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samedi 3 septembre 2011

Les métamorphoses de la libido

J'emprunte ce titre au chapitre III de l'ouvrage que je suis en train de lire avec énormément de bonheur (J.Y. Leloup, Jésus, Marie-Madeleine et l'incarnation, Albin Michel, 2008).

Il m'importe peu,  à vrai dire, de savoir si Jésus et Marie-Madeleine ont eu des relations charnelles, voire une descendance, comme l'ont imaginé certains auteurs de romans ou de films.

Je suis, par contre, très intéressé par ceci : la langue française, si riche pourtant, semble bien pauvre une fois qu'il s'agit de parler d'aimer. Le même mot est utilisé pour dire qu'on aime sa femme, ses enfants, son chien, le foie gras ou le foot. En grec, il y a au moins une dizaine de termes différents pour parler de l'amour.

Voici le résumé qu'en fait Jean-Yves Leloup (mais il en dit beaucoup plus):

" Il y a différents "degrés" d'amour qu'il ne faut ni confondre, ni séparer : on peut alors parler d'une échelle des métamorphoses de la libido. Tout commence par la pornéia, l'amour du bébé, qui "dévore" le sein de sa mère. Puis l'amour nourriture s'allège en amour érotique, qui donne des ailes à la gourmandise infantile, lui évitant de s'alourdir en voracité, mais éros, malgré ses ailes, vit encore dans le manque. Alors vient l'amour philanthropique, philia, qui est plein, apaisé, et relie les vrais amis dans un partage égal. Mais cela ne s'arrête pas là : philia elle-même quitte le plan de la simple amitié pour s'élever encore plus haut, là où règne l'amour inconditionnel, l' agapê ...

La pornéia est charmante chez un nourrisson "gourmand de sa mère" ; elle l'est moins chez un homme de cinquante ans, "vieux bébé" qui cherche à se nourrir de l'autre pour exister - c'est cette pulsion qui le maintient en vie, mais qui en reste à "consommer" l'autre et à le consumer au lieu de communier avec lui. Le chemin consiste à passer de la consommation à un amour qui communique, la philia ; puis de là, à un amour qui communie, l' agapê. Aujourd'hui, on parle beaucoup de communication, mais pas encore assez de communion.

Eros, je l'ai dit, est un jeune dieu. C'est le désir ailé, c'est le désir du beau dont parlent ces mystiques qui, dans la femme, découvrent Dieu. C'est l'amour platonicien qui, à travers un beau corps, trouve l'Idée qui le structure et, au delà de l'Idée, la Beauté pure. C'est la démarche érotique, qui est déjà une contemplation, mais éros est le fils de pénia, le "manque en grec. Eros est toujours dans le manque, c'est la soif qui cherche son eau vive, le vase qui voudrait être rempli, comblé.


Un éros bien orienté est magnifique, mais lui-même n'est pas source, à la différence de l'agapê. Dans nos amours il y a souvent beaucoup de soif, mais peu de fontaines qui débordent ! L' agapê ne cherche plus l'amour, mais est capable de le donner pour rien, gratuitement: c'est la "source d'eaux vives ".


Oui, il en dit beaucoup plus ; je pourrais reproduire à peu près tout ce qu'il dit.

Ces propos de J.Y. Leloup ont fait écho, chez moi, à un autre beau texte "De l'amitié au centre de l'amour", écrit et publié en 1997 par M. Z., qui était le copain de P., au moment où je l'ai rencontré et aimé (revue Ecritures, n° 9, Les amis, ULg, Les éperonniers, 1997, p. 103 et suiv.).

En voici quelques extraits :

" Etre amoureux, c'est jamais pour longtemps, ça use, ça fait mal, ça empêche de vivre. Etre amis, on peut croire que c'est depuis toujours (l'enfance) jusqu'à toujours (les plus vieux amis du monde).


Le jour où tu ne m'aimeras plus ou/et je ne t'aimerai plus, nous ne serons plus amis. Notre amitié vit au coeur de notre amour. Elle s'y nourrit et le nourrit. Elle s'y déploie et l'aide à tenir debout. A résister. A l'érosion du temps. Contre la banalité des vents et des armées.


Cette amitié n'est pas à confondre avec la tendresse ou les sentiments affadis. Surtout pas.


Pendant mon adolescence, j'étais toujours amoureux de mes amis, pour leur voler, en cachette, ce contact physique refusé aux pédés d'Arlon. Aujourd'hui, je suis ami avec mon amant. Sans honte et avec fierté.


Certains jours, les amants s'affrontent. Le printemps de l'année dernière, un autre amour t'emplissait, le nôtre allait à vau-l'eau, je me débrouillais mal et comme je pouvais. Notre amitié plongeait vers le degré zéro. Seul l'amour importait, et la crainte du dé-samour. Je n'étais pas jaloux. Je ne le suis jamais. J'avais juste peur que tu ne m'aimes plus. A tel point que j'ai voulu, dans les pires instants, rompre. Lorsque tu m'as fait comprendre que notre amour n'était pas (plus) en danger, que tu m'as appelé pour me dire que tu serais à Paris quelques heures plus tard, l'amant que je suis a senti le soulagement déferler. Ce W-E là, l'amour joyeux débordant de partout. L'amitié n'est revenue que plus tard, doucement.


T'aimerais-je sans cette amitié ? Je ne pourrais me reposer sans elle. J'abandonnerais tout de suite. L'ami comprend des choses qui restent opaques à l'amant. Il essaye de leur en communiquer l'intelligence. parfois, ça marche. Nous gagnons du temps. L'amour se blesse moins.


Etre amis, c'est le pari que nous nous aimerons pour la vie ".








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