Il y avait la responsabilité "pour faute", puis il y a eu la responsabilité "sans faute". On aime beaucoup parler, depuis quelques années, du principe de "précaution". On peut faire état aussi d'un principe d' "adéquation". Aujourd'hui, les juristes aiment surtout parler de "pertinence" ou de "proportionnalité". Un arrêt du Conseil d'Etat français du 15 mai 2009 sonde ce principe à propos d'un décret "sur la fabrication et l'usage du poppers": une interdiction du poppers, justifiée par des raisons de santé publique, ne serait pas proportionnée à l'objectif poursuivi. Guillaume Dustan doit se réjouir dans sa tombe. Il semblerait que, dans les backrooms, de Paris ou d'ailleurs, on pousse un grand "ouf" de soulagement. Car, derrière la proportionnalité, il s'agit bien entendu de "liberté", cette sacro-sainte liberté dont certains doivent se sentir toujours un peu privés, à moins qu'ils ne se sentent menacés, pour la défendre aussi férocement. Il y a pourtant des libertés bien plus fondamentales qui sont menacées dans le monde. Et une autre liberté, bien plus essentielle, à conquérir.
Pour ceux qui ne le savent pas, le poppers est un produit vasodilatateur, essentiellement utilisé au cours des rapports sexuels, pour ses effets décontractants et euphorisants. Je ne suis pas apte à en juger. Ce que je trouve assez inouï, c'est l'argument du syndicat national des entreprises gay, partie à la cause. Résumons-le comme suit: si on interdit le poppers, dont on ne dit pas qu'il est sans danger, mais qu'il comporte un danger proportionnellement acceptable, il y a un grand risque que les gay se tournent vers des produits stimulants plus dangereux. Je n'imaginais pas la sexualité des gay aussi misérable qu'ils ne puissent pas faire "sans" adjuvant.
Les juristes aiment jouer avec les principes, et particulièrement ceux-là: la liberté et la proportionnalité. A mon avis, le sujet ne sera jamais épuisé, connaissant les juristes.
Le fiscaliste (que modestement je suis) doit faire face à des principes bien plus complexes à appliquer: la réalité et l'apparence; la normalité et l'anormalité. Ce n'est pas le lieu d'en parler ici. Je les évoque donc simplement. Mais ils ont au moins autant de résonance dans une vie, voire plus, que la liberté et la proportionnalité.
J'aimerais parfois que l'on ose la sérénité.
Ce sera ça la vieillesse. Des douleurs partout dans le corps et une maison vide autour …
"L'auteur de ce récit de voyage ne fait malheureusement pas partie de ces hommes qui savent parfaitement pourquoi ils agissent. Il n'a pas non plus la chance de croire que sa conduite ou celle des autres s'expliquent par des causes précises. Ces causes sont, me semble-t-il, toujours obscures. La vie n'obéit jamais à une chaîne de raisons claires et distinctes, comme c'est le cas pour la pensée. S'il devenait un pu esprit libéré de la matière, l'homme pourrait découvrir un principe infaillible de causalité à l'œuvre dans sa vie. Il serait alors en droit de croire qu'il n'existe pas d'autres causes à ses actes que celles qui lui sont apparues clairement. Car précisément il ne serait qu'esprit et uniquement cela. Mais je n'ai encore jamis rencontré un tel homme ou plutôt un tel dieu et je ne crois pas non plus vaux explications généralement avancées concernant les actes et les événements de notre vie de simples mortels. Il n'est pas d'hommes qui agissent selon des raisons claires et précises. Ils se l'imaginent seulement et s'ils cherchent à le faire croire à d'autres, c'est avant tout pour satisfaire leur vanité ou leur bonne conscience".
Herman HESSE, Le voyage à Nuremberg", Calmann-Levy, 1994 (pour la traduction française).
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