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lundi 20 juillet 2009

21 juillet 2009

Que cela soit bien clair, je ne vais pas parler de la fête nationale belge.
Je préfère partager les réflexions d'un habitant du bord du fleuve.
J'ai réalisé cela, hier soir: je ne regarde jamais le fleuve en aval, mais toujours en amont. 
Toujours d'où il vient; jamais où il va. Cela doit signifier quelque chose.
Encore une fois, on va dire que je le fais exprès, mais les oies sauvages que j'observe depuis six mois au pied de chez moi sont des oies égyptiennes (!), d'après une petite madame, très écolo, antérieurement médecin, au look sortant d'un refuge de montagne en préparation pour l'ascension de l'aiguille du Goûter.


Et les mouettes? Aussi loin que mes souvenirs remontent, j'ai dû rencontrer mes premières mouettes, quand j'avais trois ou quatre ans. A Saint Lunaire, en Bretagne. Une part de mes racines. Les mouettes de là-bas sont de l'espèce rieuse, ce qui finit à la longue par être agaçant. Celles d'ici apparemment tirent la gueule.


Saint-Lunaire … c'est-à-dire: rien, sauf la plus belle plage que je connaisse, des maisons de grands bourgeois, et même plus que cela.


C'est là tout au bout de la Pointe du Décollé, dans l'anfractuosité d'un rocher que je suis parvenu, à l'adolescence, à tolérer ma différence, en lisant, en regardant au loin, le plus loin possible. Mais dès que je revenais sur la plage, le démon se réveillait.


Mes parents louaient un appartement. Nous y allions tous les ans, ou à peu près, pour la famille. Et surtout, Tante Marie, la belle-sœur de ma grand-mère, qui avait eu l'idée saugrenue de s'acoquiner avec un soldat belge. Les générations passent. La famille aussi. Il n'y a plus vraiment de lien.

Les aïeules me manquent. Tante Marie nous faisaient rire, quand elle vitupérait sur les premiers naturistes … qui exposaient "toutes leurs pendouilleries" dans la crique au pied du "Nick". Cela dit, c'était (et cela est encore) un endroit très BCBG (à part les hollandais et les allemands du camping … un peu plus loin, bien entendu). Mais pas un endroit "m''as-tu-vu?". Une grande bourgeoisie familiale et catholique s'adonnant aux plaisirs sains de la Bretagne. Ces familles venaient de Rennes, de Paris, mais aussi beaucoup de Lille et de Valenciennes (les fortunes du textile).
Si vous voulez connaître Saint Lunaire (et aussi Dinard), il faut regarder "Conte d'été" d'Eric Rohmer, 1996, avec Melvil Poupaud. Toute l'action se passe là. Là où j'ai passé une grande partie de mon enfance et de mon adolescence.


Avec (grâce à, à cause de) ma grand-mère, j'étais, enfant, appelé à servir la messe, à Saint Lunaire, à 7 heures du matin. J'étais même capable de le faire en latin. Il était alors pour moi, à la fin de la messe (qui durait 20 minutes), tout à fait naturel de saluer, avec les respects qu'il se doit, madame la marquise de Catuelan, dont l'imposante demeure s'appelait "Le Revenant". Quand elle était présente, en sa demeure, le drapeau était hissé. Mon extraordinaire grand-mère a toujours eu une fascination pour les grandes familles. Je dois bien la décevoir.
Voici le Revenant ... Boulevard du Décollé.


J'ai toujours trouvé cette demeure, avec jardin en terrasses sur la mer, un peu triste. Le décollé compte plusieurs demeures imposantes, villégiatures de familles qu'on ne peut imaginer que nombreuses. Certaines ont perdu de leur splendeur, transformées parfois en appartements.

 Quand on sortait de la messe, ça sentait bon le pain du boulanger, juste à côté de l'église. Puis, ma grand-mère m'emmenait, pour de longues randonnées. On allait visiter des autres grand-mères (elles étaient encore plus grand-mères que ma grand-mère). Là, c'était parfois la terre battue et le lit clos: Titine Clolu, Jeanne Thêtiaux, Ninie Pauvret, des veuves de pêcheur, des servantes. Je n'ai plus jamais rencontré des noms pareils depuis cette époque.
Et puis, il y avait le "capitaine Gautier", un des derniers grands Cap Horniers (ceux qui, avec d'immenses bateaux à voiles, franchissaient, pour le commerce, le redoutable Cap Horn). Il y avait un livre sur lui à la petite librairie en face de la Poste. Cela m'impressionnait, quand je croisais en rue, en vrai, l'homme du livre que j'avais dévoré.
Et puis, un certain Jean Annette, marin lui aussi. Il appartenait à la famille, si je puis dire. On n'en parlait jamais très ouvertement, mais je me rappelle d'une photo à l'occasion d'un pic-nic familial sous des pins. Je connaissais ses filles, dont il était impossible de nier qu'elles venaient ... un peu des îles. J'ai appris, longtemps après, qu'il avait un penchant bien plus net pour les matelots.
Récit des veillées autour d'un défunt par là-bas. Les vieilles, en noir, récitant le chapelet; et, après chaque dizaine, ce dialogue incroyable: - "Par où ce qu'il a passé, je passerons" - "Oh là, là, là, quelle misère" … "Je vous salue, Marie …".
Cette Bretagne-là, celle des années 1960-70, de mon enfance et de mon adolescence, a disparu. Peut-être ne faut-il pas en pleurer. En avoir la nostalgie, sûrement oui.

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