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mercredi 21 mars 2012

DSK et les féministes du Parlement européen

J'avais pensé écrire un petit texte suite à la réaction de parlementaires européennes, féminines et de surcroît féministes, ayant finalement  réussi à interdire de parole Dominique Strauss Kahn dans l'enceinte du Parlement européen à propos de la crise financière mondiale.


J'avais trouvé leur propos fort médiocre et même pathétique.


Quelqu'un d'autre que moi a fait le travail à ma place. Je souscris à ce qu'il dit et reproduit donc son texte intégralement.


LES TRICOTEUSES


Dominique Strauss-Kahn n’est pas un homme sympathique. Il est, à bien des égards, l’image inversée des valeurs qu’il a prétendu défendre. Il semble acquis qu’il ait vis-à-vis des femmes un comportement archaïque et détestable. Rétrospectivement, on se réjouit qu’il ne soit pas candidat à l’élection présidentielle. Si tel avait été le cas, d’aucuns se seraient probablement empressés de dévoiler l’une ou l’autre affaire graveleuse qui aurait abîmé l’homme mais, surtout, bien plus grave, blessé irrémédiablement l’idéal qu’il était censé incarner et trompé les millions de citoyens qui voient, dans la gauche française, une bouée de sauvetage pour une Europe oscillant entre la sclérose et l’intransigeance obtuse. 



L’homme peut difficilement se plaindre d’avoir fait la une de tous les tabloïds du monde. Celui qui a le rang de chef d’Etat sait qu’il ne quitte jamais la lumière, que rien ne lui sera pardonné et que le moindre dérapage aura, médiatiquement, des conséquences exponentielles. Dominique Strauss-Kahn a lui-même, par son comportement, provoqué le lynchage médiatique, certes nauséeux, dont il a été l’objet. C’est aujourd’hui un homme déchu et il est l’artisan de sa déchéance. Mais le constat doit s’arrêter là. Le lynchage doit s’arrêter. Dominique Strauss-Kahn a été blanchi des poursuites pénales engagées à son encontre aux Etats-Unis. Pour ces faits, il n’est pas présumé innocent, il est innocent. D’autres faits sont à l’instruction en France pour lesquels il est présumé d’innocence. Et s’il doit être jugé un jour, il ne le sera avec justice que pour autant que ce procès s’inscrive dans la sérénité et la dignité. Les journalistes qui sonnent l’hallali ne servent pas la justice. Ils se comportent comme les tricoteuses de la Révolution française qui célébraient une justice rendue dans le sang. Il est un devoir de tout responsable public, soucieux de justice, d’aller à contre-courant et de contribuer à la restauration d’un climat plus serein. 



Comment comprendre alors l’intervention de deux eurodéputées belges, Isabelle Durant (Ecolo) et Véronique De Keyzer (PS), qui ont écrit au Président du Parlement européen pour que Dominique Strauss-Kahn ne soit pas invité au sein de cette institution. Elles écrivent : "Au nom du combat que nous menons pour la dignité des femmes, nous nous opposons à cette invitation et vous demandons, Monsieur le Président, de veiller à ce que ce Parlement reste un lieu de travail législatif, où les sensibilités de chacun sont respectées, et non une arène médiatique où il faut faire ‘des coups’, du show et du spectacle". Et d’ajouter : "Nous respectons la présomption d’innocence, nous respectons le droit à la libre expression et nous refusons toute ingérence moralisatrice dans la vie privée de chacun. Mais, après le déballage public et les prises de position de Dominique Strauss-Kahn sur les différentes affaires auxquelles il est confronté aujourd’hui, cette invitation est à proprement parler indécente".



N’est-il pas indécent, précisément, de constater que deux élues du peuple hurlent avec les loups des médias, et qu’elles invoquent la présomption d’innocence pour mieux la mépriser ? Dominique Strauss-Kahn serait-il le premier homme à la moralité contestable à fouler les parquets du Parlement européen, là où prolifèrent les lobbyistes en tout genre et où siègent quelques députés d’extrême droite ? Interdire à cet homme d’être invité au sein d’une institution démocratique revient en quelque sorte à lui administrer une vieille peine oubliée, la mort civile, alors même qu’il n’a été condamné à rien. Car, l’ancien patron du FMI n’est pas invité au Parlement européen pour évoquer sa vie sexuelle, mais bien les leçons à tirer de la crise économique. 



Est-ce être de gauche que de bâillonner les déchus ? Est-ce être humaniste que de réduire au silence celui dont on réprouve la morale ? Les intéressées justifient leur position par la volonté de ne pas provoquer de troubles au sein du Parlement. Le trouble est inhérent au débat démocratique. Comment, par exemple, ne pas se réjouir du trouble tonique provoqué par les déclarations d’un autre eurodéputé belge, Guy Verhofstadt, comparant Sarkozy à Le Pen ? 



Non, ici, le but, dans leur chef, n’est pas d’éviter un trouble qu’elles alimentent elles-mêmes, mais bien au contraire de faire "un coup" et de conquérir une publicité facile en s’en prenant à celui que nul ne daigne plus défendre. L’égalité entre femmes et hommes, le respect dû aux femmes, la dénonciation du comportement odieux de certains hommes méritent assurément une défense d’une plus haute tenue. Ce n’est assurément pas en frappant un homme au sol que l’on rend crédible un combat pour l’égalité.



Marc UYTTENDAELE
Chroniqueur
La Libre belgique, 22 mars 2012

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