Les lectures de ce dimanche me confrontent à une contradiction.
La première lecture comporte une phrase à mon avis essentielle : " S'il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir " (Jos, 24, 15).
L'évangile (Jn, 6, 60-69), se situe, lui, à la fin du long discours sur le pain de vie dans l'évangile de Jean, et fait écho au récit de Josué : " Et vous, ne voulez-vous pas partir ?" (Jn, 6, 67). Vient ensuite la réponse de Pierre : " Seigneur à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle " (Jn , 6, 68). Et puis cette réponse de Jésus : " N'est-ce pas moi qui vous ai choisis ? " (Jn, 6, 69).
Dans la relation à Dieu, tout relève donc d'un choix. Mais qui choisit et qui est choisi ?
Selon Josué, le choix nous appartient. Il y a pour l'homme une liberté de mettre Dieu au centre de sa vie ou de poursuivre d'autres idoles, car tel était bien le contexte de l'époque : construire sa vie sur des idoles ou donner la préférence au Dieu unique d'Israël. Les hébreux n'ont sans doute pas inventé le monothéisme, les égyptiens les ont précédés avec le culte du dieu solaire Aton. On peut même penser que le peuple hébreu a trouvé là son inspiration. Il a fait toutefois de ce Dieu unique le ciment de son identité. Pourquoi pas la nôtre ?
Le contexte actuel est-il si différent de celui de l'époque de Josué ?
Il y aura toujours des idoles et une alternative aux idoles. Et des hommes qui choisissent les idoles tandis que d'autres choisissent l'alternative à celles-ci.
Soyons plus concret. Il est assez commode de définir les idoles, ce sont toujours les mêmes depuis que le monde existe : le désir d'avoir toujours plus, le désir de dominer (la terre et les autres) et le désir d'être rassuré. Cela correspond aux trois tentations de Jésus au désert, selon l'évangile de Mathieu (Mt, 4, 1, 11). Je t'offre tous les royaumes du monde (Mt, 4, 8) (la possession). Si tu te jettes dans le vide, je te permettrai de dominer les lois de la nature (Mt, 4, 5-7) (le pouvoir). Ne te tracasse pas, si tu as faim, je te donne le pouvoir de changer les pierres en pain (Mt, 4, 3-4) (la sécurité). Pour obtenir cela, on sacrifie aisément aux idoles. Tout se résume à cela. Les moyens pour y parvenir par contre sont multiples. Et ces moyens ne sont pas toujours dépourvus d'ambiguité.
Il est moins commode de définir l'alternative aux idoles. Qui est donc ce Dieu unique proposé comme alternative ?
L'évangile de Jean nous apporte-t-il une réponse ?
Remarquons d'abord que Jésus ne renie pas Josué : et vous que voulez-vous ? A vous de choisir : partir ou rester. Jésus ne retient pas ses disciples, troublés par son discours, même les plus proches, quitte à se retrouver seul. Rien sans notre choix, sans notre libre arbitre. La religion, la relation à Dieu, n'a donc rien à voir avec une habitude sociologique ou personnelle dont on a finalement oublié les raisons, et encore moins avec une quelconque soumission. Elle nécessite un choix. Relevons que le Coran ne dit pas autre chose : "nulle contrainte en religion " (Sourate, 2, 256), même si les agissements de certains fous de Dieu contredisent jour après jour cette parole divine.
Rappelons qu'il s'agit de choisir l'alternative aux idoles. La réponse de Pierre à Jésus mérite d'être creusée.
" Seigneur, à qui irions-nous ? " (Jn, 6, 68).
Je ne sais où aller, donc je reste. Je reste, mais par défaut, jusqu'à ce qu'un autre que toi me paraisse plus crédible.
Mais Pierre ajoute : " Tu as les paroles de la vie éternelle " (Jn, 6, 68).
Pierre donne une réponse : auprès de Jésus, il a entendu une parole et il est touché par cette parole au point de se sentir plus vivant, à un point tel qu'il parle de vie éternelle.
Pierre n'est pas le seul à témoigner de la force vivifiante de cette parole. De nombreux témoins après lui, et jusqu'à aujourd'hui, n'ont cessé de dire à quel point cette parole a transformé leur vie. Cette parole qui est pain de vie et source d'eau vive.
Au bout du choix individuel, non sans embûche, non sans doute, on entend finalement Jésus dire : tu ne le savais pas, je ne voulais même pas que tu le saches, mais je t'avais "choisi". Ton choix rejoint mon choix.
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