère, a su mériter son nom), pour décider s'ils ont été des voyous ou non.





Le "groupe des six" m'a fait penser au "Club des cinq" et au "Clan des sept", imaginés par Enid Blyton.  Là, au moins, on racontait tout de ce qui se passait: pour l'essentiel, des aventures dans des souterrains et des pic-nics, toujours avec un chien. J'ai commencé là ma première psychanalyse ... à moins que ce ne fût celle de l'auteure, jetée en pâture.




Le club était composé de deux garçons, unis comme les deux doigts d'une main (François et Mick), d'une jeune fille naïve (Annie) et d'une autre jeune fille, garçon manqué, jusqu'à son prénom (Claudine,  appelée Claude), le chien Dagobert réunissant cet étrange assemblage.




Mon éducation (littéraire) a donc bien commencé, puisqu'il m'était proposé de lire exclusivement les ouvrages de la Bibliothèque rose (la verte étant pour après ... après quoi, je ne sais pas, à vrai dire: les premiers boutons de l'adolescence?). Je suis resté un fan de la bibliothèque rose!



Ma jeune âme a ainsi été tôt confrontée aux personnages pervers de la Comtesse de Ségur (née, comme on sait, Rostopchine). Madame Mac Miche me terrifie encore, moi qui étais juste un peu moins diable et presqu'aussi bon que le héros! Me terrifie plus encore, la perspective de me voir le cul nu fouetté par cette mégère. On finit ainsi par nourrir certaines angoisses et d'autres préférences.




mardi 19 avril 2011

Monsieur André

Le temps étant clément, les places sont chères à la terrasse du café Randaxhe. Monsieur André, et son inséparable chapeau, a demandé à partager ma table, alors qu'il arrivait avec un cornet de frites pleines de mayonnaise. Bon prince, je l'ai accueilli à ma table, malgré les frites et la mayonnaise.

Je le croise depuis longtemps. On se salue depuis longtemps aussi. J'ai fermé mes bouquins et nous avons devisé entre deux frites dégoulinantes de mayonnaise. A son accent, j'ai tout de suite vu qu'il était de Bruxelles. Cela l'a surpris que je le remarque: il habite la région liégeoise depuis plus de trente cinq ans!

J'ai ainsi tout appris de son premier métier (publiciste et dessinateur), de la précarité de son travail, de sa reconversion comme étalagiste, de son travail chez les "bons faiseurs" (les magasins Butch qui étaient le must de la mode anglaise à Bruxelles et à Liège). Comme souvent, une femme, un mariage, un divorce ont brisé bien des choses. Il m'a dit s'être retrouvé, après tout cela, avec presque rien. Le reste a été plus confus, mais il s'en est sorti.

Il est parti après avoir payé sa bière et, moi je suis resté.

D'abord, avec mes pensées: il s'en est sorti (il a dû s'en sortir!); et moi, et mes fils, nous ne nous sortons de rien!

Ensuite, un peu trop seul, je l'avoue, mon regard est allé de mon bouquin à ce que je pouvais voir, quand je levais le nez de mon bouquin. Au loin, il y avait R., qui m'a fait signe. Un trentenaire comme j'aime, mais accompagné bien sûr; ce soir, d'une jolie jeune femme, trentenaire elle aussi sans doute. Chaque fois que je repérais des yeux un "candidat" potentiel, il était bien entendu accompagné. Faudra-t-il donc que je me prostitue, si je veux être joliment accompagné? C'est alors que j'ai reçu le coup fatal. Un autre homo esseulé du quartier, un peu plus âgé que moi, au physique très particulier, était accompagné d'un "mignon".

Conclusion: ou je pars au monastère et je m'extrais de tout cela ou je reste et il me faut un "mignon" au plus vite!

Question: comment ils font?

Molières 2011

Bien que totalement rétif aux cérémonies de remise de prix, diplômes, trophées, décorations et médailles en tous genres, j'ai toujours éprouvé un certain intérêt pour la cérémonie annuelle de remise des Molières,  le seul événement du genre que je regarde, pour plusieurs raisons.

