Tous les cinq ans (avant c'était sept), on assiste, en France, à un combat des chefs, comme du temps d'Astérix.
Les chefs en présence n'ont pas tous un "gabarit suffisant" (comme a déclaré Bernadette Chirac, à propos de François Hollande, avant de regretter son propos peut-être excessif). Disons qu'il y a, dans ce combat, des chefs qui sont là pour faire de la figuration et donner, peut-être, aux français l'illusion de la démocratie.
Certains sont complètement folkloriques, tel le sieur Cheminade. D'autres se demandent ce qu'ils font là (Eva Joly, Patrick Poutou). Ils sont là parce qu'on leur a demandé d'y être, pour garantir une certaine diversité. Ils défendent mollement leurs idées ; à vrai dire, ils n'en ont rien à foutre. Ils pensent, à juste titre, je vais y revenir, que c'est lors des élections législatives qu'ils devront se battre, pas aux élections présidentielles. D'autres encore, comme Nicolas Dupont-Aignant, y croient "dur comme fer". Laissons-le croire. Notons qu'ils ont tous dû recueillir 500 signatures d'élus pour pouvoir être candidat. Les élus qui ont soutenu monsieur Cheminade sont sans doute des adeptes du second degré. Dire que Marine Le Pen a failli ne pas obtenir les 500 soutiens requis ! Un coup de com, un de plus, pour se présenter en victime ? Elle a trouvé ces derniers soutiens à la toute dernière minute. Car s'il s'est trouvé 500 élus pour soutenir monsieur Cheminade, il devait bien s'en trouver autant pour soutenir la candidate du Front national, vu qu'à certains égards, ils ne valent pas mieux l'un que l'autre ; je pense à la crédibilité de leur programme. Je comprends toutefois les élus : il est plus facile de soutenir un doux dingue, sans aucune chance, qu'une candidate tout aussi dingue, mais au potentiel de dangerosité bien plus grand. Il est quand même étonnant de voir, dans une démocratie, des "déjà élus" décider de qui est digne ou non de concourir à une future élection et donc de définir préalablement l'offre qui sera présentée aux électeurs. Au vu du résultat final, on se demande à quoi cela sert vraiment. A quoi peuvent bien ressembler les candidats qui n'ont pas obtenu les 500 candidatures, car il doit bien y en avoir, enfin je le suppose ? Evidemment s'il y avait 24 candidats, et non dix, comment le C.S.A. pourrait-il régler le temps de parole de chacun ? Car, en effet, à partir d'une certaine date, tous les candidats admis à la joute, doivent être traités sur un pied d'égalité en ce qui concerne le temps de parole. Cela est assez grotesque. Les gros calibres ont déjà occupé l'antenne bien avant. On voit alors défiler tous les plus ou moins farfelus, sympas parfois au demeurant. Comme ils n'ont pas toujours grand chose à dire, les chaînes d'information diffusent leurs déclarations en boucle pendant la nuit pour leur assurer la même audience qu'aux autres. Non vous n'êtes pas en Belgique, mais en France.
Restent cinq chefs sur dix qui comptent : deux poids lourds et trois poids moyens. Tout le monde sait depuis bien des semaines déjà que tout se jouera entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Les trois poids moyens sont : Marine Le Pen, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon.
Une observation en passant concernant les deux poids lourds : François Hollande est présenté par le parti socialiste, après une élection primaire interne au parti ; à l'UMP, rien de tel, le Président actuel et à nouveau candidat est aussi le chef du parti qui le présente à l'élection. Pourquoi s'embarrasser d'une primaire quand on sait de manière absolue qu'on est assuré d'une très large majorité ? Je ne sais pas, mais moi, cela me fait penser à certains régimes politiques où le chef est incontesté et obtient au moins 95 % des voix, lorsqu'il se soumet à l'élection des siens (ce qui, dans certaines dictatures, représente toute la population, qui n'a d'ailleurs pas d'autre choix que de voter pour le chef).
