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vendredi 2 mars 2012

Il est très habile François Hollande

François Hollande a lancé une petite bombe en proposant une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu taxable à 75 %, sur les revenus annuels supérieurs à un million d'euros. Un impôt sur les millionnaires ! Pourtant, il ne fait que proposer là une progressivité plus juste de cet impôt. Rien d’étonnant de la part d’un socialiste. Qui sera concerné ? Les artistes en vue, les joueurs de foot, les patrons du CAC 40, des traders, des publicitaires, des grosses fortunes ... que sais-je ?

Cela est très habile, car Nicolas Sarkozy, qui a choisi de se donner une nouvelle image de "président du peuple", ne peut pas décemment contester, sans se contredire, cette mesure dont le but est de déplacer du peuple vers les nantis une part de l'effort. Cela est doublement habile, car les réactions de l'UMP n'ont pas manqué ... et manifesté, comme souvent, l'indigence intellectuelle de l'entourage présidentiel et sa mauvaise foi. On en sait encore un peu mieux, après cela, sur les hommes et les femmes qui entourent le président Sarkozy.

Les caciques de l'UMP ont réagi au quart de tour comme toujours, avec ironie et sarcasme. Ils dénoncent en chœur une annonce improvisée, un impôt aberrant et confiscatoire, une atteinte à la propriété : pensez-vous, réclamer 75 % d'impôt sur les revenus de quelqu'un est inadmissible. Ils font des comparaisons mensongères avec l'étranger et évoquent le spectre d'une délocalisation des grandes fortunes. Comme toujours, des incantations et guère de justifications. On pourrait en dire autant de pas mal des réformes de leur mentor : improvisées et aberrantes.

Pauvres hères du sarkozysme qui n'ont pas suivi mon cours de droit fiscal, où l'on apprenait, parmi les principes élémentaires, la différence, en cas de progressivité de l'impôt, entre le taux moyen d'imposition et le taux marginal d'imposition. A ces millionnaires, on ne réclamera évidemment pas 75 % de leurs revenus ; on imposera au taux de 75 % la partie de leur revenu qui excède un million d'euros (et un million d'euros, ce n'est pas rien) et seulement celle-ci, le reste subira une ponction moins élevée et le taux moyen ne sera au final évidemment pas de 75 %. Parler de confiscation est abusif. Et parler d'une taxation des riches à 75 % un mensonge.

Bien entendu, encore faut-il adhérer à l'idée de progressivité. Certains libéraux radicaux prônent en effet une flat tax, soit un taux unique, quel que soit le revenu, estimant qu’il n’y a pas de raison pour que les moins nantis ne contribuent pas aux charges publiques et qu’il n’y a pas de raison non plus pour que les riches paient pour les pauvres. "Impôt unique, impôt inique", annonçait Voltaire. N'est-ce pas l'exacte politique du président français quand il annonce une hausse de la T.V.A., en la baptisant d'abord, fort maladroitement, "T.V.A.sociale", puis, dans un deuxième temps, "T.V.A anti-délocalisation". Subterfuge grossier. Pour faire payer tout le monde de la même façon ("Impôt unique, impôt inique"), le président des français n'hésite pas à user de termes qui devraient séduire les masses : la T.V.A sera "sociale" ; "voyez, comme je suis du côté du peuple, je lutte contre les délocalisations". Sauf que tout cela est un mensonge, comme presque toutes ses promesses et réalisations d'ailleurs.

Je m'amuse quand on me parle du risque de délocalisation des grandes fortunes. D'abord, elles sont déjà, pour la plus grande part, à l'abri dans des paradis fiscaux, sinon on n'évoquerait pas de manière répétée la nécessité d'amnisties fiscales pour les faire revenir au terroir ! Ensuite, je m'étonne beaucoup quand on parle de garder ces fortunes chez nous (ou de les faire revenir à coup d'amnistie fiscale) ... car cela ne garantit en rien que ces capitaux conservés ou rapatriés vont servir à créer des entreprises et de l'emploi chez nous. Or, n’est-ce pas l’enjeu ? Un capitaliste cherche aujourd'hui le plus grand profit partout dans le monde. Même localisé ici, cela ne l'empêchera pas d'investir ailleurs et vraisemblablement il paiera alors des impôts (le moins possible) là où il a investi, mais pas du tout ici. Tout ce discours est donc du vent.

