Rechercher dans ce blog

jeudi 8 décembre 2011

Désaccord

"Manifester sans aucune chance d'efficacité, ce n'est pas se battre, c'est s'agiter, comme font ces combattants vaincus qui tirent absurdement des coups de fusil en l'air pour protester contre leur défaîte. Faire d'un rituel aussi vain une obligation est encore moins justifié".




C'est en ces termes qu'un professeur, aujourd'hui émérite de la faculté de droit, mais très admiré par un petit cercle, s'est exprimé sur Facebook, à propos de la manifestation qui a réuni à Liège, hier, aux alentours de 20.000 personnes pour protester contre la décision d'Arcelor Mittal de fermer la phase à chaud dans le bassin sidérurgique liégeois. Il me paraît évident que la manifestation d'hier entendait certes exprimer une inquiétude ponctuelle, mais qu'elle entendait aussi dénoncer les travers du néo-libéralisme mondialisé.

Hier, le recteur de l'Université de Liège avait invité la communauté universitaire a témoigner de sa solidarité avec les manifestants, car c'est une part de l'avenir de notre région qui est en cause et bien au-delà une réflexion sur les valeurs dans nos sociétés. Il me semble, comme lui, que l'université a un rôle à jouer à cet égard, en suscitant le débat et en nourrissant la réflexion pour l'avenir. Tel était le sens de la proposition du recteur. Ces débats ont d'ailleurs eu lieu. La suspension des activités universitaires était suggérée.

Certains collègues, et néanmoins amis, ont refusé de jouer le jeu. Ils ont maintenu leur cours, non pas nécessairement pour le donner, mais pour expliquer pourquoi ils refusaient de ne pas donner cours. Je n'ai pas pu les entendre évidemment et ils ont peut-être expliqué des choses fort intéressantes aux étudiants en quête d'individualisme, de liberté de penser, d'esprit critique. Je respecte leur choix.

Moi, qui suis bien moins admirable que tous mes collègues et n'ai pas leur envergure intellectuelle, pense modestement ceci :

- "manifester", c'est aussi et peut-être surtout exprimer une émotion, une inquiétude, une révolte. Cette expression est nécessaire. Je ne comprends pas que certains ne comprennent pas cela, à moins qu'ils ne soient imperméables à certaines émotions ou à toute forme de manifestation collective de celles-ci ;

- parler d'un "rituel vain" est un jugement de valeur aveugle ; peut-être n'est-il pas vain pour certains de se sentir entourés, soutenus ? Autrement dit, le jugement posé est fort orienté. En quoi l'émotion mériterait-elle moins de place que la raison ?

- l'avis exprimé ressemble à celui d'un observateur froid et extérieur, qui pense bien entendu, et dit ce qu'il pense, mais que répond-il à l'inquiétude de ceux qui manifestaient ? Les 20.000 manifestants d'hier auront appris, grâce au penseur, qu' "ils s'agitent, mais ne se battent pas". L'issue du combat leur appartient-elle seulement ? Et que proposent donc les penseurs observateurs ? Moi, qui n'ai pas grand chose à proposer à ces manifestants, je m'abstiens à tout le moins de les juger ; je les soutiens avec empathie ;

- le recteur n'a imposé ni grève, ni manifestation ; bien au contraire, me semble-t-il. Il a appelé à une solidarité. Sa démarche inspire le respect. Chacun était libre. Donc, le prof qui avait décidé de maintenir son cours pouvait le donner, les bâtiments n'étaient pas fermés, les étudiants désireux de manifester prenaient aussi le risque de rater ce cours. Alors pourquoi maintenir son cours, sans le donner, juste pour expliquer à ceux qui sont là pourquoi il n'a pas été suspendu ? Connaissant les étudiants qui ont toujours peur de rater quelque chose au cours, surtout les filles, l'attitude ne me parait pas saine. Elle ressemble à une posture, dans le sens de prendre la pose, pour se démarquer. Il faut en convenir, cette attitude assure toujours son lot d'admirateurs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.