Voilà huit jours que j'hésite à publier ce post. Tant pis, je me lance. Je vais déplaire et choquer.
Peut-on être à la fois contre la peine de mort et pour l'avortement ? Et inversement, peut-on être à la fois pour la peine de mort et contre l'avortement ? Cela ne me semble pas clair du tout, en tout cas dans la tête de ceux qui ont manifesté le week-end dernier, pro ou anti avortement, à Bruxelles. Il eût été intéressant d'y faire un sondage conjoint sur les deux sujets auprès des participants. Mais, je ne veux pas polémiquer.
Je vais aborder aujourd'hui un thème fort difficile. A Bruxelles, le week-end dernier, deux manifestations ont eu lieu l'une pour la défense du "droit" à l'avortement, l'autre pour "la défense de la vie".
J'ai éprouvé un profond malaise, tellement ce sujet délicat se voit réduit, lors de ces manifestations, à deux factions idéologiques qui s'opposent, depuis plus de trente ans, sans beaucoup de finesse ni de profondeur dans les arguments.
Avant tout, il faut le dire et le répéter sans cesse, l'avortement est TOUJOURS un épisode douloureux dans une vie. Je le sais, j'ai cheminé avec un jeune couple concerné. Je connais aussi le travail de ceux qui accompagnent de jeunes mères songeant à l'avortement afin de les convaincre d'abandonner plutôt leur enfant et de le confier à l'adoption. Leur générosité ne fait aucun doute, leur idéalisme non plus. Malheureusement, ces croisés de la vie ne mesurent pas toujours bien les conséquences de la solution qu'ils recommandent tant pour la mère que pour l'enfant. Dans leur idéalisme pro-vita, ils semblent ne pas connaître grand chose des aléas, des écueils et des échecs de l'adoption, a fortiori dans ce contexte. Pour sauver une vie encore en devenir, ils sont prêts à créer de grands problèmes autant chez la mère invitée à abandonner son enfant que chez l'enfant abandonné à la naissance pour être adopté. Certes, des adoptions sont réussies, mais toutes ne le sont pas. Il n'y a donc pas une solution miracle, mais plutôt des issues boîteuses.
On aimerait entendre, sur l'avortement, d'autres propos que des clichés dogmatiques et des pétitions de principe.
Eric de Beukelaer a dénoncé, sur son blog, l'idée d'un "curseur" qui déterminerait à quel moment le foetus peut être considéré comme un être vivant. Il faut bien reconnaître que la question de savoir s'il faut poser le curseur à 5 ou à 14 semaines ne résiste pas longtemps à l'analyse. Cela a été l'option du législateur pourtant. Je suis d'accord avec Eric de Beukelaer ... mais il ne répond pas à la question ce faisant. Il n'offre aucun critère de discernement. J'aurais aimé qu'en tant qu'exprimant sa foi, selon la tradition biblique, il donne une vision étayée. La question mérite en effet d'être abordée d'un point de vue biologique, anthropologique, culturel, et, je le pense, aussi religieux.
http://minisite.catho.be/ericdebeukelaer/2012/03/26/avortement-blabla/
On aimerait, dans le fond, que ce débat soit inspiré. Il ne l'est pas.
Je vais sans doute choquer (particulièrement, je le sais, de nombreuses femmes qui n'ont pas pu enfanter). La réalité est pourtant celle-là : des femmes tombent (comme on dit) enceintes, sans l'avoir désiré (par légèreté, par manque de précaution, suite à un viol, qu'importe finalement) ; d'autres, qui désirent enfanter, n'y arrivent pas ou avec difficulté. Les premières pensent à l'avortement, les secondes à la fécondation in vitro et à tous les moyens possibles pour réaliser leur désir. Les unes et les autres méritent autant d'attention. Mais il s'agit toujours d'un désir, bien ou mal vécu. Je ne suis pas une femme, donc je ne puis éprouver ce qu'une femme éprouve quand elle porte en elle la vie. Je constate simplement que les femmes ne sont pas d'accord entre elles sur le fait qu'être femme signifie aussi (obligatoirement, accessoirement, fatalement ...) la vocation d'être mère. Dans ces discours-là, on ne parle guère des pères de toute façon. Comme si la question de l'avortement était une question de femme à régler entre femmes (et accessoirement avec les politiques). Quel mépris des hommes !
