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vendredi 28 octobre 2011

A propos des impôts et autres calembredaines

La TVA, l'impôt calculé sur la valeur ajoutée par les entreprises, est l'impôt le plus mensonger qui soit.


Dans son principe même, en effet, il ne frappe pas les entreprises, mais les consommateurs. Quand une entreprise crée de la valeur ajoutée, ce sont les consommateurs qui payent. Dans quelle mesure profitent-ils de cette valeur ajoutée, la question n'est même pas posée. Par leur travail, par contre, ils ont contribué à la production de cette valeur ajoutée ; puis, après, on leur fait changer de casquette : de travailleurs, ils deviennent consommateurs. Quant à l'entreprise, en bonne économie libérale, il ne faut surtout pas qu'elle paie d'impôt sur son chiffre d'affaires, et le moins possible sur ses bénéfices.


Soyons de bon compte, il n'y a pas que les travailleurs qui soient taxés comme consommateurs : le sont aussi les allocataires sociaux, les chômeurs, les retraités, les dirigeants d'entreprises, les professions libérales, les rentiers. Quel bel exemple de justice fiscale, n'est-ce pas, de considérer que tout qui va acheter un pain paie la même chose ! Plus de riches, ni de pauvres, une juste égalité. Les riches ne manqueront pas de répondre cependant qu'ils paient plus de TVA que les autres, vu qu'ils consomment plus et souvent des biens plus taxés, car ils ont tendance à apprécier le luxe. Ainsi, justice serait faite. La capacité à contribuer à l'impôt serait donc révélée par le niveau de consommation. Celui qui ne bénéficie que d'allocations sociales ou du chômage ne devrait-il pas dès lors être exonéré de tout impôt, au moins pour la consommation des biens de première nécessité ? On voit bien que cet impôt appartient à un modèle précis de société, celui qui a érigé la consommation en dogme. Le fait que la TVA européenne ait été introduite au début des années 1970 en témoigne. Une question d'ailleurs taraudait ses concepteurs : acheter un immeuble à un promoteur, est-ce un acte de consommation (portant sur un bien) ou un investissement ? Souscrire à une assurance-vie est-ce un acte de consommation (portant sur un service) ou un investissement ? Système fragile donc sur ses bases mêmes. Mais que cela soit dit, le travailleur est taxé deux fois sous deux casquettes différentes : son salaire étant un revenu, il est imposé à ce titre, pour l'avoir perçu ; son salaire faisant partie de la valeur ajoutée de son entreprise, on le met à contribution une deuxième fois quand il en consomme les produits.


Petite explication : à quoi correspond donc cette fameuse valeur ajoutée ? Lorsqu'une entreprise vend un produit ou fournit un service, elle n'est pas la créatrice de tout ce qui compose le produit ou le service. Le plus souvent, elle a acheté des matières premières, des produits semi-finis ou finis et elle utilise de l'énergie et des services produits par d'autres (ce sont les consommations intermédiaires). Elle effectue une production ou une revente à partir de tous ces éléments en les transformant, et elle utilise pour cela du travail (des ouvriers et des ingénieurs par exemple) et son capital productif (par exemple des chaînes de production). Elle crée alors de la valeur car la valeur du produit obtenu est plus élevée que la somme des valeurs des consommations intermédiaires : la différence entre le prix de vente de son produit et la valeur totale des biens et services qu'elle a achetés, qui sont contenus dans ce produit (après transformation), représente la valeur ajoutée. Bref, la valeur ajoutée, c'est ce qui permet à l'entreprise de vendre un bien ou un service plus cher que ce qu'il lui coûte, ce qui comprend des coûts supplémentaires (amortissements, salaires), mais aussi la marge bénéficiaire qu'elle s'octroie. Bref, le travailleur-consommateur paie, suite à la TVA, un impôt sur les marges bénéficiaires des entreprises.


Bien entendu, pour consommer, il faut disposer de ressources, avoir une capacité à dépenser. On peut dépenser les revenus que l'on gagne par son travail, les revenus de son épargne, des plus-values que l'on réalise, les ressources provenant d'une aide sociale ou encore un capital que l'on a acquis par succession, par donation ou en gagnant au Lotto. L'acquisition de ces différentes ressources donne lieu aussi à un prélèvement fiscal dans des proportions absolument sans comparaison. Aucun impôt sur le gain au Lotto ou sur l'allocation sociale de base (en l'absence de tout autre revenu). 15 % sur les revenus des placements "sans risque", les intérêts, avec une exonération importante pour l'épargne simple. 25 % sur les dividendes. Des droits de succession ou de donation variables en fonction des régions et en fonction des patrimoines transmis, avec une exonération pour les transmissions d'entreprises. Une impunité presque totalement assurée en ce qui concerne les plus-values (mobilières, en tout cas).


Bref, avant un impôt général sur la consommation dont les aptitudes à satisfaire la capacité contributive sont déjà douteuses, on trouve au niveau antérieur une situation parfois difficile à justifier.


Pourquoi ne taxe-t-on pas les gains au Lotto ? 


Pourquoi perçoit-on 25 % sur les dividendes versés aux actionnaires et seulement 15 % sur les intérêts ? Le ministre M. Wathelet Jr a déclaré qu'il n'était pas justifiable qu'un placement sans risque (intérêts) soit moins taxé qu'un placement à risque (dividendes). Il préconise dès lors un alignement à 20 % pour les deux catégories. C'est oublier un peu vite que l'on ne trouve pas exactement les mêmes investisseurs dans les deux catégories. Des bons pères de famille prudents se trouvent dans la première ; ils constatent que les taux d'intérêts offerts sont de plus en plus misérables, couvrent à peine l'inflation, se demandent si cela vaut encore la peine de confier leur épargne aux banques et sont prêts à la retirer. Une augmentation du précompte mobilier de 15 à 20 % aurait sans doute pour effet de les amener à choisir de thésauriser chez eux ou à investir en or ... Depuis qu'ils ont rapatrié leurs capitaux d'épargne en Belgique, pour bénéficier d'une amnistie fiscale ou sous la menace d'être surtaxés, ils n'ont plus beaucoup le choix.


