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vendredi 30 décembre 2011

Les voeux de ma mutuelle pour 2012 et mon état abasourdi

J'ai reçu, ce matin, de ma mutuelle la lettre suivante :

" A partir du 1er janvier 2012, toutes les mutualités sont priées d'adapter leur organisation et leur mode de fonctionnement au niveau des services complémentaires qu'elles offrent (assurance hospitalisation, séjours de revalidation, camps de jeunesse, interventions complémentaires dans les soins dentaires, par exemple). Cette obligation légale trouve son origine dans des actions judiciaires intentées depuis de nombreuses années par le secteur privé des assurances qui considère que le monde mutualiste crée des disparités de concurrence au niveau de ces services. En effet, le monde mutualiste, non lié exclusivement à des impératifs de rentabilité, se base depuis plus d'un siècle sur une logique de solidarité et de redistribution des risques au sens strict. Cette contrainte nouvelle touche l'ensemble du monde mutualiste belge et entraîne des changements non désirés de notre part et qui peuvent avoir des conséquences sur votre situation personnelle ...
Sachez que l'humain reste et restera à la base de notre action, loin des logiques purement mercantiles qui trouvent leurs limites dans la grave crise financière actuelle.
Dans l'espoir qu'en 2012 et au-delà, la solidarité soit réellement à la base d'un monde meilleur, nous vous présentons, ainsi qu'à votre famille, nos meilleurs voeux et vous remercions pour la confiance toujours renouvelée que vous nous faites ".


Je suis resté abasourdi pendant quelques instants.

De mes quelques rudiments de pensée libérale, j'avais retenu ceci :
- chacun est libre d'entreprendre et de gérer comme il l'entend son entreprise, en termes de coûts, de rendement et de profits ;
- les prix sont fixés par les marchés, ceux-ci étant censés s'aligner sur les prix les plus bas, car ce que le consommateur veut c'est le meilleur service au meilleur prix ;
- l'Etat doit se mêler le moins possible de ce qui relève de l'exercice de la liberté d'entreprendre.

Je n'ai rien compris au libéralisme, et encore moins au néo-libéralisme sans doute, vu que j'entends que certaines grandes entreprises de ce système s'entendent sur les prix, pour éviter la concurrence entre elles et sauvegarder leurs profits. Cela a beau être illicite, elles le font quand même. Elles ne peuvent s'en empêcher,montrant à quel point elles ne retiennent de la loi du marché que ce qui les arrange.

http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/709712/entente-illicite-entre-brasseurs.html

Dans le cas présent, c'est encore plus ahurissant. Les sociétés privées d'assurances, grand suppôts du capitalisme, accusent en quelque sorte de concurrence déloyale, les mutuelles, dont les méthodes de gestion sont trop favorables aux usagers. Au lieu donc de s'aligner sur ceux qui pratiquent le moindre coût, ce qui devrait être la seule réaction possible dans un régime de marché, ces sociétés privées ont introduit des actions en justice pour que leurs concurrents s'alignent à la hausse sur leurs prix et adaptent leur mode de fonctionnement à elles! Les sociétés privées ont ainsi gagné ! Il doit y avoir du côté du pouvoir quelques complicités, certainement pas judiciaires - ou alors c'est à désespérer de tout - mais politiques sûrement, c'est de plus en plus évident au niveau national, et encore plus européen.

Vous m'avez bien lu : les mutuelles vont devoir augmenter leurs tarifs, pour tous les services complémentaires qu'elles offrent, revoir leurs modes de fonctionnement, et renoncer à la philosophie qui les anime depuis 100 ans, solidarité et partage du risque, pour faire plaisir à quelques entreprises qui décident aujourd'hui de tout. Mon père, deux soirs, par semaine, travaillait, après journée, à la mutuelle quasiment bénévolement. Quelle horreur !

Toutes proportions gardées, bien entendu, j'imagine une action judiciaire de la société Point chaud, qui vend au prix d'un euro des croissants industriels de merde, un peu partout, et aussi dans mon quartier ;  son concurrent local le plus direct est Le théâtre du pain, qui vend des croissants bien meilleurs à 0,90 euro, sans compter le boulanger arabe, où ils sont très bons aussi, qui lui les vend à 0,75 euro. La société Point chaud ne serait-elle pas en droit de dire qu'en adoptant d'autres critères de rentabilité et de coûts, les deux autres font preuve de concurrence déloyale ... et qu'il faut les contraindre à aligner leurs prix sur ceux qu'elle pratique. Cela vous paraît invraisemblable. Alors, ce qui se passe aujourd'hui au niveau des mutuelles à l'initiative des sociétés privées d'assurances doit vous paraître invraisemblable aussi. Et immoral, cela va sans dire.