A partir du moment où il s'agit de désir, la loi peut-elle apporter une réponse adéquate ? N'est-ce pas plutôt aux psys d'aider ces femmes à gérer leur désir ou non-désir ?
Il n'en reste pas moins qu'une réponse de la société est attendue : toujours ce besoin de dire ce qui est bien et ce qui est mal et à partir de quand il faut interdire et punir. C'est le rôle du politique.
Le législateur, en ce qui concerne l'avortement, a donc défini un délai raisonnable. Son critère est biologique, il se définit par le nombre de semaines d'existence du foetus. On peut discuter sur le nombre de semaines ; cela est un peu ridicule. Chercher un curseur biologique est, je le pense, en l'espèce, non seulement inadéquat, mais non fondé.
Eric de Beukelaer réfute, dans son blog, cette idée d'un curseur. Il ne dit pas toute la vérité. Car il situe bien le cursus quelque part : au moment où l'ovocyte se voit fécondé et ouvre la voie à une vie possible, quoique aléatoire. C'est un choix. Mais il s'agit bien d'un curseur, il devrait le reconnaître. Pourquoi à ce moment-là ?
Au risque d'être frappé d'hérésie, je m'étonne de ne pas entendre, dans les milieux croyants, plus de subtilité. La vie est multiple : elle commence avec la division de la cellule. J'avais cru cependant comprendre qu'entre l'amibe et l'homme, il y a une différence : un degré de conscience différent. L'homme n'est pas qu'un être vivant, il est appelé à devenir une personne, un fils aimé de Dieu, créé "à son image et à sa ressemblance".
Or, la Bible, quand elle parle de Dieu, parle beaucoup du souffle de Dieu, l'anima. Ce souffle qui donne vie. Les guérisons réalisées par Jésus reposent, d'ailleurs, dans de nombreux cas, sur ce principe: la vie s'insuffle et, pour la réveiller, il faut communiquer son souffle pour permettre à l'autre de retrouver vie.
Est-il hérétique de considérer que le petit d'homme ne naît, en tant que personne, qu'à partir du moment où il pousse son premier cri, c'est-à-dire où il inspire pour la première fois le souffle de la vie et respire de manière autonome ? Est-il inconvenant de penser qu'il ne devient, qu'à ce moment précis, totalement un être "à l'image de Dieu et à sa ressemblance" ? Ce moment symbolique pourrait constituer un curseur clair et signifiant, avec en outre un fondement biblique. Pourquoi n'a-t-il pas été retenu, voire discuté, dans les milieux catholiques ? A vrai dire, je n'en sais rien.
Je n'ai pas de réponse à cette question. Sans compétence aucune, je me suis permis d'ouvrir une brèche. Je vais peut-être le regretter.
J'entends déjà les objections possibles ...
- le premier cri, le premier souffle, n'est pas propre à l'homme, il en va de même de tous les vertébrés ... or, la vie existe aussi chez les invertébrés ;
- le premier cri, le premier souffle, n'est pas propre à l'homme, il en va de même de tous les vertébrés et on ne demande pas à un mouton d'être une personne ;
- la mère qui porte, dans son ventre, un enfant en devenir sait que cette vie en elle, n'est pas elle ; le père lui est obligé de croire la mère sur paroles. Cela dit, quand on voit, les efforts que certains doivent faire pour "rompre le cordon ombilical", on ne m'enlèvera pas de la tête que peu de mères acceptent l'autonomie de leur rejeton, tant elles considèrent qu'ils font partie d'elles-mêmes.
Il apparaît en tout cas qu'on ne naît pas à la vie en une fois, cela peut même prendre des années. Ce qui repose la question du curseur. Pour ma part, à ce stade de ma réflexion, entre le souffle et l'amibe, je trouve plus signifiant le souffle que l'amibe. J'ai plus l'âme symbolique que scientifique.
A ceux qui vont me lire, je tiens à dire que mon propos n'est pas de stigmatiser ou de condamner. J'ai essayé une certaine lecture, qui est peut-être erronée. Je fais preuve ici de beaucoup d'humilité. Simplement, il m' a semblé que tout n'était pas dit et j'ai cherché à dire autre chose.
Je suis, par conséquent, ouvert à toute critique un peu argumentée.
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