J'adore la neige. Le silence incomparable, quand le matin on se réveille et que tout est enneigé. L'idée aussi que la nature puisse imposer son rythme à nos sociétés "du tout à l'économique" si peu naturelles. N'est-ce pas une invitation, quels que soient les désagréments, à prendre distance? Une invitation à s'arrêter, à contempler.
Mais, dans nos sociétés si peu naturelles, s'arrêter est inconcevable. Il faut que la machine immonde tourne envers et contre tout.
Dans nos sociétés si peu naturelles, profiter de quelques jours de contemplation du paysage enneigé n'est plus naturel. Il faut enlever la neige sur les axes routiers, prévenir les accidents, assurer la mobilité, permettre aux entreprises de fonctionner, à la Bourse de ne pas sombrer dans la torpeur. Dans cette société si peu naturelle, d'autres ont fait de la neige un business. Dès le premier flocon, les media renseignent les pistes de ski praticables. Et des cohortes de skieurs se déplacent, malgré les embouteillages, sur l'autoroute, au pied du télésiège, pour skier. Beaucoup parmi eux sont ravis, non par la neige, mais parce qu'ils font ce que d'autres font. "En être" est devenu plus important aujourd'hui que "être".
J'ai essayé le ski de fond, à la demande de A., pour le bien des enfants. Je skiais moins bien que je ne marchais et je n'éprouvais aucun plaisir à skier. Pour que cela aille mieux, il fallait suivre des pistes déjà tracées par d'autres, précédés et suivis par de multiples autres sans pouvoir cheminer à son rythme. Avec le service militaire, c'est une des expériences les plus négatives de ma vie.
J'aime la montagne, la randonnée en montagne, en été. J'avais l'impression, à ma mesure, de traverser des espaces naturels respectés, à défaut d'être inviolés. Les montagnes ont pourtant été défigurées par les remonte-pentes des commerçants de la neige. La neige est souillée. La montagne est souillée. Je crains qu'elles ne le soient à tout jamais. Les consommateurs de la neige privent les contemplatifs de la neige de l'essentiel.
Je n'irai jamais skier. Vous savez pourquoi.
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Il y a 11 mois
Le ski m'a toujours paru l'activité obligatoirement préférée de tous, refuser de skier étant réservé aux malades mentaux et aux infréquentables iconoclastes.
RépondreSupprimerNon, sérieusement,...
Monter une pente en téléférique pour la descendre aussitot le plus vite possible sur des lames en plastique, en compagnie d'une multitude de touristes vétus de salopettes aux couleurs criardes, et prétendre adorer le paysage qui est "trop beau"?
Se parquer par centaines dans des chalets et des appartements outrageusement chers, après avoir voyagé des centaines de kilomètres avec du papier toilette et des boites de raviolis achetés au Aldi de Chênée parce que "les supermarchés là bas c'est l'arnaque"?
Vivre dans une proximité souvent désobligeante avec son porpre groupe mais aussi avec les autres touristes qui font la file partout, y compris aux toilettes, pour ensuite se réjouir cinq minutes de la grandeur des espaces et de la pureté de l'air?
Non, sérieusement, non merci.
Je n'irai pas skier.
Si j'étais sur Facebook je cliquerais simplement sur "j'aime", tant pour le billet que pour le commentaire!
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