Première raison. Les hommes de théâtre ont, pour la plupart d'entre eux, appris à dire, à chanter, à danser, à mimer, à inventer, à improviser, à créer un costume, à suggérer (et parfois réaliser) un élément de décor, à analyser un texte, à faire preuve de psychologie vis-à-vis de leur personnage, d'eux-même et de leurs partenaires. Rares sont ceux qui peuvent exceller en autant de domaines!

Le théâtre ne serait pourtant rien sans de bons textes et de bons auteurs. Est-ce une surprise? Feydeau fait encore et toujours rire, avec Le fil à la patte, joué à bureaux fermés à la Comédie française depuis plusieurs mois. Le théâtre, quand il donne du plaisir, fait toujours recette.

http://www.lesoir.be/culture/scenes/2011-04-17/le-belge-christian-hecq-moliere-du-comedien-835072.php

Une autre raison est que, lors de la cérémonie officielle de remise des Molières, les ego me paraissent un peu moins omniprésents qu'ailleurs. Il y a une plus grande convivialité. L'esprit de troupe (des bateleurs unis dans un même projet) explique peut-être cela.

Cette année, j'avais une raison supplémentaire de me réjouir: le Molière du meilleur acteur est revenu à un belge, Christian Hecq, pensionnaire de la Comédie française depuis 2008. Il illustre parfaitement ce que j'ai dit du comédien "touche-à-tout". Sa performance, dans le" Fil à la patte" est extraordinaire et m'a fait rire aux larmes. Un tout-tout grand. En plus, il est clerc de notaire (dans la pièce).





Une autre prestation ne m'a pas fait rire aux larmes, et à peine rire, alors que d'autres la multiplient sur Facebook comme l'événement de la soirée. L'idée était réjouissante: une cantatrice allait chanter un tube sur quatre notes de la femme du Président (Carla Bruni, faut-il la nommer). Géniale idée. Le personnage était, à première vue, réjouissant aussi (même si j'ai a priori en horreur les hommes travestis en femme). Cela a marché dix secondes, puis sombré dans le pathétique le plus profond. En dix secondes en effet le comédien avait déjà dit tout ce qu'il avait à dire, c'est-à-dire pas grand chose. Certains riaient à gorges déployées, d'autres pas. Peut-être, certaines formes comiques exercent-elles un pouvoir moins fédérateur que d'autres? La pire attitude n'est-elle pas alors de rire pour "être dans le coup"?

http://films7.com/music/pop/michel-fau-carla-bruni-sarkozy-quelquun-ma-dit-parodie-molieres



Les media se sont emparés des photos des parents de Carla Bruni, présents dans la salle, pour dire qu'ils n'appréciaient pas vraiment cette parodie (ce pastiche?). C'est faux. Comme moi, ils ont trouvé les dix premières secondes drôles, le reste affligeant, n'en déplaise à tous les gay que je connais qui voient là un événement méritant la plus large audience. Quant au comédien qui s'est illustré de la sorte (Michel Fau), je lui souhaite d'autres prises de risque.

Ceci est néanmoins instructif: le moment où une chose est, ou devient, drôle ou pas est impossible à définir. Certains s'esclaffent quand d'autres restent de marbre, ces derniers se marrant pourtant pour d'autres choses.

Enfin, et surtout, au-delà des remerciements convenus, plus ou moins drôles, comme on peut les entendre dans des célébrations du même genre, on entend ici de beaux textes, des choses essentielles même, quand la parole s'ouvre à des personnalités, qui ont vraiment quelque chose à dire à leurs contemporains.

Cette année, un hommage a été rendu à Peter Brook.  Un hommage plus que mérité, tant l'apport de Peter Brook au spectacle vivant (théâtre, opéra, danse) est immense.







Juliette Binoche a lu, en son hommage, un très beau texte. Lui, a parlé, sans papier, avec son coeur passionné. J'aurais voulu cueillir ses mots l'un après l'autre et les garder pour m'en nourrir demain et après-demain. Ce qu'il dit (et a dit dans ses réalisations) a tellement plus de poids.

Peter Brook est à l'opposé de ce milieu qui n'est jamais repu de la dérision, du rire facile, de la formule "qui fait mouche", de la vanne "à deux balles". Cela va paraître présomptueux, mais je préfère le camp de Peter Brook.