Le premier tour viendra confirmer ce que tout le monde sait déjà. Ni Le Pen, ni Bayrou, ni Mélenchon n'ont aucune chance de figurer au second tour. Obligatoirement, ils vont devoir inviter leurs électeurs à reporter leurs voix sur un des deux candidats poids lourds, ou à s'abstenir. Gagnons du temps : qu'ils indiquent, dès le premier tour, leur préférence. C'est le vote "utile" dont parle François Hollande. C'est aussi ce que recommande Daniel Cohn-Bendit, qui trouve la campagne longue, ennuyeuse, sans souffle, sans vision de l'avenir.
Le résultat final pourrait ainsi apparaître dès le premier tour, rendant le second inutile. Faites un petit effort les petits et moyens candidats, désistez-vous, indiquez votre consigne de vote éventuelle et réservez-vous pour les législatives, car c'est au Parlement que vous pourrez travailler, si le scrutin majoritaire vous en laisse la possibilité.
Y aurait-il déni de démocratie ? Pas du tout, vu que les élections présidentielles sont suivies d'élections législatives donnant à toutes les opinions, toutes les tendances, le loisir de s'exprimer. Avec une dose de proportionnelle, cela serait naturellement encore mieux. Mais les élus français sont tellement attachés à "leur" circonscription acquise au scrutin majoritaire qu'ils ne sont sans doute pas prêts pour un système proportionnel. N'est-ce pas après avoir constaté que le scrutin majoritaire avait fait basculer à gauche toutes les conseils régionaux, sauf un, je crois, que le toujours génial président Sarko a commencé à parler d'une "dose de proportionnelle", encouragé immédiatement par Marine Le Pen.
Voilà ce qui est étrange dans le système décrit : après une première sélection par des élus, on propose aux électeurs français un choix de candidats censés représenter plusieurs tendances, sachant très bien dès le départ que cette sélection ne sert pas à grand chose. Si cette sélection par les élus a pour but de désigner les plus crédibles, elle ne remplit de toute évidence pas son rôle. Que se passe-t-il ensuite entre les deux tours ? Des négociations, des alliances, des reports de voix, prévisibles dans la plupart des cas, mais qui échappent aux électeurs. Quel est le sens de tout cela ? De bétonner une majorité de gouvernement ? Mais alors pourquoi les électeurs sont-ils invités, quelques semaines après, pour une élection législative, à nouveau majoritaire et à deux tours ? Pour confirmer ou destituer les barons dans leurs baronnies ? Pourquoi les présidentielles viennent-elles avant les législatives ? Ne serait-il pas plus simple d'élire le président sur la base de la majorité au parlement ? Ou de voir les deux blocs les plus importants (au-delà des partis) présenter chacun un candidat soumis au vote du parlement, comme pour les présidents d'assemblée, par exemple. Non, la France a besoin d'un monarque et elle se complaît à penser qu'aujourd'hui elle l'élit.
Si j'étais citoyen français, je me sentirais quelque peu désorienté. En plus, le vote en France n'étant pas obligatoire, n'est-il pas à redouter que vont seuls voter ceux qui se reconnaissent dans ce système pour le moins complexe et peu transparent ou votent sans comprendre. Le taux d'abstention est toujours un sujet clé lors des élections françaises. Au caractère artificiel de tout ce qui précède, s'ajoute, si le taux d'abstention est élevé, la question de la légitimité réelle des élus. Pensez donc, ce que l'on appelle la majorité en France peut très bien ne pas correspondre du tout à la majorité réelle. Pour compenser cela, on parle de politique d'ouverture. Sarko, toujours lui, a fait entrer, par exemple, dans son gouvernement des personnalités de gauche. Ce qui me gêne profondément, c'est qu'il s'agit alors du fait du Prince plutôt que la volonté de l'électeur.
Bref, je ne comprends pas vraiment ce système. Mais je ne suis pas politologue et tiens sans doute encore des propos de café du commerce.
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