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vendredi 24 août 2012

La convoitise

De plus en plus souvent, mes rencontres, ma propre vie même, donnent corps, de manière très concrète, à des états, des émotions, des sentiments qui parfois étaient restés, pour moi, à l'état de concepts un peu lointains.

Ainsi, en est-il de la convoitise.

La convoitise peut s'exercer à l'égard d'un objet. Elle désigne alors le désir de posséder et de jouir d'une chose qui, le plus souvent, appartient à autrui ou est plus ou moins interdite.

Elle peut aussi s'exercer à l'égard d'une personne. Souvent, elle exprime un fort désir sexuel (la concupiscence). Mais pas seulement, me semble-t-il. On peut aussi désirer posséder et jouir d'une personne bien au-delà du désir sexuel.

C'est à cette deuxième catégorie de convoitise que je viens d'être récemment confronté, étant non le sujet convoitant, mais l'objet convoité !

Dans la convoitise exercée à l'égard d'un autre, peuvent se mêler aussi bien le désir ou la frustration sexuelles qu'une quête d'un amour idéalisé, jamais obtenu. Je convoite l'autre parce que je pense, ou j'ai décidé, qu'il est le seul à pouvoir m'offrir cet amour total auquel j'aspire.

Tous les moyens peuvent être bons pour arriver alors à ses fins. En ce compris l'admiration inconditionnelle, la générosité et la prévenance.

Je me suis ainsi entendu dire : " Si tu m'offres ton amour tu n'auras plus aucun souci matériel, ni toi, ni tes enfants ; tu ne connaîtras plus la solitude, quelqu'un sera toujours là pour veiller sur toi ... mais tu dois m'offrir tout ton amour, pas seulement ton amitié ". Comme ce n'est pas du tout comme cela que je conçois ma vie future, cela n'a pas été trop difficile de tenir bon. Ces paroles me glacent cependant. Elles ressemblent tellement aux tentations de Jésus au désert (Mt, 4, 1-11) : prosterne-toi à mes pieds, tu auras tout ce que tu veux et moi j'aurai ce que je veux.

André Wenin écrit ceci : " Qu'est-ce que la convoitise et en quoi mène-t-elle ainsi à la mort ? ... Pour qui se laisse guider par la seule envie, la volonté d'accaparer, d'avoir toujours plus,  l'autre ne peut occuper que trois positions : il est une chose à prendre, un moyen à utiliser pour arriver à ses fins ou un rival à écarter ou à éliminer. Si quelqu'un assigne à l'autre l'une de ses places, il lui dénie par le fait même une place de sujet et de partenaire. Comment alors peut-il construire avec lui une relation positive, humanisante et épanouissante ? " (A. Wenin, L'homme biblique, Cerf, 2004, p. 140).

Oui, une telle attitude ne peut déboucher sur rien. Pire, elle risque d'être source de souffrances et de frustration pour celui qui convoite, s'il n'obtient pas la satisfaction de son désir. N'a-t-il pas tout fait pour obtenir ce qu'il veut ? Jusqu'à promettre à l'autre le bonheur. Il risque bien alors de nourrir une image très négative de lui. Pourquoi l'autre ne veut-il pas de son amour ? Et, pour l'autre, il y a un regret de voir le premier souffrir. Sachons simplement que la souffrance de celui qui convoite vient de lui seul.

Voilà encore une belle occasion de revenir à la Bible, aux péchés originels de la Genèse, ceux-là que Dieu a voulu éviter à son peuple en concluant une alliance fondamentale avec Abraham.

Je m'en tiendrai au récit de Caïn et Abel (Gen, 4, 1-16), le premier homicide de l'humanité. L'histoire est  bien connue : les deux frères offrent tous les deux à Dieu un sacrifice, Caïn qui cultive la terre offre les prémisses de sa récolte, Abel, qui est berger, offre un agneau premier-né. L'offrande d'Abel sera accueillie par Dieu, celle de Caïn pas. D'où la jalousie de Caïn qui le conduira au meurtre de son frère. Vous-êtes vous déjà demandé pourquoi ? Dieu préférait-il Abel ? Absolument pas. Simplement, les deux frères n'étaient pas dans le même état d'esprit. Abel faisait son sacrifice sans rien attendre en retour. Caïn était dans l'attente d'une réponse à son offrande, il attendait les faveurs de Dieu et il était sûr de les obtenir. Il n'offrait pas par amour, mais pour être reconnu et aimé. Il pensait pouvoir posséder Dieu en l'amadouant, tandis qu'Abel était dans la pure gratuité, la seule qui convienne à l'amour. Toujours la convoitise, le désir de posséder.

Souvent, nous sommes comme Caïn et avec Dieu et avec les hommes.






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