J'ai cherché sur cette gigantesque mémoire qu'est Google. Du très beau texte lu par Juliette Binoche, de la réponse plus belle encore de Peter Brook, je n'ai pas trouvé de trace. Seul, le désolant monsieur Fau, dans sa parodie de Carla Bruni, est omniprésent. Affligeant.

jeudi 14 avril 2011

Tiens, tiens, tiens ... voilà du boudin

Tiens, tiens, tiens ...

Un matin vous ouvrez la fenêtre
L'air vous semble soudain plus léger
C'est comme un frisson qui vous pénètre
Il y a quelque chose de changé.

Tiens! tiens! tiens!
Déjà les feuilles poussent
Tiens! tiens! tiens!
Ça sent le romarin
Dans les jardins les lilas se trémoussent
Et les petites pommes ont déjà le pépin
Tiens! tiens! tiens!
Les chiens lèvent la patte
Tiens! tiens! tiens!
Les paons font les pantins
On voit les chats se pourlécher pour les chattes
Et les escargots galoper à fond de train

Ah! Quelle douceur
La vie vous semble rose
Y'a pas d'erreur
Il se passe quelque chose

Tiens! tiens! tiens!
On joue de la mandoline
Tiens! tiens! tiens!
L'air s'emplit de refrains
Y'a des chansons sur les lèvres des copines
Et des petits boutons sur le nez des copains
Tiens! tiens! tiens!
C'est le printemps qui vient.


J'aime ce printemps-là, guilleret et insouciant, tel que le chantaient Ray Ventura et ses collégiens! C'est mon printemps à moi. Je suis d'ailleurs prêt à me promener tout le jour en fredonnant cette réjouissante chanson.

D'autres se sont arrêtés après le premier "tiens" et y ont ajouté "voilà du boudin"! Bizarre! C'est paraît-il l'élite de l'armée française. Je suis bien content de ne pas être français!

Tiens, voilà du boudin,
Pour les Alsaciens, les Suisses et le Lorrains
Pour les belges, y en a plus
Ce sont des tireurs au cul

Au Tonkin, la Légion immortelle,
A Tuyen-Quang, illustra notre drapeau
Héros de Camerone et frères modèles
Dormez en paix dans vos tombeaux.

Nos anciens ont su mourir
Pour la gloire de la Légion.
Nous saurons bien tous périr,
Suivant la tradition.

Au coeur de nos campagnes lointaines
Affrontant la fièvre et le feu
Oublions avec nos peines
la mort qui nous guette si peu.

Nous, la Légion, 
Nous sommes des dégourdis,
Nous sommes des lascars,
Des types pas ordinaires.
Nous avons souvent notre cafard, 
Nous sommes des légionnaires.

Du coup, c'est tout de suite moins guilleret. C'est viril? Ah bon?

Mon premier souvenir de légionnaire est celui-ci. Nous étions trois: mon intrépide grand-mère en tête, mon père (son gendre) et moi (je devais avoir 6-7 ans). Ma grand-mère avait décidé (dans ma famille d'avant, les femmes ont toujours décidé à la place des hommes) de partir de Saint-Lunaire, de faire le tour de la Garde-Guérin jusqu'à Saint-Briac, et de revenir en bus de Saint-Briac à Saint-Lunaire. C'est une très belle promenade, en effet. Si vous allez dans cette région, faites-là.







Pour moi, petit bambin, c'était long. Et puis, il fallait marcher dans les ajoncs et les bruyères ... et les ajoncs ça pique; ça piquait mes jambes nues. Je demandais à mon père de me porter. Ma grand-mère s'y opposait. Voilà comment je suis devenu un homme ...

Alors, mon pauvre père, pour me donner du courage chantait: "Tiens, voilà du boudin". Moi, j'essayais de chanter aussi, mais je ne comprenais pas pourquoi les belges, comme moi, n'avaient pas droit au boudin, alors que, quand j'allais chez le boucher avec ma mère, celui-ci m'offrait toujours un petit morceau de boudin blanc. Cela me paraissait juste. Pourquoi mon père chantait-il alors cela? Il existe donc une armée au monde, en France, plus exactement, tout près de chez moi, où les enfants belges n'ont pas droit à un petit morceau de boudin blanc. Je n'ai jamais aimé l'armée, mais celle-là encore moins.

