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vendredi 18 février 2011

Utile (?)

Je me pose beaucoup de questions depuis que je n'ai plus d'activité professionnelle.

Notamment, celle-ci. Ma vie a-t-elle été, est-elle encore utile?

Heureusement, je reçois de temps en temps le témoignage d'anciens étudiants qui ont gardé un bon souvenir de moi. Je ne sais cependant si je les ai marqués par mon enseignement - ce que j'étais chargé de faire - ou par ce que j'étais. Quelqu'un d'un peu marginal, rétif aux usages universitaires et facultaires, qui ne considérait pas les choses du droit comme les plus importantes qui soient, et avait en horreur tout ce qui ressemble à l'esprit de caste et aux milieux sociaux qui se perpétuent et s'auto-congratulent.

Il est vrai, je n'ai jamais cherché à faire carrière à l'université. Et je me suis vite senti à la marge, moi à qui il semblait que la priorité de mon métier était les étudiants, mes enseignements, en ce compris de longues sessions d'examen oraux. N'étais-je pas payé pour cela?

Je ne correspondais plus au modèle nouveau: être hyperactif, mener au moins deux carrières de front, être présent dans les media, publier à tour de bras, être expert, faire des consultations rémunérées, participer à de multiples commissions, conseils consultatifs et autres comités scientifiques et ... voyager.

Parce que j'étais consciencieux, je ciselais mes syllabus constamment tenus à jour, offerts à prix coûtant aux étudiants, puis ensuite sur internet. Je n'en faisais pas des livres à acheter. Jamais, je ne me suis contenté de fournir à mes étudiants des "slides" ou des "powerpoints".

Quand je prenais la succession d'un ancien, j'avais l'humilité de reprendre, au moins la première année, son syllabus et de m'aider du matériau qu'il me léguait. Il est vrai, j'ai succédé à des professeurs de grand format: Pierre Harmel et Edouard Bours.

Disant cela, j'ai l'impression d'être d'un autre âge. Quand madame Simone David-Constant m'enseignait le droit des obligations, elle suivait pourtant le syllabus d'un illustre prédécesseur, Léon Graulich. Je veux dire par là qu'il y avait une continuité, qui n'empêchait pas les mises à jour, l'évolution, mais où le plus jeune avait un respect pour le plus ancien.

Faisant tout cela, que je croyais être ma mission,  je pensais être utile.

Je pensais être utile et je me suis peut-être trompé.

Les paroles d'une chanson de Julien Clerc (chantée aussi par Juliette Greco) me sont revenues en mémoire. Elles sont de Etienne Roda-Gil, auteur de tant de beaux textes:

Je veux être utile
A vivre et à rêver
Comme la lune fidèle
A n'importe quel quartier,
Je veux être utile
A ceux qui m'ont aimé
A ceux qui m'aimeront
Et à ceux qui m'aimaient
Je veux être utile
A vivre et à chanter
Dans n'importe quel quartier
D'une lune perdue,
Même si les maîtres parlent
Et qu'on ne m'entend plus,
Même si c'est moi qui chante
A n'importe quel coin de rue, 
Je veux être utile
A vivre et à rêver.


http://www.youtube.com/watch?v=HmnVfZslf9A

Et maintenant en quoi suis-je encore utile? Ou puis-je être encore utile?

Le travail ne manque pas: il y a ceux qui m'aiment, ceux qui m'aimeront et ceux qui m'aimaient.

Pour cela, il faut absolument que je trouve le moyen de sortir de ce qui m'enferme sur moi-même.

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