Je sais que c'est difficile à comprendre, mais il m'arrive de passer en quelques heures à peine de la noirceur la plus profonde à de grandes ou petites joies. Il paraît que je suis cyclo-thymique. C'est imprévisible, non maîtrisable. Cela dit, je ne suis quand même pas au fond quelqu'un de très sociable.
Cette journée est marquée par une avalanche d'événements:
- d'abord, je me réveille à 6 heures du matin ... et je ne suis pas seul! Un autre dort paisiblement à côté de moi. J'avoue que c'est plutôt inattendu. Je me rends compte alors que c'est moi! Du coup, je n'ose pas me réveiller. Je me lève sans faire de bruit et je me donne un petit bisou avant de m'éloigner ...
- il est vrai, depuis que j'enseigne par Powerpoint interposé, il ne me suffit plus de savoir ce que je vais raconter (généralement, je n'ai pas trop de problème pour savoir comment le raconter), je dois concevoir des dias, les réaliser et comme je n'ai aucun sens pratique, je tombe toujours sur un problème technologique quelconque à quelques heures du cours. Nous ne devons pas être très nombreux au monde à vivre ce genre de difficultés, mais j'en connais un quand même, que j'aime beaucoup.
- je donne mon cours. Tout se passe bien! Je vais devoir ne pas avoir trop l'air d'être de gauche quand même ...
- mon petit majordome (Ben ...) m'attend à la sortie et me reconduit chez moi. Une douche. Un remontant et voilà que j'entends des échos de fanfare. Je ne peux résister ni aux fanfares, ni aux trompes de chasse. Donc, je sors ... Juste avant de sortir, je passe par ma chambre. Et je constate que je ne dors plus. Le lit est vide. J'aurais pu au moins me prévenir avant de jouer "les filles de l'air"!
- ils jouent des airs de "cramignon" (des farandoles, si vous voulez), c'est joyeux et en même temps ça m'émeut. Ils sont déjà bien 70 dans la ronde: des jeunes, des vieux ... et Robert Koelman! Je regarde. Je vais un peu plus loin, je précède le cortège. Je re-regarde. Puis, je ne sais pas ce qu'il m'a pris, je me suis retrouvé à un moment donné en train de donner la main à un étudiant espagnol et à une dame d'origine locale et à suivre le mouvement! Cela ne pouvait pas être moi, mais celui qui s'est prélassé dans mon lit ce matin! Au passage, je fais un signe à Robert Koelman pour lui dire: ben voilà, moi aussi!
- le temps de manger deux cornichons et un morceau de fromage d'Orval et me voilà en route, à pied, pour rejoindre la gare. J'ai failli faire demi-tour plus d'une fois. Mais, après un nombre de fois où on fait demi-tour sur soi-même, on se retrouve dans le sens dans lequel on se trouvait au départ! Donc, j'ai continué, noyé dans toujours plus de monde. D'autres décriront mieux que moi le beau spectacle qui a été offert, ce soir-là, aux liégeois. Je ne regrette pas.
- être seul dans la foule (plutôt que bien entouré) permet de capter des tas de choses. Et ce sont ces choses qui m'intéressent. J'ai donc cherché une barrière nadar pour un peu appuyer mon dos douloureux. J'étais ainsi le voisin de barrière d'un jeune couple que je ne qualifierais pas de BCBG, mais en quoi serait-ce moins bien? Nous avons échangé quelques mots pendant l'attente. Le garçon était totalement fasciné (il était déjà venu l'après-midi pendant les répétitions). Sa nana râlait. Elle était sans cesse plongée dans son gsm. Elle s'irritait de la musique de cons qui passait. Et surtout du désintérêt que son mec lui témoignait. Cela avait beau n'être qu'une gare, elle était drôlement plus belle que cette drôlesse. Elle voulait partir. A un moment donné, je me suis retrouvé avec le garçon à ma gauche, la fille à ma droite et la gare devant moi. J'ai alors osé! J'ai donné un petit coup de coude discret au garçon, en lui glissant: "Tiens bon. Reste jusqu'au bout!"
- au moment de quitter: S.: - "Tu n'as même pas vu que j'étais là avec deux copains, juste devant toi pendant tout le spectacle! - "Euh ... mais tu étais à contre-jour (il est vrai qu'un de ses copains était très grand, me cachait un peu la vue et donc qu'il avait retenu mon attention)". - "Et comment vas-tu?". - Etc ...
- j'entrepris alors le chemin du retour, toujours à pied. Deux garçons m'interpellent alors: un grand africain très souriant et un autre, disons méditerranéen. Ils me demandent si je parle le néerlandais. Je réponds: oui. Ils me demandent où se trouve le Carré. Je m'embrouille un peu dans mes explications et surtout dans mon néerlandais. Pour être convivial, je leur demande: "D'où venez-vous?". Le grand africain souriant me répond alors: "Je viens de Gand et je parle français". Je soupçonne un petit piège. Je demande alors à l'autre: "Et vous?" "Je suis allemand, mais je travaille à Maastricht, et j'ai choisi de m'installer à Liège". Ils m'expliquent alors tous les deux qu'il n'y a qu'à Liège que les gens sont aussi gentils et communicatifs et qu'ils aiment ça. Pendant ces quelques mètres parcourus ensemble, il y avait quelque chose qui circulait. Je me trouvais entre les deux. Quand je les ai quittés, ils ont continué leur route, main dans la main.
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