Il m'a fallu bien des années pour comprendre en outre que les belges étaient aussi, aux yeux de l'élite de la France armée, décidément fort amène, "des tireurs au cul". Tout un programme, quand on pense qu'en première ligne se pavanaient tant de robustes guerriers de la mère-patrie France!








Xavier Dolan













Il est jeune, il est beau, je ne saurai jamais s'il sent le sable chaud. D'ailleurs est-il légionnaire? En tout cas, le cinéma où il officie, l'a remarqué.





Il est jeune, donc son look est encore changeant et son âge n'exclut pas de prendre la pose. Ne vous fiez pas aux apparences! Ce très jeune homme (il est né en 1989) a bien des choses à dire.

Je l'ai découvert, comme beaucoup d'autres, à l'occasion de son premier long-métrage "J'ai tué ma mère", dont il a écrit le scénario à l'âge de 17 ans. Un film qui sera épinglé et couronné de prix pour des motifs allant du "caractère unique de la réalisation" (ce qui est vrai), à "la vérité, la violence et la poésie de la langue" (ce qui est vrai aussi), en passant par "la sueur", l'acharnement pour réaliser un projet dans lequel on met sa foi. Ce premier long-métrage m'a beaucoup touché. Moi j'en étais resté à "ma mère m'a tué"; lui, ce jeunot, est finalement bien plus avancé que moi, quand il n'hésite pas à intituler son tout premier film: "J'ai tué ma mère".

Voici, ce que dit Wikipedia de ce film:

"Hubert Minel (Xavier Dolan), 16 ans, déteste sa mère, Chantale (Anne Dorval), à en avoir des ulcères. Les goûts et la personnalité de cette dernière l'horripilent, tout comme son ignorance crasse. Au-delà des irritantes surfaces, il y a aussi la manipulation et la culpabilisation, mécanismes chers à sa génitrice.
Nostalgique d'une enfance heureuse, Hubert cherche à reconquérir sa mère, inspiré par les discours philosophiques de son amant, Antonin (François Arnaud), ou encore par les conseils de Julie (Suzanne Clément), une enseignante en quête de liberté. Et pourtant, chaque initiative confirme l'existence du gouffre qui les sépare.
La route menant aux retrouvailles sera jalonnée d'obstacles et d'épreuves typiques et atypiques du passage à l'âge adulte: expériences illicites, ébauches d'amitiés, explorations artistiques, confidences brutales et ostracisme.
J'ai tué ma mère est une fenêtre sur une réalité sans âges et sans frontières. C'est un cri primal, un exposé sur l'amour et la haine, la différence, l'incompatibilité, et les impossibles rôles que la vie nous impose."

Que ce film m'ait touché n'est pas étonnant. Pourtant, avec le temps, on devient adulte et cette mère qui a pu être la source de tant de tourments, de refoulements, d'incommunicabilités, devient chère en son grand âge.

Je vous invite à suivre le parcours de Xavier Dolan. Un garçon de 22 ans, qui écrit des mots comme ceux-ci, ne peut pas passer inaperçu: "Donnons-nous la main pour évincer la crainte et la solitude. Restons alertes et punitifs devant la violence. Éduquons l'ignorance. Soyons nous-mêmes, sans compromis, sans scrupule et sans haine et alors, nous pourrons vivre ensemble".

mardi 12 avril 2011

Ce matin, j'ai bouillonné sans oser rien dire

J'étais assis pour mon café matinal et mon petit déjeuner à la terrasse du café Randaxhe, comme tous les matins.

Or, cela fait trois jours que deux messieurs, qui ne font pas partie des habitués, se trouvent assis à côté de moi. Je sais, ils ne faut pas juger sur la mine. Ils sont costauds, épais et lourds, sans finesse, dans leur costume cravate. Apparemment, ils sont "dans les affaires". Impossible d'imaginer un seul instant qu'ils puissent être gay!

Leur conversation, lundi, portait sur le championnat de foot et sur les femmes, notamment celles qui passaient. "T'as vu, celle-là, quel beau ... ". Certaines femmes aiment peut-être ce genre d'hommes. Moi, je les trouvais vulgaires et même répugnants (je sais, ce n'est pas bien de dire ça, mais je l'ai pensé).

