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lundi 8 août 2011

Le vieux monsieur au chapeau

La mode est aux vieux messieurs, enfin, je veux dire les fort vieux messieurs, encore verts. Je ne profite donc pas de l'engouement qui les entoure (je ne suis pas encore assez vieux ou déjà plus assez vert). J'évoquais déjà le sujet, dans de précédents articles, citant Stéphane Hessel, Edgar Morin, Alain Badiou, entre autres.

J'ai lu récemment que Manoel de Oliveira, célèbre réalisateur portugais, entame, à l'âge de 102 ans, le tournage d'un nouveau film !


En Belgique, ce week-end, un vieux monsieur au chapeau a réalisé une interview décapante pour le journal Le Soir. Le vieux monsieur a encore du mordant !




François Perin, né en 1921, a été professeur à l'Université de Liège, mais aussi un observateur de la vie politique belge et un acteur de celle-ci. Il a été ministre. Il a été de gauche puis de droite, ce qui n'est pas exceptionnel dans sa génération. Il a par contre toujours, d'hier à aujourd'hui, manifesté un profond scepticisme à propos de la Belgique, construction née de conflits guerriers et de décisions géopolitiques datant de la fin du 18ème siècle.

Il a été mon professeur. Personne, vraiment personne, ne ratait ses cours sur ce qui constitue un Etat, cours pendant lesquels, de sa voix métallique, il nous proposait principes fondamentaux, pensée iconoclaste et bons mots. On voit encore aujourd'hui, dans son regard, même si l'âge semble l'avoir adouci, un brin de malice.

"Indignez-vous", "Engagez-vous", a dit Stéphane Hessel. "Finissons-en", nous dit François Perin.

Il ne nous appelle pas au suicide collectif, encore bien. Il ne parle que de la Belgique et il souhaite trois choses :

- que la Flandre prenne son indépendance et devienne, comme elle le désire tant, un Etat, avec un chef d'Etat (Kris Peeters, d'après certaines déclarations récentes, se voit bien dans ce rôle) ; sa langue, mais néanmoins toujours ses dialectes, ceux que l'on entend le dimanche matin sur le marché de la Batte à Liège (!) ; ses propres règles de vie ensemble. J'espère que ce jeune Etat flamand aura aussi des devoirs, sinon la Flandre ne sera jamais vraiment un Etat, cela veut dire, notamment l'obligation d'acquérir une reconnaissance internationale (à l'ONU, dans l'Union européenne, parmi les Etats qui ont signé la convention européenne des droits de l'homme et le protocole sur le respect des minorités) pour ne citer que ces quelques cénacles-là ;

- que Bruxelles décide de devenir une ville internationale. Ce souhait est intéressant, mais il tombe sous le sens que ni les élus bruxellois, ni même les élus du Parlement belge, ne sont à même de décréter que Bruxelles puisse devenir tout à coup une "ville internationale". Il faudrait, par exemple, que les Etats membres de l'Union européenne y soient favorables, et le proposent, ou que l'ONU le recommande. J'entends déjà les strasbourgeois faire opposition et, par exemple, la Pologne ou la Hongrie ne pas voir l'utilité d'une telle décision ;

- que la Wallonie soit rattachée à la France comme région. Les arguments sont connus. En Wallonie, la volonté de créer un Etat wallon est inexistante. Le degré le plus extrême de l'indépendantisme wallon s'est exprimé, jusqu'à aujourd'hui, dans les thèses régionalistes chères aux Dehousse, Happart ... et, à une époque, Perin. La Wallonie n'est pas une nation. Elle ne peut même pas compter sur la langue pour se forger une identité. On y parle français, avec quelques particularismes, mais pas plus qu'en Bretagne ou en Provence. Comme en France, l'allemand est utilisé dans une partie du territoire, avec une différence : l'allemand fait partie des trois langues nationales en Belgique ; en France, le français est la seule langue nationale. Donc tout est bien, pour un rattachement à la France ! Ils vont être contents nos amis germanophones de Wallonie. Ils constituent la minorité linguistique la mieux protégée au monde. Les wallons sont tolérants. Que deviendront-ils une fois annexés à la France ? Bien sûr, on évoque la langue et la culture partagées. Pourquoi les francophones de Suisse ne demandent-ils pas leur rattachement à la France ? Parce qu'ils doivent trouver dans l'Etat helvétique des raisons pour ne pas devenir français, quoique francophones et de culture française. Symboliquement, je n'éprouverais aucune honte à devenir français ; je n'en tirerais aucune gloire non plus. Considérant que la Belgique fonctionne malgré tout, même sans gouvernement fédéral, grâce aux larges compétences attribuées aux entités fédérées, je ne peux m'empêcher de m'interroger : cela est-il compatible avec la tradition française jacobine qui conserve au pouvoir centralisé la préférence et la prééminence ? Je pense à la politique Sarkozienne qui, pour assainir le budget de l'Etat, confie aux collectivités locales de multiples compétences, jadis exercées par l'Etat, sans moyens correspondants. Chez nous, au moins, on se dispute sur une loi de financement !

Le "vieux monsieur au chapeau" m'est sympathique. Ses rappels sur l'histoire de la Belgique sont instructifs; il ne faut surtout pas les négliger. La Belgique est bien une création artificielle. Ses propositions, cela dit, me laissent un peu sceptique.

1 commentaire:

  1. F.D., un de mes lecteurs, m'a communiqué sur Facebook cet intéressant relevé des langues régionales en France, sans existence officielle . Y figure le "flamand occidental".
    http://www.dglf.culture.gouv.fr/lgfrance/lgfrance_presentation.htm

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