Il en est de même quand on parle des revenus. Il ne suffit pas d’être résident d’un pays où la fiscalité est basse pour voir tous ses revenus soumis à ce régime favorable, surtout quand l’origine des revenus n’est pas que nationale. Les conventions internationales en effet situent généralement le lieu de l’imposition des revenus d’activités professionnelles là où l’activité est exercée. Il en est particulièrement ainsi des artistes et des sportifs (même lorsque leur rémunération ne leur est pas versée directement, mais passe par un tiers) (art. 17 Conv. Modèle O.C.D.E.). Johnny Halliday l’a appris, à ses dépens ; lorsqu’il a manifesté, sous un prétexte fallacieux, l'intention de s’établir en Belgique. Dès lors, évoquer un exode des artistes et des sportifs, comme l’a fait le secrétaire d’Etat David Douillet, témoigne d’une parfaite méconnaissance de ce dont il parle.

http://tempsreel.nouvelobs.com/election-presidentielle-2012/20120301.OBS2676/l-imposition-a-75-voulue-par-hollande-va-tuer-le-sport-francais.html

J'en conviens, il sera plus difficile pour les clubs de foot français d'engager des joueurs étrangers, devant, dès lors, se contenter du seul contingent des joueurs véritablement français. Que le foot sombre alors ne me gêne en rien. Cela me réjouit plutôt. Et qu'en pense Marine le Pen ?

Quand l'U.M.P. fait des comparaisons avec l'étranger, c'est généralement risible. Les chiffres ne correspondent à rien. Nicolas Sarkozy et Nadine Morano sont les champions pour balancer des chiffres non étayés, manipulés et qui ne résistent pas longtemps à l'analyse. Se rendent-ils compte qu'ils se ridiculisent et qu'ils donnent à leurs potentiels électeurs le sentiment d'être pris pour des c...

Il faudrait, pour être crédible, d'abord, comparer les taux moyens d'imposition, ou le rapport au P.I.B., et, ensuite, vérifier que les  revenus servant de base taxable sont bien les mêmes dans chaque pays. Ce n’est absolument pas le cas si on compare la France et la Belgique, par exemple.

Voici une belle illustration quant aux taux :


Mais je voudrais m'arrêter un instant à l'argument consistant à dire qu'au delà d'un certain niveau l'impôt devient confiscatoire et constitue une atteinte au droit de propriété.

D'abord, l'impôt est toujours une atteinte à la propriété individuelle. C'est la raison pour laquelle la Constitution définit, dans nos sociétés modernes, un cadre précis : d'abord, il ne peut y avoir d'impôt sans le consentement du Parlement composé des élus du peuple (on l'oublie parfois peut-être) ; ensuite, les lois d'impôt doivent assurer une égalité de tous devant l'impôt. Cela semble évident quand il s'agit de deux personnes dans la même situation. Il est naturellement plus compliqué d'assurer cette égalité fondamentale quand il s'agit de personnes se trouvant dans des situations différentes, voire très différentes. On en revient à la flat tax, qui est un mythe, d'autant que nos systèmes fiscaux sont complexes et comportent une multitude de taxes et impôts divers.

Ensuite, je voudrais évoquer un contentieux belge, dont nos amis français n'ont bien sûr pas connaissance. Il concerne les droits de succession. La Région wallonne a, un jour, introduit un taux marginal de 90 % (!) sur la tranche la plus élevée des successions (hors liens familiaux). Un avocat a plaidé, devant la Cour constitutionnelle, le caractère confiscatoire de cet impôt. La Cour a annulé la disposition contestée, mais sur une autre base : imaginons quelqu'un qui souhaite léguer sa fortune à un étranger à sa famille, peut-être d'ailleurs parce qu'il n'a pas de famille, mais il veut avoir l'assurance que ses biens reviendront bien à son légataire. Avec un taux d'impôt de 90 % sur la part nette de la succession excédant 175.000 euros, il y a un risque que le légataire doive renoncer à la succession ou vendre les biens légués pour pouvoir payer les droits de succession. Le testateur risque ainsi d'être privé du droit de disposer de ses biens comme il l'entend.  C’est pour cette raison que la Cour d’arbitrage a annulé le décret prévoyant le taux de 90 %, et non parce qu’il serait confiscatoire (Cour d'arbitrage, arrêt n° 107 du 22 juin 2005).

Le plus surréaliste est que l’annulation du décret prévoyant le taux de 90 % a rendu à nouveau applicable le taux ancien de 80 %, qui, au vu des motifs invoqués par la Cour, ne me paraît pas moins sujet à caution …

2 commentaires:

  1. de Aymerci : C'est 75% all inclusive? (cotisations sociales comprises?)

    Parce que si c'est le cas, les salariés belges n'en sont pas tellement éloignés ;-).

    Il faut reconnaître à la France qu'elle a une fiscalité beaucoup plus progressive qu'en Belgique. En Belgique, tu es à 45% dès 20000 EUR alors qu'en France, le tarif est toujours de 14% pour le même montant...

    Maintenant c'est tout de même assez démago car justement, cela ne va rien ou quasi rien rapporter et les joueurs de foot vont échapper à ce taux, je le sens venir :-).

    Mais c'est un très long débat...

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  2. @Aymeric : tu as tout à fait raison sur la meilleure progressivité du tarif français et sur la question des cotisations sociales

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