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mercredi 6 octobre 2010

Les impôts: une histoire de fous (II)

Parlons un peu de la France.

Tous les gouvernements ou partis de droite articulent leur programme électoral autour du slogan suivant: "moins d'impôts et moins de charges". C'est la base du libéralisme. L'Etat n'a pas à faire ce que le marché peut faire aussi bien à sa place.

L'actuel président français prétend illustrer ceci dans trois mesures symboliques:
- le bouclier fiscal à 50 %;
- la diminution du taux de la T.V.A. dans la restauration;
- la suppression des charges patronales sur les heures supplémentaires, résumée dans sa formule "travailler plus pour gagner plus".

Je ne vais pas ici disserter sur l'efficacité de ces mesures. Il y aurait pourtant beaucoup à dire. Comme dans mon précédent post, je m'en tiendrai au discours et aux justifications apportés par les politiques.

Aujourd'hui, en France, la suppression du bouclier fiscal est envisagée, elle irait de pair avec une suppression de l'impôt sur la fortune et la suppression de 22 niches fiscales.

Ceci mérite un commentaire.

Le plus extraordinaire est ceci: la suppression du bouclier fiscal est aujourd'hui justifiée par le souci d'une convergence plus grande avec la fiscalité allemande. C'est aussi le plus risible: le président a justifié, en son temps, et dans tous ses discours, le bouclier fiscal par l'exemple allemand. Or, il n'y a jamais eu de bouclier fiscal en droit allemand. Il y a eu, comme en Belgique d'ailleurs, une décision d'une juridiction toute relative s'interrogeant sur la limite à partir de laquelle l'impôt peut devenir une mesure confiscatoire. Aujourd'hui, certains membres du gouvernement expliquent que supprimer le bouclier fiscal n'est plus un tabou. Comme il n'a jamais existé de bouclier fiscal en Allemagne, il convient de s'aligner. Y aurait-il eu mensonge à un moment?

Dans la foulée, les représentants de la majorité présidentielle, qui sont favorables à l'abolition du bouclier fiscal, expliquent qu'il faut aussi supprimer alors l'impôt sur la fortune, puisqu'il n'y a pas d'impôt sur la fortune en Allemagne (depuis 1997). Il est vrai, la France et la Grêce sont les derniers pays de l'Union européenne à connaître encore cette forme d'imposition.

En termes de communication, cela passe mal. Que va retenir le citoyen de base: ce que vous prenez d'une main (en supprimant le bouclier fiscal), vous le redonnez de l'autre (en supprimant l'impôt sur la fortune). Pourtant, c'est moins simple que cela. L'impôt sur la fortune français est le moins progressif qui soit. Certains y sont soumis alors qu'ils ne témoignent pas d'une capacité contributive particulière, comparés à d'autres.

Quant aux niches!

Qu'est-ce qu'une "niche fiscale"? Une possibilité de réduire les impôts que l'on doit. S'illustre ici l'utilisation, à l'excès, de la fiscalité pour encourager ou favoriser certaines catégories de contribuables ou certains comportements. Tous les domaines sont concernés: les économies d'énergie, l'acquisition d'un immeuble, certains contrats d'assurance ... j'en passe et des meilleures. Rien n'est ici neutre: on trouve presque toujours à l'origine d'une niche un lobby, et - je vais être inconvenant - sans doute certaines collusions entre politiques et représentants de ces lobbies.


Il existerait, en France, 400 niches fiscales, et le gouvernement envisage d'en raboter 22. Le premier ministre a bien dû reconnaître que la suppression de ces 22 niches fiscales signifiera une augmentation des impôts, malgré les promesses électorales de son président. Il se rattrape cependant en expliquant qu'il ne s'agit pas d'une hausse généralisée des impôts. La mesure ne concernera que quelques-uns et uniquement des individus qui, sur une base volontaire, ont pu échapper à l'impôt (alors que d'autres le subissent). Hallucinant.

Je ne sais pas si le premier ministre a bien mesuré la portée de ses propos au regard de la sécurité juridique et de la confiance que le citoyen peut encore avoir dans l'Etat, ainsi géré.

http://www.liberation.fr/politiques/01012294329-a-bras-raccourcis-sur-le-bouclier-fiscal
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/10/05/niches-fiscales-ce-qui-va-changer_1420387_3234.html
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/10/05/niches-fiscales-ce-qui-va-changer_1420387_3234.html
http://bercy.blog.lemonde.fr/2010/09/21/couteux-et-injuste-de-supprimer-bouclier-et-isf-et-de-creer-une-nouvelle-tranche-dimpot/

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