Excepté contre l'allongement du service militaire obligatoire, quand j'avais dix-sept ans, je n'ai plus jamais participé à aucune manifestation. Il faut dire que j'étais jeune alors et que l'enjeu était de taille : ne devient pas militaire qui veut ! Alors imposer à tous les garçons (et uniquement aux garçons) un service militaire me paraissait une aberration. Pourquoi pas les filles ? J'ai été ainsi, précocement, à l'âge de dix-sept ans, un ardent défenseur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Je n'en ai jamais obtenu aucun remerciement cependant. Quant aux objecteurs de conscience, ils me semblaient être de dangereux gauchistes, alors que moi j'étais catholique !
Imaginez-vous une armée composée de militaires comme moi qui s'effondrent ou fuient à la moindre déflagration, s'évanouissent à la vue de la moindre goutte de sang, contestent les ordres du sergent parce qu'il les trouve mal appropriés ... J'ai dû être pendant six semaines la terreur de l'armée belge : le conscrit qu'on ne peut pas objectivement réformer et pour lequel on cherche désespérément une affectation. Officiellement, j'ai donc été, pour l'armée belge, brancardier de combat, mon efficacité en ce domaine n'étant toutefois pas garantie. Il faut dire qu'un jeune officier vétérinaire nous apprenait les premiers soins.
Le choix était peut-être justifié, la guerre n'est-elle pas souvent une boucherie ? Moins officiellement, j'ai été le ""coq en pâte" de deux demoiselles, fort civiles, dans un service affecté à la médecine militaire. Ces deux demoiselles aimaient le thé, les gâteaux et l'opéra et avaient un sens de l'humour décapant. En leur compagnie, j'ai pris quelques kilos, ri beaucoup et un peu commenté les conventions de Genève sur le droit humanitaire en temps de guerre. En cette compagnie, j'étais comme un poisson dans l'eau. Le retour à la réalité n'était pas alors trop difficile - j'étais marié - même s'il s'agissait de tout autre chose. Simplement, c'était moins drôle. Il n'y avait pas de légèreté, juste des exigences et des désirs à combler sans cesse.
Par la suite, devenu professeur d'université, il eût été fort marginal, par rapport au corps auquel j'appartenais, de défiler ... : "en toge, monsieur le Doyen ?". Non, la toge est réservée à d'autres usages : la remise des diplômes, les docteurs honoris causa, les Te Deum. Dommage. Pourtant quelques toges, parmi les citoyens, cela honorerait l'université. Faut-il considérer que la toge est liée à un ordre établi et qu'elle n'a dès lors aucun pouvoir pour faire avancer celui-ci ?
J'ai beaucoup d'admiration pour toux ceux qui ont le courage de défiler pour des causes justes. Je regrette d'être aujourd'hui devenu trop frileux (je veux dire hésitant) pour cela. Bien entendu, je connais la réponse : ces manifestations n'ont de toute façon aucun effet, surtout quand elles contestent des décisions déjà prises. Moi, je leur vois un mérite au moins : elles expriment une conscience ; elles dénoncent ; elles mettent le doigt sur les dérives de nos sociétés. Il faut en effet dépasser la forme (qui peut déplaire) et se concentrer sur le fond.
J'en reparlerai.
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Il y a 11 mois
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