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vendredi 27 avril 2012

L'Esprit n'aurait-il pas le droit de souffler où il veut ?


La question que je pose aujourd'hui fait suite à une chronique d'Eric de Beukelaer et plus précisément à certains commentaires qu'elle a suscités sur Facebook. Cette chronique s'intitule : Loyauté et devoir d'impertinence, un très beau titre (La Libre Belgique, 24 avril 2012). 


Ce texte bien troussé n'appelle pas d'objection de ma part, je le trouve pertinent.

Eric de Beukelaer est, aujourd'hui doyen à Liège, et, chuchote-t-on, successeur pressenti d'Aloÿs Jousten, l'actuel évêque de Liège, après avoir exercé bien d'autres fonctions, notamment celle de porte-parole des évêques de Belgique. Vous ne pouvez pas ne pas l'avoir entendu, un jour, à la télé, l'allure juvénile et le col romain assumé.

Pour un certain nombre de chrétiens, que je respecte, Eric de Beukelaer semble être l'homme idéal pour maintenir l'Eglise au milieu du village. Monsieur l'abbé est ouvert au dialogue avec les laïcs, les juifs, les homos, par exemple, mais toujours pour rappeler sobrement la voix du magistère. Plus consensuel, et moins provocateur, qu'André-Mutien Léonard, son message passe mieux. Ce rôle consistant à maintenir l'Eglise au milieu du village me pose toutefois question.

Traditionnellement et géographiquement, c'est vrai, l'église se trouve presque toujours au milieu du village. Mais l'Eglise doit-elle faire de même ? Pas à mes yeux. Ce qui rend encore l'Eglise un peu crédible aujourd'hui c'est tout ce qui se passe dans les périphéries les plus lointaines de Rome, et de moins en moins ce qui se passe et se dit à Rome. Ce qui rend encore le message de Jésus vivant aujourd'hui, ce sont des communautés de croyants qui pratiquent les vertus de l'évangile, avec audace, avec indépendance d'esprit, avec conviction, selon les données et les circonstances qui leur sont propres. Je n'entends pas la voix de Jésus, qui parlait simplement et par paraboles, dans les discours théologiques de Benoît XVI, même s'ils sont d'un très haut niveau. Jésus ne parlait pas en théologien. Je n'entends pas la voix de Jésus chez ces chrétiens qui ont besoin de dogmes, de certitudes, de choses à croire, de règles à respecter et de rappels à l'ordre. C'est exactement ce que Jésus dénonçait chez les pharisiens. Je n'entends pas la voix de Jésus quand l'Eglise se mêle de dicter la morale à respecter, particulièrement dans les domaines qui relèvent de la vie privée. Jamais, Jésus ne s'est octroyé le droit que les vieillards du Vatican, et leurs relais, se sont arrogé de dire ce qui est moralement acceptable ou pas. Chaque fois que Jésus a été confronté à la vie privée des personnes qu'il a rencontrées (la Samaritaine, la femme adultère, Marie la femme de mauvaise vie qui a répandu du parfum sur ses pieds ...), jamais il n'a condamné, et surtout jamais il ne s'est arrêté sur ce détail. Il a accueilli, relevé, ouvert une porte vers la vie. Je suis enfin intimement convaincu que Jésus serait aujourd'hui plus à l'aise avec la théologie de la libération qu'avec les discours du Vatican.

J'entends déjà l'objection : et que faites-vous de ces centaines de milliers de jeunes qui acclament le Pape, lors des Journées mondiales de la Jeunesse ? Je répondrai humblement que ces manifestations de masse représentent pour moi le pire de l'Eglise. Je ne l'affirme pas d'autorité, mais pour avoir observé Jésus dans les évangiles. Jésus, lui-même, n'aimait pas quand les foules se rassemblaient autour de lui dans l'attente de quelque chose. Il fuyait le plus souvent ou il subissait le fait. Il a parlé à des foules, c'est vrai. Mais il n'a jamais guéri des foules. L'essentiel du message de Jésus, sur le plan relationnel, s'est toujours concentré sur le "one-to-one", toi et moi. Et, si je voulais être un peu provocant, je dirais que d'autres que le Pape ont réussi à rassembler de grandes masses autour d'eux plus souvent pour le pire que pour le meilleur d'ailleurs. Non décidément, je ne puis me définir comme chrétien par le sentiment d'appartenir à une masse, quel que soit le sentiment que l'on puisse éprouver lors de tels rassemblements.

Un admirateur d'Eric de Beukelaer a commenté sa chronique dans les termes suivants : "Heureusement qu'il y avait votre excellent billet à côté d'un article désespérant comme tous ceux que la Libre (?) se croit obligée de publier en confortant sans cesse les frustrations d'un petit nombre de malades qui ne supportent pas la radicalité évangélique, toute d'intelligence et de douceur, avec laquelle l'esprit exceptionnel de notre Pape actuel mène l'Eglise ".


Par respect pour cet intervenant, je préfère ne pas citer son nom, que tout utilisateur de Facebook pourra cependant retrouver.

A l'entendre, il y aurait deux catégories de chrétiens : ceux qui trouvent le Pape génial, exceptionnel, utile et nécessaire ... et tous les autres (un tout petit nombre, selon lui) qui seraient des frustrés et des malades ne supportant pas la radicalité évangélique, mais inondant les média de leurs propos subversifs (Christian Laporte, journaliste à la Libre Belgique étant le premier visé). Rien moins que cela ... mais heureusement, pour ce cher commentateur, Eric de Beukelaer est là pour maintenir l'Eglise au milieu du village !

Ce monsieur, tout empreint de la radicalité évangélique, intelligente et douce, dont il se réclame, n'hésite pas à traiter certains de ses frères dans la foi de malades et de frustrés. Un autre du même bord que lui parle, dans le même fil de discussion, de gauchistes et de communistes. D'autres évoquent le magistère, ceux à qui les clés ont été confiées !

De quel droit, ces tristes sires décident-ils que ceux qui pensent autrement qu'eux sont des malades et des frustrés. La réponse qui m'a été adressée par ce commentateur est remarquable : " je ne vise pas les personnes, mais les idées véhiculées ". On croirait entendre Mgr Léonard.

Je regrette qu'Eric de Beukelaer ne remette pas à leur place de tels soutiens. La crédibilité de son blog y gagnerait.

A ces frères chrétiens que je sens tellement lointains, je voudrais rappeler que l'Esprit soufflera toujours là où il veut et pas nécessairement là où ils le veulent, quoi qu'ils fassent et quoiqu'ils disent.





















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