Ce mardi, rebelote, les deux compères se trouvent assis de nouveau à mes côtés. Leur conversation avait changé de registre: ils en avaient, cette fois, à tous ceux qui avaient une tête de maghrébin. Florilège de leurs propos: "Regarde celui-là, il traîne, il doit être sur le C.P.A.S. Il va repasser pour mendier une clope ... Et nous, on paie pour ces gens-là. Dans le temps, il fallait se battre pour ouvrir un commerce. Aujourd'hui, il n'y a plus que des pitas et du couscous, dans le quartier. Ils ouvrent des commerces et les magasins belges ferment leur porte. Ces gens-là n'ont rien à faire ici. Tu verras quand le MR foutra la raclée au P.S.! C'est la faute au P.S., tout ça, ils leur donnent même les trois mois de caution pour se loger! Regarde, encore un". Cette conversation me glaçait.

Ces deux messieurs, qui faisaient preuve d'une incommensurable bêtise et alignaient les pires clichés de comptoir, étaient donc des indépendants, électeurs du M.R. Mon sang s'est glacé à nouveau.

J'étais outré et pourtant je n'ai rien dit.

Un peu plus tard, je suis entré dans la cathédrale Saint-Paul, espérant trouver un peu de silence et de recueillement. Deux messieurs et deux dames, dûment badgés (ils font partie d'un groupe de pensionnés bénévoles destinés à assurer l'accueil), conversaient à haute voix et s'esclaffaient autant que possible. La musique qui est diffusée en permanence n'était même plus audible. Cela me dérangeait. Eux, ne se rendaient même pas compte de leur méconduite. Il s'agit bien entendu de braves gens, de bonne volonté, mais pas très fins. Leur badge, à leurs yeux, leur donne peut-être, en ce lieu, des droits que les autres n'ont pas ou n'osent pas s'octroyer, par respect.

Une fois encore, je n'ai rien dit. Je n'ai pas osé.

Il est bien difficile de cohabiter avec ses semblables et de les considérer quoiqu'il arrive avec bienveillance.

lundi 11 avril 2011

Quand tu aimes, aimes-tu vraiment?

Il n'y a qu'à moi qu'on pose ce genre de question! Les autres, la plupart du temps, ne se la posent pas. Peut-être n'ont-ils pas besoin de se la poser, parce que l'amour leur est naturel.

Frère Pierre a fait fort cependant quand il m'a laissé pendant 3 jours avec ces trois questions:
- quand tu aimes, aimes-tu vraiment?
- quand tu pries, pries-tu vraiment?
- dans ta vie, quels sont tes besoins, quels sont tes désirs, parmi eux quels sont ceux qui te font avancer et grandir et ceux qui te font stagner ou reculer?

Pierre incontestablement voulait que j'aille un peu plus loin sur mon chemin d'homme.

Je ne vous dirai pas ma réponse ou alors simplement ceci.

La première et la deuxième question sont étroitement liées. Nous aimons le plus souvent comme nous avons été aimés ou mal-aimés. On apprend beaucoup de choses à l'école et à l'université, on n'y apprend cependant pas à aimer et encore moins à être aimé. Où apprenons-nous à aimer et à être aimé? D'abord, dans nos familles, ensuite, lorsque nous nous confrontons à un (une) autre qui nous plaît, avec lequel (ou laquelle) des sentiments, des émotions, des espérances, un avenir semblent pouvoir être partagés.

Dans les deux cas pourtant, cela ne marche pas toujours.

Pour aimer, d'abord, il faut accepter d'être aimé. Ce n'est pas si simple. La manière dont nous avons été aimé par nos parents, notre entourage, notre conjoint parfois ne nous rend pas toujours disponible pour être aimé en vérité. Quand je dis en vérité, je veux dire tel que nous sommes et pas conforme à ce que l'on attend que nous soyons. Cet amour là, je l'ai trouvé chez mes deux fils et je considère que c'est une grande chance. C'est une leçon pour moi dans ma relation avec eux.

C'est en acceptant d'être aimé, et en faisant l'expérience d'être aimé en vérité, que nous pouvons vraiment aimer ... et prier.

Notre relation à Dieu dépend beaucoup de notre relation aux autres et encore plus de notre relation à nous-même.

Il est peut-être plus facile de dire à Dieu: "je t'aime" que de lui dire: "aime-moi".