Quant aux investisseurs en actions,  il faut souligner non seulement qu'ils choisissent de prendre un risque et, que, pour cela, il faut d'abord disposer d'un capital suffisant, pour pouvoir absorber le risque, mais aussi qu'ils ont deux manières distinctes de retirer un profit de leur investissement : ils peuvent en effet espérer un dividende, taxable en effet à 25 %, ou espérer réaliser une plus-value en bourse, en règle non taxée. Certes, ils peuvent aussi subir de lourdes pertes, notamment dans le contexte actuel, mais combien de plus-values réalisées sans qu'il y ait eu la moindre imposition ? Que sait-on de l'affectation de ces plus-values, qui ont échappé à l'impôt, de leur utilité sociale ?


Le jeu fiscal est tellement complexe dans la forme et dans la possibilité de le présenter de toutes les façons possibles qu'il n'est plus vraiment maîtrisable.


Prenons un exemple, la Région wallonne vient de décider d'augmenter la taxe réclamée aux banques sur leurs appareils automatiques distributeurs et autres self banking. Argumentation assez sotte du ministre-président Demotte : on a assez fait pour les banques, ces derniers temps, en ce qui concerne leur sauvetage par des deniers publics, à elles de contribuer un peu maintenant. Ne vous étonnez pas, après cela, de voir augmenter vos frais bancaires l'année prochaine ! Pour augmenter leurs bénéfices, les banques ont remplacé du personnel par des machines, elles ont détruit de l'emploi, leurs décisions n'ont pas eu d'utilité sociale. Certes, l'usager a pu bénéficier d'une certaine commodité dans les services, mais n'oublions pas que les banques le lui font payer. Où est la valeur ajoutée ? Toute taxe sur une entreprise est toujours finalement une taxe sur l'usager ou le consommateur. Un pas nouveau a été récemment franchi : une taxe sur la rente nucléaire dont bénéficie Electrabel (l'amortissement des centrales nucléaires a été facturé aux consommateurs, les centrales sont maintenant amorties, mais les prix n'ont pas baissé) a donné lieu à une réaction hallucinante du patron de GDF-Suez, maison mère d'Electrabel : si vous nous taxez, nous ne ferons plus d'investissements et nous fermerons certaines activités. Situation surréaliste : une grande entreprise estime pouvoir faire du chantage vis-à-vis d'un Etat. C'est dire jusqu'où va l'idéologie libérale, depuis le néo-libéralisme.


L'impôt juste, à mon avis, devrait répondre à deux critères simples, en ce qui concerne les personnes physiques, les usagers, les consommateurs :
- il devrait être uniquement fonction des ressources (donc un impôt unique au lieu de plusieurs). On taxerait de manière égale toutes les ressources, soit l'aptitude à dépenser, quelles que soient les dépenses faites et quelles que soient les ressources, selon un taux progressif, très faible, voire nul, chez ceux qui ont peu de ressources, et très élevé chez ceux qui ont une grande capacité à dépenser. On peut, à cet égard, trouver des mécanismes pour convertir un capital acquis en une fois en rente périodique, par exemple ;
- par dérogation, l'affectation de ces ressources à des fins dont l'utilité sociale est démontrée (création d'emplois, investissements dans la recherche ou le développement, soutien à des oeuvres sociales, culturelles ou relevant de l'enseignement, par exemple) pourrait donner lieu à une exonération d'impôt ou à un allègement de l'impôt. 


Un impôt sur la dépense ? Non, un impôt sur la capacité à dépenser tenant compte de la finalité des dépenses faites.


Ainsi, le profit pour le profit pourrait être lourdement taxé et le système fiscal serait fort simplifié.


Cette idée simple doit bien sûr être éprouvée, au risque de devenir simpliste, et se heurte bien entendu au constant besoin de complexité qui anime étrangement les hommes au pouvoir ... et je ne suis pas économiste. Je suis, comme toujours, un candide.


L'idée de simplifier le système fiscal ne date pas d'hier. Je me réfère au marquis de Vauban, dans son ouvrage "Une dîme royale" (1707).






" Pour jouer pleinement son rôle, cette dîme sera claire et compréhensible par tous, facile à appliquer et stable. Mais les rois veilleront à ce qu'elle n'excède pas le nécessaire, en ce que tout ce qui sera tiré au-delà jettera les sujets dans le malaise, et appauvrira finalement le royaume tout entier ".


" ... il me semble que je dois commencer par définir la nature des fonds qui doivent les produire (les ressources de sa Majesté) tels que je les conçois. 

Suivant donc l'intention de ce Système, ils doivent être affectés sur tous les revenus du royaume, de quelque nature qu'ils puissent être, sans qu'aucun en puisse être exempt, comme une rente foncière mobile, suivant les besoins de l'Etat, qui serait bien la plus grande, la plus certaine et la plus noble qui fût jamais, puisqu'elle serait payée par préférence à toute autre, et que les fonds en seraient inaliénables et inaltérables. Il faut avouer que si elle pouvait avoir lieu, rien ne serait plus grand ni meilleur ; mais on doit en même temps bien prendre garde de ne la pas outrer en la portant trop haut... ".








































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