Il faut dénoncer encore et toujours, ne fût-ce que pour rendre les gens un peu plus conscients.

J'ai lu ainsi, ces derniers jours, quelques déclarations qui méritent qu'on s'y arrête :

Emmanuel Todd, Le Point, 13 décembre 2011 :


" Ne soyons pas dupes de ces concepts mystificateurs : Bruxelles, les marchés, les banques, les agences de notation américaines, ces faux-nez, camouflent la prise du pouvoir politique à l'échelle mondiale par les plus riches ... les plus riches jouant avec l'Etat ". Et un peu plus loin, à propos de l'endettement des Etats : "
On analyse la dette publique à partir du point de vue d'un emprunteur qui serait coupable d'avoir dépensé sans compter. Les peuples doivent payer parce qu'ils ont vécu à crédit. Or, ce ne sont pas les emprunteurs qui sont, fondamentalement, à l'origine de la dette, mais les prêteurs qui veulent placer leurs excédents financiers ... Un Etat qui s'endette est un Etat qui, grâce au monopole de la contrainte légale, permet aux riches une sécurité maximale pour leur argent ".


Pierre Larrouturou, économiste, sur Matin première, le 23 décembre 2011 (compte-rendu/commentaire) :

"Globalement tout ce qu'on a fait depuis quatre ans ne marche pas et aggrave le problème, parce que le diagnostic est faux ". Citant l'exemple américain, il explique que "pendant trente ans, avant l'arrivée de Reagan au pouvoir (en 1981), il n'y avait besoin, ni de dette privée, ni de dette publique, pour nourrir l'économie ". Durant cette période,  " il y a eu un équilibre social : ce qui allait aux actionnaires, ce qui allait aux salariés, était à peu près équilibré ",  constate-t-il, " mais depuis l'arrivée de Ronald Reagan, depuis le succès des politiques libérales, nos pays ont besoin de dette parce que l'on a consenti trop de baisses d'impôts pour les plus riches et que ce qui va aux salaires est trop bas ". Dès lors, ce que l'on ne donnait pas par le salaire, on l'a donné par le crédit, ce qui a créé une immense dette privée. Ce qui n'est plus rentré dans les caisses de l'Etat, à force d'offrir des "ponts d'or" aux plus riches a créé de la dette publique.

Pourtant, avant, les politiques qu'avait mises en place le président Roosevelt ont fonctionné. Elles montrent que d'autres solutions que les solutions néo-libérales sont possibles face aux crises structurelles.

Si l'on maintient le cap actuellement choisi par les autorités européennes, on court tout droit vers un nouveau choc. Qui est prêt sincèrement à engager un travailleur de 67 ans, quand un plus jeune plus qualifié parfois et surtout moins cher se trouve en concurrence (sans ancienneté, avec éventuellement un statut précaire) et peut faire l'affaire ?  Repousser l'âge de la retraite risque bien de se traduire de deux manières : une carrière allongée pour avoir droit à la retraite complète, mais entrecoupée de périodes de chômage (à charge de l'Etat) ; soit des départs anticipés, qui se traduiront par une retraite rabotée (cela doit être là le souhait de l'Etat). Alors les étudiants et les papys se disputeront les petits boulots, comme cela est déjà le cas aux Etats-Unis. Géniale concurrence entre générations.

La banque centrale des Etat-Unis a prêté, en une semaine, 1.200 milliards aux banques privées au taux de 0,01 %. La Banque centrale européenne a prêté, dans le même temps, aux banques privées 480 milliards d'euros aux taux de 0,01%, à cause de la crise que subissent ces banques de plein fouet, tandis que les mêmes banques prêtent aux Etats à des taux de plus en plus élevés (de 4 à 7%), en raison de la même crise, les agences de notation fixant en quelque sorte le taux d'intérêt au gré de leurs AAA, etc. Pour faire face à cette hausse des taux d'intérêt, les  Etats n'ont rien trouvé d'autre que l'austérité, soit faire payer aux citoyens la cupidité de quelques uns. Il ne s'agit point de dire qu'une gestion rigoureuse des finances publiques ne doit pas être encouragée, mais de ne pas se laisser dire n'importe quoi, ni de se laisser faire.

Révélation : " dans les statuts de la BCE (Banque centrale européenne), il est dit qu'elle peut prêter au taux de 0,01 % à la BEI (Banque européenne d'investissement) qui, elle, a le droit de prêter à 0,02 % aux Etats". Et voilà qu'on nous dit que pour sauver l'euro, il faudra passer par une modification des traités.

Si cet économiste distingué dit vrai, il me parait clair que vous et moi sommes bernés !

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