J'ai découvert ceci à Wavreumont: plus je fais l'effort de rejoindre mon être profond, en me débarrassant de tout ce qui le carapace, plus je me connais, plus je rejoins Dieu, car je me vois alors comme Dieu me voit et tel qu'il m'aime.

Quant aux besoins et au désirs, c'est surtout une question de discipline. Et là, ce n'est pas gagné!

samedi 9 avril 2011

Appelons-le A.

A. ne partira pas pour les vacances de Pâques. Il ne sait d'ailleurs pas de quoi son avenir sera fait d'ici Pâques.

Voici son histoire, telle qu'il me l'a racontée à Wavreumont, pendant mon séjour, puis encore quelques jours après à Liège, où je l'ai croisé par hasard. A. a besoin qu'on l'écoute raconter son histoire.

A. a été marié. De ce mariage, deux beaux enfants sont nés. Puis, il y a eu un divorce, comme il en est tant aujourd'hui. A. avait une profession: il avait créé une société, une école de pilotage liée au circuit de Francorchamps, dont on dit qu'il est le plus beau du monde.

A. a rencontré une femme et ils se sont plu. Une nouvelle vie s'ébauchait. Certes, les deux partenaires avaient déjà vécu et chacun avait des enfants. Cela ne doit pas être un obstacle. Cette nouvelle union semblait bien partie. On y parlait de mariage et, comme pour sceller la promesse, option avait été faite sur une nouvelle maison destinée à remplacer le logis commun.

A. est parti huit jours à l'étranger pour affaires. Quand il est revenu, les serrures du logis commun avaient été changées. L'immeuble avait été vidé de tout son contenu, ses comptes en banque, professionnel et privé, aussi.

A. se retrouvait à la rue. De sa famille, il n'espérait plus rien. Sa nouvelle relation l'avait conduit à une rupture avec ses frères et ses propres enfants.

Telle est l'histoire de A., vraie ou fantasmée, je ne puis dire. Peu importe, dans le fond, A. est un être en détresse, quelqu'un qui est au fond du trou. Les moines de Wavreumont lui ont donné un toit et de quoi manger pendant quelques jours, une écoute aussi. J'étais là à ce moment-là.

Il multipliait les démarches pour un logement, même modeste. Il se heurtait toujours à l'obligation de devoir verser trois mois de loyers en caution.

Quand je l'ai croisé à Liège, une semaine après, il m'a dit être dans un foyer d'accueil avec des SDF et de nombreux toxicomanes. Il se sentait vraiment très mal. Il ne voulait pas de cela. Il avait l'impression de tomber encore plus bas jusqu'à perdre sa dignité. Il voulait repartir vers Stavelot et Malmédy.

Que dire? Que faire?

Ecouter. Donner un numéro de téléphone au cas où. Et après?

Le jour même où j'ai croisé A., place de la Cathédrale, sans savoir où il allait passer la nuit, beaucoup autour de moi se préparaient à partir pour les vacances de Pâques. Ils avaient réservé leurs hôtels, leurs locations de vacances, leur avion, leur train ... Aucune inquiétude pour eux: là où ils iront, ils auront le gîte, le couvert et le surplus. En plus, ils goûteront le bonheur.

Mon fils S. est ainsi parti, ce matin, en Haute-Provence, avant de passer quelques jours en Haute-Savoie, avec sa mère et la nouvelle famille de celle-ci. Ce qu'il adviendra à A. ne les concerne évidemment pas.

Surtout qu'on ne me dise pas qu'ainsi je juge. Simplement, je me sens, moi, interpelé, divisé, impuissant; et finalement conscient.

mercredi 6 avril 2011

La Flandre et ses revendications (surtout territoriales): une leçon?

De très nombreux flamands de Flandre, si on en croit les élections, les sondages et les négociateurs pour un gouvernement fédéral de plus en plus improbable, se crispent sur trois sujets (les flamands de France et de Wallonie ne faisant pas preuve des mêmes fixations):
- la défense d'un territoire bien à eux;
- la défense d'une langue bien à eux sur leur territoire bien à eux;
- et, ce n'est pas le moindre, la conviction que la richesse flamande doit aller aux flamands.

Sur le troisième sujet: comment nomme-t-on ceux qui, quand ils ont de l'argent, entendent le garder pour eux-mêmes, et font en sorte d'en avoir plus encore? On ne peut pas, à leur propos, parler d'avarice, puisqu'ils veulent bien donner de leur argent, mais pas à n'importe qui. Comme du temps où l'on avait "ses pauvres". On pourrait dire éventuellement, en se livrant à une généralisation hâtive, que les flamands sont tous devenus des capitalistes néo-libéraux, ce qui fait chic dans quelques cénacles et considéré, par certains, comme une justification sans faille. En d'autres temps, plus inspirés par la sagesse, on aurait dit d'eux qu'ils sont des égoïstes captivés par l'argent et captifs de celui-ci, et qu'ils se trompent. Il y aura toujours, dans l'histoire du monde, ceux qui pensent d'abord à eux et ceux qui pensent aussi, ou surtout, aux autres. Pour ma part, je trouve admirable celui qui a peu, ou moins, et partage néanmoins avec celui qui a encore moins.

Sur le deuxième sujet, celui de la langue, je n'arrive pas à être convaincu. J'ai appris pendant 9 ans le néerlandais cultivé (Algemeen Beschaafd Nederlands). Je le parle, paraît-il, avec l'accent du Limbourg hollandais, bien qu'ayant fait mon apprentissage à La Haye (Den Haage, diminutif de 's Gravenhage). Bref, le néerlandais que j'ai appris n'est pas celui que j'entends, quand j'entends des flamands parler entre eux ou quand j'adresse la parole à des flamands (même dans les classes les plus élevées). Les flamands de Belgique parlent un sabir, qui leur est propre, il est mâtiné de flamand, de français et d'anglicismes. Le francophone qui parle à un flamand est d'une certaine manière confronté à quelqu'un qui parle une espèce de créole néerlandophone variable selon les régions. Le mythe de la Tour de Babel fonde la diversité entre les hommes: trop d'orgueil a créé la diversité. On ne se comprend plus. Mais on peut voir la diversité comme une richesse ou comme un facteur de division et de repli sur soi. Les deux options n'ont pas la même valeur.

Reste le territoire.

La Flandre n'est pas prête à céder un pouce de son territoire. Même un échange de territoire heurte sa raison. Il est par conséquent exclu de lui parler d'un élargissement du territoire de la Région bruxelloise, région que la Flandre ne reconnaît d'ailleurs pas comme telle. Pour la Flandre, Bruxelles est une ville-région, c'est-à-dire une ville avec quelques compétences en plus, mais qui est commune à la Flandre (elle en est même la Capitale !?) et à la Wallonnie et qui doit être co-gérée. Rien à voir, pour les flamands, avec la nation Flandre (et accessoirement la Région wallonne).

Aucun centimètre carré du territoire flamand ne peut être perdu.

J'ai donc trouvé piquante l'information suivante.

Ne voilà-t-il pas en effet que la Flandre se met à craindre un élargissement de son territoire! La mer du Nord a ceci de particulier qu'elle crée en nos contrées des bancs de sable. Il y a quelques siècles, la ville de Bruges (Brugge) était tout près de la mer. Le littoral recule donc. Les flamands devraient se réjouir! La nature permet d'accroître le territoire de la Flandre, peu à peu sur la mer. A Monaco, ils ont dû lutter pour cela. Aux Pays-Bas aussi. Et bien ce n'est pas le cas. Le sieur Lippens, bourgmestre de la commune de Knokke-Heist (et accessoirement le Zoute) est inquiet. Si le littoral recule (on parle de deux kilomètres !), les touristes risquent de ne plus venir: seront-ils prêts à marcher deux kilomètres pour tremper leurs pieds dans l'eau?

Il y a deux ans, je me trouvais, avec un ami portugais, dans la région de Faro, au sud du Portugal. La nature là-bas met la mer à distance des zones habitées et conçues pour l'accueil des touristes. Pour rejoindre l'océan, il faut soit marcher, soit prendre le bateau, soit prendre un petit train. Grâce à cela, j'ai eu un contact privilégié avec la mer et l'horizon : nous étions en décembre, et j'étais seul, ou avec mon compagnon, face à la nature infinie, loin des endroits pour touristes.





Ne me dites pas que la Flandre la plus prospère a moins d'idée, pour exploiter son littoral, que le Portugal.